The Project Gutenberg EBook of Le petit-neveu de Gr�court ou �trennes gaillardes, by Anonymous This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org/license Title: Le petit-neveu de Gr�court ou �trennes gaillardes Recueil de Contes en vers, r�imprim�s sur l'�dition de 1782 Author: Anonymous Editor: Isidore Liseux Release Date: December 10, 2019 [EBook #60896] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PETIT-NEVEU DE GR�COURT *** Produced by Ren� Galluvot (from images generously made available by The Internet Archive/Canadian Libraries) LE PETIT-NEVEU DE GR�COURT OU �trennes Gaillardes Recueil de Contes en vers, r�imprim� sur l'�dition de 1782. [Marque d'imprimeur: SCIENTIA DUCE I L] PARIS Isidore LISEUX, �diteur Quai Malaquais, n� 5 1883 _Tir� � cent cinquante exemplaires num�rot�s_ _N� 10_ AVIS DE L'�DITEUR On ne s'attend pas � de longues recherches bibliographiques sur ce l�ger recueil de gaiet�s: ce serait faire trop d'honneur � un petit vagabond, sans feu ni lieu, et sans histoire. Tout ce que nous en savons, c'est que d'abord mis au monde, en 1781 ou 1782, sous le titre de _PETIT-NEVEU DE GR�COURT... � Gibraltar, chez les Moines_, il a �t� vite adopt� par Cazin, qui en a donn� deux �ditions, avec un titre nouveau: _�TRENNES GAILLARDES, d�di�es � ma comm�re... � Lampsaque, de l'imprimerie du Dieu des Jardins_, 1782 et 1784. Voil� donc, � bien compter, trois �ditions, lesquelles doivent se valoir, vu le m�rite � peu pr�s �gal des imprimeurs: le Dieu des Jardins, au XVIIIe si�cle, n'avait s�rement pas de plus dignes �mules que les Moines, de Gibraltar ou d'ailleurs. Maintenant, qui a compos� ce volume? Un homme de go�t, �videmment. On a pens� que ce pouvait bien �tre F�lix Nogaret, � cause des initiales Y X, dont signe l'�diteur; mais ce n'est l�, qu'une supposition fort aventur�e. Nogaret avait le bonheur de poss�der un X dans son pr�nom: d'accord; mais tous les anonymes n'ont-ils pas le m�me droit � l'X? Et quant au go�t de F�lix Nogaret, qui passe avec plus de raison pour avoir fait les insipides huitains de l'_Ar�tin Fran�ais_, n'est-il pas trop douteux pour justifier l'attribution? La chose, en somme, est de minime importance. Quel que soit l'Amateur qui a recueilli ces bluettes, acceptons-les pour elles-m�mes et ne leur demandons pas plus qu'elles ne peuvent tenir. Elles ont �t� glan�es un peu partout: cependant, la majeure partie n'en est gu�re connue; elles sont lestes, court-v�tues, provocantes, et si elles donnent au Lecteur une heure ou deux d'amusement, nous aurions grand tort de regretter les quelques feuilles de joli papier que nous avons sacrifi�es pour cette modeste �dition. I. L. Paris, le 20 Juillet 1883. A MA COMM�RE Ce n'est pas une �p�tre d�dicatoire que je vous adresse, c'est une simple Lettre que je vous �cris; n'y cherchez donc ni tournures d�licates, ni p�riphrases ing�nieuses, ni tout ce qui sent l'Auteur. Je ne le suis pas, Dieu merci: je ne suis qu'un �diteur gai et gaillard; j'ai consacr� quinze ou vingt jours, plus ou moins, � rassembler des Contes joyeux, pour vous rendre une fois le plaisir que vous m'avez donn� mille. De toutes les Francomtoises qui embellissent et r�cr�ent la Capitale, vous �tes sans contredit la plus aimable: votre taille est svelte, vos yeux sont noirs et vifs, vos genoux charnus et ronds, vos mains potel�es, vos joues par�es des plus belles couleurs; enfin vous �tes � trente ans ce qu'une autre femme est � vingt. Vous croyez peut-�tre, ma ch�re Comm�re, que ma franchise ordinaire a fait place au ton complimenteur, d�trompez-vous: tel je suis en parlant, tel en �crivant, et je vais vous r�p�ter ce que je vous ai dit vingt fois sans que votre amour-propre en ait paru bless�, tant vous �tes modeste! Votre sein n'est ni plus ferme, ni plus rond qu'un autre, votre petit pied fait mentir le proverbe; mais ces l�g�res imperfections servent d'ombres au tableau: vous n'en �tes pas moins ch�re � tous ceux qui vous connoissent, on ne parle de vous qu'avec feu, et je sais bien pourquoi: c'est que dans un si�cle o� chacun vante beaucoup l'humanit�, vous �tes humaine autant qu'on peut l'�tre. Avec quel d�sint�ressement ne venez-vous pas au secours d'une foule d'Amateurs! votre main s'ouvre pour les uns, et votre coeur pour les autres. Vous savez que la faiblesse humaine et vos charmes changent une offrande libre en un imp�t forc�, et malgr� cela, vous ne ran�onnez personne. Le pauvre Abb� Piquet, le petit Vicaire de notre Paroisse, et le P�re Briffard, que j'ai rencontr�s ce matin, me le disaient encore; tel G�om�tre le d�montre, et tel Musicien le chante � qui veut l'entendre. Si tous ces Messieurs publient votre g�n�rosit� sur les toits, puis-je faire moins que de l'�lever jusqu'aux nues, moi que vous avez distingu� dans la foule, moi � qui vous avez accord� tant de faveurs piquantes pour le seul plaisir de m'en accorder, moi enfin � qui vous avez avou� en rougissant que j'avais fait votre conqu�te? Je serais le plus ingrat des hommes, ma Comm�re, si je ne continuais pas � vous voir sur le m�me pied, surtout lorsque mes facult�s et votre mani�re d'agir � mon �gard s'accordent si bien ensemble. Cependant il ne sera pas dit que je ne cherche pas � m'acquitter envers vous; je sais que vous aimez la belle litt�rature, je vous ai surprise plus d'une fois le _Moyen de parvenir_ � la main, et je me suis m�me aper�u que, dou�e d'une imagination tr�s vive, vous vous trouvez, � la suite de vos lectures, dans des dispositions qui tournent � bien pour vous, et � mal pour moi; mais duss�-je risquer de nouvelles fatigues, je vous offre ce petit Recueil, en vous priant de le lire, de le recommander � vos amis, et surtout de l'envoyer � Besan�on. Sur ce, ma Comm�re, je vous baise les mains. Ne soyez pas �tonn�e que je ne vous fasse aujourd'hui ma cour que par �crit: notre derni�re entrevue m'a mis pour quelque temps hors d'�tat de vous la faire autrement; ce qui n'emp�che pas que mon amour ne r�ponde au v�tre. Votre Comp�re, Y. X. ***. LE Petit-Neveu de Gr�court OU �trennes Gaillardes LA FEMME SANS CHOSE Le trait suivant, Lecteur, est d'assez bon aloi: Je le tiens de Monsieur G�ronte, Lequel me l'a donn� pour une histoire, et moi Je vous le donne pour un Conte: Car il faut, tant qu'on peut, �tre de bonne foi. C'est tout pr�s de Paris que se passe la sc�ne. Un Grenadier (La Rose �toit son nom) Jeune, bien fait, bon compagnon, �tant en semestre � Sur�ne, De Th�r�se un beau jour lorgna le pied mignon. �Corbleu!� dit-il, �la bonne aubaine! �Qui pourroit l'attirer � soi �Auroit un vrai morceau de Roi, �Ou tout au moins de Capitaine.� Il aborde � l'instant Th�r�se sans fa�on, D'un air joyeux lui conte sa fleurette Et lui porte la main au-dessous du menton. Son geste, son habit, son ton Plurent beaucoup � la fillette: Bref, quelques jours apr�s la retrouvant seulette, Dans le fond d'une grange � sa d�votion, Il ne put r�sister � la tentation, Et l'affaire fut bient�t faite. N'en parlons plus; ajoutons seulement Que depuis cet heureux moment, Th�r�se et son ami, tous les jours en cachette, Alloient au m�me lieu se rendre exactement. Th�r�se y vint un soir, elle �toit inqui�te Et paraissoit r�ver profond�ment. En regardant La Rose, elle reste muette. �Qu'as-tu,� lui dit-il, �mon enfant, �Et qui peut te causer une peine secr�te? �Ne cache rien � ton Amant, �Parle.� Th�r�se enfin parla na�vement: --�On me dit que je suis gentille; �Mais la serai-je encor longtemps? �Vienne Saint-Nicolas, j'aurai mes vingt-deux ans, �Et je ne veux pas mourir fille. �Je sais que le Meunier du village voisin �A mon p�re en secret a demand� ma main; �Et mon p�re a dit oui: suffit que j'y consente, �J'�pouserai Colas pas plus tard que demain �Conseille-moi!--Colas, parbleu! c'est mon cousin,� Reprit le Grenadier, �car sa m�re est ma tante; �Ce gar�on l� n'est pas malin, �Mais il a malgr� �a quelque chose qui tente; �C'est deux cents bons �cus de rente: �Si je les avois, je... Mais puisque je n'ai rien, ��pouse-le, tu feras bien. �J'exige seulement...--Quoi?--Tu sais bien, ma ch�re, �Que je dois te quitter dans vingt jours au plus tard; �Avant le temps fix� pour mon d�part �La noce, dis-tu, peut se faire. �En ce cas je pr�tends � ton ben�t d'�poux �De ses droits conjugaux interdire l'usage: �Si donc il t'invitait � des �bats trop doux, �D�s la premi�re nuit brusque le personnage, �Dusses-tu le mettre en courroux. �Quand je serai parti, je lui donne carri�re; �Mais jusque-l�, Madame la Meuni�re, �De Monsieur le Meunier je serois trop jaloux. �--Comment? tu veux que, sans d�fense, �D�s la premi�re nuit, seulette entre deux draps, �Avec un homme...? Allons, tu te moques, je pense. �Qui pourroit se tirer d'un pareil embarras? �J'aurois beau faire la mutine, �Beau me f�cher, beau le gronder, �Colas croiroit que je badine; �Il seroit le plus fort, il faudroit bien c�der. �--D'accord, mais si je peux par un bon stratag�me �Lui fermer ce qu'il croit ouvert?... �--Pour te prouver combien je t'aime, �Je consens volontiers � le prendre sans vert. �--Eh bien! avertis-moi la veille de la noce, �Et nous agirons de concert, �Afin que, comme un sot, il donne dans la bosse.� A point nomm� La Rose est averti: Imaginez un peu ce qu'il fit � Th�r�se. (Vous avez vu qu'� tout la belle a consenti Pour emp�cher que Colas ne la baise). Il colle artistement sur un certain endroit, Que point ne veux nommer, que pourtant on devine, Une peau de mouton douce, fra�che et tr�s fine. Le pli le plus l�ger, il l'efface du doigt, Et partout, ainsi qu'on le croit. Appliquant une main experte et libertine, Il fait si bien qu'on n'aper�oit Ni le creux du vallon, ni le duvet qui cro�t Sur le penchant de la colline. Ceci peut sembler fort, mais un amant adroit Ex�cute ais�ment tout ce qu'il imagine, Mieux encor qu'on ne le con�oit. Et puis, ami Lecteur, un peu de complaisance; Pr�tez-vous � l'illusion, Et vous croirez qu'apr�s cette op�ration Th�r�se n'en eut plus... du moins en apparence. Au fait. Le lendemain elle �pouse Colas: En sortant de l'�glise on vint faire bombance, On but du petit vin, on servit de grands plats; Mais parlons du souper, lequel suivit la danse: Le souper d'une noce est le meilleur repas. Le mari�, droit comme un �chalas, D'aller se mettre au lit br�loit d'impatience. La Rose, riant aux �clats, Par des couplets gaillards �gayoit l'assistance, S'approchoit de Colas, et lui disoit tout bas: �Cousin, tu m'as bien l'air d'un croqueur de pucelles; �Gageons que cette nuit tu ne dormiras pas: �La mari�e est des plus belles; �Demain, les yeux battus et les membres bien las, �Tu nous en diras des nouvelles.� Tout en parlant de bagatelles, On entendit sonner minuit: Lors au lit nuptial chaque �poux fut conduit, Et l'on �teignit les chandelles: On sait d�j� tout ce qui se passa. Colas, dont on se peint ais�ment la surprise, Pour f�ter sa comm�re en vain se tr�moussa, Tentant dix fois l'assaut, et dix fois l�chant prise. D'un jeu si d�plaisant enfin il se lassa, Et fut toute la nuit dans une horrible crise. Au point du jour, mon Jocrisse � grands pas Va chez le Grenadier en poussant des h�las! --�Si vous saviez, cousin La Rose, �Ma femme, elle n'a pas de...--Quoi? �--De... la... de...--Quoi donc?--Aidez-moi! �Eh bien! elle n'a pas... elle n'a pas de chose! �--Ah! parbleu, n'est-ce que cela? �On peut rem�dier � cet accident-l�; �Et je ne sais pourquoi tu t'inqui�tes: �Beaucoup de femmes n'en ont pas; �Mais je leur en fais, moi.--Comment, vous leur en faites! �--J'en fis un l'an dernier � celle de Lucas; �Tu pourrois m�me aller la trouver de ce pas, �Et par des questions secr�tes... �En observant surtout de lui parler bien bas, �Peut-�tre avoueroit-elle...--Ah! que je serois aise �Si vous pouviez ce soir en faire un � Th�r�se! �--Ce soir, le terme est un peu court; �Mais apporte au logis avant la fin du jour �Douze livres de crin, douze francs pour ma peine; �Pars demain, va passer huit jours chez ta marraine, �Imagine quelque d�tour �Afin de lui cacher le sujet qui t'am�ne: �Dis-lui que par malheur tu deviens un peu sourd, �Et qu'on t'a conseill� de voyager en plaine. �Sur le chose de ta Chr�tienne �Sois plus muet que la bouche d'un four, �Entends-tu bien, Colas?--Oh! qu'� cela ne tienne! �--C'est aujourd'hui lundi, je fixe ton retour �Au Mardi de l'autre semaine: �Ce jour-l� tu pourras sans g�ne �Faire un petit Colas.--Ah! Th�r�se, ah! mamour, �Mardi j'en aurai donc l'�trenne! �--Adieu, cousin.--Bonsoir.� Une heure apr�s Le crin est envoy�, les douze francs sont pr�ts; Et comme une franche p�core, Colas le lendemain partit avant l'aurore. Vous jugez bien que notre amant Sut mettre � profit son absence. A Th�r�se il fit un enfant, Puis il vendit le crin pour en avoir l'argent, Et riant du cousin docile � la d�fense, Il regagna son R�giment. Colas, au bout de la huitaine, Croyant avec raison l'ouverture certaine, Revient trouver sa femme en faisant les yeux doux, --�Couchons-nous,� lui dit-il, �ma reine.� Th�r�se au lit suit son �poux; L�, sans compliment il l'enga�ne. Le jeu fini, Colas visita son domaine; Et lorsqu'en tous les coins il eut pass� la main: --�Ouais!� s'�cria-t-il, �cousin, �Par ma foi, je vous garde une bonne semonce: �Vous m'avez demand� douze livres de crin, �Et je n'en trouve pas une once!� LA CROYANCE FOND�E Un jour que Madame dormoit, Monsieur f�toit sa Chambri�re; Celle-ci qui la danse aimoit, Remuoit fort bien la charni�re: Or la Coquine, toute fi�re, Lui dit: �Monsieur, sur votre foi, �Qui le fait mieux, Madame ou moi? �--C'est toi, Barbe, sans contredit. �--Saint Jean!� dit-elle, �je le croi; �Car tout le monde me le dit.� LA D�CLARATION MILITAIRE A MADAME *** Puisque vous m'avez dit souvent Que vous n'aimez pas la morale. On m'a fait un conte plaisant. Il faut que je vous en r�gale: Un Mousquetaire soupiroit Pour Fatime, beaut� s�v�re; Quel est celui qui me diroit Comment soupire un Mousquetaire? Depuis si longtemps un bruit court Que, dans le d�lai le plus court, Ces Messieurs font toujours l'affaire! Le pourquoi n'est plus un myst�re; Mars qui s'entend avec l'Amour Est exempt du pr�liminaire. Mon H�ros, qu'on nommoit Valcour, Et qui certe auroit eu vergogne D'en �tre � son troisi�me jour Sans finir la douce besogne, Pour la finir n'�pargna rien; Si, qu'� son deuxi�me entretien, Bien r�solu de passer outre, Il s'�cria: �Je voudrois bien, �Madame, vous...--Quoi donc?--Vous foutre.� Foutre est un mot tr�s ind�cent; Fatime se mit en col�re, Et dit:--�Monsieur le Militaire, �Vous �tes un impertinent. �--Un impertinent soit, ma ch�re; �J'en agis toujours rondement, �Et ne r�ponds au compliment �Que par trois mots: laissez-moi faire.� Entre ses bras il vous la prend. On devine que la Comm�re Se d�bat, ou bien fait semblant: Plus elle feint, plus il la serre. Bref, il la pousse vivement. Elle, tout en se d�battant, De tomber dans une berg�re; Lui d'avoir, en moins d'un instant Fait quatre ou cinq tours � Cyth�re. Mademoiselle, en se p�mant, De lui demander doucement S'il peut encore en faire autant? Et Monsieur, toujours plus galant, De ne pas rester en arri�re. Mon Lecteur, qui sait que souvent Le plus vigoureux assaillant Apr�s trois exploits tombe � terre, Ne doit pas trouver surprenant Qu'ayant fait six fois la carri�re, Sans prendre haleine seulement, Mon coquin, d'un air triomphant, Enfl� de sa valeur guerri�re, Dit � Fatime en la quittant: --�Pour foutre, vive un Mousquetaire!� Ni que Fatime souriant Prenne le parti de se taire; Car un Auteur qui n'est pas sot, Sur _foutre_ a donn� cette glose: Les Dames pardonnent le mot A celui qui fait bien la chose. LA R�PONSE SENS�E CONTE Ces jours pass�s, une Catin Dit � Pattu le M�decin: �Je vous paierai, co�te que co�te; �Tirez-moi d'un grand embarras; �Monsieur, vous avez vu des _cas_: �Les cas sont-ils barbus?--Sans doute. �--Pourquoi le mien ne l'est-il pas? �--En voici la raison, �coute,� Lui r�pond gravement Pattu; �Ne sais-tu pas un vieux Proverbe, �Qui dit qu'en un sentier battu �On ne vit jamais pousser d'herbe?� LA PLAINTE INJUSTE A la campagne, un jour qu'il faisoit beau, Gilet fut voir Madame du Martelle. Bien fut re�u dans l'antique Ch�teau: Pour le traiter, on mit tout par �cuelle; Mais il se plaint que la ronde femelle L'ait fait coucher aupr�s d'un grand Valet. Or de la Dame � tort se plaint Gilet: Mieux n'e�t choisi, si c'e�t �t� pour elle. BADINAGE IN-PROMPTU _En voyant la Statue de la Pucelle d'Orl�ans dans la place publique de cette Ville._ Passants, respectez celle Que vous voyez c�ans: C'est la seule pucelle Qui soit dans Orl�ans. LA BELLE ACCOMMODANTE L�on, pouss� d'humeur fol�tre, Regardoit � son aise un jour Les jambes plus blanches qu'alb�tre De Lise, objet de son amour. Tant�t il s'attache � la gauche, Tant�t la droite le d�bauche; �Je ne sais plus,� dit-il, �laquelle regarder; �Une �gale beaut� fait un combat entre elles. �--Ah!� dit Lise, �ami, sans tarder, �Mettez-vous entre deux, pour finir leurs querelles!� IN-PROMPTU Vous me priez toujours de vous faire des vers, Je vous l'ai dit vingt fois, Madame, en bonne prose: Je les ferois tout de travers; J'aime mieux vous faire autre chose. COUPLET Air: _La faridondaine, la faridondon._ Pendant six mois, notre voisin Crut sa femme hydropique; Mais en criant un beau matin: �Aye! aye! J'ai la colique,� Elle accoucha d'un gros gar�on, La faridondaine, la faridondon, Qui ressemble au pauvre mari, Biribi, A la fa�on de Barbari, Mon ami. BOUQUET A Mlle *** En ce jour que je dois f�ter, Je vous pr�sente ma personne; C'est le bouquet que je vous donne, Mais voudrez-vous bien le porter? LA RAGE D'AMOUR CONTE A Cupidon la jeune et belle Amynthe Malgr� l'hymen sacrifioit toujours; Son pauvre �poux toujours �toit en crainte Qu'elle ne f�t de nouvelles amours. Il ne pouvoit en siller la paupi�re; Veilles, soucis l'eurent t�t emport�. Lui mort, Amynthe, en pleine libert�, A son humeur donna belle carri�re; On en jasa; son Cur� crut devoir L'en avertir: �Vous vous perdez, Madame, �Changez de vie, ou c'est fait de votre �me! �--H�las! Monsieur, je voudrois le pouvoir,� Lui r�pondit la trop fringante veuve; �Mais plaignez-moi, tel est mon ascendant, �Que je ne puis avoir l'esprit content, �Si chaque mois je n'ai pratique neuve. �Cela me vient d'un accident fatal: �A quatorze ans d'un chien je fus mordue, �Chien enrag�. Pour pr�venir le mal, �L'avis commun fut qu'il me falloit nue �Plonger en mer. Nue on me d�pouilla. �Honteuse alors de me voir sans chemise, �Incontinent je portai la main l�... �O� vous savez, sans jamais l�cher prise. �On me plongea; mais qu'est-il arriv�? �C'est que mon corps, � pudeur trop funeste! �Partout ailleurs du mal fut pr�serv�, �Hors cet endroit o� la rage me reste.� LE PR�TENDU MALIN Jean recherchoit pour l'hym�n�e P�quette l'�merillonn�e; Chacun disoit � Jean: �P�quette a mauvais bruit, �Son honneur est un grand peut-�tre. �--Oh!� dit Jean, �la premi�re nuit �Je saurai bien le reconno�tre.� LA GAGEURE Deux Penaillons, voulant prendre un �bat Pour �gayer l'ennui du Monast�re, Gageoient un jour deux flacons de muscat A qui plut�t auroit dit son Br�viaire: Ce n'est du tout agir Chr�tiennement. Avant d'entrer en si plaisante lice, Nos deux Frocards se pr�t�rent serment De ne sauter un mot du saint Office. Le serment fait, les voil� donc en train De marmoter; quand l'un, gagnant la fin. Dit: �Je n'ai plus qu'un bout de paten�tre. �--Ah! malheureux, tu m'as fourb� vraiment, �Car je ne suis qu'au milieu,� r�pond l'autre, �Et j'ai pass� tout le commencement!� LE PAIEMENT D'AVANCE Dans Paris plus d'un Bourgeois, N'ayant ma�tresse ni femme, Pour un �cu tous les mois S'en va rafra�chir sa flamme. T�moin Monsieur Rogaton, Qui sait o� le b�t le blesse, Et de temps en temps, dit-on, C�de � l'humaine faiblesse. L'autre jour une dr�lesse L'aper�ut de son balcon, Et la voil� qui l'invite Par un _st, st_ redoubl�. Mon homme de monter vite Sit�t qu'il est appel�; Il entre; elle de lui dire: �Mon fils, sois le bienvenu; �C'est moi qu'on nomme Zelmire: �Ce nom, je crois, est connu. �Ici l'on trouve � sa guise, �Blancheur, fra�cheur, fermet�; �Ces trois mots sont ma devise. �Je suis en bonne sant�; �Dans mes bras tout Paris tombe; �J'ai la gorge de Dut� �Et les fesses de Colombe. �Viens t'asseoir � mon c�t� �Et mets-moi vite � l'�preuve; �Mais auparavant fais preuve �De ta g�n�rosit�. �--Dis-moi combien tu demandes? �--Combien? Six livres, mon cher, �Et douze si tu marchandes; �C'est un prix fait en hiver. Mons Rogaton sur la bouche Un gros baiser lui colla; Zelmire, d'un air farouche: --�Il faut mettre six francs l�, �Et sois s�r que sans cela �Je ne veux pas qu'on me touche. �D�p�chons, il se fait tard; �Six francs, ou bats en retraite.� Rogaton les lui d�part. La Comm�re, satisfaite, Ses charmes lors d�voila, En lui disant: �Me voil� �Comme le bon Dieu m'a faite. �--Ah! Ciel! je suis infect�! �Ici que n'ai-je apport� �De l'ambre ou de la civette? �Cache, cache tes attraits,� Dit l'autre, �je gagerois �Que tu n'as pas fait toilette. �Fi!--Si tu n'es pas content, �Tu peux regagner la porte. �--Eh bien! rends-moi vitement �Mes six francs, et que je sorte. �--Tes six francs? oh! doucement: �Je ne fais point de corv�e; �On ne rend jamais l'argent �Lorsque la toile est lev�e.� IN-PROMPTU _Chant� dans la maison de M. le Marquis de L***, � V***, le jour qu'on y pendit la Cr�maill�re._ Sur l'air: _La bonne aventure, � gu�._ Comme de vrais _sans souci_, Donnons-nous carri�re; Pr�s des Dames que voici, Libert� pl�ni�re! Surtout point d'Amant transi, Car rien ne doit pendre ici, Que la Cr�maill�re, � gu�, Que la Cr�maill�re! LA CALOMNIE FOUDROY�E �Oui, vous feriez en vain le d�licat, �Monsieur l'Abb�, je ne serois pas dupe; �Avouez, croyez-moi, que vous aimez la jupe. �Et sur ce point n'ayons plus d'altercat. �--Mais, Madame, jetez les yeux sur mon rabat... �--Toutes vos raisons sont frivoles... �--Vous �tes incr�dule et voulez un �clat? �Eh bien! retenez ces paroles: �Du cotillon je fais si peu d'�tat, �Que je donnerois cent pistoles �Pour que personne n'en port�t!� LA FENTE CONTE Orante avoit fait emplette D'un quarteau de vieux Rota; Sa chambri�re P�quette, Un beau matin le go�ta Et le trouva bon sans doute. Elle y revint: Jean l'aida. Verre � verre, goutte � goutte La feuillette se vida. Au bout d'une quarantaine Il advint que le Patron, Qui croit la feuillette pleine, Va pour en prendre l'�trenne. L'eut-il? Vous savez que non. Abus� dans son attente, D'abord il est stup�fait, Puis songeant que le vin tente Et se doutant du m�fait, Il appelle sa servante Et lui dit ce qu'elle sait. Pourtant elle s'�merveille: Jamais, jamais on n'a vu Une aventure pareille! --�Certe, qui l'auroit pr�vu?� R�pondit-elle � son ma�tre, �D'o� peut provenir cela? �Quelque fente aura peut-�tre �Caus� cet accident-l�; �Nous pourrons le reconno�tre.� Elle va prendre un flambeau. L'allume, vient, fait sa ronde: Rien ne manquoit au tonneau. --�Morgu�! le tour est nouveau; �Voyons par-dessous�, dit-elle. Au m�me instant la donzelle, En se baissant, met au jour Ce qui pla�t dans une belle, Morceau digne de l'amour. Et pour parler sans d�tour, Le parois de sa Chapelle Que couvroit un jupon court. --�C'est assez�, lui dit Orante, En lorgnant le d�fil�, �Viens que je bouche la fente �Par o� mon vin a coul�.� LE REPENTIR SINC�RE Avec la brune et la blonde Un Prieur B�n�dictin Prit tant d'�bats, qu'un matin Il gagna le mal immonde. Voyant son chose maigri, L'horreur du crime le frappe; �Fin,� dit-il, �qui m'y rattrape... �Avant que je sois gu�ri!� L'ARMURE DE V�NUS V�nus manioit pr�s de Mars Son casque, son glaive, ses dards, Armes de d�fense et d'attaque. Mais le Dieu lui cria soudain: �Belle, j'en ai sous ma casaque �De plus propres pour votre main.� A MA MAITRESSE _Qui, la veille en dinant chez moi, avait paru d�sirer un serin que j'avais._ Re�ois la cage et le serin charmant Dont tu louois hier l'agr�able ramage: Il en reste encore un � ton fid�le amant; Mais c'est � toi de lui donner la cage. _Les D�solations et les Consolations._ VAUDEVILLE Cloris avec un gros Seigneur, L'hiver dernier, perdit sa fleur; C'est ce qui la d�sole. Mais alors elle n'avoit rien, Et maintenant elle a du bien; C'est ce qui la console. Lise avoit Lindor pour amant, Sa m�re la met au Couvent; C'est ce qui la d�sole. Un Directeur qui vaut de l'or, Pr�s d'elle remplace Lindor; C'est ce qui la console. Lisimon est bien convaincu Que son voisin le fait cocu; C'est ce qui le d�sole. En secret le drille malin Rend la pareille � son voisin; C'est ce qui le console. �L�GIE Au diable soit la donzelle Qui, me prenant par la main, Me fit rebrousser chemin, Et me conduisit chez elle! Sot que je fus ce jour-l�! En arrivant dans sa chambre, Sur un lit parfum� d'ambre Ses charmes elle �tala. Las! j'en perdis la parole. Que faire? j'�tois vaincu: Jean Chouart joua son r�le; Barbe gagna son �cu, Moi, je gagnai la v�role. �PIGRAMME L'�pous�, la premi�re nuit, Rassuroit sa femme farouche. �Mordez-moi,� dit-il, �s'il vous cuit, �Voil� mon doigt en votre bouche.� Elle y consent, il s'escarmouche; Et quand il l'eut bien d�hous�e; �Or �a,� dit-il, �tendre Rouz�e, �Vous ai-je fait du mal ainsi? �--Ah donc!� r�pondit l'�pous�e. �Je ne vous ai pas mors aussi!� LE TRIOMPHE DE LA MAROTTE OU L'ESPRIT DE MES CONFR�RES CHANSON Sur l'air: _O reguingu�, � lon lan la._ Entre les diff�rents �tats Qui font vivre l'homme ici-bas, On ne d�m�le qu'altercas, Peines d'esprit, vains embarras: Chez le H�ros, chez le Pagnote, Tout n'est que sottise et marotte. La d�bauche pla�t au Rentier, Le faux point d'honneur au Guerrier, L'opulence entiche un Caissier, L'amour-propre le monde entier; Petits-Ma�tres, Gens de maltote, Chacun a son bien de marotte. Mais laissant au joug de leurs fers Tant de personnages divers, L'�glise fournit � mes vers De quoi blasonner ses travers; Le plus mince porte-calotte Donne prise � quelque marotte. Le Pape avec les Cardinaux, V�n�rables Grippeminauds, Pasteurs quelque peu larronneaux, Font voir en tondant leurs troupeaux, Malgr� les statuts de la rote, L'app�t du lucre pour marotte. Un �v�que d�ment rent�, Plein d'embonpoint et de sant�; Au s�jour de la volupt�, Dans une sainte oisivet�, Sur le duvet qui le dorlotte Laisse appercevoir sa marotte. J'aime un Chanoine fortun� Qui, dans son fauteuil cantonn�, Pr�m�dite apr�s d�jeuner L'assortiment de son d�ner, Et qui baptise d'Ostrogote La loi contraire � sa marotte. Abb�s charmants, petits collets, Pour qui la mitre a tant d'attraits, Aussi souples que des valets, En r�dant autour des Palais, J'opine ce qui vous balotte; Les grandeurs sont votre marotte. La gouvernante d'un Cur�, Sous un parentage ignor�, Prend en vain le ton mani�r�; Je dis au bon Pr�tre leurr�: L'amour entre vous et Javotte N'a-t-il point mis quelque marotte? Les Moines, par plus d'un endroit, M�ritent qu'on leur fasse droit; D'abord viennent ceux de Beno�t, Gens absolus, vrais pisse-froid; Craignez cette race d�vote, L'intol�rance est leur marotte. Un Bernardin au lansquenet Fouette la carte en prestolet, Hausse le temps, et d'un buffet Range les cristaux au parfait, Fredonne quelque air de gavotte: Telle est au juste sa marotte. Le C�lestin entre deux draps Couloit des jours sans embarras; Du Latin qu'il n'entendoit pas, Laissant l'usage aux Savantas, Il trouvoit dans une marmotte Le symbole de sa marotte. Un gros Carme � triple menton, Pr�lude fort bien sur le ton Propre � l'amoureuse chanson; Mais au lutrin c'est un oison: Il prouve en �corchant la note, Qu'un autre accord fait sa marotte. Voulez-vous au fond d'un cellier Go�ter de ce jus singulier Qui repose sur le chantier? Prenez pour guide un Cordelier; Bient�t en sifflant la linotte, Il d�masquera sa marotte. Le Capucin peu d�licat, N� pour choquer notre odorat, Tant�t z�l�, tant�t pied-plat, Emprunte la griffe du chat, Et des bribes qu'il escamotte, Dresse un troph�e � sa marotte. Pr�cheurs, Soccolants, Augustins, Petits et grands Observantins, Famille d'Archi-patelins, Vrais escrocs, adroits carabins, Orgueilleux au sein de la crotte, L'impudence est votre marotte. Hermaphrodites incertains, Moiti� Moines, moiti� mondains, Trinitaires, G�nov�fains, Antonistes, plats aigrefins, L'eau de senteur, la papillotte Manifestent votre marotte. Chartreux saintement d�soeuvr�s, Et vous rebondis Pr�montr�s, Cafards, on le sait, attitr�s, Au demeurant baudets jur�s, Ma Muse ombrageuse et capotte Ne voit goutte � votre marotte. Disciples du grand Loyola, Apr�s vous il faut dire, hol�! Quiconque franchit ce point-l�, Ne craint Charybde ni Scylla. Pascal, Auteur de haute note, A su frapper votre marotte. Fine fleur d'un sexe rus�, Tour � tour ch�ri, m�pris�, Tendres Nonnains, si j'ai glos� Sur le raz et sur le fris�, Vous m�ritez bien qu'on vous cote Dans les fastes de la marotte. H�riti�res du vain caquet De cet �loquent perroquet, Nagu�re chant� par Gresset, Je vais prononcer votre arr�t: Le babil et l'humeur bigote Sont votre �ternelle marotte. Indigne de former des noeuds, La coquette attise nos feux, La prude �vite leurs aveux, La volage reste entre deux; Tandis que la froide vieillotte Regrette en secret leur marotte. Pr�dicateur hors de saison, Quel fruit produira mon sermon? Du vent, rien plus. Jamais chanson Ne fit un Saint d'un Pantalon. Dans la liste que je fagotte, Moi-m�me j'ai double marotte. LES CINQ POINTS A MADEMOISELLE DE *** Fleur de quinze ans, si Dieu vous sauve et gard, J'ai en amours trouv� cinq points expr�s: Premi�rement, s'offre � vous le regard, Puis le parler, puis le baiser apr�s; L'attouchement le baiser suit de pr�s, Et tous ceux-l� tendent au dernier point, Lequel est...--Quoi?--Je ne le dirai point; Mais s'il vous pla�t en ma chambre vous rendre, Je me mettrai volontiers en pourpoint, Voire tout nud, pour vous le faire apprendre. L'UN POUR L'AUTRE CONTE Pr�s de s'unir � sa discr�te amie, Le bon Damis, chez elle, un beau matin, Sur un sopha la trouvant endormie, Osa risquer un geste libertin; Mais par malheur s'�veille la Donzelle, Et ses beaux yeux encore appesantis: �Mon cher Louis, ah! tu vaux trop,� dit-elle, (Louis �toit un valet du logis), �Toute la nuit, tu m'as prouv� ton z�le; �Le jour au moins, repose-toi, Louis.� LA PR�SENCE D'ESPRIT Martin menoit son cochon au march�, Avec Suzon, qui dans la plaine grande, Pria Martin de faire le p�ch� De l'un sur l'autre, et Martin lui demande: �Mais, qui tiendroit notre cochon, friande? �--Qui?� dit Suzon, �bon rem�de il y a.� Lors le cochon � sa jambe lia, Puis Martin grimpe, et lourdement enga�ne. Le porc eut peur, et Suzon s'�cria: �Serre, Martin! notre cochon m'entra�ne.� LA D�FENSE BIEN OBSERV�E �Quoi! maman me laisse seulette? �Pour moi j'en suis presque en courroux; �Il semble qu'expr�s avec vous �Je voulois rester t�te � t�te; �Mais non, Monsieur, n'en croyez rien; �Vraiment je vous le d�fends bien. �Pour favoriser le myst�re, �Ma porte est ferm�e aux verroux; �Ici, sans crainte des jaloux, �On pourroit jouir et se taire; �Mais non, Monsieur, n'en faites rien; �Vraiment je vous le d�fends bien. �Pr�t � rire de ma col�re, �Peut-�tre que mon n�glig�, �Mon mouchoir un peu d�rang�, �Vont vous rendre trop t�m�raire; �Mais non, Monsieur, qu'il n'en soit rien; �Vraiment je vous le d�fends bien. �Dans vos yeux je lis votre audace, �Vos regards d�vorent mon sein; �Vous allez y porter la main, �Votre bouche en prendra la place; �Mais non, Monsieur, n'en faites rien; �Vraiment je vous le d�fends bien. �Mais que vois-je? ma jarreti�re �Se d�fait et tombe � mes pieds; �Souffrir que vous la rattachiez! �Oh! pour cela je suis trop fi�re! �Non, non, Monsieur, n'en faites rien; �Vraiment je vous le d�fends bien.� Comprenant enfin la d�fense, Par degr� Damon s'enhardit, A la belle il d�sob�it, Pour prouver son ob�issance. Jusques au bout il fit si bien, Qu'on ne lui d�fendit plus rien. LE D�GEL Un jour d'hiver Robin, tout �perdu, Vint � Catin pr�senter sa requ�te, Pour d�geler son chose morfondu, Qui ne pouvoit quasi lever la t�te. Incontinent Catin fut toute pr�te; Robin aussi prend courage et s'accroche; On se remue, on se joue, on se hoche. Puis quand ce vint au naturel devoir, �Ah!� dit Catin, �le grand d�gel approche! �--Oui,� r�pond-il, �je sens qu'il va pleuvoir.� HISTOIRE V�RITABLE ET REMARQUABLE D'UN ABB� Qui avoit donn� un rendez-vous � une femme mari�e; le mari, instruit de ce rendez-vous, mit � sa chaste �pouse une ceinture fort usit�e en Italie. Air: _Tarare, pon, pon._ C'est approchant comm' �a, Vers Novembre Ou D�cembre, Que Flore me donna Un rendez-vous pour �a. En entrant dans sa chambre, Flore dit: �Ah! pour �a, �Ah! l'abb�, sent-on l'ambre �Comm' �a?� --�La Dulac[1] est comm' �a,� R�plique L'Abb� R'lique; �Mais son ambre a cela �De me rendre comm' �a. �--Abb�,� dit-elle, �unique, �L'on ne voit sonica, �Qu'un Eccl�siastique �Comm' �a. �Je ne suis pas comm' �a, �Si preste: �Malepeste! �Mon mari jaloux m'a �Mise en cage comm' �a; �La ceinture funeste �Que vous me voyez l�, �Vous interdit un geste �Comm' �a.� --�Je n'ai rien vu comm' �a; �Le tra�tre!� Dit le Pr�tre, �Ce chien de mari-l�! �G�ner un coeur comm' �a! �Sans que j'en sois le ma�tre. �Cette vue a d�j� �Fait que je cesse d'�tre �Comm' �a.� --�Une histoire comm' �a,� Dit la Belle, �Est nouvelle; �Quel tour plaisant c'est l�! �L'Abb�, j'en ris comm' �a.� L'abb�, riant comme elle, Fait ses adieux, s'en va, Laissant la Demoiselle Comm' �a. [1] Marchande renomm�e pour les odeurs et les parfums. L'EXP�DIENT FACILE Martin �toit dedans un bois taillis Avec Alix, qui, de tendre mani�re, Lui dit: �Martin, le long de ces palis, �Ta mie Alix d'amour te fait pri�re. �--Mais,� dit Martin, �si quelqu'un par derri�re �Nous surprenoit, ce seroit grand vergogne? �--Bon, bon! du cul vous ferez signe arri�re, �Passez chemin, laissez faire besogne.� ON FAIT CE QU'ON PEUT Blaise, dont jadis le cr�dit Voloit de Paris jusqu'au Gange, Est plus d�chu que l'on ne dit. Il s'endette du pain qu'il mange; Et Catin, pour gagner de quoi Mettre une chemise sur soi, Lui met des cornes sur la t�te: Voyez quelle diversit�! Pour chasser la n�cessit�, Blaise emprunte, et sa femme pr�te. LE QUIPROQUO OU COLIN-MAILLARD Un jour deux Capucins, l'un p�re et l'autre Fr�re, En regagnant Paris, passoient par Bagnolet; Les filles, ce jour-l�, pour f�ter Sainte Claire, S'�gayoient et dansoient au son du flageolet. �--Mes compagnes,� s'�cria Rose, �D'un excellent projet je veux vous faire part: �Voil� Fr�re Fran�ois, avec P�re Bernard; �Qu'on les fasse approcher, et puis qu'on leur propose �De jouer � Colin-Maillard; �Je gage mon sabot qu'ils acceptent la chose.� Rose savoit de bonne part Que jamais Capucins ne craignirent la glose. On les appela donc, et le couple gaillard Eut bient�t mis besace et b�ton � l'�cart. Ils tir�rent au sort, � ce que dit l'histoire; L'un �toit jeune, l'autre vieux, Et gr�ce � la bont� notoire De l'�tre pr�voyant qui fait tout pour le mieux, Le sort �chut au jeune, on lui banda les yeux. Vous le voyez d'ici tourner � l'aveuglette, Aller � droite, � gauche, � grands, � petits pas, Les deux jarrets tendus aussi bien que les bras, Et le corps en avant comme un Chasseur qui guette. Il avoit tant tourn� qu'enfin il �toit las, Quand par bonheur une fillette Vint le tirer par sa jaquette; C'�toit Rose, il la jette � bas; Et portant une main l�g�re A certain endroit d�fendu: �C'est vous!� dit-il, �R�v�rend P�re, �Votre barbe vous a vendu.� L'INOCULATION CONTE �La petite v�role est un mal, belle Agn�s, �Dont, pass� dix-huit ans, on ne gu�rit jamais,� Dit un jeune Esculape, �ou du moins, c'est bien rare; �Vous en avez quatorze; � mes soins fiez-vous, �Que d'un poison tra�tre et barbare �Je sauve avec vos jours des charmes aussi doux; �Souffrez enfin... que je vous inocule. �--Oh! vous me ferez mal.--Tr�s peu. �Vous verrez que ce n'est qu'un jeu; �Votre frayeur est ridicule. �--A demain.--Aujourd'hui.--Non, non--Soit, � demain.� Le lendemain, Agn�s toujours tremble et r�siste; Notre inoculateur, comme on le croit, persiste; Il fait l'insertion autre part que Tronchin. Agn�s crie, ensuite se pr�te A ses efforts. L'op�ration faite, --�Que n'allez-vous,� dit-elle, �votre train? �Vous n'auriez qu'� m'avoir manqu�e!� Il double, il triple, il cesse.--�Encore un autre grain, �Quand j'en devrois �tre marqu�e!� LA MUETTE CHANSON Air: _Je vous pr�terai mon manchon._ Dans un bosquet, pr�s de Lisette, Colin parloit de ses amours; La belle faisoit la muette, Par signe approuvant son discours. �Que dois-je,� dit-il, �penser de ce geste; �Si ton coeur ne me dit le reste? �Mais, Mamzelle Louison, r�pondez donc, �Dites oui ou non, �Comment trouvez-vous �a? �Suis-je bien l�? �Comment trouvez-vous �a?� Dans son silence elle s'obstine; Colin, pour la faire jaser, Sur la bouche de la mutine Prend et reprend un doux baiser. �Je sens,� dit-il, �qu'il augmente ma flamme; �Mon feu passe-t-il dans ton �me? �Mais, Mamzelle Louison, etc.� �Ma foi je n'y puis rien comprendre,� Dit-il, en d�couvrant son sein; �Quoi! faut-il, pour te faire entendre, �Promener l�-dessus ma main? �Je vois, je sens que mon �me est joyeuse; �Ah! tu n'es donc pas chatouilleuse? �Mais, Mamzelle Louison, etc.� Pas un mot, pas une parole. �Ma foi,� dit-il, �tu parleras; �Je suis press�, le temps s'envole.� Soudain il la prend dans ses bras. Puis avec elle il tombe sur l'herbette: �Eh bien! � qui tient-il, Lisette?... �Mais, Mamzelle Louison, etc.� Lise, d'un oeil mourant et tendre. De Colin imite l'ardeur; Et sans songer � se d�fendre Souffrit qu'il f�t trois fois vainqueur. �Eh bien!� dit-il, �sens-tu comme je t'aime, �A pr�sent m'aimes-tu de m�me? �Mais, Mamzelle Louison, etc.� --�Ah! fort bien!� lui r�pond Lisette, Laissant �chapper un soupir; �Le d�sir me rendoit muette, �Mais je parle, gr�ce au plaisir. �Ami, tu peux � pr�sent sans obstacle �M'interroger.--Ah, quel miracle! �Quoi! Mamzelle Louison, vous parlez donc? �Le tour est bon; �Vous parlerez demain �Avec Colin, �Vous parlerez demain.� L'OBSTACLE CONTE A quoi bon prodiguer les mots? Tous nos Conteurs, pour l'ordinaire, S'�puisent en avant-propos; N'en faisons point, allons droit � l'affaire. Un Jouvenceau taill� pour plaire, Apr�s avoir bien soupir�, Menti, promis et conjur� (C'est des amants le langage vulgaire), Parvint pr�s de sa belle au moment d�sir�: Il touchoit � son but, quand, par triste aventure, Sans pouvoir avancer d'un pas, Il se d�m�ne, il souffle, il sue, il jure; On peut, je crois jurer en pareil cas. Disons le fait: Dame Nature Avoit ferm� d'amour la gentille serrure, Si bien que la clef n'entroit pas. Certain barreau... mais on m'entend de reste; Qu'Amour, jeunes beaut�s, veuille vous pr�server D'un accident aussi funeste! Ainsi soit-il. Venons � notre Amant: Le d�sir de ses sens par l'obstacle s'enflamme. Il redouble d'efforts, mais inutilement; D'amour et de col�re il enrage en son �me: On peut se fourvoyer, quand on marche � t�ton. Son chalumeau, d�j� baissant d'un ton, Dans le sentier voisin... Arr�tons, et pour cause: Car ce sentier... ma foi, je n'ose Vous le nommer; mais je peux, sans qu'on glose, Dire que sa V�nus ne fut plus qu'un Giton. A ce nouvel assaut n'�tant point pr�par�e, En vain la belle _imperfor�e_ Lui crie: �Arr�tez donc, quel est votre dessein? �--Rien de plus simple que la chose,� R�pond le gars; �chez vous je trouve porte close: �J'�cris mon nom chez le voisin.� LE TRIBUT CONJUGAL La Marquise de Montuza �tant presque sexag�naire, Aimoit un jeune Mousquetaire Qui, pour ses �cus, l'�pousa. La premi�re nuit le comp�re Lui dit, en lui serrant la main: �Madame, en vertu de l'hymen �Ne puis-je pas, sans vous d�plaire...? �Vous m'entendez...--Oui mon poulet, �Fais tout ce que tu voudras faire...� Le Mousquetaire fit un pet. LE CONSEIL INUTILE �Madame, il se r�pand un bruit qui vous outrage: �Monsieur le Pr�sident, dit-on, �Sans respecter les noeuds du mariage, �Tous les jours en secret fait un petit Giton �Du Chevalier qui de votre maison �Occupe le troisi�me �tage. �Chassez donc, croyez-moi, ce vilain personnage, �Pour fermer la bouche aux railleurs, �Et surtout pour votre avantage: �Votre �poux ne doit pas aller r�pandre ailleurs �Un bien qui n'est qu'� votre usage. �--C'est bien dit: cependant si vous le trouvez bon, �Madame, vos conseils n'auront pas mon suffrage; �Vous ne connaissez pas le Chevalier Cl�on: �Ce bon ami, cet honn�te gar�on �Ne veut rien avoir � personne; �Il n'est pas tel qu'il vous paro�t, �Il me rend avec int�r�t �Ce que le Pr�sident lui donne.� LA CONFIDENCE �Babet, vous avez du chagrin? �--Oui vraiment, je suis d�sol�e. �--Et de quoi?--De ce que Martin �Cet hiver-ci m'a viol�e. �--Ciel...! contez-moi vite cela. �--Ah! Monsieur, c'�toit un Dimanche: J'avois mis, ce Dimanche-l�, Une jupe de Perse blanche; Martin me vit et m'appela. Le tra�tre �toit dans une grange, J'y fus sans trop savoir pourquoi. �Babet,� me dit-il, �sur ma foi, �Vous �tes belle comme un Ange!� Lors il me mena dans un coin, Et l� pr�s d'un grand tas de foin, De beaux compliments il me berce. Je riois: il me saute au cou, Me fait tomber � la renverse, Et puis prenant je ne sais o� Un... chose roide comme un clou: �L�ve,� me dit-il, �ou je perce!� Je levai ma jupe de Perse, De crainte qu'il n'y f�t un trou. LE CHAPELAIN CHANSON Sur l'Air: _Ne vl�-t-il pas que j'aime._ Il me falloit faire une fin Comme tout bon Ap�tre; Je suis devenu Chapelain, Ce poste en vaut un autre. Iris m'offroit � desservir Sa gentille Chapelle: Je n'ai jamais su qu'ob�ir Aux ordres d'une belle. Elle est au fond d'un bois couvert, Gard� par le myst�re; Son sanctuaire n'est ouvert Qu'� mon seul minist�re. Un double autel de marbre blanc Est de sa d�pendance; Mais ce b�n�fice important Oblige � r�sidence. Sans Vicaire, de jour, de nuit, Suivant les anciens rites, Je fais l'office � petit bruit Avec deux Acolytes. Quoi qu'en puissent dire les gens, M�me aux F�tes de Vierge, Dans ma Chapelle, en tous les temps, Je n'allume qu'un cierge. Gros Prieurs et brillants Pr�lats Tout engraiss�s d'offrande, Non, non, je ne troquerois pas Avec vous de Pr�bende. LE MARCHAND DE LOTO �TRENNES AUX DAMES A mon loto, soir et matin, Sous vos doigts un brillant destin Portera des boules heureuses; Ce que j'assure, je le sais: Si vous en �tes curieuses, Mesdames, faites-en l'essai A mon loto. Un peu de secours fait grand bien; Tant soit peu d'art ne nuit � rien, Il faut quelquefois s'en permettre; C'est mon avis; on ne sauroit Le d�daigner et se promettre Tout l'avantage qu'on auroit A mon loto. Jamais une joueuse habile Ne tint son sachet immobile: Il faut l'agiter prestement. Il faut que mollement press�e Entre ses doigts l�g�rement La boule ait �t� caress�e, A mon loto. Selon son go�t ou son talent, On a le tirer prompt ou lent: Il n'y faut aucune science, Ou s'il en faut, il en faut peu; Un quart d'heure d'exp�rience Suffit pour bien jouer le jeu, A mon loto. De celles qu'un ambe contente. Il se pla�t � tromper l'attente, Fi de l'ambe! il est trop commun. D'un terne la chance est mesquine; D'un terne? Oui, de deux jours l'un, Je puis vous r�pondre d'un quine, A mon loto. Au quaterne, par accident, S'il se r�duit en attendant, La perte est bient�t r�par�e. Le jour qui suit ce jour fatal, On peut compter sur la rentr�e De l'int�r�t du capital, A mon loto. Mais de la superbe machine Le pouvoir merveilleux d�cline De jour en jour; c'est son d�faut. Je vous en pr�viens, blonde, ou brune; Vous n'avez que le temps qu'il faut, Si vous voulez faire fortune A mon loto. Ma demeure est � Vaugirard, Tout vis-�-vis ma�tre Ab�lard, Qui montre aux enfants la musique: L'on se pourvoit, ou l'on souscrit. Sous mon enseigne magnifique, En lettres d'or, il est �crit: AU GRAND LOTO. LE LENDEMAIN DES NOCES FOLIE DIALOGU�E �Hier soir, ma ch�re maman, �Tout bas vous me f�tes entendre �Que la nuit je devois m'attendre �A passer un mauvais moment. �Tout en tremblant, pauvre innocente, �J'attendois cet instant fatal... �H�las! le bon Monsieur Chrysante �Ne m'a pas fait le moindre mal. �--Est-il vrai, ma fille?--Au contraire, �Il ne m'a fait que du plaisir. �Quand nous f�mes au lit: Ma ch�re, �Je puis t'embrasser � loisir, �Dit-il; aussit�t il me baise �Sur chaque joue... et m�me...--Eh bien, �Comment tu rougis, ma Th�r�se?... �Qu'a-t-il fait? ne me cache rien. �--Vous m'aviez, qu'il vous en souvienne, �D�fendu de rien refuser... �--Sans doute. Auroit-il?...--Sur la mienne �Sa bouche prit un doux baiser. �--Et puis?...--Il me dit � l'oreille: �Bonsoir, et s'endormit soudain. �--Ma pauvre enfant!... Et ce matin? �--Ah! plus tendre encor que la veille. �II me dit d'un air caressant: �Ma ch�re femme, je t'adore, �Et me le prouve en m'embrassant. �--Et puis?...--Puis il m'embrasse encore. �--Ensuite?--Du lit il descend, �Afin, dit-il, que je repose: �Peut-on �tre plus complaisant? �--Il ne t'a pas fait autre chose? �--Eh! non; c'est l'homme le plus doux: �Maman, vous lui faites injure... �Quoi! vous pleurez?... Mais je vous jure �Que je n'ai pas de mon �poux �Re�u la moindre �gratignure!� LE CONFESSEUR EXEMPLAIRE Au temps de P�que, aux pieds de P�re Jule, Se confessoit un jeune Garnement, Et des p�ch�s dont fait d�nombrement, Cil de Sodome honoroit la c�dule. --�Qu'ai-je entendu! Ciel! quel �garement �Que de p�cheurs aux infernales flammes, �Livr�s pour ce dont vous vous accusez! �D�faites-vous de ces amours inf�mes, �De notre sexe, � mon cher fils, n'usez, �Et, comme moi, ne voyez que des femmes.� L'ESPRIT FORT CONTE Aux pieds d'un Directeur, Clim�ne, un beau matin, Avec un repentir sinc�re, D�clara nettement que le petit Colin N'�toit pas le fils de son p�re. --�Halte l�!� dit le Confesseur, �Pour un _Confiteor_ vous n'en serez pas quitte; �Il en faut deux au moins, ce crime fait horreur. �Faut-il qu'injustement votre enfant d�sh�rite �Un l�gitime successeur? �Il faut, Madame, vous r�soudre �A confesser le fait � votre �poux, �Sans quoi je ne puis vous absoudre.� L'avouer ne se pouvoit pas. La voil� dans un embarras Qu'on ne peut exprimer, car enfin l'aventure �toit � dig�rer trop dure. Il fallut succomber, et, d'un mortel chagrin, Tomber dans une maladie Qui pensa lui co�ter la vie. Sur le rapport du M�decin, Son �poux connoissant que la m�lancolie Alloit couper la trame de ses jours, La pria d'en dire la cause. Elle veut l'en instruire, et jamais elle n'ose. --�Ose tout,� dit-il, �mes amours: �Rien ne me d�plaira, pourvu qu'on te gu�risse; �Quoi! faut-il qu'un secret te donne la jaunisse, �Et qu'une femme meure, � faute de parler? �Cela seroit nouveau.--Je vais tout r�v�ler, �Puisqu'aussi bien,� dit-elle, �un repos favorable �Doit terminer bient�t mon �tat d�plorable. �J'�tois � la maison des champs, �O� je faisois la m�nag�re, �Quand la voisine Alix, par des discours touchants, �Auxquels on ne r�siste gu�re, �Me prouva qu'avoir des enfants ��toit � vous chose impossible; �Me pr�na les malheurs de la st�rilit�, �Qui chez les Juifs passoit pour un d�faut terrible; �Puis dans un jour charmant me fit voir la beaut� �D'une heureuse f�condit�. �Je me rendis, h�las! � cette douce amorce, �Et Lucas, le Valet de notre M�tayer, �Avec moi se trouvant un jour dans le grenier, �Je me souvins d'Alix, et je manquai de force. �Il est, cela soit dit sans vous mettre en courroux, �A faire des enfants plus habile que vous. �Je lui parlai d'amour, il comprit mon langage, �Et sur un sac de bl�, sac funeste et maudit! �Faut-il en dire davantage? �De ce malheureux sac, notre Colin sortit. �A Lucas je donnai, je pense, �Quelques boisseaux de bl� pour toute r�compense. �Si je vous ai trahi, je meurs, pardonnez-moi; �A cela pr�s, toujours je vous gardai ma foi. �--N'est-ce pas de mon bl� que tu payas l'ouvrage?� Lui r�pondit Damis, nullement effray�. �Cet enfant est � moi, puisque je l'ai pay�; �Ne m'en parle pas davantage.� COUPLET Sur l'air de _Nina_. Apr�s avoir fourni trois fois L'amoureuse carri�re, Le pauvre Colin aux abois Ne pouvoit plus rien faire. Sa Ma�tresse, ainsi le voyant, S'�cria tout en pleurant: �Ah! quel tourment, �Quand l'instrument �Duquel le plaisir d�pend, �Pend!� �PIGRAMME Un jour Fanchon la Couturi�re Acheta d'un Fripier un lit pour vingt �cus; Elle a gagn�, dit-on, deux cents louis dessus: Ah! c'est une grande usuri�re! LE CAS D�CID� Un jeune Peintre au Prieur des Grands-Carmes Vint s'accuser d'un cas assez nouveau: �P�re, j'ai peint V�nus sortant de l'eau, �Ses bras, son cul, sa gorge et tous ses charmes. �D'abord j'en fus amoureux comme un fou; �Et, pour jouir un peu mieux qu'en peinture, �Je m'avisai...--De quoi?--De faire un trou �Dans ma D�esse, et par cette ouverture, �Un beau gar�on que je mis en posture, �M'introduisit, vous devinez bien o�. �Or, estimez la chose en conscience. �En tout ceci, mon principal dessein �Fut de jouir d'un objet f�minin: �Le p�ch� n'est de Rome ou de Florence. �--Mon cher enfant, je comprends votre cas,� Dit le Pater; �la plaisante folie! �Je vous absous, mais n'y retournez pas, �Car, dans le fond, c'est pure bougrerie.� LE FAUX JUPITER J'ai toujours craint les gens portant soutane; D'un saint habit couvrant un coeur profane, Que de bons tours ces Messieurs-l� nous font! S�duire Agn�s, planter cornes au front, Ce sont pour eux mis�res, peccadilles. O gens de bien ayant femmes ou filles! N'oubliez pas ce salutaire avis: Si par malheur entre en votre logis Homme d'�glise, ou Capucin, ou Pr�tre, Je vous le dis: chassez vite le tra�tre; Il vient chercher aventure pour lui, Ou bien peut-�tre intriguer pour autrui. D'un vilain nom ce dernier cas s'appelle; Mais � l'honneur la cafarde s�quelle A de tout temps pr�f�r� les �cus: Quoi qu'on propose � ces cr�nes tondus, En les payant on est s�r de leur z�le. Pour appuyer mon avis l�-dessus, Je veux vous dire une histoire assez belle Touchant Pauline et son ami Mundus. Pauline �toit une jeune Romaine, Veuve � vingt ans, et belle comme H�l�ne, Mais prude outr�e, avare de faveurs, Et de l'amour d�daignant les douceurs. De mille amants � toute heure entour�e, Elle aimoit bien � s'en voir ador�e, Mais rien de plus: �Non,� disoit-elle, �non, �Ne vantez point l'attrait imaginaire �D'un vain plaisir qui n'en a que le nom; �Faut-il des sens pour aimer et pour plaire? �Eh! laissons-les au stupide vulgaire. �Pour moi, j'exige un amour de raison, �Pur, d�gag� des noeuds de la mati�re, �Tel en un mot que le prescrit Platon. �Je n'aimerai jamais d'autre mani�re.� Tous ses amants jeunes, pleins de d�sirs, Peu satisfaits d'un amour sans plaisirs, De ses sermons bient�t se rebut�rent: L'un apr�s l'autre enfin ils la quitt�rent. Un seul resta, ce fut le beau Mundus, Bien fait, galant, et digne de sa flamme. Par des cadeaux, par des soins assidus, Il n'avoit pu toucher encor la Dame. Las de se plaindre, enfin le pauvre amant, Pour r�ussir, eut recours � la ruse: Tout galant homme en auroit fait autant, Et quant � moi, de bon coeur je l'excuse. Pauline �toit d�vote � Jupiter: D'une D�vote un Directeur est ma�tre; L'adroit Mundus en sut bien profiter. De Jupiter il gagne le Grand-Pr�tre, Et lui fait part de son tendre projet. Le Directeur, mis dans la confidence, Tr�s bien instruit, tr�s bien pay� d'avance, Court chez Pauline, et lui parle en secret. �A quel bonheur vous �tes r�serv�e! �Ma ch�re fille, ah! r�jouissez-vous: �Au rang des Dieux vous serez �lev�e, �Et vous verrez la terre � vos genoux. �Oui, cette nuit, ce n'est pas un mensonge, �Le Roi des Dieux a daign� dans un songe �Me r�v�ler ses d�crets absolus, �Et de sa part, je viens ici moi-m�me �Vous annoncer, quel honneur! qu'il vous aime. �--Moi!� dit d'un ton modestement confus La belle prude.--�Oui, vous,� r�pond le Pr�tre, �Et d�s ce soir il exige de vous �Dans son saint Temple un entretien bien doux. �Lorsque la nuit sera pr�te � paro�tre, �Courez, volez � la gloire, au plaisir. �H�tez-vous donc, et quoi qu'on vous demande, �Quand le Ciel parle, on ne doit qu'ob�ir.� Apr�s ces mots prononc�s en Proph�te, Il laisse l� sa d�vote inqui�te, R�vant tout bas � ce propos flatteur, Et ne croyant qu'� peine un tel bonheur. Tout en r�vant, elle fait sa toilette: Quoique d�vote, on est un peu coquette. Dans le miroir ses appas r�p�t�s Frappent d'abord ses regards enchant�s; En se voyant, elle commence � croire Que Jupiter, tout Jupiter qu'il est, Peut bien l'aimer sans manquer � sa gloire: Elle est si belle! elle-m�me se pla�t, Et par degr�s s'attendrit et soupire. Bient�t ses yeux pleins d'un tendre d�lire Avidement parcourent son beau corps: Dieux! que d'attraits � la fois elle admire! Gorge d'alb�tre et mille autres tr�sors, Tr�ne charmant de l'amoureux empire, Tout redoublant sa vive �motion, Redouble aussi sa bonne opinion: Sa vanit� s'en nourrit et l'augmente. Certain d�sir qui tout bas la tourmente, S'y joint encor: bref, pour conclusion, D�s que la nuit lui parut assez sombre, Notre d�vote, � la faveur de l'ombre, D'un pas l�ger que le d�sir conduit, Arrive au Temple: un Pr�tre l'introduit. L� son amant prodiguant la d�pense, Avoit orn� galamment le r�duit Qui devoit voir triompher sa constance, Et se livrant au plus heureux espoir, D'une Chapelle avoit fait un boudoir: L'art s'y joignoit � la magnificence. Pauline arrive � ce charmant s�jour, Ivre � la fois et d'orgueil et d'amour; Elle va voir le Roi des Dieux lui-m�me! Elle entre... O Ciel! Quelle surprise extr�me! Elle s'�crie: �Ah! Mundus, quoi! c'est vous! �--Oui,� lui dit-il, tombant � ses genoux, �Oui, c'est Mundus dont l'amoureuse adresse, �En vous trompant, vous pr�pare en ces lieux �Tous les plaisirs qui suivent la tendresse. �Pour un moment, nous sommes seuls tous deux; �Si vous vouliez, quel moment plein de charmes!� Il prend sa main, il la baigne de larmes, Il fait valoir ses transports et ses feux. Pauline reste immobile, interdite; Son amour-propre, un reste de pudeur Parlent encor dans le fond de son coeur: Mais le d�sir par ces d�lais s'irrite; Son teint s'anime et sa gorge palpite; Ses yeux, charg�s d'une douce langueur, A son amant laissent voir sa faiblesse. Il en profite, il ose, il prie, il presse; Pauline enfin ne peut lui r�sister, Et dans les bras de sa belle Ma�tresse, L'heureux Mundus, pour prix de son adresse, Jusques au bout rempla�a Jupiter. LE SOMMEIL DE V�NUS CHANSON Sur l'air: _� Filii et Fili�_ Mars trouva V�nus � Paphos; La belle dormoit sur le dos: �Voyons,� dit-il, �tout ce qu'elle a, �Alleluia!� Il alla d�ranger soudain L'�charpe qui couvroit son sein; Plus blanc que neige il le trouva. Alleluia! Sa main eut la t�m�rit� D'en t�ter la rotondit�; Le sentant ferme, il s'�cria: �Alleluia!� Enivr� de si doux plaisirs, Il forma de nouveau d�sirs, Et de baisers se r�gala. Alleluia! De cent fa�ons pour l'admirer, Il se mit � la revirer: Ce qui s'augmente s'augmenta. Alleluia! V�nus, fermant toujours les yeux, Se pla�a pourtant de son mieux, Et le Guerrier en profita. Alleluia! �Bon, bon,� disoit Mars qui sentoit Qu'en dormant on le secondoit, �Dormez toujours comme cela. Alleluia!� A peine un jeu se finissoit Qu'un autre se recommen�oit: Trois jours entiers cela dura. Alleluia! Mais enfin V�nus s'�veillant, Dit au Dieu, presque en rougissant: --�Eh! quoi, Monsieur, vous �tiez l�! �Alleluia!� QUATRAIN A MADAME ***, DONT LE MARI EST BOITEUX ET JALOUX Comme V�nus vous �tes belle, Vulcain est aussi votre �poux, Et je voudrois faire pour vous Tout ce que Mars faisoit pour elle. L'ENTHOUSIASME GASCON Ces jours pass�s, dans un cercle gaillard, On demandoit ce qui plaisoit aux Dames? --�Les petits soins,� dit un jeune Mignard. --�Par la sambleu!� s'�crie un vieux paillard, �Mon bel ami, tu connois bien les femmes! �Si tu ne veux passer pour un nigaud, �Tranche et dis-nous: C'est un vit qu'il leur faut, �Car les fourreaux sont tous faits pour les lames. �--Sandis! mon cher,� cria certain Gascon, �Embrasse-moi, tu parles comme un con.� LE CRI DU COEUR P�re Brichard exploitait Soeur Colette, Sans d�brider pour la sixi�me fois, Et deux encor: tant qu'enfin la Nonnette, Qui, se lassant, les comptoit par ses doigts, Lui dit: �Pater, c'est assez nous �battre: �Oui, je le jure, et de par Saint Julien, �Qu'au jeu d'amour vous seul en valez quatre. �--Par la corbleu! suis-je Carme pour rien?� LA B�N�DICTION TROP CH�RE OU LE CONSEIL D'ALIX Le grand Colas et la jeune Denise, Amoureux, pauvres et contents, Suivis de leurs parents, s'en alloient � l'�glise Dire un oui, faire une sottise Dont maint �poux s'est repenti longtemps. Tout �toit dispos� pour cette grande f�te; On commence, et d�j� messire Jean s'appr�te A prononcer le conjungo fatal, Quand tout � coup un scrupule l'arr�te: �Avant que d'achever, il ne seroit pas mal,� Leur dit-il, �de faire une pause. �Or, dites-moi, s'il vous pla�t, et pour cause, �Ce que vous me donnez pour le droit pastoral? �--Nous avons mis soixante sols ensemble, �Que vous prendrez, si bon vous semble,� R�pond Colas, surpris de cette question. --�Soixante sols! je serois un pauvre homme �De donner pour si peu ma b�n�diction. �Ma�tre Colas, amplifiez la somme, �Mettez encor vingt sols avec l'�cu. �--Quatre francs pour �tre cocu!� S'�cria tout haut un bon dr�le; �Messire Jean, quel monopole! �J'en donnerois volontiers neuf, �Et plus encor, pour �tre veuf. �--Oui, je veux quatre francs sans rabattre une obole; �Laissons les discours superflus: �Quatre francs, ou n'en parlons plus; �Robin, �te-moi mon �tole.� Denise alors prit la parole. --�Colas et moi,� dit-elle, �avions deux petits lits; �Nous venons de les vendre � la comm�re Alix �Pour avoir une grande couche. �Que je suis malheureuse, h�las! �Messire Jean, que la piti� vous touche! �O� donc ira coucher Colas, �Si vous ne nous mariez pas? �--Vraiment voil� bien du myst�re!� Dit la comm�re Alix; �jour de Dieu! laissez faire; �Messire Jean y perdra son Latin. �Quand je fus promise � Lubin, �D�funt notre Cur� voulut agir de m�me, �Mais il ne fut pas le plus fin; �Lucas et moi d'accord, nous all�mes bon train; �Si qu'au bout de neuf mois, approchant le Car�me, �Mon ladre de Cur� se vit r�duit enfin �A faire au m�me jour mariage et bapt�me, �Le tout pour un �cu. Faites comme je fis, �C'est un profit tout clair.--Je suis de votre avis,� R�part Denise; �eh bien! Colas, prenons l'avance; �Le Ciel sait nos intentions, �Il sait aussi notre indigence; �Il voit notre Cur� manquer de complaisance: �Celui-ci r�pondra de ce que nous ferons; �Et puisque sans argent il ne veut pas qu'on danse, �Allons, et mettons-lui le plus que nous pourrons �De p�ch�s sur la conscience.� �PITRE CONSOLANTE A UN COCU Consolez-vous, Monsieur Fumet; Gens de Robe, Gens � Plumet Ont un destin pareil au v�tre: C'est le bon Dieu qui le permet. Le grand Proph�te Mahomet N'en fut pas plus exempt qu'un autre. Il prit pour femme Cadigha. Celle-ci, d'humeur un peu chaude, Dans son cher �poux distingua Des fa�ons qui sentoient le Claude; Lors Dieu sait comme elle intrigua! Un ribaud plut � la ribaude: Ce ribaud qui la subjugua �toit un gros Prieur de Carmes. Mahomet le sut, le nargua, Et prit un croissant pour ses armes. Bel avis aux gens d�licats! Quand il auroit fait des �clats, Quand il auroit battu sa femme, Au jour marqu� pour son tr�pas, En auroit-il moins rendu l'�me? Ce fut, suivant un �rudit, A M�dine qu'il la rendit: En mangeant un gigot maudit, Il lui prit une sueur froide Qui le for�a d'aller au lit. Au fait: quand on l'ensevelit On lui trouva le _caiche_ roide (_Caiche_ est synonyme de vit). Soudain le bruit s'en r�pandit. Sa veuve accourt, elle s'�crie: �Ah! certes, j'aurois eu grand tort �D'avoir pass� plus d'une envie �Avec un Moine, vrai butor, �Si mon �poux qui disoit d'or �L'avoit port� pendant sa vie �Comme il le porte apr�s sa mort!� L'AVOCAT POUSS� A BOUT Un Avocat fut consult� Par un Tendron d'aimable mine, Qu'un Gars avoit trop insult�. L'homme de Loi, qui l'examine, Trouve, sous sa simple �tamine, Deux grands yeux pleins de volupt�; Certain air de na�vet� Peint sur sa figure enfantine; Un sein par l'Amour agit�, Qui se soul�ve, se mutine, Et semble en sa captivit� Appeler une main lutine, Qui lui rende la libert�. Notre Avocat est transport�: Il lorgne une taille divine, Des pieds mignons et d�licats; Et ce qu'il voit de tant d'appas Ne vaut pas ce qu'il en devine. Avec ces titres de faveur, On peut compter sur la ferveur Du L�giste le plus aust�re. Le n�tre, expert dans tous les droits, Avoit, dit-on, plus d'une fois Pris ses licences � Cyth�re. Enfin, pr�s de la belle assis, Il veut, sans d�tour, sans myst�re, De son cas savoir le pr�cis. --�Las!� dit la belle d�sol�e, �Je vais rappeler mon esprit, �Et vous conter comment s'y prit �Le fripon qui m'a viol�e. �Il avoit un air tendre et doux, �La taille la mieux d�coupl�e, �Et le regard... tout comme vous.� Notre grave Jurisconsulte, Flatt� d'avoir les m�mes traits, En ressent une joie occulte; Et, rajeuni par tant d'attraits, S'approche encore un peu plus pr�s De la beaut� qui le consulte. --�Poursuivez ce r�cit,� dit-il, �Car votre affaire m'int�resse. �--Ah! Monsieur, qu'il �toit subtil! �Que l'Amour inspire d'adresse! �Ses yeux sur mes foibles attraits �Se promenoient avec ivresse.� L'Avocat, qu'un m�me feu presse, N'a pas des regards plus discrets. �Ce n'est pas tout: sa main hardie �Saisit la mienne au m�me instant.� Vous sentez, sans que je le die, Que l'Avocat en fait autant. �Ce n'est pas tout: sa perfidie �M�ditoit un autre dessein; �Et toujours plus audacieuse, �Bient�t sa main licencieuse �Fourrage les lis de mon sein.� Notre Avocat, sur ce mod�le, Glissant une furtive main A travers la gaze infid�le, Enfile le m�me chemin. �Ce n'est pas tout: d'un air farouche, �A ses feux je veux m'opposer; �D�termin�e � tout oser, �Sa bouche se colle � ma bouche.� L'Avocat, que l'exemple touche, Ravit un semblable baiser... Ravit! je faux, on le lui donne; On feint de n'y pas consentir: Mais c'est pour mieux faire sentir Le prix de ce qu'on abandonne. Femmes, osez me d�mentir! Celle qui jamais ne pardonne, Est trop sujette au repentir. �Ce n'est pas tout: son feu redouble, �Il me transporte malgr� moi; �Les genoux tremblants, et l'oeil trouble... �Je ne sais plus ce que je voi.� L'Avocat, non moins troubl� qu'elle. R�p�te une le�on si belle; Tous deux bient�t perdent la voix; Tous deux se plongent � la fois Dans une extase mutuelle. Notre Avocat crut jusqu'au bout Avoir imit� son mod�le. --�Ce n'est pas tout,� dit la Donzelle. �--Comment, diable! ce n'est pas tout! �Qu'avoit-il de plus � vous faire? �Vous m'�tonnez! dites, ma ch�re, �Comment la chose se passa? �--Eh! mais voici tout le myst�re, �Monsieur, c'est qu'il recommen�a.� LE D�LUGE �Cap d� bious!� disoit un Gascon A sa moiti�, qui faisoit la niaise, �Pour la premi�re fois, Fanchon, �Il me semble qu'ici je suis bien � mon aise. �--Las!� dit-elle, �mon cher, je suis neuve � tel jeu; �Appelez un Frater, et je le ferai juge �Que mes eaux seulement ont pass� par ce lieu. �--Vos eaux! sandis!� repart le Gascon qui prend feu; �Dites donc les eaux du d�luge.� _�gri salivantis solatium_ Des beaut�s de Paris, � toi la moins farouche, Ce fut peu d'un �cu que tu re�us de moi, En retour du plaisir que je pris sur ta couche: Car depuis plus d'un an que j'eus affaire � toi, L'eau m'en vient encore � la bouche. DIALOGUE ENTRE DEUX SERVANTES �Eh bien! notre nouveau Cur�? �--Ah! palsangu�! c'est un brave homme. �Le premier �toit bon, mais je veux qu'on m'assomme, �Si le second n'est meilleur � mon gr�. �--Comment cela?--Comment? Tiens, juges-en, comm�re: �Il me donne par ans quarante bons �cus, �Voire quelque chose de plus; �J'ai la clef de la cave et je n'ai rien � faire. �--Et la nuit...?--Oh! la nuit nous faisons lit � part; �Messire Arlot est un saint pr�tre, �Qui ne ressemble en rien � messire Chouart. �--Dieu me garde d'un pareil ma�tre! �Il me feroit mourir d'ennui: �Oh! que j'aime bien mieux servir chez son vicaire! �Je n'ai que dix �cus et je fais maigre ch�re, �Mais du moins on couche avec lui.� LE SALAMALEC LYONNOIS CONTE Jamais ne fut nation plus civile Que la Fran�oise, il le faut avouer; L'envoy� Turc pourroit bien s'en louer, Apr�s l'honneur qu'� Lyon, la grand ville, Des magistrats en passant il re�ut. Ces magistrats crurent frapper au but, S'ils r�galoient l'Excellence Ottomane D'un compliment en langage Ottoman: �Car,� disoient-ils, �parler par Truchement, �C'est une mort: en langue Musulmane �Un Musulman il nous faut saluer.� L'invention leur sembloit m�morable; Le point �toit comment l'effectuer? O� rencontrer un harangueur capable? Un homme expert dans le salamalec? Notez qu'alors tenoit auberge illec Certain quidam, d�serteur de mosqu�e, De mauvais Turc devenu bon Chr�tien. �C'est notre fait,� dirent ces gens de bien. La chose au Sire �tant communiqu�e, Il l'approuva:--�Laissez faire,� dit-il, �Fran�ois S�lim, c'est ainsi qu'on me nomme. �Nul mieux que moi, Dieu merci! ne sait comme �La t�te on doit courber jusqu'au nombril, �Rabattre en arc les mains sur sa poitrine, �Se reculer, s'avancer � propos, �_Et c�tera_; suffit: de ma doctrine �Tenez-vous s�rs et soyez en repos. �Vous me verrez � la mode Turquesque �Faire cent tours qui surprendront vos yeux; �Telle action vous paro�tra burlesque �Qui cache au fond sens tr�s myst�rieux. �Or en ceci la grande politique �Est de me suivre en tout d'un pas �gal: �Souvenez-vous de cet avis unique, �Vous ne sauriez, me suivant, faire mal.� De point en point on promit de le suivre; On le suivit jusqu'au moindre _iota_. L'ambassadeur bien fort s'en contenta; Mais ce qui, plus que tout, le transporta, Fut qu'un Chr�tien parl�t Turc comme un livre. --�Il n'est,� dit-il, �assesseur du Divan, �Qui mieux que vous entende notre langue. �--Pas ne vous doit surprendre ma harangue,� R�pond S�lim, �je suis n� Musulman. �--N� Musulman? Vous l'�tes donc encore? �--Moi? point du tout. Je me suis converti, �Et c'est le Dieu des Chr�tiens que j'adore. �--Ah! par Mahom! vous en avez menti, �Et Musulman jamais vous ne naqu�tes, �Ou vous n'avez pas chang� de parti. �Je ne puis croire au moins ce que vous dites, �Si je n'en vois un signe fort pr�cis. �--A moi ne tienne!�--�tes-vous circoncis? �--Vous allez voir.� Lors sa mis�re nue Le compagnon �tale � d�couvert. Les Magistrats, � cette �trange vue, Quoique �tonn�s, pour n'�tre pris sans vert, Suivant leur guide, imitant sa posture, Firent leur cour en forme et sans tarder, Chacun selon le talent que nature, Petit ou grand, lui voulut accorder. L'ordre fut rare, et l'histoire rapporte Que l'Ottoman salu� de la sorte, Crainte de pis, s'enfuit sans dire adieu. Tout au rebours les Donzelles du lieu Prirent grand go�t � la c�r�monie: Et telle fut leur jubilation, Que maintenant nulle ne se soucie De voir, apr�s cette r�ception, Ambassadeur, s'il ne vient de Turquie. LA COL�RE NA�VE Dans un verger, la friande Colette Au point du jour attendoit Augustin; Lucas la vit, et lui dit: �Ouais! poulette, �Que cherchez-vous en ce lieu si matin? �--Un nid, Lucas.--C'est bien fait, p�ronnelle,� Lui r�pondit le villageois rus�; �Mais pour le prendre o� donc est votre �chelle? �Tenez, tout franc, le d�tour est us�; �Vous cherchez... l�... n'est-il pas vrai, ma belle?...� Poursuit Lucas, qui la voit se f�cher. --�Eh! oui, m�chant, puisses-tu,� lui dit-elle, �Avoir perdu ce que je viens chercher!� PARTANT QUITTE CONTE Alain disoit: �Ma femme, �coute-moi: �Je t'avouerai qu'avant que d'�tre � toi, �Bien jeune encor, je fis une folie: �J'eus une fille; elle est, ma foi, jolie; �Prends-la chez toi, faute de nourrisson; �Je veux de toi qu'elle prenne le�on: �Tu l'aimeras, car elle te ressemble. �--Et moi, j'ai fait,� dit-elle, �un beau gar�on; �Il nous faudra les marier ensemble.� LE FIN MENTEUR En tremblant, un jour �loi Fut chez un pharmacopole: �Sauf respect, je... voudrois...--Quoi? �--De l'onguent pour la _v�role_. �--Combien?--Deux onces, je croi.� Le voyant saisi d'effroi, Purgon lui dit:--�Ah! comp�re, �C'est pour toi, la chose est claire, �Car tu me parais bien sec. �--Oh! non: c'est pour mon cher p�re �Qui veut me frotter avec.� LE PARDON CONTE A son voisin la gentille Isabelle Fut se plaindre de son �poux, Qui toujours lui cherchoit querelle. --�Croyez-moi,� dit-il, �vengez-vous.� Le conseil plut fort � la belle; Le galant fut choisi pour servir son courroux. A chaque heure du jour, c'�toit nouvelle plainte; Notre couple � l'envi signaloit son ardeur; Mais la col�re du vengeur En moins de huit jours fut �teinte: De tout on se lasse � la fin. La belle, que toujours la vengeance aiguillonne, Six fois fut se plaindre un matin: --�Oh! pour le coup,� dit le voisin, �Je suis Chr�tien, je lui pardonne.� LE MENSONGE �VIDENT En bavolet, en simple jupon court. Sur son balcon dame Alix appuy�e Lorgnoit les passants un beau jour. Depuis longtemps, aux myst�res d'amour La belle �toit initi�e. Un sien neveu, nomm� Valcour, Gar�on alerte et d'assez bonne mise, Entre en sa chambre; il la voit, et soudain Le fripon sent na�tre en son sein Un mouvement de paillardise; Si bien que derri�re elle il se glisse sans bruit, Soul�ve le jupon d'une main libertine, Et puis, ainsi qu'on l'imagine, S'ajuste, pousse et s'introduit. --�Eh! mais, voyez l'extravagance!� Dit Alix � notre �vent�; �Valcour... vous me foutez, je pense?... �--Moi? non, ma tante, en v�rit�... �--Comment, non, coquin que vous �tes? �Ne sens-je pas ce que vous faites? �Et vous l'osez nier! c'est par trop fort aussi... �--Vous �tes donc bien m�contente?� Dit Lindor d'un ton radouci; �Eh bien! je vais m'�ter, ma tante, �Si vous voulez.--Non, restez-y: �Mais je n'aime pas que l'on mente.� LA M�TAMORPHOSE CONTE �PIGRAMMATIQUE Gertrude � vingt ans fut jolie; Elle avoit deux petits tetons Qu'Ariste aimoit � la folie, Et nommoit ses petits fripons. Ariste fit un long voyage, Et revint apr�s vingt-cinq ans, Je laisse � penser quel ravage Chez Gertrude avoit fait le temps! Sur les fripons, par habitude, Ariste jeta ses regards: �Ah! mes petits fripons, Gertrude, �Sont devenus de grands pendards!� LE MALADROIT Certain ben�t voulant f�ter sa femme, Point ne pouvoit attraper le milieu. �Trop haut! trop bas!� lui r�p�toit la Dame. �--Y suis-je?--Non!--Pour le mettre en son lieu, �Ma ch�re Alix, ton aide je r�clame. �--Quoi! ne pouvez,� lui dit-elle en courroux, �Trouver ce que cherchez depuis une heure? �C'est pourtant l� l'office d'un �poux! �J'enrage: point ne connois, ou je meure! �D'homme qui soit plus maladroit que vous!� LE PLAISIR SANS REMORDS CONTE Le vieux Cassandre est un comp�re, Qui malgr� son �ge, la nuit, Quelquefois encor fait du bruit; Et sa Pernelle une comm�re, Qui, sans mentir, entre deux draps, A son mari ne c�de gu�re. La nuit surtout du Mardi-gras, Ils s'amus�rent... voici comme: A son lit Cassandre montant, Vint � faire un... cela s'entend... Pernelle, alors au premier somme, Que ce bruit �veille � l'instant, Se met � rire, � rire tant, Qu'elle en fait elle-m�me autant. Vous jugez bien que le bonhomme Riposta bient�t d'un second: Pernelle aussit�t lui r�pond. Cassandre veut, quoi qu'il en co�te, Par un nouveau lui r�partir; Mais... le sommeil le prend en route. Apr�s tant de plaisir, sans doute, Il est bien permis de dormir. LES DEUX CLYST�RES Cloris, tandis qu'� votre p�re, Diafoirus donne un clyst�re, Vous en recevez un d'un jeune Praticien: Mais que ces anodins diff�rent l'un de l'autre! Votre p�re � l'instant est d�livr� du sien, Et vous ne la serez que dans neuf mois du v�tre. LE DOUBLE AVEU CONTE Un grand Seigneur, frapp� de mort subite, Droit aux enfers fut conduit au plus vite. Du Styx � peine il eut touch� le bord, Que son cocher s'offre � ses yeux d'abord. --�Vous, Monseigneur, dans ce lieu de souffrance? �Puis-je savoir quel crime, quelle offense?... �--Mon cher Vincent, j'ai tout sacrifi� �Pour enrichir le fils que ma moiti�, �Cette adorable et vertueuse femme, �M'avoit donn�, seul gage de sa flamme. �Mais toi, Vincent, quel est donc le sujet �De ton malheur? Toi, sage domestique?... �--Ah! Monseigneur, ce maudit fils unique, �H�las! je suis ici pour l'avoir fait.� LES SOULIERS CONTE De tous ses amoureux, Babet, dans son printemps, Exigeoit, pour le prix de ses faveurs secr�tes, Deux paires de souliers: aujourd'hui les grisettes Rougiroient d'accepter de si minces pr�sents. Babet s'en contentoit, souliers alloient pleuvants. L'or, quand on est jolie, est fugace, il va vite: On le gagne ais�ment, on le m�nage peu; Babet l'avoit senti; souliers restoient au g�te, Ils devenoient ressource. On con�oit qu'� ce jeu Fallut bient�t � la comm�re, Pour loger les souliers, une maison enti�re. Le cuir haussa de prix: le Prince le taxa, Mainte bourse s'emplit, maint fermier s'engraissa; Tel est chez nous le train des choses, Toujours les grands effets ont de petites causes. Babet vieillit, le cuir baissa; Adieu vous dit joli visage, Taille fine, �l�gant corsage, Enfin adieu tous ses appas! L'�ge a beau nous rider, il ne nous change pas. On se travaille en vain, le go�t reste le m�me. Celui de Babet pour l'amour, Bien loin de s'affoiblir, avoit cr� chaque jour. Que faire en ce besoin extr�me? Le temps de but � but �toit plus que pass�, Il fallut des souliers implorer l'assistance: Gr�ce � sa sage pr�voyance, L'Amant venu nus pieds, s'en retournait chauss�; Elle habilla par bas les deux tiers de Florence. Sur quoi certain voisin, d'elle un jour s'enqu�rant De ce tas de souliers qu'elle alloit r�pandant, Babet que le m�tier n'avait point rendu fausse, Lui dit:--�Mon cher ami, l'hiver vit de l'�t�. �Je rends � mes Amants ce qu'ils m'avoient pr�t�: �Je les d�chaussois, je les chausse.� QUI PERD GAGNE CONTE �Jeanne, va fermer la targette,� Disoit, en s'endormant, Lucas � sa moiti�. --�Vas-y, toi,� r�pondit Jeannette; �L'homme est fait pour �tre sur pi�, �La femme pour dormir.--Que je sois estropi� �Si j'y vais!� dit Lucas.--�Que le Diable m'emporte �Si j'y vais!� dit Jeannette.--�On ouvrira la porte. �--Je m'en gausse.--Et moi je m'en ris. �J'encague les voleurs, je n'ai pas une obole. �--Et si l'on te prend tes habits? �--Je resterai couch�, c'est ce qui me console. �--Oh ��! tiens, mon mari, convenons entre nous: �Celui qui l�chera la premi�re parole �Ira verrouiller l'huis.--Tope,� reprit l'�poux, �Je suis muet, bonsoir!--Moi, j'ai la langue morte!� Pendant que nos �poux disputoient de la sorte, Aupr�s de leur logis certain Carme passoit; Le vent �teignit sa bougie. Comme au travers de l'huis leur lampe paraissoit, Mon gaillard, disciple d'�lie, Frappe; on ne r�pond point. Il baisse le loquet: --�Pardon! de votre somme, amis, je vous d�range; �Mais mon abord c�ans ne doit vous alarmer: �Ma bougie est �teinte, et je viens l'allumer.� Mot. �Hol�!� dit le Moine, � cet accueil �trange; �M'entendez-vous, mes bonnes gens? �Je n'ai, je le r�p�te, aucuns desseins m�chants.� Mot encore. Il s'avance; il voit deux grosses faces, Qui, les yeux bien ouverts, rioient entre leurs dents. Jeanne comptoit au plus vingt ans: Le Frocard lui trouva des gr�ces. Son visage, ses traits, lui sembl�rent piquants: On est � peu de frais aimable aux yeux d'un Moine; Il n'est belle ou laidron, qui ne lui soit idoine. Le Carme, encor qu'il f�t perplex, Jugeant que ce silence �toit une gageure, R�solut in petto de pousser l'aventure. Un teton paroissoit, il y porte l'index: Le mari reste coi, la femme se r�signe. R�duit � p�rorer par signe, Le grivois parla puissamment. Or, voil�, je ne sais comment, Que d'abord pr�s du lit, le Jean-chouart du Fr�re T�t apr�s fut dedans: oh! jugez de la ch�re! Lucas voyoit et souffroit tout. Plus discr�te qu'on ne peut dire, Jeanne, bien qu'on pouss�t sa patience � bout, N'e�t pas parl� pour un Empire. Le moine se montra digne enfant du Carmel, Fort affam�, peu sensuel. Le temps vient de partir, mon gaillard fit retraite. Il n'�toit pas sorti, que la dame Jeannette Chanta goguette � son �poux: �Voyez ce gueux,� dit-elle, en feignant du courroux, �De me laisser manquer de semblable mani�re! �Et par un Moine encor! je suis d'une col�re!... �Va, je me vengerai, je te le garantis. �--Femme,� r�pond Lucas, �allez verrouiller l'huis: �Vous avez parl� la premi�re!� IN-PROMPTU PARODIE D'UN COUPLET DES AMOURS D'�T� Sur l'air: _En plein, plan._ Qu'une v�role est am�re, Et q'c'est m�chante affaire! Je l'ai bien pour mes six francs, En plein, plan, Rlan, tan, plan, tirelire, Lan, plan. Il y a des bien honn�t's gens, Qu'en ont une plus ch�re. L'EXCUSE ING�NIEUSE Dans un endroit obscur, trouvant une Duchesse, Un jeune Mousquetaire osa porter la main Sous le jupon de son Altesse. Elle jette un cri, c'est en vain: Mon �tourdi, qu'un vif aiguillon presse, Jusques au bout allant son train, Claquoit et reclaquoit sans cesse. �Finirez-vous donc, libertin? �A moi quelqu'un! la Fleur, Champagne, la Jeunesse!� Ces Messieurs, qui buvoient au Cabaret voisin, N'entendoient pas la voix de leur Ma�tresse. Mon polisson l�che prise � la fin. --�Ah! malheureux, tu payeras demain �Ce trait d'audace et de sc�l�ratesse: �Crois que ton tr�pas est certain! �--Pardonnez un moment d'ivresse,� Reprit le Mousquetaire avec un air serein; �J'ai fait sans doute une sottise, �Et vous m'en voyez confondu: �Que voulez-vous que je vous dise? �Las! je suis un homme foutu, �Si vous avez le coeur aussi dur que le cu!� L'OBSERVATEUR EN SECOND OU L'ART D'AIMER J'ai vu dans les �crits d'un grand Observateur, �mule d'Hamilton et Po�te des Gr�ces, Le v�ritable sens que l'on donne au mot _coeur_. En admirant B... j'ai march� sur ses traces. Or, �coutez, ami Lecteur, Et vous saurez de moi ce qu'il vous faut entendre Alors que la beaut� qui vous a su charmer Vous avo�ra d'une voix douce et tendre, Qu'elle vous permet de l'aimer. _Aimer_ n'est pas un mot de sens tout � fait vide: Anacr�on, Properce et le galant Ovide Employ�rent souvent ce mot-l� comme il faut. Devinez donc ce que pense une Dame Dont les attraits sont par l'�ge effac�s, Quand elle vient se plaindre, en nous vantant sa flamme, Que Monsieur son �poux ne l'aime point assez? Qu'une fille me pla�t, qu'elle est int�ressante, Quand le besoin d'aimer en secret la tourmente! Comme elle je ressens ce besoin, ces ardeurs; Pourquoi ne pas unir nos besoins et nos coeurs? Elle diroit bient�t, d'une voix expirante: Ah! quand on aime bien, qu'on go�te de douceurs! Mais n'aime pas qui veut, c'est l� ce qui me f�che! Tant�t bien, tant�t mal, on remplit cette t�che: J'en vois m�me plusieurs, que je saurois nommer, Qui, malgr� leurs efforts, ne peuvent plus aimer. M�lidore adoroit (on verra par la suite Qu'ici tout autre mot ne peut �tre adopt�), Adoroit donc une beaut� Dans l'art d'aimer assez instruite; Notre amant jeune et sans d�tour, Dans cet art charmant vrai novice, Depuis plus de six mois qu'il �toit au supplice, N'avoit encore os� d�clarer son amour. Aux pieds de Lise enfin il se jette un beau jour, Et pour lui peindre son martyre, Pousse de grands H�las! verse des pleurs, soupire, Veut lui parler et reste court. L'amante, en le voyant, pensa crever de rire, Et sans prendre piti� du trouble qu'elle inspire, De l'amant � ses pieds, ni de son embarras, Lui r�pond froidement:--�Non, vous ne m'aimez pas. �--Je ne vous aime pas?... L'amour le plus sinc�re �N'est-il donc � vos yeux qu'une vaine chim�re? �Quand je br�le d'un feu qui ne peut s'exprimer, �Quand tout mon sang pour vous...--Ce n'est pas l� m'aimer, �Et moi, je pr�tends que l'on m'aime. �--Je vous l'ai d�j� dit, ma tendresse est extr�me; �Votre volont� seule est ma supr�me loi; �De gr�ce, commandez.--Eh bien donc, aimez-moi!� D�sesp�r�, confus, notre amant se retire; D'abord il veut se pendre, et puis il r�fl�chit Que ce seroit tomber d'un malheur dans un pire. Ensuite il cherche en son esprit Le sens de chaque mot, et ce qu'�gl� veut dire? L'Amour enfin daigne l'instruire: Avec un si grand Ma�tre une le�on suffit. Quelques jours �coul�s, il vole chez sa Dame, Plein d'espoir et surtout bien r�solu dans l'�me, De mettre, s'il se peut, la le�on � profit. Il entre... Il la voit seule... Il prend un peu d'audace... Et fit... ce que j'aurois voulu faire � sa place. Pendant les amoureux �bats, L'Amant disoit � sa Ma�tresse: �Peux-tu te plaindre encor que je ne t'aime pas? �Peux-tu douter de ma tendresse?� La belle lui repart:--�Non, le fait est certain, �Tu m'aimes maintenant, j'en ai la preuve en main.� �PIGRAMME CONTRE UN SOT POLITIQUE Des Gazettes de la Tamise, Quand tu saurois le r�sultat, Faudroit-il te vanter d'�tre, comme un Mo�se, Savant dans le m�tier que fait un Potentat? Ta femme me l'a dit: ta sottise est sans bornes, Et si tu ressemblois � cet homme d'�tat, Ce ne seroit que par les cornes. LE CUR� COMPLAISANT �Lisez tout bas ce guide-�ne, �Monsieur, vous m'�pouvantez; �Ah! quels grands mots! Libert�s... �De l'�glise Gallicane! �Comment! je crois, Dieu me damne! �Que je les ai r�p�t�s. �--Venez sur cette Ottomane, �Prendre place � mes c�t�s. �Or, maintenant, �coutez: �Levez ce jupon de panne, �Et sur le dos vous mettez; �Les deux cuisses �cartez: �Moi, j'entr'ouvre ma soutane... �--Je crois que vous me foutez? �--Non, c'est pour vous montrer, Jeanne, �Ce qu'on nomme Libert�s �De l'�glise Gallicane.� �PIGRAMME Un auteur, dont le nom passera d'�ge en �ge, Montrant un jour son fils, disoit: �Voil� mon plus mauvais ouvrage. �--Monsieur,� reprit Damon, caustique personnage, �Est-il s�r que vous l'ayez fait?� LA QUESTION R�SOLUE Trois rivaux voyant leur ma�tresse Que l'on vient de blesser au sein, Aussit�t l'un tombe en faiblesse; L'autre court apr�s l'assassin; Le troisi�me bande la plaie. Par ce moyen chacun essaie De montrer qui l'aime le mieux. Si mon avis on me demande, Je r�pondrois qu'il saute aux yeux: Car je suis pour celui qui bande. LE FAGOT CONTE Deux nouveaux mari�s font le sujet du conte. Tous deux, jeunes, s'aimoient tous deux; Mais un d�bat s'�mut entre eux. Il �toit vif, elle �toit prompte. Un semblable d�bat fut autrefois, dit-on, Entre Jupiter et Junon: Mais Junon de d�pit saisie Ne tarda gu�re � se venger Du jugement de Tir�sie. Une femme, pour bien juger, Veut qu'on juge � sa fantaisie. Nos deux jeunes �poux �toient donc courrouc�s, De quoi? D'�tre trop peu la nuit en paix laiss�s, De dormir trop peu l'un et l'autre: �Est-ce ma faute?--C'est la v�tre. �--N'est-ce pas vous qui me pincez? �--N'est-ce pas vous qui m'agacez?� Telle �toit chaque jour leur plainte mutuelle; Mais ils n'avoient qu'un lit, ce n'�toit pas assez Pour mettre fin � leur querelle. --�Eh bien! pour vous montrer,� dit-elle, �Que je ne veux vous dire mot, �Mettons entre nous un fagot.� L�-dessus la nuit vient, s�me le ciel d'�toiles, Et couvre l'univers de ses plus sombres voiles; Tout invite au sommeil, et le fagot se met Pour garant du repos que chacun se promet. Le couple conjugal dormit comme une souche. Mais quand de tous ses sens l'usage suspendu Apr�s un long sommeil lui fut enfin rendu, L'�pouse, vers l'�poux nonchalamment tourn�e, Lui dit: �Au moins vous ne vous plaindrez pas �Que de votre repos je ne fais point de cas. �--Et moi,� r�pond l'�poux, �vous ai-je importun�e?� A la seconde nuit, c'est � recommencer. Le fagot revient se placer. �Bonsoir, mon coeur.--Bonsoir, m'amie.� Au milieu de la nuit pourtant L'�pouse assez mal endormie, Se tourne et se retourne tant, Que le fagot la pique, et qu'elle se r�crie: �Peste soit du fagot, et de qui l'a plant�!� L'�poux, que le fagot n'avoit pas bien trait�, --�Qu'avez-vous,� dit-il, �je vous prie, �A tant pousser de mon c�t�? �Le fagot, gr�ce � vous, m'a fort mal ajust�. �--Mon Dieu!� cria l'�pouse, alors toute attendrie, �Que je voie...� et pour voir le fagot fut �t�. Mais elle ne vit rien qu'une certaine �pine... Lors prenant et serrant son �poux dans ses bras: --�Mon ami,� lui dit la coquine, �Pour te venger, au lieu de me faire la mine, �Pique-moi tant que tu pourras!� LA DEMANDE SINGULI�RE Au temps prescrit par notre m�re �glise, Chez son �v�que un jeune rustre alla; Puis il lui dit: �Monseigneur, me voil�; �J'ai nom Jacquot, baillez-moi la pr�trise.� Le Pr�lat rit et lui r�pond:--�Nigaud, �Crois-tu mener si vite cette affaire? �Va, mon enfant, pour �tre pr�tre, il faut �Qu'un homme ait fait trois ans de S�minaire.� Jacquot repart:--�Je le sais, mais aussi �Informez-vous de tout notre village: �Mon p�re �toit vicaire, et, Dieu merci! �Tout fils de ma�tre est franc d'apprentissage.� L'AVOCAT RAISONNABLE Un Avocat, revenant dans son logis apr�s deux ans d'absence, y retrouva un gros gar�on qu'il ne croyoit pas avoir laiss�; au lieu de s'emporter contre sa femme, il fit l'in-promptu suivant: IN-PROMPTU Air: _Du Vaudeville de la Rosi�re._ Sur cet article d�licat, Un autre courroit au grimoire; Mais moi, comme un franc Avocat, C'est la loi que je veux en croire; Or si je consulte la Loi, L'enfant de ma femme est � moi. Je sais bien qu'avant mon d�part, Madame �coutoit les fleurettes, Et qu'elle avoit sa bonne part Du foible qu'on donne aux coquettes; Mais si je consulte la Loi, L'enfant de ma femme est � moi. Plus je regarde le poupon, Moins je trouve qu'il me ressemble: Il a la bouche de Cliton, Ses yeux, son nez: aye! aye! je tremble; Mais si je consulte la Loi, L'enfant de ma femme est � moi. Sur un doute pareil au mien, Rondon plaida sa m�nag�re, A cela que gagna-t-il? Rien. Le juge dit au pauvre h�re: �Va-t'en donc consulter la Loi, �L'enfant de ta femme est � toi.� Tous les jours, j'en suis convaincu, Le plus galant homme peut �tre Ce que l'on appelle cocu; Mais, sans chercher � le paro�tre, Il dit: �N'�coutons que la Loi, �L'enfant de ma femme est � moi.� COUPLET A MADEMOISELLE *** Air: _Du Vaudeville d'Epicure._ C'est peu d'�tre jeune et jolie: Sans l'amour, que sert la beaut�? Pour �tre une fille accomplie, Il faut un peu de volupt�. Victoire, soyez moins s�v�re, Le plaisir n'est que dans vos yeux: Si vous voulez me laisser faire, Je le logerai beaucoup mieux. L'�POUSE NA�VE Blaise aimoit certaine donzelle. Il l'�pousa. D�s la premi�re nuit, En la caressant, il lui dit: �J'ai peur que nos plaisirs dans quelque temps, ma belle, �Ne te causent bien du tourment... �--Ne crains rien,� lui r�pond la na�ve femelle; �Blaise, j'accouche heureusement.� FIN TABLE Avis de l'�diteur V A ma Comm�re 1 La Femme sans chose 5 La Croyance fond�e 12 La D�claration militaire 13 La R�ponse sens�e 15 La Plainte injuste 16 Badinage in-promptu 17 La Belle accommodante 17 In-promptu 18 Couplet 18 Bouquet � Mademoiselle *** 19 La Rage d'amour 19 Le Pr�tendu malin 20 La Gageure 21 Le Paiement d'avance 21 Impromptu 24 La Calomnie foudroy�e 24 La Fente 25 Le Repentir sinc�re 27 L'Armure de V�nus 27 A ma Ma�tresse 28 Les D�solations et les Consolations, vaudeville 28 �l�gie 29 �pigramme 30 Le Triomphe de la Marotte 31 Les Cinq points 37 L'Un pour l'autre 37 La Pr�sence d'esprit 38 La D�fense bien observ�e, chanson 39 Le D�gel 40 Histoire v�ritable, etc., d'un Abb� qui 41 L'Exp�dient facile 43 On fait ce qu'on peut 44 Le Qui pro Quo, ou Colin-Maillard 44 L'Inoculation, conte 46 La Muette, chanson 47 L'Obstacle, conte 49 Le Tribut conjugal 51 Le Conseil inutile 52 La Confidence 53 Le Chapelain, chanson 54 Le Marchand de loto 55 Le Lendemain des noces 58 Le Confesseur exemplaire 59 L'Esprit fort 60 Couplet 62 �pigramme 63 Le Cas d�cid� 63 Le Faux Jupiter 64 Le Sommeil de V�nus 69 Quatrain � Madame *** 71 L'Enthousiasme Gascon 72 Le Cri du coeur 72 La B�n�diction trop ch�re, o� le conseil d'Alix 73 �p�tre consolante � un cocu 75 L'Avocat pouss� � bout 77 Le D�luge 80 _�gri salivantis solatium_ 81 Dialogue entre deux servantes 81 Le Salamalec Lyonnois 82 La Col�re na�ve 85 Partant quitte 86 Le fin Menteur 87 Le Pardon 87 Le Mensonge �vident 88 La M�tamorphose 89 Le Maladroit 90 Le Plaisir sans remords 91 Les deux Clyst�res 92 Le double Aveu 92 Les Souliers 95 Qui perd gagne 95 In-promptu--Parodie d'un couplet des Amours d'�t� 97 L'Excuse ing�nieuse 98 L'Observateur en second, ou l'Art d'aimer 99 �pigramme contre un sot politique 102 Le Cur� complaisant 102 �pigramme 103 La Question r�solue 104 Le Fagot 104 La Demande singuli�re 106 L'Avocat raisonnable 107 Couplet � Mademoiselle *** 109 L'�pouse na�ve 109 IMPRIM� PAR CHARLES UNSINGER 83, Rue du Bac PARIS ISIDORE LISEUX, LIBRAIRE-�DITEUR Quai Malaquais, n� 5. �DITIONS R�SERV�ES Sous cette d�signation g�n�rale, nous avons l'intention de faire para�tre une s�rie de volumes curieux de divers formats, imprim�s � un tr�s petit nombre d'exemplaires et non destin�s au commerce de la Nouveaut�. Le _Petit-Neveu de Gr�court_ est le premier de cette s�rie. Les couvertures ne porteront aucune indication de prix. Le prix net de souscription pour Amateurs ou Libraires, indistinctement, sera communiqu� par avis individuel. Les Amateurs qui souscriront par l'entremise des Libraires, s'entendront avec eux pour la commission � leur payer en sus du prix net. Aussit�t parus, les volumes entreront de plain-pied dans la Librairie ancienne, et le prix originaire de souscription ne pourra plus �tre donn� qu'� titre de simple renseignement. _Envoi franco recommand� contre Mandat ou Ch�que._ Paris.--Typ CH. UNSINGER, 83, rue du Bac. End of the Project Gutenberg EBook of Le petit-neveu de Gr�court ou �trennes gaillardes, by Anonymous *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PETIT-NEVEU DE GR�COURT *** ***** This file should be named 60896-8.txt or 60896-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/6/0/8/9/60896/ Produced by Ren� Galluvot (from images generously made available by The Internet Archive/Canadian Libraries) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.