The Project Gutenberg EBook of Le petit-neveu de Gr�court ou �trennes
gaillardes, by Anonymous

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Title: Le petit-neveu de Gr�court ou �trennes gaillardes
       Recueil de Contes en vers, r�imprim�s sur l'�dition de 1782

Author: Anonymous

Editor: Isidore Liseux

Release Date: December 10, 2019 [EBook #60896]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PETIT-NEVEU DE GR�COURT ***




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  LE
  PETIT-NEVEU
  DE GR�COURT

  OU
  �trennes Gaillardes

  Recueil de Contes en vers, r�imprim� sur l'�dition de 1782.

  [Marque d'imprimeur: SCIENTIA DUCE I L]

  PARIS
  Isidore LISEUX, �diteur
  Quai Malaquais, n� 5

  1883




_Tir� � cent cinquante exemplaires num�rot�s_

_N� 10_




AVIS DE L'�DITEUR


On ne s'attend pas � de longues recherches bibliographiques sur ce l�ger
recueil de gaiet�s: ce serait faire trop d'honneur � un petit vagabond,
sans feu ni lieu, et sans histoire. Tout ce que nous en savons, c'est
que d'abord mis au monde, en 1781 ou 1782, sous le titre de _PETIT-NEVEU
DE GR�COURT... � Gibraltar, chez les Moines_, il a �t� vite adopt� par
Cazin, qui en a donn� deux �ditions, avec un titre nouveau: _�TRENNES
GAILLARDES, d�di�es � ma comm�re... � Lampsaque, de l'imprimerie du Dieu
des Jardins_, 1782 et 1784. Voil� donc, � bien compter, trois �ditions,
lesquelles doivent se valoir, vu le m�rite � peu pr�s �gal des
imprimeurs: le Dieu des Jardins, au XVIIIe si�cle, n'avait s�rement pas
de plus dignes �mules que les Moines, de Gibraltar ou d'ailleurs.

Maintenant, qui a compos� ce volume? Un homme de go�t, �videmment. On a
pens� que ce pouvait bien �tre F�lix Nogaret, � cause des initiales Y X,
dont signe l'�diteur; mais ce n'est l�, qu'une supposition fort
aventur�e. Nogaret avait le bonheur de poss�der un X dans son pr�nom:
d'accord; mais tous les anonymes n'ont-ils pas le m�me droit � l'X? Et
quant au go�t de F�lix Nogaret, qui passe avec plus de raison pour avoir
fait les insipides huitains de l'_Ar�tin Fran�ais_, n'est-il pas trop
douteux pour justifier l'attribution?

La chose, en somme, est de minime importance. Quel que soit l'Amateur
qui a recueilli ces bluettes, acceptons-les pour elles-m�mes et ne leur
demandons pas plus qu'elles ne peuvent tenir. Elles ont �t� glan�es un
peu partout: cependant, la majeure partie n'en est gu�re connue; elles
sont lestes, court-v�tues, provocantes, et si elles donnent au Lecteur
une heure ou deux d'amusement, nous aurions grand tort de regretter les
quelques feuilles de joli papier que nous avons sacrifi�es pour cette
modeste �dition.

I. L.

Paris, le 20 Juillet 1883.




A MA COMM�RE


Ce n'est pas une �p�tre d�dicatoire que je vous adresse, c'est une
simple Lettre que je vous �cris; n'y cherchez donc ni tournures
d�licates, ni p�riphrases ing�nieuses, ni tout ce qui sent l'Auteur. Je
ne le suis pas, Dieu merci: je ne suis qu'un �diteur gai et gaillard;
j'ai consacr� quinze ou vingt jours, plus ou moins, � rassembler des
Contes joyeux, pour vous rendre une fois le plaisir que vous m'avez
donn� mille. De toutes les Francomtoises qui embellissent et r�cr�ent la
Capitale, vous �tes sans contredit la plus aimable: votre taille est
svelte, vos yeux sont noirs et vifs, vos genoux charnus et ronds, vos
mains potel�es, vos joues par�es des plus belles couleurs; enfin vous
�tes � trente ans ce qu'une autre femme est � vingt. Vous croyez
peut-�tre, ma ch�re Comm�re, que ma franchise ordinaire a fait place au
ton complimenteur, d�trompez-vous: tel je suis en parlant, tel en
�crivant, et je vais vous r�p�ter ce que je vous ai dit vingt fois sans
que votre amour-propre en ait paru bless�, tant vous �tes modeste! Votre
sein n'est ni plus ferme, ni plus rond qu'un autre, votre petit pied
fait mentir le proverbe; mais ces l�g�res imperfections servent d'ombres
au tableau: vous n'en �tes pas moins ch�re � tous ceux qui vous
connoissent, on ne parle de vous qu'avec feu, et je sais bien pourquoi:
c'est que dans un si�cle o� chacun vante beaucoup l'humanit�, vous �tes
humaine autant qu'on peut l'�tre. Avec quel d�sint�ressement ne
venez-vous pas au secours d'une foule d'Amateurs! votre main s'ouvre
pour les uns, et votre coeur pour les autres. Vous savez que la
faiblesse humaine et vos charmes changent une offrande libre en un imp�t
forc�, et malgr� cela, vous ne ran�onnez personne. Le pauvre Abb�
Piquet, le petit Vicaire de notre Paroisse, et le P�re Briffard, que
j'ai rencontr�s ce matin, me le disaient encore; tel G�om�tre le
d�montre, et tel Musicien le chante � qui veut l'entendre. Si tous ces
Messieurs publient votre g�n�rosit� sur les toits, puis-je faire moins
que de l'�lever jusqu'aux nues, moi que vous avez distingu� dans la
foule, moi � qui vous avez accord� tant de faveurs piquantes pour le
seul plaisir de m'en accorder, moi enfin � qui vous avez avou� en
rougissant que j'avais fait votre conqu�te? Je serais le plus ingrat des
hommes, ma Comm�re, si je ne continuais pas � vous voir sur le m�me
pied, surtout lorsque mes facult�s et votre mani�re d'agir � mon �gard
s'accordent si bien ensemble. Cependant il ne sera pas dit que je ne
cherche pas � m'acquitter envers vous; je sais que vous aimez la belle
litt�rature, je vous ai surprise plus d'une fois le _Moyen de parvenir_
� la main, et je me suis m�me aper�u que, dou�e d'une imagination tr�s
vive, vous vous trouvez, � la suite de vos lectures, dans des
dispositions qui tournent � bien pour vous, et � mal pour moi; mais
duss�-je risquer de nouvelles fatigues, je vous offre ce petit Recueil,
en vous priant de le lire, de le recommander � vos amis, et surtout de
l'envoyer � Besan�on. Sur ce, ma Comm�re, je vous baise les mains. Ne
soyez pas �tonn�e que je ne vous fasse aujourd'hui ma cour que par
�crit: notre derni�re entrevue m'a mis pour quelque temps hors d'�tat de
vous la faire autrement; ce qui n'emp�che pas que mon amour ne r�ponde
au v�tre.

Votre Comp�re,

Y. X. ***.




LE

Petit-Neveu de Gr�court

OU

�trennes Gaillardes


LA FEMME SANS CHOSE

    Le trait suivant, Lecteur, est d'assez bon aloi:
        Je le tiens de Monsieur G�ronte,
    Lequel me l'a donn� pour une histoire, et moi
        Je vous le donne pour un Conte:
    Car il faut, tant qu'on peut, �tre de bonne foi.
    C'est tout pr�s de Paris que se passe la sc�ne.

      Un Grenadier (La Rose �toit son nom)
        Jeune, bien fait, bon compagnon,
        �tant en semestre � Sur�ne,
    De Th�r�se un beau jour lorgna le pied mignon.
        �Corbleu!� dit-il, �la bonne aubaine!
        �Qui pourroit l'attirer � soi
        �Auroit un vrai morceau de Roi,
        �Ou tout au moins de Capitaine.�
    Il aborde � l'instant Th�r�se sans fa�on,
      D'un air joyeux lui conte sa fleurette
    Et lui porte la main au-dessous du menton.
        Son geste, son habit, son ton
        Plurent beaucoup � la fillette:
    Bref, quelques jours apr�s la retrouvant seulette,
    Dans le fond d'une grange � sa d�votion,
    Il ne put r�sister � la tentation,
        Et l'affaire fut bient�t faite.
      N'en parlons plus; ajoutons seulement
        Que depuis cet heureux moment,
    Th�r�se et son ami, tous les jours en cachette,
    Alloient au m�me lieu se rendre exactement.
    Th�r�se y vint un soir, elle �toit inqui�te
      Et paraissoit r�ver profond�ment.
    En regardant La Rose, elle reste muette.
        �Qu'as-tu,� lui dit-il, �mon enfant,
    �Et qui peut te causer une peine secr�te?
        �Ne cache rien � ton Amant,
    �Parle.� Th�r�se enfin parla na�vement:
        --�On me dit que je suis gentille;
        �Mais la serai-je encor longtemps?
    �Vienne Saint-Nicolas, j'aurai mes vingt-deux ans,
        �Et je ne veux pas mourir fille.
    �Je sais que le Meunier du village voisin
    �A mon p�re en secret a demand� ma main;
    �Et mon p�re a dit oui: suffit que j'y consente,
    �J'�pouserai Colas pas plus tard que demain
    �Conseille-moi!--Colas, parbleu! c'est mon cousin,�
    Reprit le Grenadier, �car sa m�re est ma tante;
        �Ce gar�on l� n'est pas malin,
    �Mais il a malgr� �a quelque chose qui tente;
        �C'est deux cents bons �cus de rente:
    �Si je les avois, je... Mais puisque je n'ai rien,
        ��pouse-le, tu feras bien.
    �J'exige seulement...--Quoi?--Tu sais bien, ma ch�re,
    �Que je dois te quitter dans vingt jours au plus tard;
      �Avant le temps fix� pour mon d�part
        �La noce, dis-tu, peut se faire.
    �En ce cas je pr�tends � ton ben�t d'�poux
    �De ses droits conjugaux interdire l'usage:
    �Si donc il t'invitait � des �bats trop doux,
    �D�s la premi�re nuit brusque le personnage,
        �Dusses-tu le mettre en courroux.
    �Quand je serai parti, je lui donne carri�re;
      �Mais jusque-l�, Madame la Meuni�re,
    �De Monsieur le Meunier je serois trop jaloux.
        �--Comment? tu veux que, sans d�fense,
    �D�s la premi�re nuit, seulette entre deux draps,
    �Avec un homme...? Allons, tu te moques, je pense.
    �Qui pourroit se tirer d'un pareil embarras?
        �J'aurois beau faire la mutine,
        �Beau me f�cher, beau le gronder,
        �Colas croiroit que je badine;
    �Il seroit le plus fort, il faudroit bien c�der.
    �--D'accord, mais si je peux par un bon stratag�me
        �Lui fermer ce qu'il croit ouvert?...
        �--Pour te prouver combien je t'aime,
    �Je consens volontiers � le prendre sans vert.
    �--Eh bien! avertis-moi la veille de la noce,
        �Et nous agirons de concert,
    �Afin que, comme un sot, il donne dans la bosse.�
      A point nomm� La Rose est averti:
    Imaginez un peu ce qu'il fit � Th�r�se.
    (Vous avez vu qu'� tout la belle a consenti
      Pour emp�cher que Colas ne la baise).
    Il colle artistement sur un certain endroit,
    Que point ne veux nommer, que pourtant on devine,
    Une peau de mouton douce, fra�che et tr�s fine.
    Le pli le plus l�ger, il l'efface du doigt,
        Et partout, ainsi qu'on le croit.
    Appliquant une main experte et libertine,
        Il fait si bien qu'on n'aper�oit
    Ni le creux du vallon, ni le duvet qui cro�t
        Sur le penchant de la colline.
    Ceci peut sembler fort, mais un amant adroit
    Ex�cute ais�ment tout ce qu'il imagine,
        Mieux encor qu'on ne le con�oit.
    Et puis, ami Lecteur, un peu de complaisance;
        Pr�tez-vous � l'illusion,
    Et vous croirez qu'apr�s cette op�ration
    Th�r�se n'en eut plus... du moins en apparence.
    Au fait. Le lendemain elle �pouse Colas:
    En sortant de l'�glise on vint faire bombance,
    On but du petit vin, on servit de grands plats;
    Mais parlons du souper, lequel suivit la danse:
    Le souper d'une noce est le meilleur repas.
      Le mari�, droit comme un �chalas,
    D'aller se mettre au lit br�loit d'impatience.
        La Rose, riant aux �clats,
    Par des couplets gaillards �gayoit l'assistance,
    S'approchoit de Colas, et lui disoit tout bas:
    �Cousin, tu m'as bien l'air d'un croqueur de pucelles;
    �Gageons que cette nuit tu ne dormiras pas:
        �La mari�e est des plus belles;
    �Demain, les yeux battus et les membres bien las,
        �Tu nous en diras des nouvelles.�
        Tout en parlant de bagatelles,
        On entendit sonner minuit:
    Lors au lit nuptial chaque �poux fut conduit,
        Et l'on �teignit les chandelles:
      On sait d�j� tout ce qui se passa.
    Colas, dont on se peint ais�ment la surprise,
    Pour f�ter sa comm�re en vain se tr�moussa,
    Tentant dix fois l'assaut, et dix fois l�chant prise.
    D'un jeu si d�plaisant enfin il se lassa,
    Et fut toute la nuit dans une horrible crise.
      Au point du jour, mon Jocrisse � grands pas
    Va chez le Grenadier en poussant des h�las!
        --�Si vous saviez, cousin La Rose,
        �Ma femme, elle n'a pas de...--Quoi?
        �--De... la... de...--Quoi donc?--Aidez-moi!
    �Eh bien! elle n'a pas... elle n'a pas de chose!
        �--Ah! parbleu, n'est-ce que cela?
    �On peut rem�dier � cet accident-l�;
      �Et je ne sais pourquoi tu t'inqui�tes:
        �Beaucoup de femmes n'en ont pas;
    �Mais je leur en fais, moi.--Comment, vous leur en faites!
    �--J'en fis un l'an dernier � celle de Lucas;
    �Tu pourrois m�me aller la trouver de ce pas,
        �Et par des questions secr�tes...
    �En observant surtout de lui parler bien bas,
    �Peut-�tre avoueroit-elle...--Ah! que je serois aise
    �Si vous pouviez ce soir en faire un � Th�r�se!
        �--Ce soir, le terme est un peu court;
    �Mais apporte au logis avant la fin du jour
    �Douze livres de crin, douze francs pour ma peine;
    �Pars demain, va passer huit jours chez ta marraine,
        �Imagine quelque d�tour
    �Afin de lui cacher le sujet qui t'am�ne:
    �Dis-lui que par malheur tu deviens un peu sourd,
    �Et qu'on t'a conseill� de voyager en plaine.
        �Sur le chose de ta Chr�tienne
      �Sois plus muet que la bouche d'un four,
    �Entends-tu bien, Colas?--Oh! qu'� cela ne tienne!
    �--C'est aujourd'hui lundi, je fixe ton retour
        �Au Mardi de l'autre semaine:
        �Ce jour-l� tu pourras sans g�ne
    �Faire un petit Colas.--Ah! Th�r�se, ah! mamour,
        �Mardi j'en aurai donc l'�trenne!
      �--Adieu, cousin.--Bonsoir.� Une heure apr�s
    Le crin est envoy�, les douze francs sont pr�ts;
        Et comme une franche p�core,
    Colas le lendemain partit avant l'aurore.
        Vous jugez bien que notre amant
        Sut mettre � profit son absence.
        A Th�r�se il fit un enfant,
    Puis il vendit le crin pour en avoir l'argent,
    Et riant du cousin docile � la d�fense,
        Il regagna son R�giment.
        Colas, au bout de la huitaine,
    Croyant avec raison l'ouverture certaine,
    Revient trouver sa femme en faisant les yeux doux,
        --�Couchons-nous,� lui dit-il, �ma reine.�
        Th�r�se au lit suit son �poux;
        L�, sans compliment il l'enga�ne.
    Le jeu fini, Colas visita son domaine;
    Et lorsqu'en tous les coins il eut pass� la main:
        --�Ouais!� s'�cria-t-il, �cousin,
    �Par ma foi, je vous garde une bonne semonce:
    �Vous m'avez demand� douze livres de crin,
        �Et je n'en trouve pas une once!�


LA CROYANCE FOND�E

        Un jour que Madame dormoit,
        Monsieur f�toit sa Chambri�re;
        Celle-ci qui la danse aimoit,
        Remuoit fort bien la charni�re:
        Or la Coquine, toute fi�re,
        Lui dit: �Monsieur, sur votre foi,
        �Qui le fait mieux, Madame ou moi?
        �--C'est toi, Barbe, sans contredit.
        �--Saint Jean!� dit-elle, �je le croi;
        �Car tout le monde me le dit.�


LA D�CLARATION MILITAIRE

A MADAME ***

        Puisque vous m'avez dit souvent
        Que vous n'aimez pas la morale.
        On m'a fait un conte plaisant.
        Il faut que je vous en r�gale:

        Un Mousquetaire soupiroit
        Pour Fatime, beaut� s�v�re;
        Quel est celui qui me diroit
        Comment soupire un Mousquetaire?
        Depuis si longtemps un bruit court
        Que, dans le d�lai le plus court,
        Ces Messieurs font toujours l'affaire!
        Le pourquoi n'est plus un myst�re;
        Mars qui s'entend avec l'Amour
        Est exempt du pr�liminaire.
        Mon H�ros, qu'on nommoit Valcour,
        Et qui certe auroit eu vergogne
        D'en �tre � son troisi�me jour
        Sans finir la douce besogne,
        Pour la finir n'�pargna rien;
        Si, qu'� son deuxi�me entretien,
        Bien r�solu de passer outre,
        Il s'�cria: �Je voudrois bien,
        �Madame, vous...--Quoi donc?--Vous foutre.�
        Foutre est un mot tr�s ind�cent;
        Fatime se mit en col�re,
        Et dit:--�Monsieur le Militaire,
        �Vous �tes un impertinent.
        �--Un impertinent soit, ma ch�re;
        �J'en agis toujours rondement,
        �Et ne r�ponds au compliment
        �Que par trois mots: laissez-moi faire.�
        Entre ses bras il vous la prend.
        On devine que la Comm�re
        Se d�bat, ou bien fait semblant:
        Plus elle feint, plus il la serre.
        Bref, il la pousse vivement.
        Elle, tout en se d�battant,
        De tomber dans une berg�re;
        Lui d'avoir, en moins d'un instant
        Fait quatre ou cinq tours � Cyth�re.
        Mademoiselle, en se p�mant,
        De lui demander doucement
        S'il peut encore en faire autant?
        Et Monsieur, toujours plus galant,
        De ne pas rester en arri�re.
        Mon Lecteur, qui sait que souvent
        Le plus vigoureux assaillant
        Apr�s trois exploits tombe � terre,
        Ne doit pas trouver surprenant
        Qu'ayant fait six fois la carri�re,
        Sans prendre haleine seulement,
        Mon coquin, d'un air triomphant,
        Enfl� de sa valeur guerri�re,
        Dit � Fatime en la quittant:
        --�Pour foutre, vive un Mousquetaire!�
        Ni que Fatime souriant
        Prenne le parti de se taire;
        Car un Auteur qui n'est pas sot,
        Sur _foutre_ a donn� cette glose:
        Les Dames pardonnent le mot
        A celui qui fait bien la chose.


LA R�PONSE SENS�E

CONTE

        Ces jours pass�s, une Catin
        Dit � Pattu le M�decin:
        �Je vous paierai, co�te que co�te;
        �Tirez-moi d'un grand embarras;
        �Monsieur, vous avez vu des _cas_:
        �Les cas sont-ils barbus?--Sans doute.
        �--Pourquoi le mien ne l'est-il pas?
        �--En voici la raison, �coute,�
        Lui r�pond gravement Pattu;
        �Ne sais-tu pas un vieux Proverbe,
        �Qui dit qu'en un sentier battu
        �On ne vit jamais pousser d'herbe?�


LA PLAINTE INJUSTE

      A la campagne, un jour qu'il faisoit beau,
      Gilet fut voir Madame du Martelle.
      Bien fut re�u dans l'antique Ch�teau:
      Pour le traiter, on mit tout par �cuelle;
      Mais il se plaint que la ronde femelle
      L'ait fait coucher aupr�s d'un grand Valet.
      Or de la Dame � tort se plaint Gilet:
      Mieux n'e�t choisi, si c'e�t �t� pour elle.


BADINAGE IN-PROMPTU

_En voyant la Statue de la Pucelle d'Orl�ans dans la place publique de
cette Ville._

          Passants, respectez celle
          Que vous voyez c�ans:
          C'est la seule pucelle
          Qui soit dans Orl�ans.


LA BELLE ACCOMMODANTE

        L�on, pouss� d'humeur fol�tre,
        Regardoit � son aise un jour
        Les jambes plus blanches qu'alb�tre
        De Lise, objet de son amour.
        Tant�t il s'attache � la gauche,
        Tant�t la droite le d�bauche;
    �Je ne sais plus,� dit-il, �laquelle regarder;
    �Une �gale beaut� fait un combat entre elles.
        �--Ah!� dit Lise, �ami, sans tarder,
    �Mettez-vous entre deux, pour finir leurs querelles!�


IN-PROMPTU

    Vous me priez toujours de vous faire des vers,
    Je vous l'ai dit vingt fois, Madame, en bonne prose:
        Je les ferois tout de travers;
        J'aime mieux vous faire autre chose.


COUPLET

Air: _La faridondaine, la faridondon._

        Pendant six mois, notre voisin
          Crut sa femme hydropique;
        Mais en criant un beau matin:
          �Aye! aye! J'ai la colique,�
        Elle accoucha d'un gros gar�on,
      La faridondaine, la faridondon,
        Qui ressemble au pauvre mari,
            Biribi,
        A la fa�on de Barbari,
            Mon ami.


BOUQUET A Mlle ***

        En ce jour que je dois f�ter,
        Je vous pr�sente ma personne;
        C'est le bouquet que je vous donne,
        Mais voudrez-vous bien le porter?


LA RAGE D'AMOUR

CONTE

      A Cupidon la jeune et belle Amynthe
      Malgr� l'hymen sacrifioit toujours;
      Son pauvre �poux toujours �toit en crainte
      Qu'elle ne f�t de nouvelles amours.
      Il ne pouvoit en siller la paupi�re;
      Veilles, soucis l'eurent t�t emport�.
      Lui mort, Amynthe, en pleine libert�,
      A son humeur donna belle carri�re;
      On en jasa; son Cur� crut devoir
      L'en avertir: �Vous vous perdez, Madame,
      �Changez de vie, ou c'est fait de votre �me!
      �--H�las! Monsieur, je voudrois le pouvoir,�
      Lui r�pondit la trop fringante veuve;
      �Mais plaignez-moi, tel est mon ascendant,
      �Que je ne puis avoir l'esprit content,
      �Si chaque mois je n'ai pratique neuve.
      �Cela me vient d'un accident fatal:
      �A quatorze ans d'un chien je fus mordue,
      �Chien enrag�. Pour pr�venir le mal,
      �L'avis commun fut qu'il me falloit nue
      �Plonger en mer. Nue on me d�pouilla.
      �Honteuse alors de me voir sans chemise,
      �Incontinent je portai la main l�...
      �O� vous savez, sans jamais l�cher prise.
      �On me plongea; mais qu'est-il arriv�?
      �C'est que mon corps, � pudeur trop funeste!
      �Partout ailleurs du mal fut pr�serv�,
      �Hors cet endroit o� la rage me reste.�


LE PR�TENDU MALIN

        Jean recherchoit pour l'hym�n�e
        P�quette l'�merillonn�e;
    Chacun disoit � Jean: �P�quette a mauvais bruit,
        �Son honneur est un grand peut-�tre.
        �--Oh!� dit Jean, �la premi�re nuit
        �Je saurai bien le reconno�tre.�


LA GAGEURE

      Deux Penaillons, voulant prendre un �bat
      Pour �gayer l'ennui du Monast�re,
      Gageoient un jour deux flacons de muscat
      A qui plut�t auroit dit son Br�viaire:
      Ce n'est du tout agir Chr�tiennement.
      Avant d'entrer en si plaisante lice,
      Nos deux Frocards se pr�t�rent serment
      De ne sauter un mot du saint Office.
      Le serment fait, les voil� donc en train
      De marmoter; quand l'un, gagnant la fin.
      Dit: �Je n'ai plus qu'un bout de paten�tre.
      �--Ah! malheureux, tu m'as fourb� vraiment,
      �Car je ne suis qu'au milieu,� r�pond l'autre,
      �Et j'ai pass� tout le commencement!�


LE PAIEMENT D'AVANCE

        Dans Paris plus d'un Bourgeois,
        N'ayant ma�tresse ni femme,
        Pour un �cu tous les mois
        S'en va rafra�chir sa flamme.
        T�moin Monsieur Rogaton,
        Qui sait o� le b�t le blesse,
        Et de temps en temps, dit-on,
        C�de � l'humaine faiblesse.
        L'autre jour une dr�lesse
        L'aper�ut de son balcon,
        Et la voil� qui l'invite
        Par un _st, st_ redoubl�.
        Mon homme de monter vite
        Sit�t qu'il est appel�;
        Il entre; elle de lui dire:
        �Mon fils, sois le bienvenu;
        �C'est moi qu'on nomme Zelmire:
        �Ce nom, je crois, est connu.
        �Ici l'on trouve � sa guise,
        �Blancheur, fra�cheur, fermet�;
        �Ces trois mots sont ma devise.
        �Je suis en bonne sant�;
        �Dans mes bras tout Paris tombe;
        �J'ai la gorge de Dut�
        �Et les fesses de Colombe.
        �Viens t'asseoir � mon c�t�
        �Et mets-moi vite � l'�preuve;
        �Mais auparavant fais preuve
        �De ta g�n�rosit�.
        �--Dis-moi combien tu demandes?
        �--Combien? Six livres, mon cher,
        �Et douze si tu marchandes;
        �C'est un prix fait en hiver.
        Mons Rogaton sur la bouche
        Un gros baiser lui colla;
        Zelmire, d'un air farouche:
        --�Il faut mettre six francs l�,
        �Et sois s�r que sans cela
        �Je ne veux pas qu'on me touche.
        �D�p�chons, il se fait tard;
        �Six francs, ou bats en retraite.�
        Rogaton les lui d�part.
        La Comm�re, satisfaite,
        Ses charmes lors d�voila,
        En lui disant: �Me voil�
        �Comme le bon Dieu m'a faite.
        �--Ah! Ciel! je suis infect�!
        �Ici que n'ai-je apport�
        �De l'ambre ou de la civette?
        �Cache, cache tes attraits,�
        Dit l'autre, �je gagerois
        �Que tu n'as pas fait toilette.
        �Fi!--Si tu n'es pas content,
        �Tu peux regagner la porte.
        �--Eh bien! rends-moi vitement
        �Mes six francs, et que je sorte.
        �--Tes six francs? oh! doucement:
        �Je ne fais point de corv�e;
        �On ne rend jamais l'argent
        �Lorsque la toile est lev�e.�


IN-PROMPTU

_Chant� dans la maison de M. le Marquis de L***, � V***, le jour qu'on y
pendit la Cr�maill�re._

Sur l'air: _La bonne aventure, � gu�._

        Comme de vrais _sans souci_,
          Donnons-nous carri�re;
        Pr�s des Dames que voici,
          Libert� pl�ni�re!
        Surtout point d'Amant transi,
        Car rien ne doit pendre ici,
        Que la Cr�maill�re, � gu�,
          Que la Cr�maill�re!


LA CALOMNIE FOUDROY�E

      �Oui, vous feriez en vain le d�licat,
      �Monsieur l'Abb�, je ne serois pas dupe;
    �Avouez, croyez-moi, que vous aimez la jupe.
      �Et sur ce point n'ayons plus d'altercat.
    �--Mais, Madame, jetez les yeux sur mon rabat...
        �--Toutes vos raisons sont frivoles...
    �--Vous �tes incr�dule et voulez un �clat?
        �Eh bien! retenez ces paroles:
      �Du cotillon je fais si peu d'�tat,
        �Que je donnerois cent pistoles
        �Pour que personne n'en port�t!�


LA FENTE

CONTE

        Orante avoit fait emplette
        D'un quarteau de vieux Rota;
        Sa chambri�re P�quette,
        Un beau matin le go�ta
        Et le trouva bon sans doute.
        Elle y revint: Jean l'aida.
        Verre � verre, goutte � goutte
        La feuillette se vida.
        Au bout d'une quarantaine
        Il advint que le Patron,
        Qui croit la feuillette pleine,
        Va pour en prendre l'�trenne.
        L'eut-il? Vous savez que non.
        Abus� dans son attente,
        D'abord il est stup�fait,
        Puis songeant que le vin tente
        Et se doutant du m�fait,
        Il appelle sa servante
        Et lui dit ce qu'elle sait.
        Pourtant elle s'�merveille:
        Jamais, jamais on n'a vu
        Une aventure pareille!
        --�Certe, qui l'auroit pr�vu?�
        R�pondit-elle � son ma�tre,
        �D'o� peut provenir cela?
        �Quelque fente aura peut-�tre
        �Caus� cet accident-l�;
        �Nous pourrons le reconno�tre.�
        Elle va prendre un flambeau.
        L'allume, vient, fait sa ronde:
        Rien ne manquoit au tonneau.
        --�Morgu�! le tour est nouveau;
        �Voyons par-dessous�, dit-elle.
        Au m�me instant la donzelle,
        En se baissant, met au jour
        Ce qui pla�t dans une belle,
        Morceau digne de l'amour.
        Et pour parler sans d�tour,
        Le parois de sa Chapelle
        Que couvroit un jupon court.
        --�C'est assez�, lui dit Orante,
        En lorgnant le d�fil�,
        �Viens que je bouche la fente
        �Par o� mon vin a coul�.�


LE REPENTIR SINC�RE

        Avec la brune et la blonde
        Un Prieur B�n�dictin
        Prit tant d'�bats, qu'un matin
        Il gagna le mal immonde.
        Voyant son chose maigri,
        L'horreur du crime le frappe;
        �Fin,� dit-il, �qui m'y rattrape...
        �Avant que je sois gu�ri!�


L'ARMURE DE V�NUS

        V�nus manioit pr�s de Mars
        Son casque, son glaive, ses dards,
        Armes de d�fense et d'attaque.
        Mais le Dieu lui cria soudain:
        �Belle, j'en ai sous ma casaque
        �De plus propres pour votre main.�


A MA MAITRESSE

_Qui, la veille en dinant chez moi, avait paru d�sirer un serin que
j'avais._

      Re�ois la cage et le serin charmant
    Dont tu louois hier l'agr�able ramage:
    Il en reste encore un � ton fid�le amant;
      Mais c'est � toi de lui donner la cage.


_Les D�solations et les Consolations._

VAUDEVILLE

        Cloris avec un gros Seigneur,
        L'hiver dernier, perdit sa fleur;
          C'est ce qui la d�sole.
        Mais alors elle n'avoit rien,
        Et maintenant elle a du bien;
          C'est ce qui la console.
        Lise avoit Lindor pour amant,
        Sa m�re la met au Couvent;
          C'est ce qui la d�sole.
        Un Directeur qui vaut de l'or,
        Pr�s d'elle remplace Lindor;
          C'est ce qui la console.
        Lisimon est bien convaincu
        Que son voisin le fait cocu;
          C'est ce qui le d�sole.
        En secret le drille malin
        Rend la pareille � son voisin;
          C'est ce qui le console.


�L�GIE

        Au diable soit la donzelle
        Qui, me prenant par la main,
        Me fit rebrousser chemin,
        Et me conduisit chez elle!
        Sot que je fus ce jour-l�!
        En arrivant dans sa chambre,
        Sur un lit parfum� d'ambre
        Ses charmes elle �tala.
        Las! j'en perdis la parole.
        Que faire? j'�tois vaincu:
        Jean Chouart joua son r�le;
        Barbe gagna son �cu,
        Moi, je gagnai la v�role.


�PIGRAMME

        L'�pous�, la premi�re nuit,
        Rassuroit sa femme farouche.
        �Mordez-moi,� dit-il, �s'il vous cuit,
        �Voil� mon doigt en votre bouche.�
        Elle y consent, il s'escarmouche;
        Et quand il l'eut bien d�hous�e;
        �Or �a,� dit-il, �tendre Rouz�e,
        �Vous ai-je fait du mal ainsi?
        �--Ah donc!� r�pondit l'�pous�e.
        �Je ne vous ai pas mors aussi!�


LE TRIOMPHE DE LA MAROTTE

OU

L'ESPRIT DE MES CONFR�RES

CHANSON

Sur l'air: _O reguingu�, � lon lan la._

        Entre les diff�rents �tats
        Qui font vivre l'homme ici-bas,
        On ne d�m�le qu'altercas,
        Peines d'esprit, vains embarras:
        Chez le H�ros, chez le Pagnote,
        Tout n'est que sottise et marotte.

        La d�bauche pla�t au Rentier,
        Le faux point d'honneur au Guerrier,
        L'opulence entiche un Caissier,
        L'amour-propre le monde entier;
        Petits-Ma�tres, Gens de maltote,
        Chacun a son bien de marotte.

        Mais laissant au joug de leurs fers
        Tant de personnages divers,
        L'�glise fournit � mes vers
        De quoi blasonner ses travers;
        Le plus mince porte-calotte
        Donne prise � quelque marotte.

        Le Pape avec les Cardinaux,
        V�n�rables Grippeminauds,
        Pasteurs quelque peu larronneaux,
        Font voir en tondant leurs troupeaux,
        Malgr� les statuts de la rote,
        L'app�t du lucre pour marotte.

        Un �v�que d�ment rent�,
        Plein d'embonpoint et de sant�;
        Au s�jour de la volupt�,
        Dans une sainte oisivet�,
        Sur le duvet qui le dorlotte
        Laisse appercevoir sa marotte.

        J'aime un Chanoine fortun�
        Qui, dans son fauteuil cantonn�,
        Pr�m�dite apr�s d�jeuner
        L'assortiment de son d�ner,
        Et qui baptise d'Ostrogote
        La loi contraire � sa marotte.

        Abb�s charmants, petits collets,
        Pour qui la mitre a tant d'attraits,
        Aussi souples que des valets,
        En r�dant autour des Palais,
        J'opine ce qui vous balotte;
        Les grandeurs sont votre marotte.

        La gouvernante d'un Cur�,
        Sous un parentage ignor�,
        Prend en vain le ton mani�r�;
        Je dis au bon Pr�tre leurr�:
        L'amour entre vous et Javotte
        N'a-t-il point mis quelque marotte?

        Les Moines, par plus d'un endroit,
        M�ritent qu'on leur fasse droit;
        D'abord viennent ceux de Beno�t,
        Gens absolus, vrais pisse-froid;
        Craignez cette race d�vote,
        L'intol�rance est leur marotte.

        Un Bernardin au lansquenet
        Fouette la carte en prestolet,
        Hausse le temps, et d'un buffet
        Range les cristaux au parfait,
        Fredonne quelque air de gavotte:
        Telle est au juste sa marotte.

        Le C�lestin entre deux draps
        Couloit des jours sans embarras;
        Du Latin qu'il n'entendoit pas,
        Laissant l'usage aux Savantas,
        Il trouvoit dans une marmotte
        Le symbole de sa marotte.

        Un gros Carme � triple menton,
        Pr�lude fort bien sur le ton
        Propre � l'amoureuse chanson;
        Mais au lutrin c'est un oison:
        Il prouve en �corchant la note,
        Qu'un autre accord fait sa marotte.

        Voulez-vous au fond d'un cellier
        Go�ter de ce jus singulier
        Qui repose sur le chantier?
        Prenez pour guide un Cordelier;
        Bient�t en sifflant la linotte,
        Il d�masquera sa marotte.

        Le Capucin peu d�licat,
        N� pour choquer notre odorat,
        Tant�t z�l�, tant�t pied-plat,
        Emprunte la griffe du chat,
        Et des bribes qu'il escamotte,
        Dresse un troph�e � sa marotte.

        Pr�cheurs, Soccolants, Augustins,
        Petits et grands Observantins,
        Famille d'Archi-patelins,
        Vrais escrocs, adroits carabins,
        Orgueilleux au sein de la crotte,
        L'impudence est votre marotte.

        Hermaphrodites incertains,
        Moiti� Moines, moiti� mondains,
        Trinitaires, G�nov�fains,
        Antonistes, plats aigrefins,
        L'eau de senteur, la papillotte
        Manifestent votre marotte.

        Chartreux saintement d�soeuvr�s,
        Et vous rebondis Pr�montr�s,
        Cafards, on le sait, attitr�s,
        Au demeurant baudets jur�s,
        Ma Muse ombrageuse et capotte
        Ne voit goutte � votre marotte.

        Disciples du grand Loyola,
        Apr�s vous il faut dire, hol�!
        Quiconque franchit ce point-l�,
        Ne craint Charybde ni Scylla.
        Pascal, Auteur de haute note,
        A su frapper votre marotte.

        Fine fleur d'un sexe rus�,
        Tour � tour ch�ri, m�pris�,
        Tendres Nonnains, si j'ai glos�
        Sur le raz et sur le fris�,
        Vous m�ritez bien qu'on vous cote
        Dans les fastes de la marotte.

        H�riti�res du vain caquet
        De cet �loquent perroquet,
        Nagu�re chant� par Gresset,
        Je vais prononcer votre arr�t:
        Le babil et l'humeur bigote
        Sont votre �ternelle marotte.

        Indigne de former des noeuds,
        La coquette attise nos feux,
        La prude �vite leurs aveux,
        La volage reste entre deux;
        Tandis que la froide vieillotte
        Regrette en secret leur marotte.

        Pr�dicateur hors de saison,
        Quel fruit produira mon sermon?
        Du vent, rien plus. Jamais chanson
        Ne fit un Saint d'un Pantalon.
        Dans la liste que je fagotte,
        Moi-m�me j'ai double marotte.


LES CINQ POINTS

A MADEMOISELLE DE ***

      Fleur de quinze ans, si Dieu vous sauve et gard,
      J'ai en amours trouv� cinq points expr�s:
      Premi�rement, s'offre � vous le regard,
      Puis le parler, puis le baiser apr�s;
      L'attouchement le baiser suit de pr�s,
      Et tous ceux-l� tendent au dernier point,
      Lequel est...--Quoi?--Je ne le dirai point;
      Mais s'il vous pla�t en ma chambre vous rendre,
      Je me mettrai volontiers en pourpoint,
      Voire tout nud, pour vous le faire apprendre.


L'UN POUR L'AUTRE

CONTE

      Pr�s de s'unir � sa discr�te amie,
      Le bon Damis, chez elle, un beau matin,
      Sur un sopha la trouvant endormie,
      Osa risquer un geste libertin;
      Mais par malheur s'�veille la Donzelle,
      Et ses beaux yeux encore appesantis:
      �Mon cher Louis, ah! tu vaux trop,� dit-elle,
      (Louis �toit un valet du logis),
      �Toute la nuit, tu m'as prouv� ton z�le;
      �Le jour au moins, repose-toi, Louis.�


LA PR�SENCE D'ESPRIT

      Martin menoit son cochon au march�,
      Avec Suzon, qui dans la plaine grande,
      Pria Martin de faire le p�ch�
      De l'un sur l'autre, et Martin lui demande:
      �Mais, qui tiendroit notre cochon, friande?
      �--Qui?� dit Suzon, �bon rem�de il y a.�
      Lors le cochon � sa jambe lia,
      Puis Martin grimpe, et lourdement enga�ne.
      Le porc eut peur, et Suzon s'�cria:
      �Serre, Martin! notre cochon m'entra�ne.�


LA D�FENSE BIEN OBSERV�E

        �Quoi! maman me laisse seulette?
        �Pour moi j'en suis presque en courroux;
        �Il semble qu'expr�s avec vous
        �Je voulois rester t�te � t�te;
        �Mais non, Monsieur, n'en croyez rien;
        �Vraiment je vous le d�fends bien.

        �Pour favoriser le myst�re,
        �Ma porte est ferm�e aux verroux;
        �Ici, sans crainte des jaloux,
        �On pourroit jouir et se taire;
        �Mais non, Monsieur, n'en faites rien;
        �Vraiment je vous le d�fends bien.

        �Pr�t � rire de ma col�re,
        �Peut-�tre que mon n�glig�,
        �Mon mouchoir un peu d�rang�,
        �Vont vous rendre trop t�m�raire;
        �Mais non, Monsieur, qu'il n'en soit rien;
        �Vraiment je vous le d�fends bien.

        �Dans vos yeux je lis votre audace,
        �Vos regards d�vorent mon sein;
        �Vous allez y porter la main,
        �Votre bouche en prendra la place;
        �Mais non, Monsieur, n'en faites rien;
        �Vraiment je vous le d�fends bien.

        �Mais que vois-je? ma jarreti�re
        �Se d�fait et tombe � mes pieds;
        �Souffrir que vous la rattachiez!
        �Oh! pour cela je suis trop fi�re!
        �Non, non, Monsieur, n'en faites rien;
        �Vraiment je vous le d�fends bien.�

        Comprenant enfin la d�fense,
        Par degr� Damon s'enhardit,
        A la belle il d�sob�it,
        Pour prouver son ob�issance.
        Jusques au bout il fit si bien,
        Qu'on ne lui d�fendit plus rien.


LE D�GEL

      Un jour d'hiver Robin, tout �perdu,
      Vint � Catin pr�senter sa requ�te,
      Pour d�geler son chose morfondu,
      Qui ne pouvoit quasi lever la t�te.
      Incontinent Catin fut toute pr�te;
      Robin aussi prend courage et s'accroche;
      On se remue, on se joue, on se hoche.
      Puis quand ce vint au naturel devoir,
      �Ah!� dit Catin, �le grand d�gel approche!
      �--Oui,� r�pond-il, �je sens qu'il va pleuvoir.�


HISTOIRE V�RITABLE ET REMARQUABLE D'UN ABB�

Qui avoit donn� un rendez-vous � une femme mari�e; le mari, instruit de
ce rendez-vous, mit � sa chaste �pouse une ceinture fort usit�e en
Italie.

Air: _Tarare, pon, pon._

          C'est approchant comm' �a,
              Vers Novembre
              Ou D�cembre,
          Que Flore me donna
          Un rendez-vous pour �a.
          En entrant dans sa chambre,
          Flore dit: �Ah! pour �a,
          �Ah! l'abb�, sent-on l'ambre
              �Comm' �a?�

          --�La Dulac[1] est comm' �a,�
              R�plique
              L'Abb� R'lique;
          �Mais son ambre a cela
          �De me rendre comm' �a.
          �--Abb�,� dit-elle, �unique,
          �L'on ne voit sonica,
          �Qu'un Eccl�siastique
              �Comm' �a.

          �Je ne suis pas comm' �a,
              �Si preste:
              �Malepeste!
          �Mon mari jaloux m'a
          �Mise en cage comm' �a;
          �La ceinture funeste
          �Que vous me voyez l�,
          �Vous interdit un geste
              �Comm' �a.�

          --�Je n'ai rien vu comm' �a;
              �Le tra�tre!�
              Dit le Pr�tre,
          �Ce chien de mari-l�!
          �G�ner un coeur comm' �a!
          �Sans que j'en sois le ma�tre.
          �Cette vue a d�j�
          �Fait que je cesse d'�tre
              �Comm' �a.�

          --�Une histoire comm' �a,�
              Dit la Belle,
              �Est nouvelle;
          �Quel tour plaisant c'est l�!
          �L'Abb�, j'en ris comm' �a.�
          L'abb�, riant comme elle,
          Fait ses adieux, s'en va,
          Laissant la Demoiselle
              Comm' �a.

  [1] Marchande renomm�e pour les odeurs et les parfums.


L'EXP�DIENT FACILE

      Martin �toit dedans un bois taillis
      Avec Alix, qui, de tendre mani�re,
      Lui dit: �Martin, le long de ces palis,
      �Ta mie Alix d'amour te fait pri�re.
      �--Mais,� dit Martin, �si quelqu'un par derri�re
      �Nous surprenoit, ce seroit grand vergogne?
      �--Bon, bon! du cul vous ferez signe arri�re,
      �Passez chemin, laissez faire besogne.�


ON FAIT CE QU'ON PEUT

        Blaise, dont jadis le cr�dit
        Voloit de Paris jusqu'au Gange,
        Est plus d�chu que l'on ne dit.
        Il s'endette du pain qu'il mange;
        Et Catin, pour gagner de quoi
        Mettre une chemise sur soi,
        Lui met des cornes sur la t�te:
        Voyez quelle diversit�!
        Pour chasser la n�cessit�,
        Blaise emprunte, et sa femme pr�te.


LE QUIPROQUO OU COLIN-MAILLARD

    Un jour deux Capucins, l'un p�re et l'autre Fr�re,
    En regagnant Paris, passoient par Bagnolet;
    Les filles, ce jour-l�, pour f�ter Sainte Claire,
    S'�gayoient et dansoient au son du flageolet.
        �--Mes compagnes,� s'�cria Rose,
    �D'un excellent projet je veux vous faire part:
    �Voil� Fr�re Fran�ois, avec P�re Bernard;
    �Qu'on les fasse approcher, et puis qu'on leur propose
        �De jouer � Colin-Maillard;
    �Je gage mon sabot qu'ils acceptent la chose.�
        Rose savoit de bonne part
    Que jamais Capucins ne craignirent la glose.
    On les appela donc, et le couple gaillard
    Eut bient�t mis besace et b�ton � l'�cart.
    Ils tir�rent au sort, � ce que dit l'histoire;
        L'un �toit jeune, l'autre vieux,
        Et gr�ce � la bont� notoire
    De l'�tre pr�voyant qui fait tout pour le mieux,
    Le sort �chut au jeune, on lui banda les yeux.
    Vous le voyez d'ici tourner � l'aveuglette,
    Aller � droite, � gauche, � grands, � petits pas,
    Les deux jarrets tendus aussi bien que les bras,
    Et le corps en avant comme un Chasseur qui guette.
    Il avoit tant tourn� qu'enfin il �toit las,
        Quand par bonheur une fillette
        Vint le tirer par sa jaquette;
        C'�toit Rose, il la jette � bas;
        Et portant une main l�g�re
        A certain endroit d�fendu:
        �C'est vous!� dit-il, �R�v�rend P�re,
        �Votre barbe vous a vendu.�


L'INOCULATION

CONTE

    �La petite v�role est un mal, belle Agn�s,
    �Dont, pass� dix-huit ans, on ne gu�rit jamais,�
    Dit un jeune Esculape, �ou du moins, c'est bien rare;
    �Vous en avez quatorze; � mes soins fiez-vous,
        �Que d'un poison tra�tre et barbare
    �Je sauve avec vos jours des charmes aussi doux;
      �Souffrez enfin... que je vous inocule.
        �--Oh! vous me ferez mal.--Tr�s peu.
        �Vous verrez que ce n'est qu'un jeu;
        �Votre frayeur est ridicule.
    �--A demain.--Aujourd'hui.--Non, non--Soit, � demain.�
    Le lendemain, Agn�s toujours tremble et r�siste;
    Notre inoculateur, comme on le croit, persiste;
    Il fait l'insertion autre part que Tronchin.
        Agn�s crie, ensuite se pr�te
      A ses efforts. L'op�ration faite,
      --�Que n'allez-vous,� dit-elle, �votre train?
        �Vous n'auriez qu'� m'avoir manqu�e!�
    Il double, il triple, il cesse.--�Encore un autre grain,
        �Quand j'en devrois �tre marqu�e!�


LA MUETTE

CHANSON

Air: _Je vous pr�terai mon manchon._

        Dans un bosquet, pr�s de Lisette,
        Colin parloit de ses amours;
        La belle faisoit la muette,
        Par signe approuvant son discours.
      �Que dois-je,� dit-il, �penser de ce geste;
        �Si ton coeur ne me dit le reste?
      �Mais, Mamzelle Louison, r�pondez donc,
            �Dites oui ou non,
          �Comment trouvez-vous �a?
            �Suis-je bien l�?
          �Comment trouvez-vous �a?�

        Dans son silence elle s'obstine;
        Colin, pour la faire jaser,
        Sur la bouche de la mutine
        Prend et reprend un doux baiser.
      �Je sens,� dit-il, �qu'il augmente ma flamme;
        �Mon feu passe-t-il dans ton �me?
      �Mais, Mamzelle Louison, etc.�

        �Ma foi je n'y puis rien comprendre,�
        Dit-il, en d�couvrant son sein;
        �Quoi! faut-il, pour te faire entendre,
        �Promener l�-dessus ma main?
      �Je vois, je sens que mon �me est joyeuse;
        �Ah! tu n'es donc pas chatouilleuse?
      �Mais, Mamzelle Louison, etc.�

        Pas un mot, pas une parole.
        �Ma foi,� dit-il, �tu parleras;
        �Je suis press�, le temps s'envole.�
        Soudain il la prend dans ses bras.
      Puis avec elle il tombe sur l'herbette:
        �Eh bien! � qui tient-il, Lisette?...
      �Mais, Mamzelle Louison, etc.�

        Lise, d'un oeil mourant et tendre.
        De Colin imite l'ardeur;
        Et sans songer � se d�fendre
        Souffrit qu'il f�t trois fois vainqueur.
      �Eh bien!� dit-il, �sens-tu comme je t'aime,
        �A pr�sent m'aimes-tu de m�me?
      �Mais, Mamzelle Louison, etc.�

        --�Ah! fort bien!� lui r�pond Lisette,
        Laissant �chapper un soupir;
        �Le d�sir me rendoit muette,
        �Mais je parle, gr�ce au plaisir.
      �Ami, tu peux � pr�sent sans obstacle
        �M'interroger.--Ah, quel miracle!
      �Quoi! Mamzelle Louison, vous parlez donc?
            �Le tour est bon;
          �Vous parlerez demain
            �Avec Colin,
          �Vous parlerez demain.�


L'OBSTACLE

CONTE

        A quoi bon prodiguer les mots?
        Tous nos Conteurs, pour l'ordinaire,
        S'�puisent en avant-propos;
      N'en faisons point, allons droit � l'affaire.
        Un Jouvenceau taill� pour plaire,
        Apr�s avoir bien soupir�,
        Menti, promis et conjur�
      (C'est des amants le langage vulgaire),
    Parvint pr�s de sa belle au moment d�sir�:
    Il touchoit � son but, quand, par triste aventure,
        Sans pouvoir avancer d'un pas,
      Il se d�m�ne, il souffle, il sue, il jure;
      On peut, je crois jurer en pareil cas.
        Disons le fait: Dame Nature
    Avoit ferm� d'amour la gentille serrure,
        Si bien que la clef n'entroit pas.
    Certain barreau... mais on m'entend de reste;
    Qu'Amour, jeunes beaut�s, veuille vous pr�server
        D'un accident aussi funeste!
      Ainsi soit-il. Venons � notre Amant:
    Le d�sir de ses sens par l'obstacle s'enflamme.
    Il redouble d'efforts, mais inutilement;
    D'amour et de col�re il enrage en son �me:
    On peut se fourvoyer, quand on marche � t�ton.
      Son chalumeau, d�j� baissant d'un ton,
    Dans le sentier voisin... Arr�tons, et pour cause:
        Car ce sentier... ma foi, je n'ose
      Vous le nommer; mais je peux, sans qu'on glose,
    Dire que sa V�nus ne fut plus qu'un Giton.
    A ce nouvel assaut n'�tant point pr�par�e,
        En vain la belle _imperfor�e_
    Lui crie: �Arr�tez donc, quel est votre dessein?
        �--Rien de plus simple que la chose,�
    R�pond le gars; �chez vous je trouve porte close:
        �J'�cris mon nom chez le voisin.�


LE TRIBUT CONJUGAL

        La Marquise de Montuza
        �tant presque sexag�naire,
        Aimoit un jeune Mousquetaire
        Qui, pour ses �cus, l'�pousa.
        La premi�re nuit le comp�re
        Lui dit, en lui serrant la main:
        �Madame, en vertu de l'hymen
        �Ne puis-je pas, sans vous d�plaire...?
        �Vous m'entendez...--Oui mon poulet,
        �Fais tout ce que tu voudras faire...�
        Le Mousquetaire fit un pet.


LE CONSEIL INUTILE

    �Madame, il se r�pand un bruit qui vous outrage:
        �Monsieur le Pr�sident, dit-on,
      �Sans respecter les noeuds du mariage,
    �Tous les jours en secret fait un petit Giton
      �Du Chevalier qui de votre maison
        �Occupe le troisi�me �tage.
    �Chassez donc, croyez-moi, ce vilain personnage,
        �Pour fermer la bouche aux railleurs,
        �Et surtout pour votre avantage:
    �Votre �poux ne doit pas aller r�pandre ailleurs
        �Un bien qui n'est qu'� votre usage.
    �--C'est bien dit: cependant si vous le trouvez bon,
    �Madame, vos conseils n'auront pas mon suffrage;
    �Vous ne connaissez pas le Chevalier Cl�on:
      �Ce bon ami, cet honn�te gar�on
        �Ne veut rien avoir � personne;
        �Il n'est pas tel qu'il vous paro�t,
        �Il me rend avec int�r�t
        �Ce que le Pr�sident lui donne.�


LA CONFIDENCE

        �Babet, vous avez du chagrin?
        �--Oui vraiment, je suis d�sol�e.
        �--Et de quoi?--De ce que Martin
        �Cet hiver-ci m'a viol�e.
        �--Ciel...! contez-moi vite cela.
        �--Ah! Monsieur, c'�toit un Dimanche:
        J'avois mis, ce Dimanche-l�,
        Une jupe de Perse blanche;
        Martin me vit et m'appela.
        Le tra�tre �toit dans une grange,
        J'y fus sans trop savoir pourquoi.
        �Babet,� me dit-il, �sur ma foi,
        �Vous �tes belle comme un Ange!�
        Lors il me mena dans un coin,
        Et l� pr�s d'un grand tas de foin,
        De beaux compliments il me berce.
        Je riois: il me saute au cou,
        Me fait tomber � la renverse,
        Et puis prenant je ne sais o�
        Un... chose roide comme un clou:
        �L�ve,� me dit-il, �ou je perce!�
        Je levai ma jupe de Perse,
        De crainte qu'il n'y f�t un trou.


LE CHAPELAIN

CHANSON

Sur l'Air: _Ne vl�-t-il pas que j'aime._

        Il me falloit faire une fin
          Comme tout bon Ap�tre;
        Je suis devenu Chapelain,
          Ce poste en vaut un autre.

        Iris m'offroit � desservir
          Sa gentille Chapelle:
        Je n'ai jamais su qu'ob�ir
          Aux ordres d'une belle.

        Elle est au fond d'un bois couvert,
          Gard� par le myst�re;
        Son sanctuaire n'est ouvert
          Qu'� mon seul minist�re.

        Un double autel de marbre blanc
          Est de sa d�pendance;
        Mais ce b�n�fice important
          Oblige � r�sidence.

        Sans Vicaire, de jour, de nuit,
          Suivant les anciens rites,
        Je fais l'office � petit bruit
          Avec deux Acolytes.

        Quoi qu'en puissent dire les gens,
          M�me aux F�tes de Vierge,
        Dans ma Chapelle, en tous les temps,
          Je n'allume qu'un cierge.

        Gros Prieurs et brillants Pr�lats
          Tout engraiss�s d'offrande,
        Non, non, je ne troquerois pas
          Avec vous de Pr�bende.


LE MARCHAND DE LOTO

�TRENNES AUX DAMES

        A mon loto, soir et matin,
        Sous vos doigts un brillant destin
        Portera des boules heureuses;
        Ce que j'assure, je le sais:
        Si vous en �tes curieuses,
        Mesdames, faites-en l'essai
            A mon loto.

        Un peu de secours fait grand bien;
        Tant soit peu d'art ne nuit � rien,
        Il faut quelquefois s'en permettre;
        C'est mon avis; on ne sauroit
        Le d�daigner et se promettre
        Tout l'avantage qu'on auroit
            A mon loto.

        Jamais une joueuse habile
        Ne tint son sachet immobile:
        Il faut l'agiter prestement.
        Il faut que mollement press�e
        Entre ses doigts l�g�rement
        La boule ait �t� caress�e,
            A mon loto.

        Selon son go�t ou son talent,
        On a le tirer prompt ou lent:
        Il n'y faut aucune science,
        Ou s'il en faut, il en faut peu;
        Un quart d'heure d'exp�rience
        Suffit pour bien jouer le jeu,
            A mon loto.

        De celles qu'un ambe contente.
        Il se pla�t � tromper l'attente,
        Fi de l'ambe! il est trop commun.
        D'un terne la chance est mesquine;
        D'un terne? Oui, de deux jours l'un,
        Je puis vous r�pondre d'un quine,
            A mon loto.

        Au quaterne, par accident,
        S'il se r�duit en attendant,
        La perte est bient�t r�par�e.
        Le jour qui suit ce jour fatal,
        On peut compter sur la rentr�e
        De l'int�r�t du capital,
            A mon loto.

        Mais de la superbe machine
        Le pouvoir merveilleux d�cline
        De jour en jour; c'est son d�faut.
        Je vous en pr�viens, blonde, ou brune;
        Vous n'avez que le temps qu'il faut,
        Si vous voulez faire fortune
            A mon loto.

        Ma demeure est � Vaugirard,
        Tout vis-�-vis ma�tre Ab�lard,
        Qui montre aux enfants la musique:
        L'on se pourvoit, ou l'on souscrit.
        Sous mon enseigne magnifique,
        En lettres d'or, il est �crit:
            AU GRAND LOTO.


LE LENDEMAIN DES NOCES

FOLIE DIALOGU�E

        �Hier soir, ma ch�re maman,
        �Tout bas vous me f�tes entendre
        �Que la nuit je devois m'attendre
        �A passer un mauvais moment.
        �Tout en tremblant, pauvre innocente,
        �J'attendois cet instant fatal...
        �H�las! le bon Monsieur Chrysante
        �Ne m'a pas fait le moindre mal.
        �--Est-il vrai, ma fille?--Au contraire,
        �Il ne m'a fait que du plaisir.
        �Quand nous f�mes au lit: Ma ch�re,
        �Je puis t'embrasser � loisir,
        �Dit-il; aussit�t il me baise
        �Sur chaque joue... et m�me...--Eh bien,
        �Comment tu rougis, ma Th�r�se?...
        �Qu'a-t-il fait? ne me cache rien.
        �--Vous m'aviez, qu'il vous en souvienne,
        �D�fendu de rien refuser...
        �--Sans doute. Auroit-il?...--Sur la mienne
        �Sa bouche prit un doux baiser.
        �--Et puis?...--Il me dit � l'oreille:
        �Bonsoir, et s'endormit soudain.
        �--Ma pauvre enfant!... Et ce matin?
        �--Ah! plus tendre encor que la veille.
        �II me dit d'un air caressant:
        �Ma ch�re femme, je t'adore,
        �Et me le prouve en m'embrassant.
        �--Et puis?...--Puis il m'embrasse encore.
        �--Ensuite?--Du lit il descend,
        �Afin, dit-il, que je repose:
        �Peut-on �tre plus complaisant?
        �--Il ne t'a pas fait autre chose?
        �--Eh! non; c'est l'homme le plus doux:
        �Maman, vous lui faites injure...
        �Quoi! vous pleurez?... Mais je vous jure
        �Que je n'ai pas de mon �poux
        �Re�u la moindre �gratignure!�


LE CONFESSEUR EXEMPLAIRE

      Au temps de P�que, aux pieds de P�re Jule,
      Se confessoit un jeune Garnement,
      Et des p�ch�s dont fait d�nombrement,
      Cil de Sodome honoroit la c�dule.
      --�Qu'ai-je entendu! Ciel! quel �garement
      �Que de p�cheurs aux infernales flammes,
      �Livr�s pour ce dont vous vous accusez!
      �D�faites-vous de ces amours inf�mes,
      �De notre sexe, � mon cher fils, n'usez,
      �Et, comme moi, ne voyez que des femmes.�


L'ESPRIT FORT

CONTE

    Aux pieds d'un Directeur, Clim�ne, un beau matin,
        Avec un repentir sinc�re,
    D�clara nettement que le petit Colin
        N'�toit pas le fils de son p�re.
        --�Halte l�!� dit le Confesseur,
    �Pour un _Confiteor_ vous n'en serez pas quitte;
    �Il en faut deux au moins, ce crime fait horreur.
    �Faut-il qu'injustement votre enfant d�sh�rite
        �Un l�gitime successeur?
        �Il faut, Madame, vous r�soudre
      �A confesser le fait � votre �poux,
        �Sans quoi je ne puis vous absoudre.�
        L'avouer ne se pouvoit pas.
        La voil� dans un embarras
    Qu'on ne peut exprimer, car enfin l'aventure
        �toit � dig�rer trop dure.
    Il fallut succomber, et, d'un mortel chagrin,
        Tomber dans une maladie
        Qui pensa lui co�ter la vie.
        Sur le rapport du M�decin,
    Son �poux connoissant que la m�lancolie
      Alloit couper la trame de ses jours,
        La pria d'en dire la cause.
    Elle veut l'en instruire, et jamais elle n'ose.
        --�Ose tout,� dit-il, �mes amours:
    �Rien ne me d�plaira, pourvu qu'on te gu�risse;
    �Quoi! faut-il qu'un secret te donne la jaunisse,
    �Et qu'une femme meure, � faute de parler?
    �Cela seroit nouveau.--Je vais tout r�v�ler,
    �Puisqu'aussi bien,� dit-elle, �un repos favorable
    �Doit terminer bient�t mon �tat d�plorable.
        �J'�tois � la maison des champs,
        �O� je faisois la m�nag�re,
    �Quand la voisine Alix, par des discours touchants,
        �Auxquels on ne r�siste gu�re,
        �Me prouva qu'avoir des enfants
        ��toit � vous chose impossible;
    �Me pr�na les malheurs de la st�rilit�,
    �Qui chez les Juifs passoit pour un d�faut terrible;
    �Puis dans un jour charmant me fit voir la beaut�
        �D'une heureuse f�condit�.
    �Je me rendis, h�las! � cette douce amorce,
    �Et Lucas, le Valet de notre M�tayer,
    �Avec moi se trouvant un jour dans le grenier,
    �Je me souvins d'Alix, et je manquai de force.
    �Il est, cela soit dit sans vous mettre en courroux,
    �A faire des enfants plus habile que vous.
    �Je lui parlai d'amour, il comprit mon langage,
    �Et sur un sac de bl�, sac funeste et maudit!
        �Faut-il en dire davantage?
    �De ce malheureux sac, notre Colin sortit.
        �A Lucas je donnai, je pense,
    �Quelques boisseaux de bl� pour toute r�compense.
    �Si je vous ai trahi, je meurs, pardonnez-moi;
    �A cela pr�s, toujours je vous gardai ma foi.
    �--N'est-ce pas de mon bl� que tu payas l'ouvrage?�
    Lui r�pondit Damis, nullement effray�.
    �Cet enfant est � moi, puisque je l'ai pay�;
        �Ne m'en parle pas davantage.�


COUPLET

Sur l'air de _Nina_.

        Apr�s avoir fourni trois fois
          L'amoureuse carri�re,
        Le pauvre Colin aux abois
          Ne pouvoit plus rien faire.
        Sa Ma�tresse, ainsi le voyant,
          S'�cria tout en pleurant:
            �Ah! quel tourment,
            �Quand l'instrument
          �Duquel le plaisir d�pend,
                �Pend!�


�PIGRAMME

        Un jour Fanchon la Couturi�re
    Acheta d'un Fripier un lit pour vingt �cus;
    Elle a gagn�, dit-on, deux cents louis dessus:
        Ah! c'est une grande usuri�re!


LE CAS D�CID�

      Un jeune Peintre au Prieur des Grands-Carmes
      Vint s'accuser d'un cas assez nouveau:
      �P�re, j'ai peint V�nus sortant de l'eau,
      �Ses bras, son cul, sa gorge et tous ses charmes.
      �D'abord j'en fus amoureux comme un fou;
      �Et, pour jouir un peu mieux qu'en peinture,
      �Je m'avisai...--De quoi?--De faire un trou
      �Dans ma D�esse, et par cette ouverture,
      �Un beau gar�on que je mis en posture,
      �M'introduisit, vous devinez bien o�.
      �Or, estimez la chose en conscience.
      �En tout ceci, mon principal dessein
      �Fut de jouir d'un objet f�minin:
      �Le p�ch� n'est de Rome ou de Florence.
      �--Mon cher enfant, je comprends votre cas,�
      Dit le Pater; �la plaisante folie!
      �Je vous absous, mais n'y retournez pas,
      �Car, dans le fond, c'est pure bougrerie.�


LE FAUX JUPITER

      J'ai toujours craint les gens portant soutane;
      D'un saint habit couvrant un coeur profane,
      Que de bons tours ces Messieurs-l� nous font!
      S�duire Agn�s, planter cornes au front,
      Ce sont pour eux mis�res, peccadilles.
      O gens de bien ayant femmes ou filles!
      N'oubliez pas ce salutaire avis:
      Si par malheur entre en votre logis
      Homme d'�glise, ou Capucin, ou Pr�tre,
      Je vous le dis: chassez vite le tra�tre;
      Il vient chercher aventure pour lui,
      Ou bien peut-�tre intriguer pour autrui.
      D'un vilain nom ce dernier cas s'appelle;
      Mais � l'honneur la cafarde s�quelle
      A de tout temps pr�f�r� les �cus:
      Quoi qu'on propose � ces cr�nes tondus,
      En les payant on est s�r de leur z�le.
      Pour appuyer mon avis l�-dessus,
      Je veux vous dire une histoire assez belle
      Touchant Pauline et son ami Mundus.

      Pauline �toit une jeune Romaine,
      Veuve � vingt ans, et belle comme H�l�ne,
      Mais prude outr�e, avare de faveurs,
      Et de l'amour d�daignant les douceurs.
      De mille amants � toute heure entour�e,
      Elle aimoit bien � s'en voir ador�e,
      Mais rien de plus: �Non,� disoit-elle, �non,
      �Ne vantez point l'attrait imaginaire
      �D'un vain plaisir qui n'en a que le nom;
      �Faut-il des sens pour aimer et pour plaire?
      �Eh! laissons-les au stupide vulgaire.
      �Pour moi, j'exige un amour de raison,
      �Pur, d�gag� des noeuds de la mati�re,
      �Tel en un mot que le prescrit Platon.
      �Je n'aimerai jamais d'autre mani�re.�
      Tous ses amants jeunes, pleins de d�sirs,
      Peu satisfaits d'un amour sans plaisirs,
      De ses sermons bient�t se rebut�rent:
      L'un apr�s l'autre enfin ils la quitt�rent.
      Un seul resta, ce fut le beau Mundus,
      Bien fait, galant, et digne de sa flamme.
      Par des cadeaux, par des soins assidus,
      Il n'avoit pu toucher encor la Dame.
      Las de se plaindre, enfin le pauvre amant,
      Pour r�ussir, eut recours � la ruse:
      Tout galant homme en auroit fait autant,
      Et quant � moi, de bon coeur je l'excuse.
      Pauline �toit d�vote � Jupiter:
      D'une D�vote un Directeur est ma�tre;
      L'adroit Mundus en sut bien profiter.
      De Jupiter il gagne le Grand-Pr�tre,
      Et lui fait part de son tendre projet.
      Le Directeur, mis dans la confidence,
      Tr�s bien instruit, tr�s bien pay� d'avance,
      Court chez Pauline, et lui parle en secret.
      �A quel bonheur vous �tes r�serv�e!
      �Ma ch�re fille, ah! r�jouissez-vous:
      �Au rang des Dieux vous serez �lev�e,
      �Et vous verrez la terre � vos genoux.
      �Oui, cette nuit, ce n'est pas un mensonge,
      �Le Roi des Dieux a daign� dans un songe
      �Me r�v�ler ses d�crets absolus,
      �Et de sa part, je viens ici moi-m�me
      �Vous annoncer, quel honneur! qu'il vous aime.
      �--Moi!� dit d'un ton modestement confus
      La belle prude.--�Oui, vous,� r�pond le Pr�tre,
      �Et d�s ce soir il exige de vous
      �Dans son saint Temple un entretien bien doux.
      �Lorsque la nuit sera pr�te � paro�tre,
      �Courez, volez � la gloire, au plaisir.
      �H�tez-vous donc, et quoi qu'on vous demande,
      �Quand le Ciel parle, on ne doit qu'ob�ir.�
      Apr�s ces mots prononc�s en Proph�te,
      Il laisse l� sa d�vote inqui�te,
      R�vant tout bas � ce propos flatteur,
      Et ne croyant qu'� peine un tel bonheur.
      Tout en r�vant, elle fait sa toilette:
      Quoique d�vote, on est un peu coquette.
      Dans le miroir ses appas r�p�t�s
      Frappent d'abord ses regards enchant�s;
      En se voyant, elle commence � croire
      Que Jupiter, tout Jupiter qu'il est,
      Peut bien l'aimer sans manquer � sa gloire:
      Elle est si belle! elle-m�me se pla�t,
      Et par degr�s s'attendrit et soupire.
      Bient�t ses yeux pleins d'un tendre d�lire
      Avidement parcourent son beau corps:
      Dieux! que d'attraits � la fois elle admire!
      Gorge d'alb�tre et mille autres tr�sors,
      Tr�ne charmant de l'amoureux empire,
      Tout redoublant sa vive �motion,
      Redouble aussi sa bonne opinion:
      Sa vanit� s'en nourrit et l'augmente.
      Certain d�sir qui tout bas la tourmente,
      S'y joint encor: bref, pour conclusion,
      D�s que la nuit lui parut assez sombre,
      Notre d�vote, � la faveur de l'ombre,
      D'un pas l�ger que le d�sir conduit,
      Arrive au Temple: un Pr�tre l'introduit.
      L� son amant prodiguant la d�pense,
      Avoit orn� galamment le r�duit
      Qui devoit voir triompher sa constance,
      Et se livrant au plus heureux espoir,
      D'une Chapelle avoit fait un boudoir:
      L'art s'y joignoit � la magnificence.
      Pauline arrive � ce charmant s�jour,
      Ivre � la fois et d'orgueil et d'amour;
      Elle va voir le Roi des Dieux lui-m�me!
      Elle entre... O Ciel! Quelle surprise extr�me!
      Elle s'�crie: �Ah! Mundus, quoi! c'est vous!
      �--Oui,� lui dit-il, tombant � ses genoux,
      �Oui, c'est Mundus dont l'amoureuse adresse,
      �En vous trompant, vous pr�pare en ces lieux
      �Tous les plaisirs qui suivent la tendresse.
      �Pour un moment, nous sommes seuls tous deux;
      �Si vous vouliez, quel moment plein de charmes!�
      Il prend sa main, il la baigne de larmes,
      Il fait valoir ses transports et ses feux.
      Pauline reste immobile, interdite;
      Son amour-propre, un reste de pudeur
      Parlent encor dans le fond de son coeur:
      Mais le d�sir par ces d�lais s'irrite;
      Son teint s'anime et sa gorge palpite;
      Ses yeux, charg�s d'une douce langueur,
      A son amant laissent voir sa faiblesse.
      Il en profite, il ose, il prie, il presse;
      Pauline enfin ne peut lui r�sister,
      Et dans les bras de sa belle Ma�tresse,
      L'heureux Mundus, pour prix de son adresse,
      Jusques au bout rempla�a Jupiter.


LE SOMMEIL DE V�NUS

CHANSON

Sur l'air: _� Filii et Fili�_

        Mars trouva V�nus � Paphos;
        La belle dormoit sur le dos:
        �Voyons,� dit-il, �tout ce qu'elle a,
            �Alleluia!�

        Il alla d�ranger soudain
        L'�charpe qui couvroit son sein;
        Plus blanc que neige il le trouva.
            Alleluia!

        Sa main eut la t�m�rit�
        D'en t�ter la rotondit�;
        Le sentant ferme, il s'�cria:
            �Alleluia!�

        Enivr� de si doux plaisirs,
        Il forma de nouveau d�sirs,
        Et de baisers se r�gala.
            Alleluia!

        De cent fa�ons pour l'admirer,
        Il se mit � la revirer:
        Ce qui s'augmente s'augmenta.
            Alleluia!

        V�nus, fermant toujours les yeux,
        Se pla�a pourtant de son mieux,
        Et le Guerrier en profita.
            Alleluia!

        �Bon, bon,� disoit Mars qui sentoit
        Qu'en dormant on le secondoit,
        �Dormez toujours comme cela.
            Alleluia!�

        A peine un jeu se finissoit
        Qu'un autre se recommen�oit:
        Trois jours entiers cela dura.
            Alleluia!

        Mais enfin V�nus s'�veillant,
        Dit au Dieu, presque en rougissant:
        --�Eh! quoi, Monsieur, vous �tiez l�!
            �Alleluia!�


QUATRAIN

A MADAME ***, DONT LE MARI EST BOITEUX ET JALOUX

        Comme V�nus vous �tes belle,
        Vulcain est aussi votre �poux,
        Et je voudrois faire pour vous
        Tout ce que Mars faisoit pour elle.


L'ENTHOUSIASME GASCON

      Ces jours pass�s, dans un cercle gaillard,
      On demandoit ce qui plaisoit aux Dames?
      --�Les petits soins,� dit un jeune Mignard.
      --�Par la sambleu!� s'�crie un vieux paillard,
      �Mon bel ami, tu connois bien les femmes!
      �Si tu ne veux passer pour un nigaud,
      �Tranche et dis-nous: C'est un vit qu'il leur faut,
      �Car les fourreaux sont tous faits pour les lames.
      �--Sandis! mon cher,� cria certain Gascon,
      �Embrasse-moi, tu parles comme un con.�


LE CRI DU COEUR

      P�re Brichard exploitait Soeur Colette,
      Sans d�brider pour la sixi�me fois,
      Et deux encor: tant qu'enfin la Nonnette,
      Qui, se lassant, les comptoit par ses doigts,
      Lui dit: �Pater, c'est assez nous �battre:
      �Oui, je le jure, et de par Saint Julien,
      �Qu'au jeu d'amour vous seul en valez quatre.
      �--Par la corbleu! suis-je Carme pour rien?�


LA B�N�DICTION TROP CH�RE

OU

LE CONSEIL D'ALIX

      Le grand Colas et la jeune Denise,
        Amoureux, pauvres et contents,
    Suivis de leurs parents, s'en alloient � l'�glise
        Dire un oui, faire une sottise
      Dont maint �poux s'est repenti longtemps.
    Tout �toit dispos� pour cette grande f�te;
    On commence, et d�j� messire Jean s'appr�te
      A prononcer le conjungo fatal,
      Quand tout � coup un scrupule l'arr�te:
    �Avant que d'achever, il ne seroit pas mal,�
        Leur dit-il, �de faire une pause.
      �Or, dites-moi, s'il vous pla�t, et pour cause,
    �Ce que vous me donnez pour le droit pastoral?
      �--Nous avons mis soixante sols ensemble,
        �Que vous prendrez, si bon vous semble,�
    R�pond Colas, surpris de cette question.
      --�Soixante sols! je serois un pauvre homme
    �De donner pour si peu ma b�n�diction.
      �Ma�tre Colas, amplifiez la somme,
      �Mettez encor vingt sols avec l'�cu.
        �--Quatre francs pour �tre cocu!�
        S'�cria tout haut un bon dr�le;
        �Messire Jean, quel monopole!
        �J'en donnerois volontiers neuf,
        �Et plus encor, pour �tre veuf.
    �--Oui, je veux quatre francs sans rabattre une obole;
        �Laissons les discours superflus:
        �Quatre francs, ou n'en parlons plus;
        �Robin, �te-moi mon �tole.�
        Denise alors prit la parole.
    --�Colas et moi,� dit-elle, �avions deux petits lits;
    �Nous venons de les vendre � la comm�re Alix
        �Pour avoir une grande couche.
        �Que je suis malheureuse, h�las!
      �Messire Jean, que la piti� vous touche!
        �O� donc ira coucher Colas,
        �Si vous ne nous mariez pas?
        �--Vraiment voil� bien du myst�re!�
    Dit la comm�re Alix; �jour de Dieu! laissez faire;
      �Messire Jean y perdra son Latin.
        �Quand je fus promise � Lubin,
    �D�funt notre Cur� voulut agir de m�me,
        �Mais il ne fut pas le plus fin;
    �Lucas et moi d'accord, nous all�mes bon train;
    �Si qu'au bout de neuf mois, approchant le Car�me,
    �Mon ladre de Cur� se vit r�duit enfin
    �A faire au m�me jour mariage et bapt�me,
    �Le tout pour un �cu. Faites comme je fis,
    �C'est un profit tout clair.--Je suis de votre avis,�
    R�part Denise; �eh bien! Colas, prenons l'avance;
        �Le Ciel sait nos intentions,
        �Il sait aussi notre indigence;
    �Il voit notre Cur� manquer de complaisance:
    �Celui-ci r�pondra de ce que nous ferons;
    �Et puisque sans argent il ne veut pas qu'on danse,
    �Allons, et mettons-lui le plus que nous pourrons
        �De p�ch�s sur la conscience.�


�PITRE CONSOLANTE A UN COCU

        Consolez-vous, Monsieur Fumet;
        Gens de Robe, Gens � Plumet
        Ont un destin pareil au v�tre:
        C'est le bon Dieu qui le permet.
        Le grand Proph�te Mahomet
        N'en fut pas plus exempt qu'un autre.
        Il prit pour femme Cadigha.
        Celle-ci, d'humeur un peu chaude,
        Dans son cher �poux distingua
        Des fa�ons qui sentoient le Claude;
        Lors Dieu sait comme elle intrigua!
        Un ribaud plut � la ribaude:
        Ce ribaud qui la subjugua
        �toit un gros Prieur de Carmes.
        Mahomet le sut, le nargua,
        Et prit un croissant pour ses armes.
        Bel avis aux gens d�licats!
        Quand il auroit fait des �clats,
        Quand il auroit battu sa femme,
        Au jour marqu� pour son tr�pas,
        En auroit-il moins rendu l'�me?
        Ce fut, suivant un �rudit,
        A M�dine qu'il la rendit:
        En mangeant un gigot maudit,
        Il lui prit une sueur froide
        Qui le for�a d'aller au lit.
        Au fait: quand on l'ensevelit
        On lui trouva le _caiche_ roide
        (_Caiche_ est synonyme de vit).
        Soudain le bruit s'en r�pandit.
        Sa veuve accourt, elle s'�crie:
        �Ah! certes, j'aurois eu grand tort
        �D'avoir pass� plus d'une envie
        �Avec un Moine, vrai butor,
        �Si mon �poux qui disoit d'or
        �L'avoit port� pendant sa vie
        �Comme il le porte apr�s sa mort!�


L'AVOCAT POUSS� A BOUT

        Un Avocat fut consult�
        Par un Tendron d'aimable mine,
        Qu'un Gars avoit trop insult�.
        L'homme de Loi, qui l'examine,
        Trouve, sous sa simple �tamine,
        Deux grands yeux pleins de volupt�;
        Certain air de na�vet�
        Peint sur sa figure enfantine;
        Un sein par l'Amour agit�,
        Qui se soul�ve, se mutine,
        Et semble en sa captivit�
        Appeler une main lutine,
        Qui lui rende la libert�.
        Notre Avocat est transport�:
        Il lorgne une taille divine,
        Des pieds mignons et d�licats;
        Et ce qu'il voit de tant d'appas
        Ne vaut pas ce qu'il en devine.
        Avec ces titres de faveur,
        On peut compter sur la ferveur
        Du L�giste le plus aust�re.
        Le n�tre, expert dans tous les droits,
        Avoit, dit-on, plus d'une fois
        Pris ses licences � Cyth�re.
        Enfin, pr�s de la belle assis,
        Il veut, sans d�tour, sans myst�re,
        De son cas savoir le pr�cis.
        --�Las!� dit la belle d�sol�e,
        �Je vais rappeler mon esprit,
        �Et vous conter comment s'y prit
        �Le fripon qui m'a viol�e.
        �Il avoit un air tendre et doux,
        �La taille la mieux d�coupl�e,
        �Et le regard... tout comme vous.�
        Notre grave Jurisconsulte,
        Flatt� d'avoir les m�mes traits,
        En ressent une joie occulte;
        Et, rajeuni par tant d'attraits,
        S'approche encore un peu plus pr�s
        De la beaut� qui le consulte.
        --�Poursuivez ce r�cit,� dit-il,
        �Car votre affaire m'int�resse.
        �--Ah! Monsieur, qu'il �toit subtil!
        �Que l'Amour inspire d'adresse!
        �Ses yeux sur mes foibles attraits
        �Se promenoient avec ivresse.�
        L'Avocat, qu'un m�me feu presse,
        N'a pas des regards plus discrets.
        �Ce n'est pas tout: sa main hardie
        �Saisit la mienne au m�me instant.�
        Vous sentez, sans que je le die,
        Que l'Avocat en fait autant.
        �Ce n'est pas tout: sa perfidie
        �M�ditoit un autre dessein;
        �Et toujours plus audacieuse,
        �Bient�t sa main licencieuse
        �Fourrage les lis de mon sein.�
        Notre Avocat, sur ce mod�le,
        Glissant une furtive main
        A travers la gaze infid�le,
        Enfile le m�me chemin.
        �Ce n'est pas tout: d'un air farouche,
        �A ses feux je veux m'opposer;
        �D�termin�e � tout oser,
        �Sa bouche se colle � ma bouche.�
        L'Avocat, que l'exemple touche,
        Ravit un semblable baiser...
        Ravit! je faux, on le lui donne;
        On feint de n'y pas consentir:
        Mais c'est pour mieux faire sentir
        Le prix de ce qu'on abandonne.
        Femmes, osez me d�mentir!
        Celle qui jamais ne pardonne,
        Est trop sujette au repentir.
        �Ce n'est pas tout: son feu redouble,
        �Il me transporte malgr� moi;
        �Les genoux tremblants, et l'oeil trouble...
        �Je ne sais plus ce que je voi.�
        L'Avocat, non moins troubl� qu'elle.
        R�p�te une le�on si belle;
        Tous deux bient�t perdent la voix;
        Tous deux se plongent � la fois
        Dans une extase mutuelle.

        Notre Avocat crut jusqu'au bout
        Avoir imit� son mod�le.
        --�Ce n'est pas tout,� dit la Donzelle.
        �--Comment, diable! ce n'est pas tout!
        �Qu'avoit-il de plus � vous faire?
        �Vous m'�tonnez! dites, ma ch�re,
        �Comment la chose se passa?
        �--Eh! mais voici tout le myst�re,
        �Monsieur, c'est qu'il recommen�a.�


LE D�LUGE

        �Cap d� bious!� disoit un Gascon
      A sa moiti�, qui faisoit la niaise,
        �Pour la premi�re fois, Fanchon,
    �Il me semble qu'ici je suis bien � mon aise.
    �--Las!� dit-elle, �mon cher, je suis neuve � tel jeu;
    �Appelez un Frater, et je le ferai juge
    �Que mes eaux seulement ont pass� par ce lieu.
    �--Vos eaux! sandis!� repart le Gascon qui prend feu;
        �Dites donc les eaux du d�luge.�


_�gri salivantis solatium_

    Des beaut�s de Paris, � toi la moins farouche,
    Ce fut peu d'un �cu que tu re�us de moi,
    En retour du plaisir que je pris sur ta couche:
    Car depuis plus d'un an que j'eus affaire � toi,
        L'eau m'en vient encore � la bouche.


DIALOGUE ENTRE DEUX SERVANTES

        �Eh bien! notre nouveau Cur�?
        �--Ah! palsangu�! c'est un brave homme.
    �Le premier �toit bon, mais je veux qu'on m'assomme,
      �Si le second n'est meilleur � mon gr�.
    �--Comment cela?--Comment? Tiens, juges-en, comm�re:
    �Il me donne par ans quarante bons �cus,
        �Voire quelque chose de plus;
    �J'ai la clef de la cave et je n'ai rien � faire.
    �--Et la nuit...?--Oh! la nuit nous faisons lit � part;
        �Messire Arlot est un saint pr�tre,
    �Qui ne ressemble en rien � messire Chouart.
        �--Dieu me garde d'un pareil ma�tre!
        �Il me feroit mourir d'ennui:
    �Oh! que j'aime bien mieux servir chez son vicaire!
    �Je n'ai que dix �cus et je fais maigre ch�re,
        �Mais du moins on couche avec lui.�


LE SALAMALEC LYONNOIS

CONTE

      Jamais ne fut nation plus civile
      Que la Fran�oise, il le faut avouer;
      L'envoy� Turc pourroit bien s'en louer,
      Apr�s l'honneur qu'� Lyon, la grand ville,
      Des magistrats en passant il re�ut.
      Ces magistrats crurent frapper au but,
      S'ils r�galoient l'Excellence Ottomane
      D'un compliment en langage Ottoman:
      �Car,� disoient-ils, �parler par Truchement,
      �C'est une mort: en langue Musulmane
      �Un Musulman il nous faut saluer.�
      L'invention leur sembloit m�morable;
      Le point �toit comment l'effectuer?
      O� rencontrer un harangueur capable?
      Un homme expert dans le salamalec?
      Notez qu'alors tenoit auberge illec
      Certain quidam, d�serteur de mosqu�e,
      De mauvais Turc devenu bon Chr�tien.
      �C'est notre fait,� dirent ces gens de bien.
      La chose au Sire �tant communiqu�e,
      Il l'approuva:--�Laissez faire,� dit-il,
      �Fran�ois S�lim, c'est ainsi qu'on me nomme.
      �Nul mieux que moi, Dieu merci! ne sait comme
      �La t�te on doit courber jusqu'au nombril,
      �Rabattre en arc les mains sur sa poitrine,
      �Se reculer, s'avancer � propos,
      �_Et c�tera_; suffit: de ma doctrine
      �Tenez-vous s�rs et soyez en repos.
      �Vous me verrez � la mode Turquesque
      �Faire cent tours qui surprendront vos yeux;
      �Telle action vous paro�tra burlesque
      �Qui cache au fond sens tr�s myst�rieux.
      �Or en ceci la grande politique
      �Est de me suivre en tout d'un pas �gal:
      �Souvenez-vous de cet avis unique,
      �Vous ne sauriez, me suivant, faire mal.�
      De point en point on promit de le suivre;
      On le suivit jusqu'au moindre _iota_.
      L'ambassadeur bien fort s'en contenta;
      Mais ce qui, plus que tout, le transporta,
      Fut qu'un Chr�tien parl�t Turc comme un livre.
      --�Il n'est,� dit-il, �assesseur du Divan,
      �Qui mieux que vous entende notre langue.
      �--Pas ne vous doit surprendre ma harangue,�
      R�pond S�lim, �je suis n� Musulman.
      �--N� Musulman? Vous l'�tes donc encore?
      �--Moi? point du tout. Je me suis converti,
      �Et c'est le Dieu des Chr�tiens que j'adore.
      �--Ah! par Mahom! vous en avez menti,
      �Et Musulman jamais vous ne naqu�tes,
      �Ou vous n'avez pas chang� de parti.
      �Je ne puis croire au moins ce que vous dites,
      �Si je n'en vois un signe fort pr�cis.
      �--A moi ne tienne!�--�tes-vous circoncis?
      �--Vous allez voir.� Lors sa mis�re nue
      Le compagnon �tale � d�couvert.
      Les Magistrats, � cette �trange vue,
      Quoique �tonn�s, pour n'�tre pris sans vert,
      Suivant leur guide, imitant sa posture,
      Firent leur cour en forme et sans tarder,
      Chacun selon le talent que nature,
      Petit ou grand, lui voulut accorder.
      L'ordre fut rare, et l'histoire rapporte
      Que l'Ottoman salu� de la sorte,
      Crainte de pis, s'enfuit sans dire adieu.
      Tout au rebours les Donzelles du lieu
      Prirent grand go�t � la c�r�monie:
      Et telle fut leur jubilation,
      Que maintenant nulle ne se soucie
      De voir, apr�s cette r�ception,
      Ambassadeur, s'il ne vient de Turquie.


LA COL�RE NA�VE

      Dans un verger, la friande Colette
      Au point du jour attendoit Augustin;
      Lucas la vit, et lui dit: �Ouais! poulette,
      �Que cherchez-vous en ce lieu si matin?
      �--Un nid, Lucas.--C'est bien fait, p�ronnelle,�
      Lui r�pondit le villageois rus�;
      �Mais pour le prendre o� donc est votre �chelle?
      �Tenez, tout franc, le d�tour est us�;
      �Vous cherchez... l�... n'est-il pas vrai, ma belle?...�
      Poursuit Lucas, qui la voit se f�cher.
      --�Eh! oui, m�chant, puisses-tu,� lui dit-elle,
      �Avoir perdu ce que je viens chercher!�


PARTANT QUITTE

CONTE

      Alain disoit: �Ma femme, �coute-moi:
      �Je t'avouerai qu'avant que d'�tre � toi,
      �Bien jeune encor, je fis une folie:
      �J'eus une fille; elle est, ma foi, jolie;
      �Prends-la chez toi, faute de nourrisson;
      �Je veux de toi qu'elle prenne le�on:
      �Tu l'aimeras, car elle te ressemble.
      �--Et moi, j'ai fait,� dit-elle, �un beau gar�on;
      �Il nous faudra les marier ensemble.�


LE FIN MENTEUR

        En tremblant, un jour �loi
        Fut chez un pharmacopole:
        �Sauf respect, je... voudrois...--Quoi?
        �--De l'onguent pour la _v�role_.
        �--Combien?--Deux onces, je croi.�
        Le voyant saisi d'effroi,
        Purgon lui dit:--�Ah! comp�re,
        �C'est pour toi, la chose est claire,
        �Car tu me parais bien sec.
        �--Oh! non: c'est pour mon cher p�re
        �Qui veut me frotter avec.�


LE PARDON

CONTE

      A son voisin la gentille Isabelle
        Fut se plaindre de son �poux,
        Qui toujours lui cherchoit querelle.
        --�Croyez-moi,� dit-il, �vengez-vous.�
        Le conseil plut fort � la belle;
    Le galant fut choisi pour servir son courroux.
    A chaque heure du jour, c'�toit nouvelle plainte;
    Notre couple � l'envi signaloit son ardeur;
        Mais la col�re du vengeur
        En moins de huit jours fut �teinte:
        De tout on se lasse � la fin.
    La belle, que toujours la vengeance aiguillonne,
        Six fois fut se plaindre un matin:
        --�Oh! pour le coup,� dit le voisin,
        �Je suis Chr�tien, je lui pardonne.�


LE MENSONGE �VIDENT

      En bavolet, en simple jupon court.
      Sur son balcon dame Alix appuy�e
        Lorgnoit les passants un beau jour.
      Depuis longtemps, aux myst�res d'amour
        La belle �toit initi�e.
        Un sien neveu, nomm� Valcour,
      Gar�on alerte et d'assez bonne mise,
      Entre en sa chambre; il la voit, et soudain
        Le fripon sent na�tre en son sein
        Un mouvement de paillardise;
    Si bien que derri�re elle il se glisse sans bruit,
    Soul�ve le jupon d'une main libertine,
        Et puis, ainsi qu'on l'imagine,
        S'ajuste, pousse et s'introduit.
        --�Eh! mais, voyez l'extravagance!�
        Dit Alix � notre �vent�;
        �Valcour... vous me foutez, je pense?...
        �--Moi? non, ma tante, en v�rit�...
        �--Comment, non, coquin que vous �tes?
        �Ne sens-je pas ce que vous faites?
    �Et vous l'osez nier! c'est par trop fort aussi...
        �--Vous �tes donc bien m�contente?�
        Dit Lindor d'un ton radouci;
        �Eh bien! je vais m'�ter, ma tante,
        �Si vous voulez.--Non, restez-y:
        �Mais je n'aime pas que l'on mente.�


LA M�TAMORPHOSE

CONTE �PIGRAMMATIQUE

        Gertrude � vingt ans fut jolie;
        Elle avoit deux petits tetons
        Qu'Ariste aimoit � la folie,
        Et nommoit ses petits fripons.
        Ariste fit un long voyage,
        Et revint apr�s vingt-cinq ans,
        Je laisse � penser quel ravage
        Chez Gertrude avoit fait le temps!
        Sur les fripons, par habitude,
        Ariste jeta ses regards:
        �Ah! mes petits fripons, Gertrude,
        �Sont devenus de grands pendards!�


LE MALADROIT

      Certain ben�t voulant f�ter sa femme,
      Point ne pouvoit attraper le milieu.
      �Trop haut! trop bas!� lui r�p�toit la Dame.
      �--Y suis-je?--Non!--Pour le mettre en son lieu,
      �Ma ch�re Alix, ton aide je r�clame.
      �--Quoi! ne pouvez,� lui dit-elle en courroux,
      �Trouver ce que cherchez depuis une heure?
      �C'est pourtant l� l'office d'un �poux!
      �J'enrage: point ne connois, ou je meure!
      �D'homme qui soit plus maladroit que vous!�


LE PLAISIR SANS REMORDS

CONTE

        Le vieux Cassandre est un comp�re,
        Qui malgr� son �ge, la nuit,
        Quelquefois encor fait du bruit;
        Et sa Pernelle une comm�re,
        Qui, sans mentir, entre deux draps,
        A son mari ne c�de gu�re.
        La nuit surtout du Mardi-gras,
        Ils s'amus�rent... voici comme:
        A son lit Cassandre montant,
        Vint � faire un... cela s'entend...
        Pernelle, alors au premier somme,
        Que ce bruit �veille � l'instant,
        Se met � rire, � rire tant,
        Qu'elle en fait elle-m�me autant.
        Vous jugez bien que le bonhomme
        Riposta bient�t d'un second:
        Pernelle aussit�t lui r�pond.
        Cassandre veut, quoi qu'il en co�te,
        Par un nouveau lui r�partir;
        Mais... le sommeil le prend en route.
        Apr�s tant de plaisir, sans doute,
        Il est bien permis de dormir.


LES DEUX CLYST�RES

        Cloris, tandis qu'� votre p�re,
        Diafoirus donne un clyst�re,
    Vous en recevez un d'un jeune Praticien:
    Mais que ces anodins diff�rent l'un de l'autre!
    Votre p�re � l'instant est d�livr� du sien,
    Et vous ne la serez que dans neuf mois du v�tre.


LE DOUBLE AVEU

CONTE

      Un grand Seigneur, frapp� de mort subite,
      Droit aux enfers fut conduit au plus vite.
      Du Styx � peine il eut touch� le bord,
      Que son cocher s'offre � ses yeux d'abord.
      --�Vous, Monseigneur, dans ce lieu de souffrance?
      �Puis-je savoir quel crime, quelle offense?...
      �--Mon cher Vincent, j'ai tout sacrifi�
      �Pour enrichir le fils que ma moiti�,
      �Cette adorable et vertueuse femme,
      �M'avoit donn�, seul gage de sa flamme.
      �Mais toi, Vincent, quel est donc le sujet
      �De ton malheur? Toi, sage domestique?...
      �--Ah! Monseigneur, ce maudit fils unique,
      �H�las! je suis ici pour l'avoir fait.�


LES SOULIERS

CONTE

    De tous ses amoureux, Babet, dans son printemps,
    Exigeoit, pour le prix de ses faveurs secr�tes,
    Deux paires de souliers: aujourd'hui les grisettes
    Rougiroient d'accepter de si minces pr�sents.
    Babet s'en contentoit, souliers alloient pleuvants.
    L'or, quand on est jolie, est fugace, il va vite:
    On le gagne ais�ment, on le m�nage peu;
    Babet l'avoit senti; souliers restoient au g�te,
    Ils devenoient ressource. On con�oit qu'� ce jeu
        Fallut bient�t � la comm�re,
    Pour loger les souliers, une maison enti�re.
    Le cuir haussa de prix: le Prince le taxa,
    Mainte bourse s'emplit, maint fermier s'engraissa;
        Tel est chez nous le train des choses,
    Toujours les grands effets ont de petites causes.
        Babet vieillit, le cuir baissa;
        Adieu vous dit joli visage,
        Taille fine, �l�gant corsage,
        Enfin adieu tous ses appas!
    L'�ge a beau nous rider, il ne nous change pas.
    On se travaille en vain, le go�t reste le m�me.
        Celui de Babet pour l'amour,
    Bien loin de s'affoiblir, avoit cr� chaque jour.
        Que faire en ce besoin extr�me?
    Le temps de but � but �toit plus que pass�,
    Il fallut des souliers implorer l'assistance:
        Gr�ce � sa sage pr�voyance,
    L'Amant venu nus pieds, s'en retournait chauss�;
    Elle habilla par bas les deux tiers de Florence.
    Sur quoi certain voisin, d'elle un jour s'enqu�rant
    De ce tas de souliers qu'elle alloit r�pandant,
    Babet que le m�tier n'avait point rendu fausse,
    Lui dit:--�Mon cher ami, l'hiver vit de l'�t�.
    �Je rends � mes Amants ce qu'ils m'avoient pr�t�:
        �Je les d�chaussois, je les chausse.�


QUI PERD GAGNE

CONTE

        �Jeanne, va fermer la targette,�
    Disoit, en s'endormant, Lucas � sa moiti�.
        --�Vas-y, toi,� r�pondit Jeannette;
        �L'homme est fait pour �tre sur pi�,
    �La femme pour dormir.--Que je sois estropi�
    �Si j'y vais!� dit Lucas.--�Que le Diable m'emporte
    �Si j'y vais!� dit Jeannette.--�On ouvrira la porte.
        �--Je m'en gausse.--Et moi je m'en ris.
    �J'encague les voleurs, je n'ai pas une obole.
        �--Et si l'on te prend tes habits?
    �--Je resterai couch�, c'est ce qui me console.
    �--Oh ��! tiens, mon mari, convenons entre nous:
    �Celui qui l�chera la premi�re parole
    �Ira verrouiller l'huis.--Tope,� reprit l'�poux,
    �Je suis muet, bonsoir!--Moi, j'ai la langue morte!�
    Pendant que nos �poux disputoient de la sorte,
    Aupr�s de leur logis certain Carme passoit;
        Le vent �teignit sa bougie.
    Comme au travers de l'huis leur lampe paraissoit,
        Mon gaillard, disciple d'�lie,
    Frappe; on ne r�pond point. Il baisse le loquet:
    --�Pardon! de votre somme, amis, je vous d�range;
    �Mais mon abord c�ans ne doit vous alarmer:
    �Ma bougie est �teinte, et je viens l'allumer.�
    Mot. �Hol�!� dit le Moine, � cet accueil �trange;
        �M'entendez-vous, mes bonnes gens?
    �Je n'ai, je le r�p�te, aucuns desseins m�chants.�
    Mot encore. Il s'avance; il voit deux grosses faces,
    Qui, les yeux bien ouverts, rioient entre leurs dents.
        Jeanne comptoit au plus vingt ans:
        Le Frocard lui trouva des gr�ces.
    Son visage, ses traits, lui sembl�rent piquants:
    On est � peu de frais aimable aux yeux d'un Moine;
    Il n'est belle ou laidron, qui ne lui soit idoine.
        Le Carme, encor qu'il f�t perplex,
    Jugeant que ce silence �toit une gageure,
    R�solut in petto de pousser l'aventure.
    Un teton paroissoit, il y porte l'index:
    Le mari reste coi, la femme se r�signe.
        R�duit � p�rorer par signe,
        Le grivois parla puissamment.
        Or, voil�, je ne sais comment,
    Que d'abord pr�s du lit, le Jean-chouart du Fr�re
    T�t apr�s fut dedans: oh! jugez de la ch�re!
        Lucas voyoit et souffroit tout.
        Plus discr�te qu'on ne peut dire,
    Jeanne, bien qu'on pouss�t sa patience � bout,
        N'e�t pas parl� pour un Empire.
    Le moine se montra digne enfant du Carmel,
        Fort affam�, peu sensuel.
    Le temps vient de partir, mon gaillard fit retraite.
    Il n'�toit pas sorti, que la dame Jeannette
        Chanta goguette � son �poux:
    �Voyez ce gueux,� dit-elle, en feignant du courroux,
    �De me laisser manquer de semblable mani�re!
    �Et par un Moine encor! je suis d'une col�re!...
    �Va, je me vengerai, je te le garantis.
    �--Femme,� r�pond Lucas, �allez verrouiller l'huis:
        �Vous avez parl� la premi�re!�


IN-PROMPTU

PARODIE D'UN COUPLET DES AMOURS D'�T�

Sur l'air: _En plein, plan._

        Qu'une v�role est am�re,
        Et q'c'est m�chante affaire!
        Je l'ai bien pour mes six francs,
            En plein, plan,
        Rlan, tan, plan, tirelire,
              Lan, plan.
        Il y a des bien honn�t's gens,
        Qu'en ont une plus ch�re.


L'EXCUSE ING�NIEUSE

    Dans un endroit obscur, trouvant une Duchesse,
    Un jeune Mousquetaire osa porter la main
        Sous le jupon de son Altesse.
        Elle jette un cri, c'est en vain:
      Mon �tourdi, qu'un vif aiguillon presse,
        Jusques au bout allant son train,
        Claquoit et reclaquoit sans cesse.
        �Finirez-vous donc, libertin?
    �A moi quelqu'un! la Fleur, Champagne, la Jeunesse!�
    Ces Messieurs, qui buvoient au Cabaret voisin,
      N'entendoient pas la voix de leur Ma�tresse.
      Mon polisson l�che prise � la fin.
      --�Ah! malheureux, tu payeras demain
      �Ce trait d'audace et de sc�l�ratesse:
        �Crois que ton tr�pas est certain!
        �--Pardonnez un moment d'ivresse,�
    Reprit le Mousquetaire avec un air serein;
        �J'ai fait sans doute une sottise,
        �Et vous m'en voyez confondu:
        �Que voulez-vous que je vous dise?
        �Las! je suis un homme foutu,
    �Si vous avez le coeur aussi dur que le cu!�


L'OBSERVATEUR EN SECOND

OU L'ART D'AIMER

    J'ai vu dans les �crits d'un grand Observateur,
    �mule d'Hamilton et Po�te des Gr�ces,
    Le v�ritable sens que l'on donne au mot _coeur_.
    En admirant B... j'ai march� sur ses traces.
        Or, �coutez, ami Lecteur,
    Et vous saurez de moi ce qu'il vous faut entendre
    Alors que la beaut� qui vous a su charmer
      Vous avo�ra d'une voix douce et tendre,
        Qu'elle vous permet de l'aimer.
    _Aimer_ n'est pas un mot de sens tout � fait vide:
    Anacr�on, Properce et le galant Ovide
    Employ�rent souvent ce mot-l� comme il faut.
      Devinez donc ce que pense une Dame
      Dont les attraits sont par l'�ge effac�s,
    Quand elle vient se plaindre, en nous vantant sa flamme,
    Que Monsieur son �poux ne l'aime point assez?
    Qu'une fille me pla�t, qu'elle est int�ressante,
    Quand le besoin d'aimer en secret la tourmente!
    Comme elle je ressens ce besoin, ces ardeurs;
    Pourquoi ne pas unir nos besoins et nos coeurs?
    Elle diroit bient�t, d'une voix expirante:
    Ah! quand on aime bien, qu'on go�te de douceurs!
    Mais n'aime pas qui veut, c'est l� ce qui me f�che!
    Tant�t bien, tant�t mal, on remplit cette t�che:
    J'en vois m�me plusieurs, que je saurois nommer,
    Qui, malgr� leurs efforts, ne peuvent plus aimer.

    M�lidore adoroit (on verra par la suite
    Qu'ici tout autre mot ne peut �tre adopt�),
        Adoroit donc une beaut�
        Dans l'art d'aimer assez instruite;
        Notre amant jeune et sans d�tour,
        Dans cet art charmant vrai novice,
    Depuis plus de six mois qu'il �toit au supplice,
    N'avoit encore os� d�clarer son amour.
    Aux pieds de Lise enfin il se jette un beau jour,
        Et pour lui peindre son martyre,
    Pousse de grands H�las! verse des pleurs, soupire,
        Veut lui parler et reste court.
    L'amante, en le voyant, pensa crever de rire,
    Et sans prendre piti� du trouble qu'elle inspire,
    De l'amant � ses pieds, ni de son embarras,
    Lui r�pond froidement:--�Non, vous ne m'aimez pas.
    �--Je ne vous aime pas?... L'amour le plus sinc�re
    �N'est-il donc � vos yeux qu'une vaine chim�re?
    �Quand je br�le d'un feu qui ne peut s'exprimer,
    �Quand tout mon sang pour vous...--Ce n'est pas l� m'aimer,
        �Et moi, je pr�tends que l'on m'aime.
    �--Je vous l'ai d�j� dit, ma tendresse est extr�me;
    �Votre volont� seule est ma supr�me loi;
    �De gr�ce, commandez.--Eh bien donc, aimez-moi!�
    D�sesp�r�, confus, notre amant se retire;
    D'abord il veut se pendre, et puis il r�fl�chit
    Que ce seroit tomber d'un malheur dans un pire.
        Ensuite il cherche en son esprit
    Le sens de chaque mot, et ce qu'�gl� veut dire?
        L'Amour enfin daigne l'instruire:
    Avec un si grand Ma�tre une le�on suffit.
    Quelques jours �coul�s, il vole chez sa Dame,
    Plein d'espoir et surtout bien r�solu dans l'�me,
    De mettre, s'il se peut, la le�on � profit.
    Il entre... Il la voit seule... Il prend un peu d'audace...
    Et fit... ce que j'aurois voulu faire � sa place.
        Pendant les amoureux �bats,
        L'Amant disoit � sa Ma�tresse:
    �Peux-tu te plaindre encor que je ne t'aime pas?
        �Peux-tu douter de ma tendresse?�
    La belle lui repart:--�Non, le fait est certain,
    �Tu m'aimes maintenant, j'en ai la preuve en main.�


�PIGRAMME CONTRE UN SOT POLITIQUE

        Des Gazettes de la Tamise,
        Quand tu saurois le r�sultat,
    Faudroit-il te vanter d'�tre, comme un Mo�se,
    Savant dans le m�tier que fait un Potentat?
    Ta femme me l'a dit: ta sottise est sans bornes,
    Et si tu ressemblois � cet homme d'�tat,
        Ce ne seroit que par les cornes.


LE CUR� COMPLAISANT

        �Lisez tout bas ce guide-�ne,
        �Monsieur, vous m'�pouvantez;
        �Ah! quels grands mots! Libert�s...
        �De l'�glise Gallicane!
        �Comment! je crois, Dieu me damne!
        �Que je les ai r�p�t�s.
        �--Venez sur cette Ottomane,
        �Prendre place � mes c�t�s.
        �Or, maintenant, �coutez:
        �Levez ce jupon de panne,
        �Et sur le dos vous mettez;
        �Les deux cuisses �cartez:
        �Moi, j'entr'ouvre ma soutane...
        �--Je crois que vous me foutez?
        �--Non, c'est pour vous montrer, Jeanne,
        �Ce qu'on nomme Libert�s
        �De l'�glise Gallicane.�


�PIGRAMME

    Un auteur, dont le nom passera d'�ge en �ge,
        Montrant un jour son fils, disoit:
        �Voil� mon plus mauvais ouvrage.
    �--Monsieur,� reprit Damon, caustique personnage,
        �Est-il s�r que vous l'ayez fait?�


LA QUESTION R�SOLUE

        Trois rivaux voyant leur ma�tresse
        Que l'on vient de blesser au sein,
        Aussit�t l'un tombe en faiblesse;
        L'autre court apr�s l'assassin;
        Le troisi�me bande la plaie.
        Par ce moyen chacun essaie
        De montrer qui l'aime le mieux.
        Si mon avis on me demande,
        Je r�pondrois qu'il saute aux yeux:
        Car je suis pour celui qui bande.


LE FAGOT

CONTE

    Deux nouveaux mari�s font le sujet du conte.
        Tous deux, jeunes, s'aimoient tous deux;
        Mais un d�bat s'�mut entre eux.
        Il �toit vif, elle �toit prompte.
    Un semblable d�bat fut autrefois, dit-on,
        Entre Jupiter et Junon:
        Mais Junon de d�pit saisie
        Ne tarda gu�re � se venger
        Du jugement de Tir�sie.
        Une femme, pour bien juger,
        Veut qu'on juge � sa fantaisie.
    Nos deux jeunes �poux �toient donc courrouc�s,
    De quoi? D'�tre trop peu la nuit en paix laiss�s,
        De dormir trop peu l'un et l'autre:
        �Est-ce ma faute?--C'est la v�tre.
        �--N'est-ce pas vous qui me pincez?
        �--N'est-ce pas vous qui m'agacez?�
    Telle �toit chaque jour leur plainte mutuelle;
    Mais ils n'avoient qu'un lit, ce n'�toit pas assez
        Pour mettre fin � leur querelle.
        --�Eh bien! pour vous montrer,� dit-elle,
        �Que je ne veux vous dire mot,
        �Mettons entre nous un fagot.�
    L�-dessus la nuit vient, s�me le ciel d'�toiles,
    Et couvre l'univers de ses plus sombres voiles;
    Tout invite au sommeil, et le fagot se met
    Pour garant du repos que chacun se promet.
    Le couple conjugal dormit comme une souche.
    Mais quand de tous ses sens l'usage suspendu
    Apr�s un long sommeil lui fut enfin rendu,
    L'�pouse, vers l'�poux nonchalamment tourn�e,
      Lui dit: �Au moins vous ne vous plaindrez pas
    �Que de votre repos je ne fais point de cas.
    �--Et moi,� r�pond l'�poux, �vous ai-je importun�e?�
    A la seconde nuit, c'est � recommencer.
        Le fagot revient se placer.
        �Bonsoir, mon coeur.--Bonsoir, m'amie.�
        Au milieu de la nuit pourtant
        L'�pouse assez mal endormie,
        Se tourne et se retourne tant,
    Que le fagot la pique, et qu'elle se r�crie:
    �Peste soit du fagot, et de qui l'a plant�!�
    L'�poux, que le fagot n'avoit pas bien trait�,
        --�Qu'avez-vous,� dit-il, �je vous prie,
        �A tant pousser de mon c�t�?
    �Le fagot, gr�ce � vous, m'a fort mal ajust�.
    �--Mon Dieu!� cria l'�pouse, alors toute attendrie,
    �Que je voie...� et pour voir le fagot fut �t�.
    Mais elle ne vit rien qu'une certaine �pine...
    Lors prenant et serrant son �poux dans ses bras:
        --�Mon ami,� lui dit la coquine,
    �Pour te venger, au lieu de me faire la mine,
        �Pique-moi tant que tu pourras!�


LA DEMANDE SINGULI�RE

      Au temps prescrit par notre m�re �glise,
      Chez son �v�que un jeune rustre alla;
      Puis il lui dit: �Monseigneur, me voil�;
      �J'ai nom Jacquot, baillez-moi la pr�trise.�
      Le Pr�lat rit et lui r�pond:--�Nigaud,
      �Crois-tu mener si vite cette affaire?
      �Va, mon enfant, pour �tre pr�tre, il faut
      �Qu'un homme ait fait trois ans de S�minaire.�
      Jacquot repart:--�Je le sais, mais aussi
      �Informez-vous de tout notre village:
      �Mon p�re �toit vicaire, et, Dieu merci!
      �Tout fils de ma�tre est franc d'apprentissage.�


L'AVOCAT RAISONNABLE

Un Avocat, revenant dans son logis apr�s deux ans d'absence, y retrouva
un gros gar�on qu'il ne croyoit pas avoir laiss�; au lieu de s'emporter
contre sa femme, il fit l'in-promptu suivant:

IN-PROMPTU

Air: _Du Vaudeville de la Rosi�re._

        Sur cet article d�licat,
        Un autre courroit au grimoire;
        Mais moi, comme un franc Avocat,
        C'est la loi que je veux en croire;
        Or si je consulte la Loi,
        L'enfant de ma femme est � moi.

        Je sais bien qu'avant mon d�part,
        Madame �coutoit les fleurettes,
        Et qu'elle avoit sa bonne part
        Du foible qu'on donne aux coquettes;
        Mais si je consulte la Loi,
        L'enfant de ma femme est � moi.

        Plus je regarde le poupon,
        Moins je trouve qu'il me ressemble:
        Il a la bouche de Cliton,
        Ses yeux, son nez: aye! aye! je tremble;
        Mais si je consulte la Loi,
        L'enfant de ma femme est � moi.

        Sur un doute pareil au mien,
        Rondon plaida sa m�nag�re,
        A cela que gagna-t-il? Rien.
        Le juge dit au pauvre h�re:
        �Va-t'en donc consulter la Loi,
        �L'enfant de ta femme est � toi.�

        Tous les jours, j'en suis convaincu,
        Le plus galant homme peut �tre
        Ce que l'on appelle cocu;
        Mais, sans chercher � le paro�tre,
        Il dit: �N'�coutons que la Loi,
        �L'enfant de ma femme est � moi.�


COUPLET A MADEMOISELLE ***

Air: _Du Vaudeville d'Epicure._

        C'est peu d'�tre jeune et jolie:
        Sans l'amour, que sert la beaut�?
        Pour �tre une fille accomplie,
        Il faut un peu de volupt�.
        Victoire, soyez moins s�v�re,
        Le plaisir n'est que dans vos yeux:
        Si vous voulez me laisser faire,
        Je le logerai beaucoup mieux.


L'�POUSE NA�VE

        Blaise aimoit certaine donzelle.
      Il l'�pousa. D�s la premi�re nuit,
        En la caressant, il lui dit:
    �J'ai peur que nos plaisirs dans quelque temps, ma belle,
        �Ne te causent bien du tourment...
    �--Ne crains rien,� lui r�pond la na�ve femelle;
        �Blaise, j'accouche heureusement.�


FIN




TABLE


  Avis de l'�diteur                                    V

  A ma Comm�re                                         1

  La Femme sans chose                                  5
  La Croyance fond�e                                  12
  La D�claration militaire                            13
  La R�ponse sens�e                                   15
  La Plainte injuste                                  16
  Badinage in-promptu                                 17
  La Belle accommodante                               17
  In-promptu                                          18
  Couplet                                             18
  Bouquet � Mademoiselle ***                          19
  La Rage d'amour                                     19
  Le Pr�tendu malin                                   20
  La Gageure                                          21
  Le Paiement d'avance                                21
  Impromptu                                           24
  La Calomnie foudroy�e                               24
  La Fente                                            25
  Le Repentir sinc�re                                 27
  L'Armure de V�nus                                   27
  A ma Ma�tresse                                      28
  Les D�solations et les Consolations, vaudeville     28
  �l�gie                                              29
  �pigramme                                           30
  Le Triomphe de la Marotte                           31
  Les Cinq points                                     37
  L'Un pour l'autre                                   37
  La Pr�sence d'esprit                                38
  La D�fense bien observ�e, chanson                   39
  Le D�gel                                            40
  Histoire v�ritable, etc., d'un Abb� qui             41
  L'Exp�dient facile                                  43
  On fait ce qu'on peut                               44
  Le Qui pro Quo, ou Colin-Maillard                   44
  L'Inoculation, conte                                46
  La Muette, chanson                                  47
  L'Obstacle, conte                                   49
  Le Tribut conjugal                                  51
  Le Conseil inutile                                  52
  La Confidence                                       53
  Le Chapelain, chanson                               54
  Le Marchand de loto                                 55
  Le Lendemain des noces                              58
  Le Confesseur exemplaire                            59
  L'Esprit fort                                       60
  Couplet                                             62
  �pigramme                                           63
  Le Cas d�cid�                                       63
  Le Faux Jupiter                                     64
  Le Sommeil de V�nus                                 69
  Quatrain � Madame ***                               71
  L'Enthousiasme Gascon                               72
  Le Cri du coeur                                     72
  La B�n�diction trop ch�re, o� le conseil d'Alix     73
  �p�tre consolante � un cocu                         75
  L'Avocat pouss� � bout                              77
  Le D�luge                                           80
  _�gri salivantis solatium_                          81
  Dialogue entre deux servantes                       81
  Le Salamalec Lyonnois                               82
  La Col�re na�ve                                     85
  Partant quitte                                      86
  Le fin Menteur                                      87
  Le Pardon                                           87
  Le Mensonge �vident                                 88
  La M�tamorphose                                     89
  Le Maladroit                                        90
  Le Plaisir sans remords                             91
  Les deux Clyst�res                                  92
  Le double Aveu                                      92
  Les Souliers                                        95
  Qui perd gagne                                      95
  In-promptu--Parodie d'un couplet des Amours d'�t�   97
  L'Excuse ing�nieuse                                 98
  L'Observateur en second, ou l'Art d'aimer           99
  �pigramme contre un sot politique                  102
  Le Cur� complaisant                                102
  �pigramme                                          103
  La Question r�solue                                104
  Le Fagot                                           104
  La Demande singuli�re                              106
  L'Avocat raisonnable                               107
  Couplet � Mademoiselle ***                         109
  L'�pouse na�ve                                     109




  IMPRIM�
  PAR
  CHARLES UNSINGER
  83, Rue du Bac
  PARIS




ISIDORE LISEUX, LIBRAIRE-�DITEUR

Quai Malaquais, n� 5.


�DITIONS R�SERV�ES

Sous cette d�signation g�n�rale, nous avons l'intention de faire
para�tre une s�rie de volumes curieux de divers formats, imprim�s � un
tr�s petit nombre d'exemplaires et non destin�s au commerce de la
Nouveaut�. Le _Petit-Neveu de Gr�court_ est le premier de cette s�rie.

Les couvertures ne porteront aucune indication de prix.

Le prix net de souscription pour Amateurs ou Libraires, indistinctement,
sera communiqu� par avis individuel. Les Amateurs qui souscriront par
l'entremise des Libraires, s'entendront avec eux pour la commission �
leur payer en sus du prix net.

Aussit�t parus, les volumes entreront de plain-pied dans la Librairie
ancienne, et le prix originaire de souscription ne pourra plus �tre
donn� qu'� titre de simple renseignement.

_Envoi franco recommand� contre Mandat ou Ch�que._


Paris.--Typ CH. UNSINGER, 83, rue du Bac.






End of the Project Gutenberg EBook of Le petit-neveu de Gr�court ou �trennes
gaillardes, by Anonymous

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE PETIT-NEVEU DE GR�COURT ***

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Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org.  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     gbnewby@pglaf.org


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

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