The Project Gutenberg EBook of Histoire des Musulmans d'Espagne, v. 4/4, by
Reinhart Pieter Anne Dozy

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Title: Histoire des Musulmans d'Espagne, v. 4/4
       jusqu'a la conqu�te de l'Andalouisie par les Almoravides (711-110)

Author: Reinhart Pieter Anne Dozy

Release Date: December 23, 2012 [EBook #41692]

Language: French

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HISTOIRE

DES

MUSULMANS D'ESPAGNE




HISTOIRE

DES

MUSULMANS D'ESPAGNE

JUSQU'A LA CONQU�TE DE L'ANDALOUSIE
PAR LES ALMORAVIDES
(711--1110)

PAR

R. DOZY

Commandeur de l'ordre de Charles III d'Espagne, membre correspondant
de l'acad�mie d'histoire de Madrid, associ� �tranger de la Soc. asiat.
de Paris, professeur d'histoire � l'universit� de Leyde, etc.

TOME QUATRI�ME

LEYDE
E. J. BRILL
Imprimeur de l'Universit�

1861




LIVRE IV

LES PETITS SOUVERAINS




I.


Depuis plusieurs ann�es, les provinces de l'Espagne musulmane se
trouvaient abandonn�es � elles-m�mes sans qu'elles l'eussent voulu. Le
peuple en g�n�ral s'en affligeait; il ne songeait qu'avec effroi �
l'avenir et regrettait le pass�. Les capitaines �trangers furent les
seuls qui profit�rent de la d�composition totale de la P�ninsule. Les
g�n�raux berbers se partag�rent le Midi; les Slaves r�gn�rent dans
l'Est; le reste �chut en partage, soit � des parvenus, soit au petit
nombre de familles nobles qui, par un hasard quelconque, avaient r�sist�
aux coups qu'Abd�rame III et Almanzor avaient port�s � l'aristocratie.
Enfin, les deux villes les plus consid�rables, Cordoue et S�ville, se
constitu�rent en r�publiques.

Les Hammoudites �taient, mais seulement de nom, les chefs du parti
berber. Ils pr�tendaient avoir des droits sur toute la partie arabe de
la P�ninsule; en r�alit� ils n'y poss�daient que la ville de Malaga et
son territoire. Les plus puissants parmi leurs vassaux �taient les
princes de Grenade, Z�w�, qui �leva Grenade au rang de capitale[1], et
son neveu Habbous qui lui succ�da. Il y avait en outre des princes
berbers � Carmona, � Moron, � Ronda. Les Aftasides, qui r�gnaient �
Badajoz, appartenaient � la m�me nation; mais enti�rement arabis�s, ils
se donnaient une origine arabe, et occupaient une position assez isol�e.

Dans le parti oppos�, les hommes les plus marquants �taient Khair�n, le
prince d'Alm�rie, Zohair, qui lui succ�da en 1028, et Modj�hid, le
prince des Bal�ares et de D�nia. Ce dernier, le plus grand pirate de son
temps, se rendit fameux par les exp�ditions qu'il fit en Sardaigne et
sur la c�te de l'Italie, et aussi par la protection qu'il accorda aux
hommes de lettres. D'autres Slaves r�gn�rent d'abord � Valence; mais
dans l'ann�e 1021, Abdalaz�z, un petit-fils du c�l�bre Almanzor[2], y
fut proclam� roi. A Saragosse une noble famille arabe, celle des
Beni-Houd, obtint le pouvoir apr�s la mort de Mondhir, arriv�e en 1039.

Enfin, sans compter un assez grand nombre de petits Etats, il y avait
encore le royaume de Tol�de. Un certain Ya�ch y r�gna jusqu'� l'ann�e
1036; depuis lors les Beni-Dh�-'n-noun en prirent possession. C'�tait
une ancienne famille berb�re qui avait pris part � la conqu�te de
l'Espagne au huiti�me si�cle.

Quant � Cordoue, apr�s que le califat y eut �t� aboli, les principaux
habitants se r�unirent et r�solurent de confier le pouvoir ex�cutif �
Ibn-Djahwar, dont la capacit� �tait universellement reconnue. Il refusa
d'abord d'accepter la dignit� qu'on lui offrait, et quand il c�da enfin
aux instances de l'assembl�e, il ne le fit qu'� condition qu'on lui
donnerait pour coll�gues deux membres du s�nat qui appartenaient � sa
famille, � savoir Mohammed ibn-Abb�s et Abdalaz�z ibn-Hasan. L'assembl�e
y consentit, mais en stipulant que ces deux personnes auraient seulement
voix consultative.

Le premier consul gouverna la r�publique d'une mani�re �quitable et
sage. Gr�ce � lui, les Cordouans n'eurent plus � se plaindre de la
brutalit� des Berbers. Son premier soin avait �t� de les cong�dier; il
avait seulement retenu les Beni-Iforen, sur l'ob�issance desquels il
pouvait compter, et il avait remplac� les autres par une garde
nationale. En apparence, il laissa subsister les institutions
r�publicaines. Quand on lui demandait une faveur: �Ce n'est pas � moi de
l'accorder, r�pondait-il; cela regarde le s�nat, et je ne suis que
l'ex�cuteur de ses ordres.� Quand il recevait une lettre officielle qui
�tait adress�e � lui seul, il refusait d'en prendre connaissance en
disant qu'elle devait �tre adress�e aux vizirs. Avant de prendre une
d�cision, il consultait toujours le s�nat. Jamais il ne prenait des airs
de prince, et au lieu d'aller habiter le palais califal, il resta dans
la modeste demeure qu'il avait toujours occup�e. En r�alit�, toutefois,
son pouvoir �tait illimit�, car en aucune circonstance le s�nat ne
s'avisait de le contredire. Sa probit� �tait rigide et scrupuleuse; il
ne voulait pas que le tr�sor public se trouv�t dans sa maison; il en
confia la garde aux hommes les plus respectables de la ville. Il aimait
l'argent, il est vrai, mais jamais l'int�r�t ne lui faisait rien faire
de malhonn�te. Econome et m�me parcimonieux, pour ne pas dire avare, il
doubla sa fortune, de sorte qu'il devint l'homme le plus riche de
Cordoue. Mais en m�me temps il faisait de louables efforts pour r�tablir
la prosp�rit� publique. Il s'effor�ait d'entretenir des relations
amicales avec tous les Etats voisins, et il y r�ussit si bien, que le
commerce et l'industrie jouirent en peu de temps de la s�curit� dont ils
avaient tant besoin. Aussi le prix des denr�es baissa, et Cordoue re�ut
dans son sein une foule de nouveaux habitants qui reb�tirent
quelques-uns des quartiers que les Berbers avaient d�molis ou br�l�s
lors du sac de la ville[3]. Mais quoi qu'il f�t, l'ancienne capitale du
califat ne recouvra pas sa pr�pond�rance politique. Le premier r�le
appartenait dor�navant � S�ville, et c'est de l'histoire de cette cit�
que nous aurons � nous occuper principalement.

Le sort de S�ville avait �t� longtemps li� � celui de Cordoue. De m�me
que la capitale, elle avait ob�i successivement � des souverains de la
famille d'Omaiya ou de celle de Hammoud; mais la r�volution de Cordoue
en 1023 eut son contre-coup � S�ville. Les Cordouans s'�tant insurg�s
contre C�sim le Hammoudite et l'ayant chass� de leur territoire, ce
prince r�solut d'aller chercher un refuge � S�ville, o� se trouvaient
ses deux fils avec une garnison berb�re, command�e par Mohammed
ibn-Z�r�, de la tribu d'Iforen. En cons�quence, il envoya aux S�villans
l'ordre d'�vacuer mille maisons qui seraient occup�es par ses troupes.
Cet ordre causa un m�contentement tr�s-vif, d'autant plus que les
soldats de C�sim, les plus pauvres de leur race, avaient la triste
r�putation d'�tre de grands pillards. Cordoue venait de montrer aux
S�villans la possibilit� de s'affranchir du joug, et ils �taient tent�s
de suivre l'exemple que leur avait donn� la capitale. La crainte de la
garnison berb�re les retenait encore; mais le cadi de la ville,
Abou-'l-C�sim Mohammed, de la famille des Beni-Abb�d, r�ussit � gagner
le chef de cette garnison. Il lui dit qu'il lui serait facile de devenir
seigneur de S�ville, et d�s lors Mohammed ibn-Z�r� se d�clara pr�t � le
seconder. Le cadi conclut ensuite une alliance avec le commandant berber
de Carmona, et alors les S�villans, second�s par la garnison, prirent
les armes contre les fils de C�sim, dont ils cern�rent le palais.

Arriv� devant les portes de S�ville, qu'il trouva ferm�es, C�sim essaya
de gagner les habitants par des promesses; mais il n'y r�ussit pas, et
comme ses fils �taient expos�s � un grand p�ril, il s'engagea enfin �
�vacuer le territoire s�villan, pourvu qu'on lui rend�t ses fils et ses
biens. Les S�villans y consentirent, et C�sim s'�tant retir�, ils
saisirent la premi�re occasion qui s'offrit � eux pour chasser la
garnison berb�re[4].

La ville ayant ainsi recouvr� sa libert�, les patriciens se r�unirent
pour se donner un gouvernement. Cependant ils n'�taient nullement
tranquilles sur les cons�quences de leur r�volte; ils craignaient de
voir revenir bient�t les Hammoudites irrit�s, qui, dans ce cas, ne
manqueraient pas de punir les coupables. Aussi nul n'osa prendre sur soi
la responsabilit� de ce qui s'�tait pass�; tous �taient d'accord pour la
faire peser uniquement sur le cadi, auquel on enviait ses richesses; on
pr�voyait d�j�, avec un secret plaisir, le moment o� ces richesses
seraient confisqu�es[5]. On offrit donc au cadi l'autorit� souveraine;
mais quelle que f�t son ambition, il �tait trop sage pour l'accepter en
ce moment. Sa naissance n'�tait pas illustre. Il �tait tr�s-riche, car
il poss�dait le tiers du territoire s�villan, et il jouissait d'une
haute consid�ration � cause de ses talents et de son savoir; mais sa
famille n'appartenait que depuis peu � la haute noblesse, et il savait
qu'� moins qu'il n'e�t des soldats � sa disposition--et il n'en avait
pas encore--la fi�re et exclusive aristocratie de S�ville se soul�verait
bient�t contre un parvenu. Il n'�tait rien autre chose, en v�rit�. Il
est vrai que plus tard, lorsque les Abb�dides furent sur le point de
r�tablir � leur profit le tr�ne des califes, ils se pr�tendaient issus
des anciens rois lakhmides qui, avant Mahomet, avaient r�gn� � Hira, et
que les po�tes fam�liques de leur cour saisissaient alors chaque
occasion pour c�l�brer une si illustre origine; mais rien ne justifie
une telle pr�tention; les Abb�dides et leurs flatteurs n'ont jamais pu
la prouver. Tout ce que cette famille avait de commun avec les anciens
rois de Hira, c'est qu'elle appartenait comme eux � la tribu y�m�nite de
Lakhm; mais la branche de cette tribu d'o� sortaient les Abb�dides ne
semble jamais avoir habit� Hira; elle demeurait � Ar�ch, sur les
fronti�res de l'Egypte et de la Syrie, dans le district d'Em�se[6], et
les Abb�dides, loin de pouvoir rattacher leur g�n�alogie � celle des
rois de Hira, n'ont jamais pu la faire remonter au del� de Noaim, le
p�re d'It�f. Cet It�f, capitaine d'une division des troupes d'Em�se,
�tait arriv� en Espagne avec Baldj, et les soldats d'Em�se ayant re�u
des terres pr�s de S�ville, il s'�tait �tabli dans le hameau de Yaum�n,
qui se trouvait dans le district de Tocina et sur les bords du
Guadalquivir. Sept g�n�rations de gens probes, �conomes, laborieux,
firent sortir la famille, lentement et p�niblement, de son obscurit�.
Ism��l, le p�re de notre cadi, fut le premier qui l'illustr�t; ce fut
lui qui, pour ainsi dire, fit inscrire dans le _livre d'or_ de la
noblesse s�villane le nom des Beni-Abb�d ou Abb�dides[7]. A la fois
th�ologien, jurisconsulte et homme d'�p�e, il avait command� un r�giment
de la garde de Hich�m II; puis il avait �t� im�m de la grande mosqu�e �
Cordoue et cadi de S�ville. Renomm� par ses lumi�res, sa sagacit�, la
prudence de ses conseils et la fermet� de son caract�re, il ne l'�tait
pas moins par sa probit�, car en d�pit de la corruption g�n�rale, il
n'accepta jamais aucun don du sultan ou de ses ministres. Sa lib�ralit�
�tait sans limites, et les Cordouans exil�s avaient trouv� chez lui une
g�n�reuse hospitalit�. Toutes ces qualit�s lui valurent le titre du plus
noble homme de l'Ouest. Il �tait mort dans l'ann�e 1019, peu de temps
avant l'�poque dont nous nous occupons[8].

Son fils Abou-'l-C�sim Mohammed l'�gala peut-�tre en savoir, mais non en
vertu. Ego�ste et ambitieux, son premier acte avait �t� un acte
d'ingratitude. Lorsque son p�re fut mort et qu'il avait esp�r� de lui
succ�der comme cadi, un autre lui avait �t� pr�f�r�. Il s'�tait adress�
alors � C�sim ibn-Hammoud, et gr�ce � l'entremise de ce prince, il avait
obtenu l'emploi qu'il d�sirait[9]. Nous avons d�j� vu de quelle mani�re
il r�compensa plus tard cette faveur.

Les patriciens de S�ville lui offraient maintenant le pouvoir; mais,
devinant leurs motifs, il leur r�pondit qu'il ne pouvait accepter leur
offre, toute honorable qu'elle �tait, qu'� la condition qu'on lui
adjoindrait quelques personnes qu'il nommerait. Ces personnes,
ajouta-t-il, seraient ses vizirs, ses coll�gues, et il ne prendrait
aucune r�solution sans les avoir consult�es. Malgr� qu'ils en eussent,
les S�villans furent oblig�s d'accepter cette proposition, car le cadi
refusait fermement de gouverner seul. On le pria donc de nommer ses
coll�gues. Il d�signa alors les chefs de quelques familles patriciennes
tels que Hauzan� et Ibn-Haddj�dj, et des personnes que l'on regardait
comme ses cr�atures ou du moins comme ses partisans, tels que Mohammed
ibn-Yar�m, de la tribu d'Alh�n, et Abou-Becr Zobaid�, le c�l�bre
grammairien qui avait �t� le pr�cepteur de Hich�m II[10]. Cela fait, son
premier soin fut de se procurer des troupes. Gr�ce � la haute paye qu'il
promettait, il attira sous son drapeau plusieurs soldats arabes, berbers
ou autres, et il acheta d'ailleurs beaucoup d'esclaves qu'il fit
instruire dans le m�tier des armes[11]. Une exp�dition qu'il fit dans le
Nord, probablement avec d'autres princes, lui fournit le moyen de
grossir ce noyau d'une arm�e. Il assi�gea � cette occasion deux ch�teaux
au nord de Viseu, qui �taient b�tis, l'un vis-�-vis de l'autre, sur des
rochers s�par�s par un ravin, et qui portaient le nom d'_al-akha-w�n_ ou
d'_al-akhow�n_, _les deux fr�res_, nom qui s'est conserv� dans la
d�nomination actuelle _Alafoens_[12]. Ils �taient habit�s par des
Espagnols chr�tiens, dont les anc�tres avaient conclu un trait� avec
Mous� ibn-No�air, alors que ce g�n�ral conquit Viseu[13], mais qui, �
l'�poque dont nous parlons, ne semblent avoir �t� soumis ni au roi de
L�on ni � un prince musulman. Le cadi se rendit ma�tre de ces deux
ch�teaux et for�a trois cents de leurs d�fenseurs � entrer � son
service[14], de sorte que d�s lors il pouvait disposer de cinq cents
cavaliers. Il avait donc assez de soldats pour faire des razzias sur les
terres de ses voisins[15], mais il n'�tait pas encore en �tat de
d�fendre S�ville contre une attaque s�rieuse. C'est ce qu'il �prouva en
1027. Dans cette ann�e le calife hammoudite Yahy� ibn-Al� et le seigneur
berber de Carmona, Mohammed ibn-Abdall�h, vinrent assi�ger S�ville[16].
Trop faibles pour opposer une longue r�sistance, les S�villans entr�rent
en pourparlers avec Yahy�. Ils se d�clar�rent pr�ts � reconna�tre sa
souverainet�, � condition que les Berbers n'entreraient pas dans la
ville. Yahy� y consentit; mais il exigea comme otages quelques jeunes
patriciens qui lui r�pondraient sur leur t�te de la fid�lit� des
S�villans. Cette demande r�pandit la consternation dans la ville; aucun
patricien ne voulait livrer son fils aux Berbers, qui pourraient le tuer
au moindre soup�on. Le cadi seul n'h�sita pas; il offrit � Yahy� son
fils Abb�d, et le calife, qui savait que le cadi jouissait d'une grande
influence, se contenta de ce seul otage. Gr�ce � cet acte de d�vo�ment,
le cadi vit sa popularit� s'accro�tre, et n'ayant d�sormais plus rien �
craindre ni des nobles ni du calife, dont il reconnaissait la
souverainet� pour la forme, il crut le moment venu pour r�gner seul.
Ayant d�j� �cart� du conseil les patriciens tels qu'Ibn-Haddj�dj et
Hauzan�, il n'avait plus que deux coll�gues, Zobaid� et Ibn-Yar�m. Il
les cong�dia et Zobaid� fut m�me envoy� en exil[17]. Un pl�b�ien des
environs de S�ville, qui s'appelait Hab�b, fut nomm� premier ministre.
C'�tait un homme sans principes, mais intelligent, actif et enti�rement
d�vou� aux int�r�ts de son ma�tre[18].

Le cadi voulut ensuite agrandir son territoire en s'emparant de B�ja.
Dans les derniers temps cette ville, qui avait d�j� beaucoup souffert au
neuvi�me si�cle par la guerre entre les Arabes et les ren�gats, avait
�t� saccag�e et en partie d�truite par les Berbers qui avaient couru le
pays en pillant et br�lant tout ce qui se trouvait sur leur passage. Le
cadi avait l'intention de la reb�tir; mais inform� de son projet,
Abdall�h ibn-al-Aftas, le prince de Badajoz, y envoya des troupes
command�es par son fils Mohammed (qui lui succ�da plus tard sous le nom
de Modhaffar), et ces troupes avaient d�j� pris possession de B�ja au
moment o� Ism��l, le fils du cadi, se pr�senta devant les portes avec
l'arm�e de S�ville et celle du seigneur de Carmona, l'alli� de son p�re.
Il commen�a aussit�t le si�ge et fit piller par sa cavalerie les
villages qui se trouvaient entre Evora et la mer. Malgr� le renfort
qu'il avait re�u du seigneur de Mertola, Ibn-Taifour, Mohammed
l'Aftaside fut tr�s-malheureux: apr�s avoir perdu ses meilleurs
guerriers, il tomba entre les mains des ennemis et fut envoy� � Carmona.

Enhardis par les succ�s qu'ils avaient remport�s, le cadi et son alli�
firent des incursions, non-seulement sur le territoire de Badajoz, mais
aussi sur celui de Cordoue, de sorte que le gouvernement de cette ville
dut prendre � son service des Berbers de la province de Sidona. Quelque
temps apr�s, cependant, ils conclurent la paix, ou du moins un
armistice, avec l'Aftaside, et alors Mohammed fut d�livr� de sa prison
du consentement du cadi (mars 1030). En lui annon�ant qu'il �tait libre,
le seigneur de Carmona lui recommanda de passer par S�ville et de
remercier le cadi; mais Mohammed avait tant d'aversion pour ce dernier,
qu'il r�pondit au Berber: �J'aime mieux demeurer votre prisonnier que
d'avoir une obligation � cet homme. Si ce n'est pas � vous seul que je
suis redevable de ma d�livrance, si j'en dois remercier aussi le cadi
de S�ville, je resterai o� je suis.� Le seigneur de Carmona respecta ses
sentiments, et sans insister davantage, il le fit reconduire � Badajoz
avec tous les honneurs dus � son rang.

Quatre ans plus tard, en 1034, Abdall�h l'Aftaside se vengea, mais d'une
mani�re peu honorable, des revers qu'il avait essuy�s. Il avait accord�
au cadi le passage de son arm�e, qui allait faire, sous les ordres
d'Ism��l, une razzia dans le royaume de L�on; mais quand Ism��l fut
arriv� dans un d�fil� non loin de la fronti�re l�onaise, il l'attaqua �
l'improviste. Beaucoup de soldats s�villans furent tu�s, d'autres furent
massacr�s pendant leur fuite par les cavaliers l�onais. Ism��l lui-m�me
�chappa au carnage avec une poign�e de ses guerriers; mais tandis qu'il
se dirigeait sur Lisbonne, ville qui formait la fronti�re des Etats de
son p�re du c�t� du nord-ouest, lui et les siens eurent � endurer les
plus grandes privations.

D�s lors le cadi devint l'ennemi mortel du prince de Badajoz[19]; mais
nous ne poss�dons pas de d�tails sur les combats qu'ils se livr�rent
dans la suite, et sans doute cette guerre n'eut pas pour l'Espagne
musulmane des cons�quences aussi importantes qu'un �v�nement d'une
autre nature, dont nous avons � nous occuper � pr�sent.

Le cadi, comme nous l'avons dit, avait reconnu la souverainet� du calife
hammoudite Yahy� ibn-Al�. �'avait �t� longtemps un acte de nulle
cons�quence; le cadi r�gnait sans contr�le � S�ville, Yahy� �tant trop
faible pour y faire valoir ses droits. Peu � peu cet �tat de choses
changea. Yahy� parvint � rallier successivement � sa cause presque tous
les chefs berbers; il devint donc en r�alit� ce qu'auparavant il n'avait
�t� que de nom, le chef de tout le parti africain, et comme il avait
�tabli son quartier g�n�ral � Carmona, d'o� il avait chass� Mohammed
ibn-Abdall�h[20], il mena�ait � la fois Cordoue et S�ville[21].

La gravit� du p�ril inspira alors au cadi une pens�e qui e�t �t� grande
et patriotique, si elle n'e�t �t� sugg�r�e en partie par l'ambition.
Pour emp�cher les Berbers, d�sormais unis, de reconqu�rir le terrain
qu'ils avaient perdu, l'union des Arabes et des Slaves sous un seul chef
�tait n�cessaire; c'�tait le seul moyen pour pr�server le pays du retour
des maux dont il avait souffert. Le cadi le sentait; il d�sirait qu'une
grande ligue se form�t, dans laquelle entreraient tous les ennemis des
Africains, mais en m�me temps il voulait en devenir le chef. Il ne
s'aveuglait pas sur les obstacles qu'il aurait � vaincre; il savait que
les princes slaves, les seigneurs arabes et les s�nateurs de Cordoue
seraient bless�s dans leur ombrageuse fiert� au cas o� il t�cherait de
les dominer; mais il ne se laissa pas d�courager par des consid�rations
de cette nature, et comme les circonstances lui pr�t�rent un puissant
appui, il parvint, jusqu'� un certain point, � r�aliser son projet. Nous
allons voir de quelle mani�re il s'y prit.

Nous avons dit plus haut que le malheureux calife Hich�m II s'�tait
�vad� du palais sous le r�gne de Solaim�n, et que, selon toute
apparence, il �tait mort en Asie, ignor� et inconnu. Cependant le
peuple, encore fort attach� � la dynastie omaiyade qui lui avait donn�
la prosp�rit� et la gloire, refusait de croire � la mort de ce monarque,
et accueillait avidement les bruits �tranges qui couraient sur son
compte. Il se trouvait des gens qui se piquaient de pouvoir donner les
d�tails les plus pr�cis sur son s�jour en Asie. D'abord, disait-on, il
s'�tait rendu � la Mecque, muni d'une bourse remplie d'argent et de
pierres pr�cieuses. Cette bourse lui ayant �t� arrach�e par des n�gres
de la garde de l'�mir, il passa deux jours et deux nuits sans manger,
jusqu'� ce qu'un potier, touch� de compassion, lui demand�t s'il savait
p�trir de l'argile. A tout hasard Hich�m r�pondit que oui. �Eh bien! lui
dit alors le potier, si tu veux entrer � mon service, je te donnerai un
dirhem et un pain par jour.--J'accepte de grand coeur votre offre,
lui r�pondit Hich�m, mais donnez-moi tout de suite un pain, je vous en
supplie, car j'ai �t� deux jours sans manger.� Pendant quelque temps
Hich�m, quoiqu'il f�t un ouvrier fort paresseux, gagna sa vie chez le
potier; mais enfin, d�go�t� de sa besogne, il s'�chappa et se joignit �
une caravane qui allait partir pour la Palestine. Il arriva � J�rusalem
dans le plus complet d�n�ment. Un jour qu'il se promenait sur le march�,
il s'arr�ta devant la boutique d'un nattier qui travaillait. �Pourquoi
me regardes-tu avec tant d'attention? lui demanda cet homme; est-ce que
tu conna�trais mon m�tier?--Non, lui r�pondit tristement Hich�m, et je
le regrette, car je n'ai aucun moyen de subsistance.--Eh bien, reste
aupr�s de moi, reprit le nattier; tu pourras m'�tre utile en allant me
chercher du jonc et je te payerai tes services.� Hich�m accepta avec
joie cette proposition, et peu � peu il apprit � faire des nattes.
Plusieurs ann�es se pass�rent ainsi, mais en 1033 il retourna en
Espagne[22]. Apr�s s'�tre montr� � Malaga[23], il se rendit � Alm�rie,
o� il arriva dans l'ann�e 1035; mais bient�t apr�s, le prince Zohair
l'ayant expuls� de ses Etats, il alla se fixer � Calatrava[24].

Ce r�cit, que le peuple acceptait avec une aveugle cr�dulit�, ne semble
m�riter aucune confiance. Le fait est qu'� l'�poque o� Yahy� mena�ait
S�ville et Cordoue, il y avait � Calatrava un nattier du nom de Khalaf,
qui avait une ressemblance frappante avec Hich�m; mais rien ne prouve
que cet homme ait �t� l'ex-calife, et les clients omaiyades tels que les
historiens Ibn-Haiy�n et Ibn-Hazm, bien qu'il e�t �t� de leur int�r�t de
reconna�tre le soi-disant Hich�m, ont toujours protest� de la mani�re la
plus �nergique contre ce qu'ils appelaient une grossi�re imposture.
Khalaf, toutefois, avait de l'ambition. Ayant souvent entendu dire qu'il
ressemblait beaucoup � Hich�m II, il se donna pour ce monarque, et comme
il n'�tait pas n� � Calatrava, ses concitoyens le crurent. Qui plus est,
ils le reconnurent pour leur souverain et se r�volt�rent contre leur
seigneur Ism��l ibn-Dh�-'n-noun, le prince de Tol�de. Ce dernier vint
alors les assi�ger, et leur r�sistance ne fut pas longue. Ayant fait
sortir le soi-disant Hich�m de leur ville, ils se soumirent de nouveau �
leur ancien seigneur[25].

Cependant le r�le de Khalaf n'�tait pas fini; il ne faisait que
commencer. Le cadi de S�ville, quand il fut inform� de la r�apparition
de Hich�m II, comprit sans tarder le parti qu'il pouvait tirer de cet
homme s'il le faisait venir � S�ville. Peu lui importait que ce f�t
Hich�m ou un autre; l'essentiel pour lui, c'�tait que la ressemblance
f�t assez grande pour qu'on p�t pr�tendre, sans trop se compromettre,
que c'�tait Hich�m, et alors une ligue contre les Berbers pourrait
s'organiser en son nom, ligue dont le cadi, en sa qualit� de premier
ministre du calife, serait le chef et l'�me. Il fit donc inviter le
pr�tendant de se rendre � S�ville, et lui promit son appui pour le cas
o� son identit� serait constat�e. Le nattier ne se fit pas prier; il
vint � S�ville, o� le cadi le montra � des femmes du s�rail de Hich�m.
Sachant ce qu'elles avaient � dire, elles d�clar�rent presque toutes que
cet homme �tait r�ellement l'ex-calife, et alors le cadi, s'appuyant sur
leurs t�moignages, �crivit au s�nat de Cordoue ainsi qu'aux seigneurs
arabes et slaves, pour leur annoncer que Hich�m II se trouvait aupr�s de
lui et les inviter � prendre les armes pour sa cause[26]. Cette d�marche
fut couronn�e d'un brillant succ�s. La souverainet� de Hich�m fut
reconnue par Mohammed ibn-Abdall�h, le prince d�tr�n� de Carmona, qui
avait trouv� un refuge � S�ville[27], par Abdalaz�z, prince de Valence,
par Modj�hid, prince de D�nia et des �les Bal�ares, et par le seigneur
de Tortose[28]. A Cordoue le peuple apprit avec enthousiasme qu'il
vivait encore. Moins cr�dule et jaloux de conserver le pouvoir, le
pr�sident de la r�publique, Abou-'l-Hazm ibn-Djahwar, ne fut pas dupe de
cette imposture; mais il savait qu'il lui serait impossible de r�sister
� la volont� du peuple. Il comprenait la n�cessit� de l'union des Arabes
et des Slaves sous un seul chef, et il craignait de voir Cordoue
attaqu�e par les Berbers. Il ne s'opposa donc pas aux d�sirs de ses
concitoyens, et il permit que l'on pr�t�t de nouveau serment � Hich�m II
(novembre 1035)[29].

Sur ces entrefaites et pendant que le parti arabe-slave s'armait partout
contre lui, Yahy� assi�geait S�ville ou en ravageait le territoire, bien
r�solu � tirer une �clatante vengeance de l'astucieux cadi. Mais il
�tait entour� de tra�tres. Les Berbers de Carmona qu'il avait contraints
� s'enr�ler sous sa banni�re, �taient fort attach�s � leur ancien
seigneur; ils entretenaient des intelligences avec lui, et en octobre
1035, quelques-uns d'entre eux se rendirent secr�tement � S�ville. Quand
ils y furent arriv�s, ils apprirent au cadi et � Mohammed ibn-Abdall�h
qu'il leur serait facile de surprendre Yahy�, attendu que ce prince
�tait presque toujours ivre. Le cadi et son alli� r�solurent aussit�t
de profiter de cet avis. En cons�quence, Ism��l, le fils du cadi, se mit
en marche � la t�te de l'arm�e s�villane et accompagn� de Mohammed
ibn-Abdall�h. La nuit venue, il se tint en embuscade avec le gros de ses
forces, et envoya un escadron contre Carmona, dans l'espoir d'attirer
Yahy� hors de la place. Son projet lui r�ussit. Yahy� �tait occup� �
boire lorsqu'il fut inform� de l'approche des S�villans. Quittant
aussit�t son sofa: �Quel bonheur! s'�cria-t-il; Ibn-Abb�d vient me
rendre visite! Qu'on s'arme sans perdre un instant! En selle!� Ses
ordres furent ex�cut�s, et bient�t apr�s il sortit de la ville,
accompagn� de trois cents cavaliers. Echauff� par le vin, il se
pr�cipita sur les ennemis, sans prendre le temps de ranger ses troupes
en bataille et quoique l'obscurit� l'emp�ch�t presque de distinguer les
objets. Un peu d�concert�s d'abord par sa brusque attaque, les S�villans
y r�pondirent cependant avec vigueur, et quand enfin ils eurent �t�
contraints � la retraite, ils r�trograd�rent vers l'endroit o� se
trouvait Ism��l. D�s lors Yahy� �tait perdu. Ism��l fondit sur les
ennemis � la t�te de ses chr�tiens d'Alafoens, et les mit en d�route.
Yahy� lui-m�me fut tu�, et peut-�tre la plupart de ses soldats
auraient-ils partag� son sort, si Mohammed ibn-Abdall�h ne l'e�t pas
emp�ch�. Il pria Ism��l d'�pargner ces malheureux. �Presque tous, lui
dit-il, sont des Berbers de Carmona, qui ont �t� oblig�s, bien contre
leur gr�, � servir un usurpateur qu'ils ha�ssaient.� Ism��l c�da � ses
instances, et ordonna qu'on cess�t la poursuite. Cet ordre � peine
donn�, Mohammed galopa vers Carmona pour se remettre en possession de sa
principaut�. Les n�gres de Yahy�, qui s'�taient rendus ma�tres des
portes de la ville, voulaient lui en interdire l'entr�e; mais Mohammed,
second� par la population, y p�n�tra par une br�che; puis il se rendit
au palais de Yahy�, livra les femmes de ce prince � ses fils, et
s'appropria tous ses tr�sors (novembre 1035).

La nouvelle de la mort de Yahy� causa une joie indicible tant � S�ville
qu'� Cordoue. Le cadi, quand il la re�ut, tomba � genoux pour remercier
le ciel, et tous ceux qui l'entouraient suivirent son exemple[30]. Pour
le moment il n'avait plus rien � craindre des Hammoudites. Idr�s, un
fr�re de Yahy�, fut bien proclam� calife � Malaga; mais il lui fallait
du temps pour gagner, � force de promesses et de concessions, les chefs
berbers � sa cause, et il fut m�me hors d'�tat de r�duire � l'ob�issance
Alg�ziras, o� son cousin Mohammed avait �t� proclam� calife par les
n�gres[31]. Voyant donc que les circonstances lui �taient propices, le
cadi voulut s'installer, avec le soi-disant Hich�m II, dans le palais
califal de Cordoue. Mais Ibn-Djahwar n'avait nulle envie d'abdiquer le
consulat. Il r�ussit � convaincre ses concitoyens que le pr�tendu calife
n'�tait qu'un imposteur; le nom de Hich�m II fut supprim� dans les
pri�res publiques, et lorsque le cadi arriva devant les portes de la
ville, il les trouva ferm�es. N'�tant pas assez puissant pour r�duire �
main arm�e une ville aussi consid�rable, force lui fut de retourner d'o�
il �tait venu[32].

Il r�solut alors de tourner ses armes contre le seul prince slave qui
avait refus� de reconna�tre Hich�m II. C'�tait Zohair d'Alm�rie. Depuis
que le calife C�sim, qui voulait se concilier l'affection des Amirides,
lui avait donn� plusieurs fiefs, Zohair avait fait ordinairement cause
commune avec les Hammoudites, et quand Idr�s eut �t� proclam� calife, il
s'�tait h�t� de le reconna�tre[33]. Menac� maintenant par le cadi, il
conclut une alliance avec Habbous de Grenade; puis, l'arm�e s�villane
s'�tant mise en marche, il alla � sa rencontre avec ses propres troupes
et celles de son alli�, et la contraignit � la retraite[34].

Il �tait �vident que le cadi avait trop pr�sum� de ses forces, et il
pouvait craindre que le moment ne v�nt o� les arm�es d'Alm�rie et de
Grenade, prenant l'offensive � leur tour, envahiraient le territoire de
S�ville. Heureusement pour lui, le hasard, qui le servait presque
toujours � souhait, voulut que l'un de ses ennemis le d�barrass�t de
l'autre.




II.


A l'�poque dont nous parlons, deux hommes �galement remarquables, mais
qui se portaient une haine mortelle, avaient la conduite des affaires �
Grenade et � Alm�rie. C'�taient l'Arabe Ibn-Abb�s et le juif Samuel.

Rabbi Samuel ha-L�vi, qu'on nommait ordinairement Ben-Naghd�la, �tait n�
� Cordoue, o� il avait �tudi� le Talmud sous Rabbi Hanokh, le chef
spirituel de la communaut� juive. Il s'�tait appliqu� aussi, avec
beaucoup de succ�s, � l'�tude de la litt�rature arabe et de presque
toutes les sciences que l'on cultivait alors. Au reste, il n'avait �t�
longtemps rien autre chose qu'un simple marchand d'�picerie, d'abord �
Cordoue, puis � Malaga, o� il s'�tait �tabli apr�s la prise de la
capitale par les Berbers de Solaim�n, lorsqu'un heureux hasard vint
l'arracher � son humble condition.

Sa boutique se trouvait pr�s d'un ch�teau qui appartenait �
Abou-'l-C�sim ibn-al-Ar�f, le vizir de Habbous, roi de Grenade. Or, les
gens de ce ch�teau avaient souvent � �crire � leur ma�tre, mais comme
ils �taient illettr�s, ils firent r�diger leurs lettres par Samuel. Ces
lettres excit�rent l'admiration du vizir, car elles �taient �crites avec
la plus grande �l�gance et artistement �maill�es des plus belles fleurs
de la rh�torique arabe. Aussi s'empressa-t-il, quand il eut l'occasion
de venir � Malaga, de s'enqu�rir de la personne qui les avait compos�es.
Puis, ayant fait venir le juif: �Il n'est pas digne de toi, lui dit-il,
de rester dans une boutique. Tu m�rites de briller � la cour, et si tu
le veux bien, tu seras mon secr�taire.� Samuel accompagna donc le vizir
alors que ce dernier retourna � Grenade, et l'estime qu'Ibn-al-Ar�f
avait d�j� con�ue pour lui ne fit que s'accro�tre quand, dans leurs
entretiens sur des affaires d'Etat, il d�couvrit chez lui une rare
intelligence des hommes et des choses, et une s�ret� de coup d'oeil
vraiment merveilleuse. �Tous les conseils que donnait Samuel, dit un
historien juif, �taient comme si quelqu'un interrogeait la parole de
Dieu.� Aussi le vizir les suivait-il d�sormais, ce dont il n'eut qu'� se
louer. Puis, �tant tomb� malade et sentant sa fin approcher, il dit �
son roi qui �tait venu le visiter et qui ne savait comment remplacer le
fid�le serviteur qu'il allait perdre: �Dans ces derniers temps,
seigneur, je ne vous ai jamais conseill� d'apr�s mon propre coeur,
mais par l'inspiration de mon secr�taire, le juif Samuel. Fixez vos yeux
sur lui, qu'il vous soit un p�re et un ministre; faites tout ce qu'il
vous conseillera, et Dieu vous sera en aide.� Le roi Habbous suivit ce
conseil. Il accueillit Samuel dans son palais, et ce juif devint son
secr�taire et son conseiller[35].

Dans aucun autre Etat musulman peut-�tre, un juif n'a gouvern�
directement et publiquement sous le titre de vizir et de chancelier.
Souvent, il est vrai, des juifs ont joui d'une certaine consid�ration
aupr�s des souverains musulmans, qui aimaient surtout � leur confier
l'administration des finances; mais d'ordinaire la tol�rance musulmane
n'allait pas jusqu'� souffrir patiemment qu'un juif f�t premier
ministre. Aussi la chose, si elle �tait possible quelque part, ne
l'�tait qu'� Grenade. Les juifs y �taient si nombreux, qu'on l'appelait
_la ville des juifs_[36], et comme ils �taient riches et puissants, ils
se m�laient assez souvent des affaires de l'Etat. C'est l�, en un mot,
qu'ils avaient trouv�, sinon la terre promise, au moins la manne au
d�sert et le rocher d'Horeb. L'�l�vation de Samuel s'explique encore
d'une autre mani�re. Il n'�tait pas facile pour le roi de Grenade de
trouver un premier ministre, car, � vrai dire, il ne pouvait confier ce
poste important ni � un Berber ni � un Arabe. Dans ce temps-l� on
voulait qu'un ministre f�t tr�s-lettr�, qu'il f�t en �tat de composer
les lettres que l'on envoyait � d'autres princes et qui s'�crivaient en
prose rim�e, dans un style extr�mement recherch�. Le roi de Grenade
surtout tenait � des talents de cette nature. Il ressemblait � un
parvenu qui t�che de se donner les airs du grand monde: � demi barbare,
il prenait une peine infinie pour ne pas le para�tre. Il se piquait
d'avoir de la litt�rature, et pr�tendait m�me que la nation dont il
�tait issu, celle de Cinh�dja, n'�tait pas d'origine berb�re, mais
d'origine arabe[37]. Il lui fallait donc � tout prix un ministre qui ne
le c�d�t en rien � ceux de ses voisins. Mais o� le trouver? Ses Berbers
savaient fort bien se battre, prendre des villes, les saccager et les
br�ler, mais ils �taient incapables d'�crire correctement une seule
ligne dans la langue du Coran. Et quant aux Arabes, qui ne subissaient
son joug qu'en fr�missant de rage et de honte, il ne pouvait se fier �
eux. Ils auraient tenu � honneur de le tromper, de le trahir. Dans ces
circonstances un juif tel que Samuel, qui, selon le t�moignage des
savants arabes eux-m�mes, avait approfondi toutes les finesses de leur
langue; qui, tout z�l� qu'il �tait pour sa religion, ne se faisait
cependant point scrupule, quand il �crivait � des musulmans, d'employer
les formules religieuses qui leur �taient habituelles[38], devait �tre
pour lui un v�ritable tr�sor. Et il n'eut point � rougir de l'avoir
�lev� au rang de premier ministre: son choix fut approuv� m�me par les
Arabes. Malgr� leur intol�rance et leurs pr�jug�s contre les enfants
d'Isra�l, ils �taient forc�s d'avouer que Samuel �tait un g�nie
sup�rieur. Et de fait, son savoir �tait vari� et immense. Il �tait
math�maticien, logicien, astronome[39]; il ne savait pas moins de sept
langues[40]. Joignez-y qu'il �tait fort g�n�reux envers les po�tes et
les hommes de lettres en g�n�ral. Aussi ceux qu'il avait combl�s de ses
faveurs ne tarissaient pas sur son �loge, et le po�te Monfatil lui
adressa m�me ces vers, que les �crivains musulmans ne citent qu'avec une
sainte horreur:

     O toi qui as r�uni en ta personne toutes les belles qualit�s dont
     d'autres ne poss�dent qu'une partie, toi qui as rendu la libert� �
     la G�n�rosit� captive, tu es sup�rieur aux hommes les plus lib�raux
     de l'Orient et de l'Occident, de m�me que l'or est sup�rieur au
     cuivre. Ah! si les hommes pouvaient distinguer la v�rit� de
     l'erreur, ils n'appliqueraient leur bouche que sur tes doigts. Au
     lieu de chercher � plaire � l'Eternel en baisant la pierre noire �
     la Mecque, ils baiseraient tes mains, car ce sont elles qui
     disposent du bonheur. Gr�ce � toi, j'ai obtenu ici-bas ce que je
     d�sirais, et j'esp�re que, gr�ce � toi, j'obtiendrai aussi l�-haut
     ce que je souhaite. Quand je me trouve aupr�s de toi et des tiens,
     je professe ouvertement la religion qui prescrit d'observer le
     sabbat, et quand je suis aupr�s de mon propre peuple, je la
     professe en secret[41].

Mais ce que les Arabes ne pouvaient estimer � sa juste valeur, c'�taient
les services que Samuel rendait � la litt�rature h�bra�que. Et ils
�taient tr�s-consid�rables. Il publia en h�breu une Introduction au
Talmud et vingt-deux ouvrages relatifs � la grammaire, parmi lesquels le
plus d�velopp� et le plus remarquable �tait le _Livre de richesse_,
qu'un juge fort comp�tent, un coreligionnaire de Samuel qui florissait
au douzi�me si�cle, met au-dessus de tous les autres ouvrages qui
traitent de la grammaire. Il �tait aussi po�te: il donna des imitations
des Psaumes, des Proverbes et de l'Eccl�siaste. Remplies d'allusions, de
proverbes arabes, de sentences emprunt�es aux philosophes, d'expressions
rares tir�es des po�tes sacr�s, ces po�sies �taient fort difficiles �
comprendre; les juifs, m�me les plus savants, n'en saisissaient le sens
qu'avec l'aide d'un commentaire[42]; mais comme l'affectation et la
recherche �taient alors aussi communes dans la litt�rature h�bra�que que
dans la litt�rature arabe qui lui servait de mod�le, l'obscurit�
comptait plut�t pour un m�rite que pour un vice. Il veillait,
d'ailleurs, avec une sollicitude paternelle sur les jeunes �tudiants
juifs, et s'ils �taient pauvres, il pourvoyait g�n�reusement � leurs
besoins. Il avait � son service des �crivains qui copiaient le Michn� et
le Talmud, et il donnait ces copies en cadeau aux �l�ves qui n'avaient
pas les moyens d'en acheter. Ses bienfaits ne se bornaient pas � ses
coreligionnaires d'Espagne. En Afrique, en Sicile, � J�rusalem, �
Bagdad, partout enfin les juifs pouvaient compter sur son appui et ses
largesses[43]. Aussi les juifs de la principaut� de Grenade, voulant lui
donner une preuve de leur estime et de leur reconnaissance, lui avaient
d�cern�, d�s l'ann�e 1027, le titre de _nagh�d_, c'est-�-dire de chef ou
prince des juifs de Grenade.

Comme homme d'Etat, il joignait � un esprit vif et lucide un caract�re
ferme et une prudence consomm�e. D'ordinaire--qualit� pr�cieuse pour un
diplomate--il parlait peu et pensait beaucoup. Il profitait de toutes
les circonstances avec un savoir-faire merveilleux; il connaissait le
caract�re et les passions des hommes, et les moyens de les dominer par
leurs vices. De plus, il �tait homme du monde. Dans les magnifiques
salles de l'Alhambra il se montrait si parfaitement � son aise, qu'on
l'e�t cru n� au sein du luxe. Personne ne parlait avec autant
d'�l�gance ou d'adresse, ne maniait mieux la flatterie, ne savait avec
plus d'art �tre caressant ou familier dans le discours, entra�nant par
sa verve ou persuasif par ses arguments. Et pourtant--chose rare chez
ceux qu'un tour de roue de la fortune �l�ve � une subite opulence et �
une haute dignit�--il n'avait rien de la hauteur d'un parvenu, rien de
l'insolente et sotte infatuation g�n�ralement famili�re aux enrichis.
Bienveillant et aimable pour tout le monde, il poss�dait cette dignit�
vraie qui r�sulte du naturel, du manque absolu de pr�tentions. Loin de
rougir de son ancienne condition et de la vouloir cacher, il la
glorifiait de son mieux, et imposait par sa simplicit� m�me � ses
d�tracteurs[44].

Le vizir de Zohair d'Alm�rie, Ibn-Abb�s, �tait aussi un homme fort
remarquable. On disait de lui qu'il n'avait point d'�gal sous quatre
rapports: le style �pistolaire, la richesse, l'avarice et la vanit�. Sa
richesse �tait en effet presque fabuleuse. On �valuait sa fortune � plus
de cinq cent mille ducats[45]. Son palais �tait meubl� avec une
magnificence princi�re et encombr� de serviteurs; il y avait cinq cents
chanteuses, toutes d'une rare beaut�; mais ce que l'on y admirait
surtout, c'�tait une immense biblioth�que, qui, sans compter
d'innombrables cahiers d�tach�s, contenait quatre-cent mille volumes.
Rien ne semblait manquer au bonheur de ce favori de la fortune. Il �tait
beau et encore jeune, car il comptait � peine trente ans; sa naissance
�tait fort honorable, car il appartenait � l'ancienne tribu des
d�fenseurs de Mahomet; il nageait dans l'or, et d'ailleurs, comme il
�tait fort instruit, qu'il avait la repartie prompte et qu'il
s'exprimait avec beaucoup de correction et d'�l�gance, il jouissait
d'une haute r�putation litt�raire. Malheureusement une sorte de vertige
s'�tait empar� de lui: sa pr�somption ne connaissait pas de bornes et
elle lui avait fait des ennemis innombrables. Les Cordouans surtout
�taient furieux contre lui, car une fois qu'il �tait venu dans leur
ville avec Zohair, il avait trait� avec le plus grand d�dain les hommes
les plus distingu�s par leur naissance ou par leurs talents, et en
partant il avait dit: �Je n'ai vu ici que des _s��l_ et des _dj�hil_
(des mendiants et des ignorants).� Le fait est que sa pr�somption tenait
de pr�s � la folie. �Tous les hommes fussent-ils mes esclaves, disait-il
dans ses vers, mon �me ne serait pas encore contente. Elle voudrait
monter � un endroit plus �lev� que les plus hautes �toiles, et arriv�e
l�, elle voudrait monter encore.� Il avait aussi compos� ce vers qu'il
r�p�tait � tout propos, mais principalement quand il jouait aux �checs:

     Lorsqu'il s'agit de moi, le Malheur dort toujours,--et d�fense
     expresse lui a �t� faite de me frapper.

Cet insolent d�fi jet� � la destin�e avait excit� � Alm�rie
l'indignation de tout le monde, et un hardi po�te se fit l'interpr�te de
l'opinion publique en substituant � la seconde moiti� du vers ces mots
qui �taient un pronostic v�ritable:

     Mais le temps arrivera o� la Destin�e, qui ne dort jamais,
     l'�veillera (�veillera le Malheur).

Arabe pur sang, Ibn-Abb�s ha�ssait les Berbers et m�prisait les juifs.
Peut-�tre ne voulait-il pas pr�cis�ment que son ma�tre se joign�t � la
ligue arabe-slave, car dans ce cas Zohair aurait �t� jet� dans l'ombre
par le chef de cette ligue, le cadi de S�ville; mais il s'indignait du
moins de le voir l'alli� d'un Berber qui avait pour ministre un juif
qu'il d�testait et dont il se savait ha�. De concert avec
Ibn-Bacanna[46], le vizir des Hammoudites de Malaga, il avait t�ch�
d'abord de renverser Samuel. Pour y parvenir, il avait invent�
d'innombrables calomnies, mais sans atteindre son but. Alors il avait
essay� de brouiller son ma�tre avec le roi de Grenade, en l'engageant �
pr�ter son appui � Mohammed de Carmona, l'ennemi de Habbous, et ce plan
lui avait r�ussi.

Peu de temps apr�s, dans le mois de juin de l'ann�e 1038[47], Habbous
vint � mourir. Il laissa deux fils, dont l'a�n� s'appelait B�d�s et le
cadet Bologgu�n. Les Berbers et quelques juifs voulaient donner le tr�ne
� ce dernier; d'autres juifs, Samuel entre autres, penchaient pour
B�d�s, de m�me que les Arabes. Une guerre civile e�t donc �clat�, si
Bologgu�n n'e�t renonc� spontan�ment � la couronne, et quand il eut
pr�t� serment � son fr�re, ses partisans, malgr� qu'ils en eussent,
furent oblig�s de suivre son exemple[48].

Le nouveau prince fit tout ce qu'il put pour r�tablir l'alliance avec le
seigneur d'Alm�rie, et celui-ci d�clara enfin que tout serait r�gl� dans
une entrevue. Accompagn� d'un nombreux et magnifique cort�ge, il se mit
donc en marche, et arriva inopin�ment devant les portes de Grenade, sans
avoir demand� la permission de franchir la fronti�re. B�d�s fut
profond�ment bless� de cette d�marche inconvenante; n�anmoins il re�ut
le prince d'Alm�rie avec beaucoup d'�gards, r�gala somptueusement les
gens de sa suite, et les combla de dons. La n�gociation, toutefois,
n'aboutit pas; ni les princes, ni leurs ministres (Samuel avait
conserv� son poste) ne purent s'entendre. Joignez-y que Zohair, qui se
laissait influencer par Ibn-Abb�s, prenait envers B�d�s un ton de
sup�riorit� fort offensant. Aussi le roi de Grenade songeait d�j� �
punir le prince d'Alm�rie de son insolence, lorsqu'un de ses officiers,
qui s'appelait Bologgu�n, se chargea de faire une derni�re tentative
pour amener une r�conciliation. La nuit venue, il se rendit donc aupr�s
d'Ibn-Abb�s. �Craignez le ch�timent de Dieu, lui dit-il. C'est vous qui
faites obstacle � un raccommodement, car votre ma�tre se laisse guider
par vous. Cependant vous savez aussi bien que nous, qu'� l'�poque o�
nous agissions de concert, nous �tions heureux dans toutes nos
entreprises, de sorte que nous faisions envie � tout le monde. Eh bien,
r�tablissons notre alliance! Le point sur lequel nous n'avons pu nous
entendre jusqu'ici, c'est l'appui que vous pr�tez � Mohammed de Carmona.
Abandonnez ce prince � son sort, comme notre �mir l'exige, et tout le
reste s'arrangera de soi-m�me.� Ibn-Abb�s lui r�pondit d'un ton moiti�
protecteur, moiti� d�daigneux, et quand le Berber essaya de toucher son
coeur en l'embrassant et en versant des larmes: �Epargne-toi ces
d�monstrations et ces grands mots, lui dit-il, car ils n'ont aucun effet
sur moi. Ce que je te disais hier, je te le dis aujourd'hui: si toi et
les tiens, vous ne faites pas ce que nous voulons, je ferai en sorte que
vous vous en repentirez.� Exasp�r� par ces paroles: �Est-ce l� la
r�ponse que je dois rapporter au conseil?� demanda Bologgu�n. �Sans
doute, lui r�pondit Ibn-Abb�s, et si tu veux me pr�ter des termes encore
plus forts que ceux dont je me suis servi, je te le permets volontiers.�

Pleurant d'indignation et de rage, Bologgu�n retourna aupr�s de B�d�s et
de son conseil. Puis, quand il eut rapport� l'entretien qu'il avait eu
avec le vizir: �Cinh�djites, s'�cria-t-il, l'arrogance de cet homme est
insupportable. Levez-vous tous pour la rabattre, sinon vos demeures ne
vous appartiennent plus!� Les Grenadins partag�rent son courroux, et
l'autre Bologgu�n, le fr�re de B�d�s, se montra le plus indign� de tous.
Il somma son fr�re de prendre � l'instant m�me les mesures n�cessaires
pour punir les Alm�riens, et B�d�s le lui promit.

En retournant vers ses Etats, Zohair avait � passer plusieurs d�fil�s et
un pont auquel un village voisin empruntait son nom d'Alpuente. B�d�s
ordonna de couper ce pont et envoya des soldats qu'il chargea d'occuper
les d�fil�s. Toutefois, comme il �tait moins exasp�r� contre Zohair que
son fr�re, et qu'il ne d�sesp�rait pas encore tout � fait de ramener
l'ancien ami de son p�re � de meilleurs sentiments, il r�solut de le
faire avertir secr�tement du p�ril qui le mena�ait. A cet effet il eut
recours � l'entremise d'un officier berber qui servait dans l'arm�e
alm�rienne. Cet officier alla trouver Zohair pendant la nuit, et lui
parla en ces termes: �Croyez-moi, seigneur, quand je vous assure que
vous aurez de la difficult� � passer demain les d�fil�s qui se trouvent
sur votre route. Je vous conseille donc de partir � l'instant m�me; de
cette mani�re vous serez peut-�tre en �tat de traverser les d�fil�s
avant que les Grenadins aient eu le temps de les occuper, et si alors
ils vous poursuivent, vous pourrez leur livrer bataille dans la plaine
ou vous mettre en s�ret� dans une de vos forteresses.� Ce conseil parut
ne pas d�plaire � Zohair; mais Ibn-Abb�s, qui assistait � cet entretien,
s'�cria: �C'est la peur qui le fait parler ainsi.� �Quoi! dit alors
l'officier, c'est en parlant de moi que vous dites cela? De moi qui ai
pris part � vingt batailles, tandis que vous-m�me, vous n'en avez jamais
vu une seule? Eh bien! vous verrez que l'�v�nement me donnera raison.�
Et il sortit indign�.

Les ennemis d'Ibn-Abb�s (et nous avons d�j� dit qu'il en avait beaucoup)
ont pr�tendu qu'il avait repouss� le conseil de l'officier berber, non
parce qu'il le croyait mauvais, mais parce qu'il d�sirait que Zohair f�t
tu�. Ibn-Abb�s, disaient-ils, avait l'ambition de r�gner � Alm�rie; il
voulait donc que Zohair trouv�t la mort en combattant contre les
Grenadins, et quant � lui-m�me, il esp�rait qu'il lui serait possible de
se sauver par la fuite et de se faire proclamer souverain � Alm�rie.
Peut-�tre y a-t-il quelque chose de vrai dans cette accusation; nous
verrons du moins que plus tard Ibn-Abb�s se vanta aupr�s de B�d�s
d'avoir attir� Zohair dans un pi�ge.

Quoi qu'il en soit, Zohair se vit cern�, le lendemain matin (5 ao�t
1038), par les troupes de Grenade. Ses soldats en furent constern�s;
mais lui-m�me ne perdit pas sa pr�sence d'esprit. Il rangea aussit�t en
bataille ses fantassins noirs, qui �taient au nombre de cinq cents, et
ses Andalous; puis il ordonna � son lieutenant Hodhail de fondre sur les
ennemis � la t�te de la cavalerie slave. Hodhail ob�it; mais le combat �
peine engag�, il fut d�mont�, soit par un coup de lance, soit par un
faux pas de son cheval, et alors ses cavaliers prirent la fuite dans le
plus grand d�sordre. Au m�me instant Zohair fut trahi par ses n�gres,
dans lesquels il avait cependant une grande confiance. Ces n�gres
pass�rent � l'ennemi, apr�s s'�tre rendus ma�tres du d�p�t d'armes. Il
ne restait donc que les Andalous; mais ceux-ci, qui �taient en g�n�ral
de fort mauvais soldats, n'eurent rien de plus press� que de s'enfuir,
et bon gr�, mal gr�, Zohair dut en faire autant. Comme le pont
d'Alpuente �tait coup� et que les d�fil�s �taient occup�s par les
ennemis, les fuyards durent chercher un refuge sur les montagnes. La
plupart furent sabr�s par les Grenadins qui ne donnaient point de
quartier; d'autres trouv�rent la mort dans d'effroyables pr�cipices, et
de ce nombre fut Zohair lui-m�me.

Tous les fonctionnaires civils avaient �t� faits prisonniers, B�dis
ayant ordonn� d'�pargner leur vie. Ibn-Abb�s se trouvait parmi eux. Il
croyait n'avoir rien � craindre et ne s'inqui�tait que de ses livres.
�Mon Dieu, mon Dieu, criait-il, que deviendront mes paquets!� Et
s'adressant aux soldats qui le conduisaient vers B�d�s: �Allez dire �
votre ma�tre, leur dit-il, qu'il prenne bien soin de mes paquets; il ne
faut pas qu'il s'en d�chire quelque chose, car ils contiennent des
livres d'une valeur inestimable.� Puis, quand il fut arriv� en pr�sence
de B�d�s: �Eh bien, lui dit-il en souriant, n'ai-je pas bien servi vos
int�r�ts, puisque je vous ai livr� les chiens que voil�?� et il d�signa
du doigt les prisonniers slaves. �Rendez-moi maintenant un service �
votre tour, continua-t-il; ordonnez qu'on respecte mes livres; rien ne
me tient tant au coeur.� Pendant qu'il parlait ainsi, les prisonniers
alm�riens lui jetaient des regards furieux, et l'un d'entre eux, le
capitaine Ibn-Chab�b, s'�cria en s'adressant � B�d�s: �Seigneur, je vous
en conjure par celui qui vous a donn� la victoire, ne laissez pas
�chapper cet inf�me qui a perdu notre ma�tre. Lui seul est coupable de
tout ce qui est arriv�, et si je puis �tre t�moin de son supplice, je me
laisserai volontiers couper la t�te l'instant d'apr�s!� A ces paroles
B�d�s sourit d'une mani�re bienveillante, et ordonna de rendre la
libert� au capitaine. Il fut le seul parmi les militaires qui e�t la vie
sauve; tous les autres furent livr�s successivement au bourreau.
Ibn-Abb�s, au contraire, fut le seul parmi les fonctionnaires civils qui
ne f�t pas remis en libert�. L'orgueilleux vizir connut enfin le malheur
qu'il avait d�fi� dans sa folle audace; il voyait s'accomplir la
pr�diction du po�te alm�rien. Il fut enferm� dans un cachot de
l'Alhambra, et les cha�nes dont on le chargea ne pesaient pas moins de
quarante livres. Il savait que B�d�s �tait fort irrit� contre lui, et
que Samuel d�sirait sa mort. Toutefois il conservait encore quelque
espoir; B�d�s, � qui il avait fait offrir trente mille ducats comme le
prix de sa d�livrance, lui avait fait r�pondre qu'il prendrait sa
demande en consid�ration, et il avait laiss� passer presque deux mois
sans rien d�cider � son �gard. Pendant ce temps des influences
contraires se combattaient � la cour de Grenade: d'une part,
l'ambassadeur cordouan sollicitait la libert� des prisonniers et
principalement d'Ibn-Abb�s; de l'autre, l'ambassadeur et le beau-fr�re
de l'Amiride Abdalaz�z de Valence, Abou-'l-Ahwa� Man ibn-�om�dih,
insistait aupr�s de B�d�s pour qu'il m�t � mort tous les prisonniers, et
Ibn-Abb�s en premier lieu. Abdalaz�z s'�tait h�t� de prendre possession
de la principaut� d'Alm�rie, sous le pr�texte qu'elle lui revenait par
droit de d�volution, Zohair ayant �t� un client de sa famille, et il
craignait que si Ibn-Abb�s et les autres prisonniers recouvraient la
libert�, ils ne lui disputassent le pouvoir. B�d�s lui-m�me ne savait �
quel parti s'arr�ter; la cupidit� et le d�sir de la vengeance se
combattaient dans son coeur; mais un soir qu'il se promenait � cheval
avec son fr�re Bologgu�n, il lui parla de la proposition d'Ibn-Abb�s et
lui demanda son avis. �Quand vous aurez accept� son argent, lui r�pondit
Bologgu�n, et qu'il aura recouvr� la libert�, il vous suscitera une
guerre qui vous co�tera le double de sa ran�on. Je suis d'avis que vous
ferez bien de le mettre � mort sans retard.�

La promenade finie, B�d�s se fit amener son prisonnier et lui reprocha
ses torts dans les paroles les plus dures. Ibn-Abb�s attendit avec
r�signation la fin de cette longue invective; puis, quand le roi eut
cess� de parler: �Seigneur, s'�cria-t-il, je vous en supplie, ayez piti�
de moi; d�livrez-moi de mes peines!--Tu en seras d�livr� aujourd'hui
m�me,� lui r�pondit le prince; et comme il voyait briller une lueur
d'esp�rance sur la p�le et morne figure de son prisonnier, il se tut
quelques instants. Puis il reprit avec un sourire f�roce: �Tu iras l� o�
tu souffriras bien davantage.� Ensuite il dit � Bologgu�n quelques
paroles en berber, langue qu'Ibn-Abb�s ne comprenait pas; mais les
derniers mots que B�d�s lui avait adress�s, son terrible sourire, son
air mena�ant et farouche, tout cela lui disait assez clairement que sa
derni�re heure allait sonner. �Prince, prince, s'�cria-t-il en tombant �
genoux, �pargnez ma vie, je vous en conjure! Ayez piti� de mes femmes,
de mes jeunes enfants! Ce n'est pas trente mille ducats que je vous
offre, c'est soixante mille; mais au nom de Dieu, laissez-moi la vie!�

B�d�s l'�couta sans mot dire; puis, brandissant son javelot, il le lui
plongea dans la poitrine. Son fr�re Bologgu�n et son chambellan Al�
ibn-al-Caraw� suivirent son exemple; mais Ibn-Abb�s, qui ne
discontinuait pas d'implorer la cl�mence de ses bourreaux, ne tomba par
terre qu'au dix-septi�me coup (24 septembre 1038)[49].

Grenade ne tarda pas � apprendre que le riche et orgueilleux Ibn-Abb�s
avait cess� de vivre. Les Africains s'en r�jouirent, mais personne ne
re�ut cette nouvelle avec autant de satisfaction que Samuel. Il ne lui
restait maintenant qu'un seul ennemi dangereux, Ibn-Bacanna, et un
pressentiment secret lui disait que celui-l� aussi p�rirait bient�t. De
m�me que les Arabes, les juifs croyaient alors qu'on entendait parfois
dans son sommeil un esprit qui pr�disait l'avenir en vers, et une nuit
qu'il dormait, Samuel entendit une voix qui lui r�citait trois vers
h�breux, dont voici le sens:

     D�j� Ibn-Abb�s a p�ri, ainsi que ses amis et ses affid�s; � Dieu
     louange et sanctification! Et l'autre ministre, celui qui
     complotait avec lui, sera promptement abattu et broy� comme la
     vesce. Que sont devenus tous leurs murmures, leur m�chancet� et
     leur puissance?--Que le nom de Dieu soit sanctifi�[50]!

Peu d'ann�es plus tard, comme nous serons oblig� de le raconter, Samuel
vit s'accomplir cette pr�diction; tant il est vrai que les sentiments de
haine ou d'amour donnent parfois une singuli�re prescience de l'avenir.




III.


Bien malgr� lui, B�d�s avait rendu aux coalis�s qui reconnaissaient le
soi-disant Hich�m pour calife, un �clatant service alors qu'il fit
assaillir et tuer Zohair. L'Amiride Abdalaz�z de Valence, qui, comme
nous l'avons dit, avait pris possession de la principaut� d'Alm�rie, ne
fut pas en �tat, il est vrai, de pr�ter du secours � son alli�, le cadi
de S�ville, car il fut bient�t oblig� de se d�fendre contre Modj�hid de
D�nia, qui voyait de fort mauvais oeil l'agrandissement des Etats de
son voisin[51]; mais au moins le cadi n'avait plus � craindre une guerre
contre Alm�rie, et parfaitement rassur� de ce c�t�-l�, il ne songea
d�sormais qu'� prendre l'offensive contre les Berbers, en commen�ant par
Mohammed de Carmona, avec lequel il s'�tait brouill�. En m�me temps il
entretenait des intelligences avec une faction � Grenade, et t�chait d'y
faire �clater une r�volution.

Bien des gens � Grenade �taient m�contents de B�d�s. Au commencement de
son r�gne, ce prince avait donn� quelques esp�rances[52]; mais dans la
suite il s'�tait montr� de plus en plus cruel, perfide, sanguinaire et
adonn� � la plus honteuse ivrognerie. D'abord on se plaignit, puis on
murmura, � la fin on conspira.

L'�me du complot �tait un aventurier qui s'appelait Abou-'l-Fotouh. N� �
une grande distance de l'Espagne, d'une famille arabe �tablie dans le
Djordj�n, l'ancienne Hyrcanie, il avait �tudi� les belles-lettres, la
philosophie et l'astronomie sous les professeurs les plus renomm�s de
Bagdad. Mais il �tait encore autre chose qu'un savant: excellent
cavalier et guerrier intr�pide, il appr�ciait un noble coursier ou une
�p�e bien tremp�e aussi bien qu'un beau po�me ou un profond trait�
scientifique. Arriv� en Espagne dans l'ann�e 1015, probablement pour y
chercher fortune, il passa quelque temps � la cour de Modj�hid de D�nia.
L� il s'entretenait tant�t de litt�rature avec ce savant prince, ou
travaillait � son commentaire sur le trait� grammatical qui porte le
titre de Djomal; tant�t il combattait aux c�t�s du prince en Sardaigne;
maintefois aussi il m�ditait sur les questions philosophiques les plus
abstraites, ou t�chait de deviner l'avenir en observant le cours des
astres. Ensuite, �tant all� � Saragosse, la r�sidence de Mondhir, ce
prince le prit d'abord en amiti� et lui confia l'�ducation de son fils;
mais comme d'apr�s l'observation fort juste, quoiqu'un peu rebattue, de
l'historien arabe que nous suivons ici, les temps changent et les hommes
avec eux, Mondhir lui fit un jour entendre qu'il n'avait plus besoin de
ses services, et que, par cons�quent, il lui permettait de quitter
Saragosse. Abou-'l-Fotouh alla alors s'�tablir � Grenade, o� il ouvrit
un cours sur les anciennes po�sies, et notamment sur le recueil connu
sous le nom de _Ham�sa_[53]; mais il y fit encore autre chose: sachant
que B�d�s avait beaucoup d'ennemis, il stimula l'ambition de Yaz�r, un
cousin germain du roi, en l'assurant qu'il avait lu dans les �toiles que
B�d�s perdrait le tr�ne et que son cousin r�gnerait trente ans. Il
r�ussit ainsi � former une conspiration; mais B�d�s ayant d�couvert le
complot avant le temps fix� pour son ex�cution, Abou-'l-Fotouh, Yaz�r et
les autres conjur�s eurent � peine le temps de se soustraire par la
fuite � sa vengeance. Ils all�rent chercher un refuge aupr�s du cadi de
S�ville, sans doute leur complice, bien qu'il soit impossible de dire
jusqu'� quel point il l'�tait[54].

Sur ces entrefaites, le cadi avait attaqu� Mohammed de Carmona, et son
arm�e, command�e comme � l'ordinaire par son fils Ism��l, avait d�j�
remport� de brillants avantages. Ossuna et Ecija avaient �t� forc�es de
se rendre, Carmona elle-m�me �tait assi�g�e. R�duit � la derni�re
extr�mit�, Mohammed demanda du secours � Idr�s de Malaga et � B�d�s.
L'un et l'autre r�pondirent � son appel: Idr�s, qui �tait malade, lui
envoya des troupes sous les ordres de son ministre Ibn-Bacanna; B�d�s
vint en personne avec les siennes. Ces deux arm�es s'�tant r�unies,
Ism��l, plein de confiance dans le nombre et dans la bravoure de ses
soldats, leur offrit aussit�t la bataille; mais B�d�s et Ibn-Bacanna,
voyant que l'ennemi avait la sup�riorit� du nombre ou le croyant du
moins, n'os�rent l'accepter, et sans trop se mettre en peine du seigneur
de Carmona, ils l'abandonn�rent � son sort; l'un reprit la route de
Grenade, l'autre celle de Malaga. Ism��l se mit aussit�t � la poursuite
des Grenadins. Heureusement pour B�d�s, il y avait � peine une heure
qu'Ibn-Bacanna s'�tait s�par� de lui; il lui envoya donc en toute h�te
un courrier, en le conjurant de venir � son secours, puisque, sans
cela, il allait �tre �cras� par les S�villans. Ibn-Bacanna le rejoignit
sans retard, et les deux arm�es ayant op�r� leur jonction dans le
voisinage d'Ecija, elles attendirent l'ennemi de pied ferme.

Les S�villans, qui croyaient avoir affaire � une arm�e en retraite,
furent d�sagr�ablement surpris lorsqu'ils vinrent se heurter contre deux
arm�es parfaitement pr�par�es � les recevoir. D�moralis�s par cette
circonstance inattendue, le premier choc suffit pour jeter le d�sordre
dans leurs rangs. Vainement Ism��l t�cha-t-il de les rallier et de les
ramener au combat: victime de sa bravoure, il fut tu� le premier de
tous. D�s lors les S�villans ne song�rent plus qu'� se sauver[55].

Demeur� ma�tre du champ de bataille apr�s une si facile victoire et
ayant �tabli son camp pr�s des portes d'Ecija, B�d�s fut fort �tonn� en
voyant venir Abou-'l-Fotouh se jeter � ses pieds. Ce qui l'amenait,
c'�tait l'amour de sa famille. Il avait �t� oblig� de quitter Grenade
avec tant de pr�cipitation, qu'il avait d� abandonner � leur sort sa
femme et ses enfants. Il savait que B�d�s les avait fait arr�ter par le
n�gre Cod�m, son grand pr�v�t, son Tristan-l'Ermite � lui, et que Cod�m
les avait fait enfermer � Almu�ecar. Or, il aimait passionn�ment sa
femme, une jeune et belle Andalouse, et sa tendresse pour ses enfants,
un fils et une fille, �tait extr�me. Ne pouvant se r�soudre � vivre sans
eux, et craignant surtout que B�d�s ne se venge�t de son crime sur ces
t�tes ch�ries, il venait maintenant implorer son pardon, et quoiqu'il
conn�t l'humeur implacable et sanguinaire du tyran, il esp�rait
n�anmoins que cette fois il ne serait pas inflexible, attendu qu'il
avait d�j� fait gr�ce � son oncle Abou-R�ch, qui avait �galement tremp�
dans le complot.

S'agenouillant donc devant le prince:

--Seigneur, lui dit-il, ayez piti� de moi! Je vous assure que je suis
innocent.

--Quoi, s'�cria B�d�s le regard enflamm� de col�re, tu oses te pr�senter
devant moi? Tu as sem� la discorde dans ma famille, et � pr�sent tu
viens me dire que tu n'es pas coupable! Crois-tu donc qu'il soit si
facile de me tromper?

--Pour l'amour de Dieu, soyez cl�ment, seigneur! Souvenez-vous qu'un
jour vous m'avez pris sous votre protection, et que, condamn� � vivre
loin des lieux qui m'ont vu na�tre, je suis d�j� assez malheureux. Ne
m'imputez pas le crime commis par votre cousin; je n'y ai particip�
d'aucune mani�re. Il est vrai que je l'ai accompagn� dans sa fuite; mais
je l'ai fait parce que, comme vous me saviez li� avec lui, je craignais
d'�tre puni comme son complice. Me voici devant vous: si vous le voulez
absolument, je suis pr�t � m'avouer coupable d'un crime dont je suis
innocent, pourvu que de cette mani�re je puisse obtenir votre pardon.
Traitez-moi comme il sied � un grand roi, � un monarque qui est plac�
trop haut pour avoir de la rancune contre un pauvre homme comme moi, et
rendez-moi ma famille.

--Certes, je te traiterai comme tu le m�rites, s'il pla�t � Dieu.
Retourne � Grenade; tu y retrouveras ta famille, et quand j'y serai
revenu, je r�glerai tes affaires.

Rassur� par ces paroles, dont il ne remarqua pas d'abord l'ambigu�t�,
Abou-'l-Fotouh prit le chemin de Grenade sous l'escorte de deux
cavaliers. Mais quand il fut arriv� dans le voisinage de la ville, Cod�m
le n�gre ex�cuta les ordres qu'il venait de recevoir de son ma�tre. Il
fit donc arr�ter Abou-'l-Fotouh par ses satellites, qui, apr�s lui avoir
ras� la t�te, le plac�rent sur un chameau. Un n�gre d'une force
hercul�enne monta derri�re lui, et se mit � le souffleter sans rel�che.
De cette mani�re il fut promen� par les rues, apr�s quoi on le jeta dans
un cachot fort �troit, qu'il dut partager avec un de ses complices, un
soldat berber qui avait �t� fait prisonnier dans la bataille d'Ecija.

Plusieurs jours se pass�rent. B�d�s �tait d�j� de retour et pourtant il
n'avait encore rien d�cid� � l'�gard d'Abou-'l-Fotouh. Cette fois, au
rebours de ce qui s'�tait pass� alors qu'il s'agissait d'Ibn-Abb�s,
c'�tait Bologgu�n qui l'emp�chait de prononcer l'arr�t fatal. Bologgu�n
s'int�ressait au docteur, on ne sait pourquoi; il t�chait de prouver son
innocence, et il le d�fendait avec tant de chaleur, que B�d�s, craignant
de le m�contenter, h�sitait � prendre une r�solution. Mais un jour que
Bologgu�n se grisait dans une orgie--ce qui lui arrivait fr�quemment, de
m�me qu'� son fr�re--B�d�s se fit amener Abou-'l-Fotouh ainsi que son
compagnon. D�s qu'il vit le docteur, il vomit contre lui un torrent
d'injures; apr�s quoi il continua en ces termes: �Tes �toiles ne t'ont
servi de rien, menteur que tu es! N'avais-tu pas promis � ton �mir, � ce
pauvre imb�cile dont tu avais fait ta dupe, qu'il m'aurait bient�t en
son pouvoir et qu'il r�gnerait trente ans sur mes Etats? Pourquoi
n'as-tu pas plut�t dress� ton propre horoscope? Tu aurais pu te
pr�server alors d'un grand malheur. Ta vie, mis�rable, est � pr�sent
entre mes mains!�

Abou-'l-Fotouh ne lui r�pondit rien. Quand il esp�rait revoir une �pouse
et des enfants qu'il adorait, il s'�tait abaiss� � la pri�re et au
mensonge; mais � pr�sent, pleinement convaincu que rien ne pourrait
fl�chir ce perfide et farouche tyran, il retrouva toute sa fiert�, toute
la force de son �me, toute l'�nergie de son caract�re. Les yeux fix�s
sur le sol, un sourire m�prisant sur les l�vres, il garda un silence
plein de dignit�. Cette attitude noble et calme mit le comble �
l'irritation de B�d�s. Ecumant de rage, il bondit de son si�ge, et
tirant son �p�e, il la plongea dans le coeur de sa victime.
Abou-'l-Fotouh re�ut le coup fatal sans sourciller, sans qu'une plainte
s'�chapp�t de sa poitrine, et son courage arracha � B�d�s lui-m�me un
cri d'admiration involontaire. Puis, s'adressant � Barhoun, un de ses
esclaves: �Tu couperas la t�te � ce cadavre, lui dit le roi, et tu la
feras attacher � un poteau. Quant au corps, tu l'enterreras � cot� de
celui d'Ibn-Abb�s. Il faut que mes deux ennemis reposent l'un � c�t� de
l'autre jusqu'au jour du dernier jugement.... Et maintenant c'est ton
tour. Approche, soldat!�

Le Berber auquel s'adressaient ces paroles �tait en proie � une
indicible angoisse et tremblait de tous ses membres. Tombant � genoux,
il t�cha de s'excuser de son mieux et conjura le prince d'�pargner sa
vie. �Mis�rable, lui dit alors B�d�s, as-tu donc perdu toute honte? Le
docteur chez qui un peu de crainte e�t �t� excusable, a subi la mort
avec un courage h�ro�que, comme tu as pu le voir; il n'a pas daign�
m'adresser une seule parole, et toi, vieux guerrier, toi qui te comptais
parmi les plus braves, tu montres tant de l�chet�? Que Dieu n'ait pas
piti� de toi, mis�rable!� Et il lui coupa la t�te. (20 octobre 1039.)

Ainsi que B�d�s l'avait ordonn�, Abou-'l-Fotouh fut enseveli � c�t�
d'Ibn-Abb�s. Les regrets de la partie intelligente et lettr�e de la
population de Grenade le suivirent dans la tombe, et maintefois, en
passant pr�s de l'endroit qui renfermait sa d�pouille mortelle, l'Arabe,
condamn� � porter en silence le joug d'un �tranger et d'un barbare,
murmurait tout bas: �Ah! quels savants incomparables �taient-ils, ceux
dont les ossements reposent ici!... Dieu seul est immortel; que son nom
soit glorifi� et sanctifi�!�[56]




IV.


Le sanguinaire tyran de Grenade devenait de plus en plus le chef de son
parti. Il est vrai qu'il reconnaissait encore la suzerainet� des
Hammoudites de Malaga, mais ce n'�tait que pour la forme. Ces princes
�taient tr�s-faibles: ils se laissaient dominer par leurs ministres, ils
s'exterminaient les uns les autres par le fer ou par le poison, et loin
de pouvoir songer � contr�ler leurs puissants vassaux, ils s'estimaient
heureux s'ils r�ussissaient � r�gner, avec quelque apparence de
tranquillit�, sur Malaga, Tanger et Ceuta.

Il y avait, d'ailleurs, une profonde diff�rence entre ces deux cours. A
celle de Grenade il n'y avait que des Berbers ou des hommes qui, comme
le juif Samuel, agissaient constamment dans l'int�r�t berber. Il y
r�gnait, par cons�quent, une remarquable unit� de vues et de plans. A la
cour de Malaga, au contraire, il y avait aussi des Slaves, et t�t ou
tard les jalousies, les rivalit�s, les haines, qui avaient tant
contribu� � renverser les Omaiyades, devaient s'y faire jour.

Le calife Idr�s Ier, d�j� malade au moment o� il envoya ses troupes
contre les S�villans, rendit le dernier soupir deux jours apr�s qu'il
eut re�u la t�te d'Ism��l, qui avait �t� tu� dans la bataille d'Ecija.
Aussit�t la lutte s'engage entre Ibn-Bacanna, le ministre berber, et
Nadj�, le ministre slave. Le premier veut donner le tr�ne � Yahy�, le
fils a�n� d'Idr�s, pleinement convaincu que dans ce cas le pouvoir lui
appartiendra. Le Slave s'y oppose. Premier ministre dans les possessions
africaines, il y proclame calife Hasan ibn-Yahy�, un cousin germain de
l'autre pr�tendant, et pr�pare tout pour passer le D�troit avec lui.
D'un caract�re moins ferme, moins audacieux, le ministre berber se
laisse intimider par l'attitude mena�ante du Slave. Ne sachant � quelle
r�solution s'arr�ter, il veut tant�t persister dans son projet, et
tant�t y renoncer. Dans son ind�cision, il n�glige de prendre les
mesures n�cessaires. Tout � coup il voit la flotte africaine mouiller
dans la rade de Malaga. Il s'enfuit en toute h�te, et se retire �
Comar�s avec son pr�tendant. Hasan, ma�tre de la capitale, lui fait dire
qu'il lui pardonne et qu'il lui permet de revenir. Le Berber se fie � sa
parole, mais on lui coupe la t�te. La pr�diction que le juif Samuel
avait cru entendre dans son r�ve, s'�tait donc accomplie.

Bient�t apr�s, le comp�titeur de Hasan fut aussi mis � mort. Peut-�tre
Nadj� fut-il seul coupable de ce crime, comme quelques historiens
donnent � l'entendre; mais Hasan dut en subir la punition. Il fut
empoisonn� par sa femme, la soeur du malheureux Yahy�.

Alors Nadj� crut pouvoir se passer d'un pr�te-nom. D'un souverain il
voulait poss�der non-seulement l'autorit�, mais aussi le titre. Ayant
donc tu� le fils de Hasan, qui �tait encore fort jeune, et jet� son
fr�re Idr�s en prison, il se proposa hardiment aux Berbers comme
souverain, et t�cha de les gagner par les promesses les plus brillantes.
Quoique profond�ment indign�s de son incroyable audace, de son ambition
sacril�ge--car ils avaient pour les descendants du Proph�te une
v�n�ration presque superstitieuse--les Berbers crurent toutefois devoir
attendre, pour le punir, un moment plus favorable. Ils r�pondirent donc
qu'ils lui ob�iraient et lui pr�t�rent serment.

Nadj� annon�a alors son intention d'aller enlever Alg�ziras au
Hammoudite Mohammed qui y r�gnait. On se mit en campagne; mais d�j� dans
les premi�res rencontres avec l'ennemi, le Slave put remarquer que les
Berbers se battaient mollement et qu'il ne pouvait pas compter sur eux.
Il crut donc agir sagement en donnant l'ordre de la retraite. Il avait
form� le projet d'exiler les Berbers les plus suspects d�s qu'il serait
de retour dans la capitale, de gagner les autres � force d'argent, et de
s'entourer d'autant de Slaves que cela lui serait possible. Mais ses
ennemis les plus acharn�s furent inform�s de son plan ou le devin�rent,
et au moment o� l'arm�e passait par un �troit d�fil�, ils fondirent sur
l'usurpateur et le tu�rent (5 f�vrier 1043[57]).

Pendant que la plus grande confusion r�gnait parmi les troupes, les
Berbers poussant des cris de joie et les Slaves prenant la fuite parce
qu'ils craignaient de partager le sort de leur chef, deux des meurtriers
galop�rent vers Malaga � bride abattue. En arrivant dans la ville:
�Bonne nouvelle, bonne nouvelle, cri�rent-ils, l'usurpateur est mort!�
Puis, se pr�cipitant sur le lieutenant de Nadj�, ils l'assassin�rent.
Idr�s, le fr�re de Hasan, fut tir� de sa prison et proclam� calife.

D�s lors le r�le des Slaves �tait fini � Malaga; mais la tranquillit�,
un moment r�tablie, ne fut pas de longue dur�e.

Idr�s II n'�tait pas, � coup s�r, un grand esprit, mais il �tait bon,
charitable, presque exclusivement occup� de r�pandre des bienfaits. S'il
n'e�t tenu qu'� lui, personne n'e�t �t� malheureux. Il rappela tous les
exil�s, de quelque parti qu'ils fussent, et leur rendit leurs biens;
jamais il ne voulait pr�ter l'oreille � un d�lateur; chaque jour il
faisait distribuer cinq cents ducats aux pauvres. Sa sympathie pour les
hommes du peuple, avec lesquels il aimait � s'entretenir, contrastait
singuli�rement avec le faste, l'ostentation et la scrupuleuse �tiquette
de sa cour. En leur qualit� de descendants du gendre du Proph�te, les
Hammoudites �taient, aux yeux de leurs sujets, presque des demi-dieux.
Pour entretenir une illusion si favorable � leur autorit�, ils se
montraient rarement en public et s'entouraient d'une sorte de myst�re.
Idr�s lui-m�me, malgr� la simplicit� de ses go�ts, ne s'�carta pas du
c�r�monial �tabli par ses pr�d�cesseurs: un rideau le d�robait aux
regards de ceux qui lui parlaient; seulement, comme il �tait la bonhomie
en personne, il oubliait parfois son r�le. Un jour, par exemple, un
po�te de Lisbonne lui r�cita une ode. Il vanta sa charit� et glorifia
aussi sa noble origine. �Tandis que les autres mortels ont �t� cr��s
d'eau et de poussi�re, disait-il dans son langage bizarre, les
descendants du Proph�te ont �t� cr��s de l'eau la plus pure, l'eau de la
justice et de la pi�t�. Le don de la proph�tie est descendu sur leur
a�eul, et l'ange Gabriel, invisible pour nous, plane sur leur t�te. Le
visage d'Idr�s, le commandeur des croyants, ressemble au soleil levant,
qui �blouit par ses rayons les yeux de ceux qui le regardent, et
pourtant, prince, nous voudrions vous voir, afin de pouvoir profiter de
votre lumi�re, �manation de celle qui entoure le seigneur de
l'univers.� �L�ve le rideau!� dit alors le calife � son chambellan, car
jamais il ne repoussait une pri�re. Plus heureux que cette pauvre amante
de Jupiter qui p�rit victime de sa fatale curiosit�, le po�te put alors
contempler � son aise la figure de son Jupiter � lui, laquelle, si elle
ne r�pandait pas une lumi�re foudroyante, portait au moins l'empreinte
de la bienveillance et de la bont�. Peut-�tre lui plut-elle mieux, telle
qu'elle �tait, que si elle e�t �t� entour�e de ces rayons �blouissants
dont il avait parl� dans ses vers. Il est certain du moins qu'ayant re�u
un beau cadeau, il se retira fort content.

Malheureusement pour la dignit� et la s�ret� de l'Etat, Idr�s joignait �
une grande bont� de coeur une extr�me faiblesse de caract�re. Il ne
savait ou n'osait rien refuser � qui que ce f�t. B�d�s ou un autre lui
demandait-il un ch�teau ou autre chose, il lui accordait toujours sa
demande. Un jour B�d�s le somma de lui livrer son vizir, lequel avait eu
le malheur de lui d�plaire. �H�las, mon ami, dit alors Idr�s � son
ministre, voici une lettre du roi de Grenade dans laquelle il me demande
de vous mettre entre ses mains. J'en suis bien afflig�, mais vraiment,
je n'ose lui r�pondre par un refus.--Faites donc ce qu'il veut, r�pondit
cet excellent homme, un vieux serviteur de la famille; Dieu me donnera
des forces, et vous verrez que je saurai supporter mon sort avec
r�signation et avec courage.� Arriv� � Grenade, il eut la t�te
coup�e....

Tant de faiblesse irrita les Berbers, d�j� bless�s par la sympathie
qu'Idr�s montrait pour le peuple, par ses tendances socialistes comme on
dirait aujourd'hui; mais elle exasp�ra surtout les n�gres. Accoutum�s au
r�gime du fouet, du sabre et de la potence, ils m�prisaient un ma�tre
qui ne pronon�ait jamais un arr�t de mort. Il y avait donc beaucoup de
m�contentement, lorsque le gouverneur du ch�teau d'Airos[58] donna le
signal de la r�volte. Ge�lier des deux cousins d'Idr�s, il les remit en
libert�, et proclama calife l'a�n�, Mohammed. Alors les n�gres qui
formaient la garnison du ch�teau de Malaga, se mirent en insurrection et
invit�rent Mohammed � se rendre au milieu d'eux. Le peuple de Malaga,
toutefois, rempli d'amour pour le prince qui avait �t� son bienfaiteur,
ne l'abandonna pas � l'heure du danger. Ces braves gens accoururent en
foule aupr�s de lui et demand�rent � grands cris des armes, en
l'assurant que, s'ils en avaient, les n�gres ne tiendraient pas une
heure dans le ch�teau. Idr�s les remercia de leur d�vo�ment, mais il
refusa leur offre en disant: �Retournez dans vos demeures; je ne veux
pas qu'il p�risse un seul homme pour ma querelle.� Mohammed put donc
faire son entr�e dans la capitale, et Idr�s alla le remplacer dans la
prison d'Airos. Ils avaient �chang� leurs r�les (1046-7).

Le nouveau calife ne ressemblait pas � son pr�d�cesseur, mais � sa m�re,
une vaillante amazone qui aimait � vivre dans les camps, � surveiller
les pr�paratifs d'une bataille ou les travaux d'un si�ge, � stimuler par
ses paroles ou par son or le courage des soldats. Il poussait la
bravoure jusqu'� la t�m�rit�; mais il �tait en m�me temps d'une s�v�rit�
inexorable, et si Idr�s avait manqu� d'�nergie, Mohammed (tel, du moins,
fut bient�t l'avis des auteurs de la r�volution) n'en avait que trop.
C'�tait la fable des grenouilles qui avaient demand� un roi � Jupiter. A
l'exemple de la �gent mar�cageuse,� comme dit le bon la Fontaine,
Berbers et n�gres en vinrent bient�t � maudire la terrible grue et �
regretter le pacifique soliveau. Un complot se forma; les conjur�s
entr�rent en n�gociations avec le gouverneur d'Airos qui se laissa
facilement gagner par eux, et qui rendit la libert� � Idr�s II, apr�s
l'avoir reconnu pour calife. Cette fois Idr�s ne recula pas devant
l'id�e d'une guerre civile; le monotone s�jour dans un cachot avait
vaincu ses scrupules; mais Mohammed, soutenu par sa m�re, combattit ses
adversaires avec tant de vigueur, qu'il les contraignit � mettre bas les
armes. Cependant ils ne lui livr�rent pas Idr�s; avant de faire leur
soumission, ils le firent passer en Afrique, o� commandaient deux
affranchis berbers, � savoir Sacaute[59], qui �tait gouverneur de
Ceuta, et Rizc-all�h, qui l'�tait de Tanger. Sacaute et Rizc-all�h
l'accueillirent avec beaucoup d'�gards et firent faire les pri�res
publiques en son nom; mais au reste ils ne lui conc�d�rent aucune
autorit� r�elle; jaloux de leur propre pouvoir, ils le gard�rent
�troitement, l'emp�ch�rent de se montrer en public, et ne permirent �
personne d'approcher de lui. Quelques seigneurs berbers, ennemis secrets
des deux gouverneurs, trouv�rent cependant le moyen de lui parler et lui
dirent: �Ces deux esclaves vous traitent comme un captif et vous
emp�chent de gouverner par vous-m�me. Donnez-nous plein pouvoir et nous
saurons bien vous d�livrer.� Mais Idr�s, toujours doux et d�bonnaire,
refusa leur offre; dans la candeur de son �me, il raconta m�me aux deux
gouverneurs tout ce qu'il venait d'entendre. Les seigneurs en question
furent frapp�s � l'instant m�me d'une sentence d'exil; mais comme il y
avait peut-�tre quelque raison de craindre qu'une autre fois Idr�s ne
pr�t�t l'oreille aux insinuations des m�contents, Sacaute et Rizc-all�h
le renvoy�rent en Espagne, sans cesser toutefois de le reconna�tre comme
calife dans les pri�res publiques. Idr�s alla chercher un asile aupr�s
du chef berber de Ronda[60].

Sur ces entrefaites, les m�contents de Malaga avaient implor� le secours
de B�d�s. Celui-ci d�clara d'abord la guerre � Mohammed, mais bient�t
apr�s, il se r�concilia avec lui. Alors on proclama le prince
d'Alg�ziras, qui portait aussi le nom de Mohammed et qui prit � son tour
le titre de calife. A cette �poque il y en avait donc quatre depuis
S�ville jusqu'� Ceuta: c'�taient le soi-disant Hich�m II � S�ville,
Mohammed � Malaga, l'autre Mohammed � Alg�ziras, et enfin Idr�s II. Deux
d'entre eux n'avaient en r�alit� aucun pouvoir; les deux autres �taient
des princes d'une mince importance, des roitelets, et l'abus du titre de
calife �tait d'autant plus ridicule que, dans sa v�ritable acception, il
indiquait le souverain de tout le monde musulman.

Le prince d'Alg�ziras �choua dans sa tentative. Abandonn� par ceux qui
l'avaient appel�, il retourna pr�cipitamment dans son pays, et mourut,
peu de jours apr�s, de honte et de douleur (1048-9).

Quatre ou cinq ans plus tard, Mohammed de Malaga rendit aussi le dernier
soupir. Un de ses neveux (Idr�s III) aspira au tr�ne, mais sans succ�s;
cette fois, on r�tablit le bon Idr�s II, et le destin ayant enfin cess�
de le pers�cuter, il r�gna paisiblement jusqu'� ce qu'il pay�t, lui
aussi, son tribut � la nature (1055). Un autre Hammoudite crut r�gner �
sa place, mais B�d�s frustra ses esp�rances. V�ritable chef du parti
berber, le roi de Grenade ne voulait plus d'un calife; il avait r�solu
d'en finir avec les Hammoudites et d'incorporer la principaut� de Malaga
dans ses Etats. Il ex�cuta son projet sans rencontrer de grands
obstacles. Les Arabes, il est vrai, ne se soumirent � lui qu'�
contre-coeur; mais ayant gagn� les plus influents d'entre eux, tels
que le vizir-cadi Abou-Abdall�h Djodh�m�[61], il se soucia peu des
murmures des autres; et quant aux Berbers, comme ils �taient convaincus
de la faiblesse de leurs princes et de la n�cessit� de s'unir
�troitement � leurs fr�res de Grenade, s'ils voulaient se maintenir
contre le parti arabe qui gagnait chaque jour du terrain dans le
Sud-ouest, ils favoris�rent les projets de B�d�s plut�t qu'ils ne les
contrari�rent. Le roi de Grenade devint donc ma�tre de Malaga et tous
les Hammoudites furent exil�s. Ils jou�rent encore un r�le en Afrique,
mais celui qu'ils avaient rempli en Espagne �tait termin�[62].




V.


Afin de ne pas interrompre notre rapide esquisse de l'histoire de la
principaut� de Malaga, nous avons tant soit peu anticip� sur les
�v�nements, et comme � pr�sent nous allons jeter un coup d'oeil sur
les progr�s que le parti arabe avait faits dans cet intervalle, nous
devons nous reporter quelques ann�es en arri�re.

Le cadi de S�ville, Abou-'l-C�sim Mohammed, �tant mort � la fin de
janvier 1042, son fils Abb�d, qui comptait alors vingt-six ans, lui
avait succ�d� sous le titre de _h�djib_, ou premier ministre du
soi-disant Hich�m II. Dans l'histoire il est connu sous le nom de
Motadhid, et bien qu'il ne pr�t ce titre que plus tard, nous
l'appellerons ainsi d�s � pr�sent, afin d'�viter la confusion qu'un
changement de nom pourrait faire na�tre.

Le nouveau chef du parti arabe dans le Sud-ouest r�alisait en sa
personne une des physionomies les plus accentu�es qu'ait jamais
produites la verte vieillesse d'une soci�t�. C'�tait en tout point le
digne rival de B�d�s, le chef de la faction oppos�e. Soup�onneux,
vindicatif, perfide, tyrannique, cruel et sanguinaire comme lui, comme
lui adonn� � l'ivrognerie, il le surpassait en luxure. Nature mobile et
voluptueuse s'il en fut, ses app�tits �taient insatiables et incessants.
Aucun prince d'alors n'avait un s�rail aussi nombreux que le sien: huit
cents jeunes filles, assure-t-on, y entr�rent successivement[63].

D'ailleurs, malgr� la ressemblance g�n�rale, les deux princes n'avaient
pas tout � fait le m�me caract�re; leurs go�ts, leurs habitudes
diff�raient sur bien des points. B�d�s �tait un barbare ou peu s'en
faut; il d�daignait les belles mani�res, la culture de l'esprit, la
civilisation. Point de po�tes dans les salles de l'Alhambra; parlant
ordinairement le berber, B�d�s aurait � peine compris leurs odes.
Motadhid, au contraire, avait re�u une �ducation soign�e; il ne pouvait
pr�tendre, � la v�rit�, au titre de savant; il n'avait pas fait de
vastes lectures; mais, comme il �tait dou� d'un tact fin et p�n�trant et
d'une excellente m�moire, il savait plus qu'un homme du monde ne sait
ordinairement. Les po�mes qu'il composa, et qui, ind�pendamment de leur
valeur litt�raire, ne sont pas sans int�r�t quand on veut conna�tre �
fond son caract�re, lui valurent parmi ses contemporains la r�putation
d'un bon po�te[64]. Il �tait ami des lettres et des arts. Pour un peu
d'encens, il comblait les po�tes de cadeaux. Il aimait � faire b�tir de
magnifiques palais[65]. Jusque dans la tyrannie il apportait une
certaine �rudition; il avait pris pour mod�le le calife de Bagdad dont
il avait adopt� le titre, tandis que B�d�s ignorait probablement �
quelle �poque ce calife avait v�cu. Buveurs tous les deux, B�d�s se
grisait brutalement, grossi�rement, sans honte ni vergogne, comme un
rustre ou comme un troupier. Motadhid, toujours homme du monde, toujours
grand seigneur, ne faisait rien sans gr�ce; il apportait un certain bon
go�t, une certaine distinction, jusque dans ses orgies, et tout en
buvant d'une mani�re immod�r�e, lui-m�me et ses compagnons de d�bauche
improvisaient des chansons bachiques qui se distinguaient par un tact
merveilleux, par une grande d�licatesse d'expression. Sa puissante
organisation se pr�tait �galement au plaisir et au travail; viveur
effr�n� et travailleur prodigieux, il passait de la fi�vre des passions
� celle des affaires. Il aimait � s'absorber tout entier dans ses
occupations de prince, mais apr�s des efforts surhumains qu'il faisait
pour regagner le temps donn� aux plaisirs, il lui fallait l'ivresse de
nouveaux d�sordres pour retremper ses forces[66]. Chose �trange! ce
tyran dont le terrible regard faisait trembler les nombreuses beaut�s de
son s�rail, a compos� pour quelques-unes d'entre elles des vers d'une
galanterie exquise, d'une suavit� charmante.

Il y avait donc entre B�d�s et Motadhid la distance qui s�pare le
sc�l�rat barbare du sc�l�rat civilis�; mais, � tout prendre, le barbare
�tait le moins profond�ment d�prav� des deux. B�d�s apportait une
certaine franchise brutale jusque dans le crime; Motadhid �tait
imp�n�trable, m�me pour ses affid�s. Tandis que son regard scrutateur
�piait sans cesse les pens�es les plus secr�tes des autres et les
devinait, personne ne surprenait jamais un mouvement de sa physionomie
ni un accent de sa parole[67]. Le prince de Grenade payait de sa
personne sur les champs de bataille; celui de S�ville, quoiqu'il f�t
presque constamment en guerre et qu'il ne manqu�t pas de courage, ne
commanda ses troupes qu'une ou deux fois dans toute sa vie; d'ordinaire
il tra�ait du fond de sa tani�re, comme dit un historien arabe, les
plans de campagne � ses g�n�raux[68]. Les ruses de B�d�s �taient
grossi�res et il �tait facile de les d�jouer; celles de Motadhid, bien
calcul�es et subtiles, �chouaient rarement. C'�tait l� son fort, et l'on
raconte � ce sujet une histoire qui m�rite d'�tre rapport�e.

En guerre contre Carmona, Motadhid entretenait une correspondance
secr�te avec un habitant arabe de cette ville, qui l'informait des
mouvements et des desseins des Berbers. Afin que les lettres qu'ils
s'�crivaient ne fussent pas intercept�es et que personne ne soup�onn�t
leurs intrigues, il fallait naturellement une grande circonspection. Or,
Motadhid, d'apr�s un plan qu'il avait concert� avec son espion, fit
venir un jour dans son palais un paysan des environs, homme simple et
sans malice s'il en fut, et lui dit: �Ote ta casaque qui ne vaut rien,
et rev�ts cette _djobba_. Elle est assez belle comme tu vois, et je t'en
fais cadeau � condition que tu feras ce que je vais te dire.� Rempli de
joie, le paysan rev�tit la _djobba_ sans soup�onner que la doublure de
cet habit cachait une lettre que Motadhid voulait faire tenir � son
espion, et promit d'ex�cuter fid�lement les ordres que le prince
voudrait bien lui donner. �Fort bien, reprit alors Motadhid; voici ce
que tu as � faire: tu prendras le chemin de Carmona; quand tu seras
arriv� dans le voisinage de cette ville, tu ramasseras du bois et tu en
formeras un fagot. Cela fait, tu entreras dans la ville et tu iras le
mettre � l'endroit o� les marchands de fagots se tiennent ordinairement;
mais tu ne vendras le tien qu'� celui qui t'en offrira cinq dirhems.�

Le paysan, quoiqu'il ne devin�t nullement le motif de ces ordres
singuliers, s'empressa d'y ob�ir. Il partit donc de S�ville, et arriv�
pr�s de Carmona, il se mit � fagoter; mais comme il n'en avait pas
l'habitude et qu'il y a fagots et fagots selon le proverbe, il entra
dans la ville avec un faisceau de branchages bien maigre, bien ch�tif,
et alla se placer sur le march�.

--Combien co�te-t-il, ce fagot? lui demanda un passant.

--Cinq dirhems, sans en rien rabattre; c'est � prendre ou � laisser, lui
r�pondit le paysan.

L'autre lui rit au nez.

--Bon Dieu! dit-il, c'est donc sans doute de l'�b�ne que tu as l�?

--Mais non, dit un autre, c'est du bambou.

Et chacun de lancer son petit bon-mot au paysan et de le railler.

D�j� le jour baissait, lorsqu'un homme qui n'�tait autre que l'espion de
Motadhid, s'approcha du paysan, et lui ayant demand� le prix de son
fagot, il l'acheta; apr�s quoi il lui dit:

--Prends ce bois sur tes �paules et porte-le � ma demeure. Je vais te
montrer le chemin.

Quand ils furent arriv�s � la maison, le paysan d�posa sa charge, et
ayant re�u ses cinq dirhems, il voulut s'en aller.

--O� vas-tu � cette heure avanc�e? lui demanda le ma�tre de la maison.

--Je vais sortir de la ville, car je ne suis pas d'ici, lui r�pondit le
paysan.

--Y songes-tu? Ignores-tu donc qu'il y a des brigands sur les routes?
Reste ici; je suis � m�me de t'offrir un souper et un g�te, et demain de
bonne heure tu pourras te remettre en voyage.

Le paysan accepta cette offre avec reconnaissance. Bient�t un bon souper
lui fit oublier les railleries auxquelles il avait �t� en butte, et
quand il eut mang� d'un excellent app�tit:

--Apprends-moi maintenant d'o� tu viens, lui dit son h�te.

--Des environs de S�ville, o� je demeure.

--Dans ce cas, mon fr�re, tu me parais bien courageux, bien hardi,
d'avoir os� venir ici, car tu dois conna�tre la cruaut�, la f�rocit� de
nos Berbers, tu dois savoir qu'ils vous tuent un homme en moins de rien.
C'est sans doute quelque grave motif qui t'am�ne?

--Nullement; mais il faut gagner sa vie, et puis, personne ne s'avisera
de maltraiter un pauvre paysan inoffensif comme moi.

On causa jusqu'� ce que le paysan se sent�t gagner par le sommeil. Son
h�te le conduisit alors au g�te qu'il lui destinait. L'autre voulut se
coucher sans se d�shabiller; mais l'homme de Carmona lui dit:

--Ote ta _djobba_; tu dormiras mieux alors et tu te r�veilleras plus
rafra�chi, car la nuit est ti�de.

Le paysan le fit et bient�t apr�s il dormait profond�ment. Alors
l'espion prit la _djobba_, en d�cousit la doublure, trouva la lettre de
Motadhid, la lut, y r�pondit sur-le-champ, mit sa propre lettre � la
place de celle du prince, recousit la doublure sans qu'il y par�t, et
remit la _djobba_ � l'endroit o� le paysan l'avait mise. Ce dernier,
s'�tant lev� le lendemain de bonne heure, la rev�tit, et apr�s avoir
remerci� l'habitant de Carmona de sa g�n�reuse hospitalit�, il reprit la
route de S�ville.

Quand il y fut de retour, il se pr�senta devant Motadhid et lui raconta
ses aventures.

--Je suis content de toi, lui dit alors le prince d'un air bienveillant,
et tu m�rites une r�compense. Ote donc ta _djobba_ et laisse-la-moi;
voici un habillement complet dont je te fais cadeau.

Se sentant � peine de joie, le paysan prit les beaux habits que le
prince lui offrait, et alla raconter avec un certain orgueil � ses amis,
� ses voisins, � tous ceux qu'il connaissait, que le prince lui avait
donn� des v�tements d'honneur, tout comme s'il e�t �t� un homme
d'importance, un haut fonctionnaire ou une altesse. Qu'il avait servi de
courrier extraordinaire, de porteur de d�p�ches tellement importantes,
qu'elles lui eussent co�t� la vie, si les Berbers les eussent trouv�es
sur lui, c'est ce dont il n'eut pas le moindre soup�on[69].

Il �tait bien rus�, le prince de S�ville, bien fertile en exp�dients,
en stratag�mes, en artifices de tout genre; il avait � son service tout
un arsenal d'emb�ches, et malheur � celui qui avait provoqu� sa col�re!
Un tel homme avait beau chercher un asile dans un autre pays: f�t-il
all� se cacher au bout du monde, la vengeance du prince l'atteignait
infailliblement. Un aveugle, raconte-t-on, avait �t� priv� par Motadhid
de la plus grande partie de ses biens; il en avait d�pens� le reste, et,
compl�tement ruin�, il �tait all� comme p�lerin mendiant � la Mecque. L�
il maudissait sans cesse et en public le tyran qui l'avait r�duit � la
mendicit�. Motadhid l'apprit, et ayant fait venir un de ses sujets qui
allait faire le p�lerinage de la Mecque, il lui remit une cassette qui
contenait des pi�ces d'or enduites d'un poison mortel. �Quand tu seras
arriv� � la Mecque, lui dit-il, tu feras tenir cette cassette � notre
concitoyen aveugle. Tu lui diras que c'est un cadeau que je lui fais et
tu le salueras de ma part. Mais prends garde de ne pas ouvrir la
cassette.� L'autre promit d'ex�cuter ces ordres et se mit en route.
Arriv� � la Mecque et ayant rencontr� l'aveugle:

--Voici une cassette que Motadhid t'envoie, lui dit-il.

--Bon Dieu! elle rend un son m�tallique, s'�cria l'aveugle, il y a de
l'or l�-dedans! Mais comment se peut-il qu'� S�ville Motadhid me r�duise
� la mis�re et qu'en Arabie il m'enrichisse?

--Les princes ont de singuliers caprices, r�pliqua l'autre. Peut-�tre
aussi que Motadhid, convaincu � cette heure de l'injustice qu'il t'a
faite, en �prouve des remords. Enfin, je n'en sais rien et cela ne me
regarde pas; j'ai fait ma commission, cela me suffit. Prends toujours ce
cadeau; c'est pour toi un bonheur inesp�r�.

--Je le crois bien, reprit l'aveugle; mille mercis pour ta peine et
assure le prince de ma gratitude.

Son tr�sor sous le bras, le pauvre homme courut � son mis�rable taudis
avec autant de vitesse que sa c�cit� le lui permettait, et apr�s avoir
soigneusement ferm� la porte, il s'empressa d'ouvrir sa cassette.

Il n'y a, dit-on, rien de plus enivrant pour un malheureux qui a lutt�
longtemps contre la mis�re et que le hasard enrichit tout d'un coup, que
de couver des yeux son monceau d'or, de se laisser �blouir par l'�clat
de ces belles pi�ces luisantes. Aveugle, le S�villan ne pouvait se
donner une telle jouissance; chez lui, le tact et l'ou�e devaient
remplacer la vue, et ravi, plong� dans une extase d�licieuse, il t�tait,
palpait, maniait ses ch�res esp�ces, les faisait sonner, les comptait,
les pla�ait dans sa bouche, les go�tait pour ainsi dire... Le poison
produisit son effet: avant la nuit venue le malheureux �tait un
cadavre[70].

B�d�s et Motadhid �taient tous les deux cruels, mais avec des nuances
assez sensibles. Tandis que le premier, dans ses acc�s d'aveugle fureur,
massacrait souvent ses victimes de ses propres mains, Motadhid empi�tait
rarement sur les attributions du bourreau; mais quoiqu'il n'aim�t pas �
souiller de sang ses mains aristocratiques, la haine chez lui �tait plus
implacable, plus tenace, que chez son rival. Son ennemi mort, la
vengeance de B�d�s �tait satisfaite, sa rage assouvie; il faisait
attacher la t�te du cadavre � un poteau, la coutume le voulait ainsi,
mais il n'allait pas plus loin. Chez le prince de S�ville, au contraire,
la haine ne se rassasiait jamais; il poursuivait ses victimes
jusqu'au-del� du tr�pas; il voulait que l'aspect de leurs restes mutil�s
stimul�t sans rel�che ses passions f�roces. A l'exemple du calife Mahd�,
il fit planter des fleurs dans les cr�nes de ses ennemis, et les pla�a
dans la cour de son palais. Un morceau de papier, attach� � l'oreille de
chaque cr�ne, portait le nom de celui auquel ce cr�ne avait appartenu
jadis. Souvent il s'extasiait devant ce _jardin_, comme il disait. Et
cependant il ne contenait pas les t�tes � ses yeux les plus pr�cieuses,
celles des princes qu'il avait vaincus. Celles-l�, il les gardait, avec
le plus grand soin, au fond de son palais, dans une cassette[71].

Ajoutons que ce monstre de cruaut� �tait � ses propres yeux le meilleur
des princes, un Titus form� expr�s pour le bonheur du genre humain. �Si
tu d�sires, mon Dieu, que les mortels soient heureux, disait-il dans ses
vers, fais-moi r�gner alors sur tous les Arabes et sur tous les
barbares; car jamais je n'ai d�vi� de la bonne route, jamais je n'ai
trait� mes sujets autrement qu'il ne convient � un homme g�n�reux et
magnanime. Toujours je les prot�ge contre leurs agresseurs, toujours je
d�tourne les calamit�s de leur t�te[72].�




VI.


Ayant d'abord mis � mort Hab�b, le vizir et le confident de son
p�re[73], Motadhid tourna ses armes contre les Berbers et principalement
contre ceux de Carmona, ses voisins. Il avait un motif tout particulier
pour ha�r les Berbers, car il croyait que, s'il n'y pourvoyait, ils
�teraient le tr�ne � lui ou � ses descendants, ses astrologues lui ayant
pr�dit que sa dynastie serait renvers�e par des hommes n�s hors de la
P�ninsule[74]. Il mit donc tout en oeuvre pour les extirper. Cette
guerre fut de longue dur�e. Mohammed, le prince de Carmona, fut tu�
apr�s s'�tre laiss� attirer dans une embuscade (1042-3)[75]; mais comme
son fils Ish�c lui succ�da[76], les hostilit�s continu�rent.

En m�me temps Motadhid �tendait ses limites du c�t� de l'ouest. En 1044
il enleva Mertola � Ibn-Taifour[77]. Puis il attaqua Ibn-Yahy�, seigneur
de Ni�bla. Ce n'�tait pas un Berber, c'�tait un Arabe, mais quand il
s'agissait d'arrondir son territoire, Motadhid n'y regardait pas de si
pr�s. R�duit � l'�troit, Ibn-Yahy� se jeta dans les bras des Berbers.
Modhaffar de Badajoz vint � son secours, repoussa Motadhid, et se mit �
former contre lui une ligue formidable dans laquelle entr�rent B�d�s,
Mohammed de Malaga et Mohammed d'Alg�ziras. Abou-'l-Wal�d ibn-Djahwar,
qui, dans l'ann�e 1043, avait succ�d� � son p�re comme pr�sident de la
r�publique de Cordoue, fit tout ce qu'il pouvait pour r�concilier les
deux partis; mais ce fut en vain: personne ne pr�ta l'oreille � ses
ambassadeurs.

Les Berbers avaient form� le projet de marcher contre S�ville aussit�t
qu'ils auraient r�uni leurs troupes et op�r� leur jonction. Motadhid les
pr�vint. Profitant de l'absence de Modhaffar qui n'avait pas
suffisamment pourvu � la d�fense de ses propres Etats, il fit d'abord
ravager le territoire de Badajoz; puis, se mettant en personne, contre
sa coutume, � la t�te de son arm�e, il marcha contre Ni�bla, attaqua les
ennemis dans une esp�ce de d�fil� pr�s des portes de la ville, et les
culbuta en partie dans le Tinto; mais Modhaffar r�ussit � rallier ses
soldats, les ramena � la charge, et for�a Motadhid � la retraite.

Modhaffar se r�unit ensuite � ses alli�s; mais pendant qu'il ravageait
avec eux le pays s�villan, Ibn-Yahy� se d�tacha de son parti, Motadhid
l'ayant forc� de conclure une alliance avec lui. Modhaffar le punit en
s'appropriant l'argent qu'il lui avait confi�, et en faisant piller la
campagne de Ni�bla[78]. Alors Ibn-Yahy� implora le secours de Motadhid.
Celui-ci fit attaquer les troupes de Badajoz, les attira dans une
embuscade, et les mit en d�route. Non content de ce succ�s, il fit
ravager les environs d'Evora par son fils Ism��l. Afin de repousser
cette attaque, le roi de Badajoz fit prendre les armes � tous ceux qui
�taient en �tat d'en porter, et, ayant re�u un renfort de son alli�,
Ish�c de Carmona, il alla � la rencontre de l'ennemi. En vain les
Berbers de Carmona l'exhortaient � ne pas le faire. �Vous ignorez, lui
disaient-ils, que l'arm�e s�villane est fort nombreuse; nous au
contraire, nous le savons, car nous avons re�u des nouvelles de S�ville,
et qui plus est, nous avons vu les troupes de Motadhid.� Le bouillant
Modhaffar ne voulut pas les croire. Son audace lui co�ta cher. Il essuya
une terrible d�route et perdit au moins trois mille hommes. Parmi les
morts on comptait le fils du prince de Carmona, qui avait command� les
troupes de son p�re. Sa t�te fut apport�e � Motadhid, qui la pla�a dans
sa cassette, � c�t� de celle de l'a�eul du jeune prince.

Badajoz pr�senta longtemps un spectacle lugubre. Les boutiques y �taient
ferm�es, les march�s d�serts, l'�lite de la population ayant p�ri dans
cette bataille fatale[79]. Pour comble de mis�re, les S�villans
continuaient � d�truire les moissons, de sorte que la famine d�solait le
royaume. Modhaffar n'y pouvait rien. Abandonn� par ses alli�s qu'il
appelait en vain � son secours, il �tait condamn� � rester inactif et
immobile dans Badajoz, o� il se d�vorait les entrailles de col�re.
Cependant son orgueil ne se laissait pas fl�chir. Il ne voulait pas
entendre parler d'un accommodement, quoique son ennemi victorieux ne
refus�t pas positivement la m�diation d'Ibn-Djahwar. Il feignait de ne
pas se soucier de ses pertes, au point qu'il envoya quelqu'un acheter
des chanteuses � Cordoue. Elles y �taient rares alors, et ce fut �
grand'peine qu'on en trouva deux; encore �taient-elles d'un m�diocre
talent. On s'�tonna d'abord du caprice du roi de Badajoz. On le
connaissait pour un homme grave, studieux et qui � l'ordinaire ne
faisait nul cas de chanteuses. On ne comprenait pas qu'il e�t choisi,
pour en faire acheter, le moment m�me o� ses Etats pr�sentaient le
spectacle d'une affreuse d�vastation. Mais l'�tonnement cessa quand on
d�couvrit le motif de sa conduite. Modhaffar avait appris qu'� la vente
des biens d'un vizir cordouan qui venait de mourir, Motadhid s'�tait
procur� une chanteuse renomm�e, et c'�tait pour montrer qu'il pouvait
s'occuper de chanteuses avec autant de libert� d'esprit que son
adversaire, qu'il en avait fait acheter � son tour.

Cependant Ibn-Djahwar continuait ses efforts pour amener une
r�conciliation, et dans le mois de juillet 1051, ils furent enfin
couronn�s du succ�s, car � cette �poque et par son entremise, Modhaffar
et Motadhid conclurent la paix apr�s une longue n�gociation[80].

Motadhid tourna alors toutes ses forces contre Ibn-Yahy� de Ni�bla,
d�sormais r�duit � ses propres ressources. Pour lui cette exp�dition ne
fut pas une campagne, ce ne fut qu'une promenade militaire. Convaincu de
sa faiblesse, Ibn-Yahy� n'essaya pas m�me de se d�fendre. Il prit le
chemin de Cordoue avec l'intention d'aller passer dans cette ville le
reste de ses jours, et Motadhid eut la courtoisie de lui envoyer un
escadron en guise d'escorte[81].

Le prince qui r�gnait sur Huelva et la petite �le de Salt�s, Abdalaz�z
le Becrite, comprit alors que son tour �tait venu. Cependant il esp�rait
encore pouvoir sauver quelque chose du naufrage. Il s'empressa donc
d'�crire � Motadhid, le f�licita de sa nouvelle conqu�te, lui rappela
les relations amicales qui avaient toujours exist� entre sa propre
famille et celle des Abb�dides, se d�clara son vassal, et lui offrit
Huelva � condition qu'il lui laisserait Salt�s. Motadhid accepta son
offre, et feignant de vouloir s'aboucher avec lui, il prit la route de
Huelva. Abdalaz�z jugea prudent de ne pas l'attendre, et se rendit avec
ses tr�sors � Salt�s. Ayant pris possession de Huelva, Motadhid retourna
� S�ville; mais il laissa � Huelva un de ses capitaines, qui devait
emp�cher qu'Abdalaz�z ne quitt�t son �le et que personne ne se rend�t
aupr�s de lui. Inform� de ces mesures, Abdalaz�z prit le parti le plus
sage: il entra en pourparlers avec le capitaine de Motadhid, vendit au
prince de S�ville ses vaisseaux et ses munitions de guerre au prix de
dix mille ducats, et obtint la permission de se rendre � Cordoue.
Pendant son voyage, le perfide Motadhid voulut l'attirer dans un pi�ge
et s'emparer de ses richesses; mais Abdalaz�z p�n�tra son dessein, et
gr�ce � une escorte qu'il demanda au prince de Carmona, il arriva sans
encombre � Cordoue[82].

Ensuite Motadhid attaqua la petite principaut� de Silves, o� r�gnaient
aussi des Arabes, les Beni-Mozain, dont les anc�tres, qui poss�daient
d�j� des propri�t�s �tendues dans cette partie de la P�ninsule, avaient
souvent rempli, du temps des Omaiyades, des postes importants[83].

R�solu � mourir plut�t que de se rendre, le prince de Silves se d�fendit
avec le courage du d�sespoir. Mais l'arm�e s�villane, dont Mohammed
(Motamid), un fils de Motadhid, �tait le g�n�ral, mais seulement de nom,
car � cette �poque il comptait � peine treize ans[84], poussa le si�ge
avec non moins de vigueur, et Silves fut enfin pris d'assaut. Ibn-Mozain
chercha en vain la mort au plus fort de la m�l�e; on �pargna sa vie, et
Motadhid se contenta de l'exiler[85]. Puis, ayant donn� le gouvernement
de Silves � son fils Mohammed, il fit marcher son arm�e contre la ville
de Santa-Maria, situ�e pr�s du cap qui porte encore aujourd'hui ce nom.
Le calife Solaim�n l'avait donn�e en fief � un certain Sa�d ibn-H�roun,
de M�rida, dont on ne conna�t pas la g�n�alogie, et qui peut-�tre
n'�tait ni Arabe ni Berber, car les hommes dont l'origine �tait inconnue
aux chroniqueurs arabes, �taient ordinairement des Espagnols. Apr�s la
mort de Solaim�n, il s'�tait d�clar� ind�pendant, et quand il eut rendu
le dernier soupir, son fils Mohammed lui avait succ�d�. Ce dernier,
attaqu� par les S�villans, n'opposa qu'une courte r�sistance. Motadhid
r�unit le district de Santa-Maria � celui de Silves, et voulut que son
fils Mohammed les gouvern�t conjointement (1052)[86].

Gr�ce � ces conqu�tes rapides, la principaut� de S�ville s'�tait fort
�tendue du c�t� de l'Ouest. Cependant elle n'avait encore que peu
d'extension vers le Sud, o� r�gnaient des princes berbers. La plupart
d'entre eux �taient alors en paix avec Motadhid et avaient m�me reconnu
sa suzerainet�, ou plut�t celle du soi-disant Hich�m II. Motadhid,
toutefois, ne se contentait pas de si peu: son intention �tait de tuer
ces princes et de prendre possession de leurs Etats; mais, proc�dant
avec mod�ration et prudence, il ne voulait s'aventurer � une tentative
aussi hardie que quand les manoeuvres souterraines auraient rendu le
succ�s certain.

Apr�s la conqu�te de Silves, il alla donc rendre visite, accompagn�
seulement de deux serviteurs, � deux de ses vassaux, Ibn-Nouh, le
seigneur de Moron, et Ibn-ab�-Corra, le seigneur de Ronda, sans les
avoir pr�venus de son intention. Quand on songe � la haine que ces
Berbers lui portaient, on s'�tonne avec raison qu'il e�t l'imprudence
d'aller se mettre ainsi � leur merci; mais le fait est qu'il ne manquait
pas d'audace, et que, malgr� sa perfidie envers tout le monde, il se
fiait � la bonne foi des autres. A Moron il fut accueilli de la mani�re
la plus honorable. Ibn-Nouh lui t�moigna sa joie � cause de cette visite
inattendue, le festoya avec une hospitalit� somptueuse, et l'assura de
nouveau qu'il serait toujours un vassal fid�le. Mais Motadhid n'�tait
pas venu pour �couter des compliments ou recevoir des t�moignages
d'affection; son but �tait tout autre. Il voulait sonder le terrain, et
gagner, si cela �tait possible, quelques personnages influents. Il
s'aper�ut facilement que la population arabe br�lait du d�sir de secouer
le joug berber, et que, dans l'occasion, il pourrait compter sur son
appui. Gr�ce aux pierres pr�cieuses et � l'argent que portaient les deux
serviteurs qui l'accompagnaient, il corrompit m�me plusieurs officiers
berbers, sans qu'Ibn-Nouh e�t le moindre soup�on de ces intrigues.

Fort content des r�sultats de sa visite, Motadhid continua son voyage en
prenant la route de Ronda. Il y fut re�u avec la m�me bienveillance, et
ses pratiques secr�tes y r�ussirent aussi bien, mieux peut-�tre, car les
Arabes de Ronda �taient encore plus impatients que ceux de Moron de
s'affranchir de la domination berb�re, les Beni-ab�-Corra �tant, � ce
qu'il para�t, des ma�tres plus durs que les Beni-Nouh. Motadhid fut donc
� m�me d'ourdir une conspiration terrible qui �claterait au premier
signal.

Peu s'en fallut, cependant, qu'il ne pay�t de sa vie son audacieuse
entreprise. Une fois, vers la fin d'un repas dans lequel le vin n'avait
pas �t� �pargn�, il se sentit gagner par le sommeil.

--Je me sens fatigu� et j'ai envie de dormir, dit-il � son h�te; mais
n'interrompez pas pour cela vos conversations ni vos rasades; un petit
somme m'aura bient�t remis et je reviendrai alors reprendre ma place �
table.

--Faites comme vous voulez, seigneur, lui r�pondit Ibn-ab�-Corra en le
conduisant � un sofa.

Au bout d'une demi-heure environ, lorsque Motadhid semblait dormir d'un
profond sommeil, un officier berber pria les autres de l'�couter un
moment, puisqu'il avait quelque chose d'important � leur dire. Ayant
obtenu le silence: �Il me semble, dit-il � voix basse, que nous avons l�
un gras b�lier qui est venu s'offrir spontan�ment au couteau. C'est pour
nous une bonne fortune � laquelle nous �tions loin de nous attendre.
Eussions-nous donn�, pour avoir cet homme ici, tout l'or de
l'Andalousie, cela ne nous e�t servi de rien, et voil� qu'il vient de
lui-m�me.... Cet homme est le d�mon en personne, vous le savez tous, et
quand il aura cess� de vivre, personne ne nous disputera plus la
possession de ce pays�....

Tous gard�rent le silence; mais on se consulta du regard, et comme
l'id�e d'assassiner celui qu'ils craignaient et ha�ssaient tous, dont
ils connaissaient tous les voies tortueuses, ne souriait que trop � ces
hommes endurcis d�s leur enfance � toutes sortes de crimes, leurs
visages basan�s n'exprimaient ni surprise ni r�pugnance. Un seul, plus
loyal que les autres, sentit son sang bouillir � l'id�e d'une trahison
aussi inf�me. C'�tait Mo�dh ibn-ab�-Corra, un parent du seigneur de
Ronda. Les yeux enflamm�s d'une g�n�reuse indignation, il se leva, et,
prenant la parole: �Au nom du ciel, ne faisons pas cela! dit-il �
demi-voix, mais d'un ton ferme. Cet homme, en venant ici, a compt� sur
notre loyaut�; sa conduite prouve qu'il nous croit incapables de le
trahir, et notre honneur exige que nous justifions sa confiance. Que
diraient nos fr�res des autres tribus, s'ils apprenaient que nous avons
viol� les droits sacr�s de l'hospitalit�, que nous avons assassin� notre
h�te? Que Dieu maudisse celui qui oserait commettre un tel crime!�

Les Berbers se sentirent touch�s par ces nobles paroles. En leur
rappelant d'une mani�re aussi �nergique les devoirs de l'hospitalit�,
Mo�dh avait fait vibrer dans leurs coeurs une corde que l'on touche
rarement en vain chez les peuples de l'Asie et de l'Afrique.

Cependant Motadhid, bien qu'il f�t semblant de dormir, �tait
parfaitement �veill�. En proie � une indicible angoisse, il avait
entendu tout ce qui se disait. Rassur� maintenant par l'effet qu'avaient
produit les paroles de Mo�dh, il feignit de s'�veiller et alla se
remettre � table. Tous les convives se lev�rent aussit�t, l'embrass�rent
et lui bais�rent respectueusement le front. Ils mirent d'autant plus
d'effusion dans leurs caresses, que leur conscience n'�tait pas tout �
fait tranquille, et qu'ils se reprochaient en secret d'avoir eu un
instant l'id�e d'envoyer leur h�te dans l'autre monde.

--Mes amis, leur dit alors le prince, il me faudra bient�t retourner �
S�ville; mais � la veille de vous quitter, je ne puis assez vous dire
combien je suis content de votre accueil. Je voudrais vous donner
quelques faibles marques de ma reconnaissance; malheureusement la
provision de petits cadeaux que portaient mes serviteurs, est �puis�e ou
� peu pr�s. Mais donnez-moi de l'encre et du papier; que chacun de vous
me dicte son nom; qu'il dise ce qu'il d�sire le plus, des v�tements
d'honneur, de l'argent, des chevaux, des jeunes filles, des esclaves, ou
autre chose, et qu'il envoie dans ma capitale, quand j'y serai de
retour, un serviteur qui vienne prendre le pr�sent que je lui destine.

Tous s'empress�rent d'ob�ir aux d�sirs du prince, et quand celui-ci fut
retourn� � S�ville, les serviteurs des Berbers y accoururent en foule
et rapport�rent � Ronda des pr�sents magnifiques.

Les meilleures relations semblaient donc exister entre Motadhid et les
Berbers; les vieilles rancunes paraissaient oubli�es pour faire place �
une liaison �troite, � une amiti� intime et cordiale, lorsque, six mois
apr�s la visite qu'il leur avait faite, Motadhid invita les seigneurs de
Ronda et de Moron � un grand festin, qu'il voulait leur offrir,
disait-il, pour leur t�moigner sa reconnaissance de leur bon accueil. Il
envoya aussi une invitation au Berber Ibn-Khazroun, le seigneur d'Arcos
et de X�r�s, et bient�t ils arriv�rent tous les trois � S�ville (1053).
Motadhid leur fit une r�ception magnifique, et selon la coutume, il leur
offrit un bain, de m�me qu'aux principaux personnages de leur suite;
mais, sous un pr�texte quelconque, il retint le jeune Mo�dh aupr�s de sa
personne.

Environ soixante Berbers se rendirent � l'�difice que le prince leur
avait indiqu�. Apr�s s'�tre d�shabill�s dans la premi�re salle, ils
entr�rent dans la seconde, la v�ritable salle de bain. Comme cela se
voit encore aujourd'hui dans les pays musulmans, elle �tait b�tie en
pierres, rev�tue de marbre, et couronn�e d'une coupole perc�e de trous
en �toiles ferm�s par des verres d�polis. De distance � distance il y
avait des cuves de marbre, et des tuyaux, dispos�s dans l'�paisseur des
murs et partant d'une chaudi�re, y maintenaient un degr� de chaleur
tr�s-�lev�.

Savourant avec d�lices le bien-�tre que procure le bain, les Berbers
entendirent bien un bruit l�ger, comme si des ma�ons fussent �
l'oeuvre, mais ils n'y firent pas grande attention d'abord. Au bout de
quelque temps, toutefois, la chaleur devenant de plus en plus
�touffante, ils voulurent ouvrir la porte. Qu'on se figure leur effroi!
La porte �tait mur�e, tous les ventilateurs �taient bouch�s.... Ils
moururent tous suffoqu�s[87].

Cependant le jeune Mo�dh, apr�s avoir attendu longtemps le retour de ses
compagnons, finit par devenir fort inquiet et se hasarda � demander �
Motadhid pourquoi ils tardaient tant � rentrer. Le prince n'h�sita pas �
le lui dire, et comme il voyait une terreur profonde se peindre sur son
visage:

--Quant � toi, lui dit-il, tu n'as rien � craindre. Tes parents et tes
amis m�ritaient de p�rir puisqu'ils ont eu un instant l'id�e de
m'assassiner. Sache que je ne dormais pas au moment o� cette proposition
fut faite; mais j'ai entendu aussi les nobles paroles que tu as
prononc�es � cette occasion, et jamais je n'oublierai que, si je vis
encore, c'est � toi que j'en suis redevable. Tu peux choisir maintenant:
si tu consens � rester ici, je suis pr�t � partager avec toi toutes mes
richesses; mais si tu pr�f�res de retourner � Ronda, je t'y ferai
reconduire apr�s t'avoir combl� de pr�sents.

--H�las! seigneur, lui r�pondit Mo�dh d'un ton profond�ment triste,
comment pourrais-je retourner � Ronda, o� tout me rappellerait le
souvenir de ceux que j'ai perdus?

--Eh bien, reste donc � S�ville, reprit le prince; tu n'auras pas � te
plaindre de moi.

Puis, s'adressant � un de ses serviteurs:

--Prends soin, lui dit-il, qu'un beau palais soit mis en ordre
sur-le-champ, afin que Mo�dh puisse venir l'habiter. Fais-y transporter
mille pi�ces d'or, dix chevaux, trente jeunes filles et dix
esclaves.--Je te donne d'ailleurs, continua-t-il en s'adressant de
nouveau � Mo�dh, un traitement annuel de douze mille ducats.

Mo�dh resta donc � S�ville, o� il v�cut dans une opulence princi�re.
Chaque jour Motadhid lui envoyait des cadeaux d'un grand prix ou d'une
rare �l�gance; il lui confia un commandement dans son arm�e[88], et
aussi souvent qu'il consultait ses vizirs sur les affaires de l'Etat, il
r�servait la place d'honneur pour celui qui avait sauv� sa vie.

Ayant d�pos� les t�tes des seigneurs berbers dans cette affreuse
cassette dont il aimait tant � repa�tre ses regards, Motadhid envoya des
troupes prendre possession de Moron, d'Arcos, de X�r�s, de Ronda et
d'autres places. Aid�es par la population arabe et par des tra�tres qui
s'�taient vendus � Motadhid, elles y r�ussirent sans trop de peine. La
prise de Ronda, o� Abou-Na�r avait succ�d� � son p�re, semblait devoir
co�ter le plus d'efforts, car, b�tie sur une montagne tr�s-�lev�e, elle
�tait entour�e de pr�cipices et passait pour inexpugnable. Mais les
Arabes s'insurg�rent en masse contre les Berbers, et se mirent � les
massacrer avec une aveugle fureur. Abou-Na�r lui-m�me t�cha inutilement
de se sauver par la fuite: au moment o� il essayait de grimper � la
muraille, son pied glissa, et son cadavre alla rouler dans le
pr�cipice[89].

Ce fut surtout la prise de Ronda qui causa au prince de S�ville une joie
indicible. Il se h�ta de rendre cette ville plus forte encore qu'elle ne
l'�tait d�j�; puis, les travaux de fortification achev�s, il alla les
inspecter, et tressaillant d'aise, il composa ces vers:

     Mieux fortifi�e que tu ne l'as jamais �t�, tu es maintenant le plus
     beau bijou de mon royaume, � Ronda! Les lances et les �p�es
     tranchantes de mes braves guerriers m'ont procur� l'avantage de te
     poss�der; � pr�sent tes habitants m'appellent leur seigneur et ils
     seront pour moi le plus ferme appui. Ah! pourvu que ma vie soit
     assez longue, je saurai bien abr�ger celle de mes ennemis. Pour me
     tenir en haleine, je ne cesserai jamais de les combattre. J'ai
     pass� au fil de l'�p�e bataillons sur bataillons, et les t�tes de
     mes ennemis, enfil�es comme des perles, servent de collier � la
     porte de mon palais[90]!




VII.


Pendant que Motadhid, enivr� de ses succ�s, se livrait aux transports
d'une joie immod�r�e, B�d�s �tait en proie � une anxi�t� toujours
croissante. Quand il re�ut la nouvelle du terrible sort qui avait frapp�
les seigneurs berbers, il d�chira ses habits en hurlant de douleur et de
rage. Puis, quand il apprit que, par un �lan d'indignation patriotique,
toute la population arabe de Ronda s'�tait lev�e comme un seul homme
pour massacrer ses oppresseurs, de noirs pressentiments vinrent obs�der
et tourmenter son esprit soup�onneux. Qui lui r�pondait que ses propres
sujets arabes ne se fussent pas concert�s, eux aussi, avec l'Abb�dide,
qu'ils ne conspirassent pas contre son tr�ne et sa vie? Cette pens�e le
poursuivait sans rel�che le jour et la nuit: on e�t dit qu'il avait des
acc�s de d�lire. Tant�t, transport� de fureur, il criait, jurait et
s'emportait contre tout le monde; tant�t, l'�me troubl�e de crainte et
remplie d'une noire m�lancolie, il gardait un morne silence et
languissait comme un arbre frapp� de la foudre. Chose �trange et de
sinistre pr�sage: B�d�s ne buvait plus....

Il laissait m�rir en secret un projet horrible. Tant qu'il y aurait des
Arabes dans ses Etats, il ne serait pas un moment en s�ret�; la
prudence, pensait-il, lui commandait donc de les exterminer, et il le
ferait le vendredi prochain, lorsqu'ils seraient tous r�unis dans la
mosqu�e. Cependant, comme il n'entreprenait rien sans consulter son
vizir, le juif Samuel, il l'informa de son plan, mais en ajoutant qu'il
�tait fermement d�cid� � l'ex�cuter, que le vizir l'approuv�t ou non. Le
juif jugea le plan mauvais; il t�cha d'en d�tourner le prince, le pria
d'attendre, et de r�fl�chir m�rement aux cons�quences d'une telle
action. �Supposons, lui dit-il, que tout se passe selon vos souhaits;
supposons que vous r�ussissiez � exterminer les Arabes, et ne comptons
pas le p�ril d'une telle entreprise; mais alors, croyez-vous que les
Arabes des autres Etats oublieront le malheur qui a frapp� leurs
compatriotes? croyez-vous qu'ils resteront tranquillement dans leurs
demeures? Non pas, certainement; je les vois d�j� accourir tout furieux,
je vois des ennemis innombrables comme les vagues de la mer fondre sur
vous, et brandir leurs cimeterres au-dessus de votre t�te�.... Si
sens�es qu'elles fussent, ces paroles n'eurent cependant aucun effet sur
B�d�s. Il fit promettre � Samuel de lui garder le secret, et donna les
ordres n�cessaires afin que tout f�t pr�t pour le vendredi. Ce jour-l�
les soldats devraient se r�unir, arm�s de toutes pi�ces, sous le
pr�texte d'une revue.

Samuel, toutefois, ne resta pas oisif: il envoya secr�tement aupr�s des
principaux Arabes quelques femmes qui les connaissaient, et qui leur
conseill�rent de ne pas se rendre � la mosqu�e le vendredi prochain,
mais de se cacher au contraire. Ainsi avertis, les Arabes se tinrent sur
leurs gardes, et au jour fix� il n'y eut dans la mosqu�e que quelques
hommes du menu peuple. Furieux de voir son plan �chouer, B�d�s fit venir
Samuel et lui reprocha d'avoir �bruit� le secret qu'il lui avait confi�.
Le vizir le nia, apr�s quoi il dit: �On s'explique ais�ment que les
Arabes ne soient pas all�s � la mosqu�e. Voyant que vous aviez rassembl�
vos troupes sans raison apparente, car vous �tes en paix avec vos
voisins, ils ont soup�onn� naturellement que c'�tait � eux que vous en
vouliez. Au lieu de vous f�cher, vous devriez plut�t rendre gr�ces �
Dieu: devinant votre intention, ils auraient pu se soulever contre vous,
et cependant ils n'ont pas boug�. Consid�rez l'affaire de sang-froid,
seigneur; le temps viendra o� vous approuverez ma mani�re de voir.�
Peut-�tre B�d�s aurait-il encore refus�, dans son aveuglement, de se
laisser persuader, mais un chaikh berber ayant approuv� les raisons que
donnait Samuel, il avoua enfin qu'il avait eu tort[91]. Il ne songea
donc plus � exterminer ses sujets arabes; mais, vivement sollicit� par
les fugitifs de Moron, d'Arcos, de X�r�s et de Ronda, qui �taient venus
chercher un asile � Grenade, il r�solut de punir le perfide ennemi de sa
race, et envahit le territoire s�villan � la t�te de ses propres troupes
et des �migr�s[92]. Nous ne poss�dons pas de d�tails sur cette guerre,
mais tout porte � croire qu'elle fut sanglante; car d'une part les
Berbers �taient enflamm�s du d�sir de venger la mort de leurs
compatriotes, de l'autre, les Arabes ha�ssaient les Grenadins plus
encore qu'ils ne ha�ssaient les autres Berbers. Ils les regardaient
comme des infid�les, des m�cr�ants, des ennemis de la religion
musulmane, parce qu'ils avaient un vizir juif. �Ton �p�e a s�vi parmi un
peuple qui n'a jamais cru qu'au juda�sme, bien qu'il se donne le nom de
berber�, disaient les po�tes s�villans quand ils chantaient les
victoires de Motadhid[93]. Aux yeux des S�villans une guerre contre les
Grenadins �tait donc une guerre sainte; aussi les combattirent-ils avec
tant de vigueur, qu'ils les forc�rent � se retirer. Les �migr�s furent
bien � plaindre alors. Motadhid ne leur permettant pas de retourner �
leurs demeures et B�d�s ne voulant pas qu'ils restassent � Grenade,
attendu qu'il aurait d� pourvoir � leur subsistance, ils furent oblig�s
de passer le D�troit. Ils d�barqu�rent dans le voisinage de Ceuta; mais
Sacaute, le seigneur de cette place, ne voulait pas non plus d'eux.
Repouss�s ainsi par tout le monde, � une �poque o� la famine ravageait
l'Afrique, ils p�rirent presque tous de faim[94].

Ensuite Motadhid tourna ses armes contre le Hammoudite C�sim, le
seigneur d'Alg�ziras. C'�tait le plus faible parmi les princes berbers;
aussi fut-il bient�t forc� de demander gr�ce. Motadhid lui permit
d'aller vivre � Cordoue (1058)[95].

Cette nouvelle conqu�te achev�e, Motadhid crut qu'il �tait temps de
finir la com�die qu'il avait jou�e jusqu'alors � l'exemple de son p�re,
et de d�clarer que le soi-disant Hich�m II �tait mort. Les raisons que
son p�re avait eues pour se couvrir du nom de ce monarque n'existaient
plus. Tout le monde �tait convaincu d�sormais que le retour au pass�
�tait impossible, que le califat �tait tomb� pour ne plus se relever; �
cet �gard l'exp�rience avait dissip� toutes les illusions. Le nattier de
Calatrava �tait donc devenu un personnage parfaitement inutile. Il se
peut que cet homme, qui ne se montrait jamais ni au peuple ni aux
courtisans, f�t mort depuis plusieurs ann�es; il se peut aussi que
Motadhid, ennuy� de lui, l'ait fait tuer, comme quelques chroniqueurs
l'assurent. Nous n'oserions rien affirmer � ce sujet, car le prince de
S�ville, quand il le voulait, savait envelopper ses actes d'un myst�re
imp�n�trable. Toujours est-il que, dans l'ann�e 1059, il r�unit les
principaux habitants de sa capitale pour leur annoncer que le calife
Hich�m avait succomb�, quelque temps auparavant, � une attaque de
paralysie. Tant qu'il avait eu des guerres � soutenir, ajouta-t-il, la
prudence lui avait d�fendu de donner de la publicit� � cet �v�nement,
mais maintenant qu'il �tait en paix avec tous ses voisins, il pouvait le
faire sans danger. Puis il fit ensevelir la d�pouille mortelle du
nattier de Calatrava avec tous les honneurs dus � la royaut�, et en sa
qualit� de _h�djib_ ou premier ministre, il accompagna le cort�ge � pied
et sans _tailes�n_[96]. Il communiqua aussi la mort du calife � ses
alli�s de l'Est, en les exhortant � faire un nouveau choix.
Naturellement personne n'y songea. Il pr�tendit alors, dit-on, que, dans
son testament, le calife l'avait nomm� �mir de toute l'Espagne[97]. Il
est certain, du moins, qu'il t�chait de le devenir; tous ses efforts
tendaient vers ce but, et il voulait s'emparer maintenant de l'ancienne
capitale de la monarchie. La destin�e, toutefois, lui pr�parait un
d�sappointement terrible.

D�j� ses troupes avaient fait plusieurs razzias sur le territoire de
Cordoue, lorsque, dans l'ann�e 1063[98], il donna � Ism��l, son fils
a�n� et le g�n�ral de son arm�e, l'ordre d'aller prendre la ville � demi
ruin�e de Zahr�. Ism��l fit des difficult�s, des objections. Depuis
quelque temps d�j�, il �tait m�content de son p�re. Il se plaignait de
sa duret�, de son humeur tyrannique; il l'accusait de l'exposer souvent
� de graves p�rils, en refusant de lui donner assez de soldats alors
qu'il y avait un combat � livrer ou une place forte � assi�ger. Un
aventurier ambitieux fomentait son m�contentement. C'�tait Abou-Abdall�h
Bizily�n�, qui avait �migr� de Malaga lors de la prise de cette ville
par B�d�s. Voulant � tout prix devenir premier ministre, n'importe de
qui, n'importe o�, cet intrigant avait t�ch� de faire na�tre dans le
coeur d'Ism��l la pens�e de se r�volter contre son p�re et de fonder
quelque part, � Alg�ziras par exemple, une principaut� ind�pendante. Il
n'avait que trop bien r�ussi dans son projet: au moment o� il re�ut
l'ordre de marcher contre Zahr�, l'irritation d'Ism��l �tait telle qu'il
fallait peu de chose pour la porter au comble, et malheureusement son
p�re refusa de nouveau de lui donner autant de troupes qu'il en
demandait. En vain Ism��l lui repr�senta qu'avec le peu de soldats qu'il
avait, il lui serait impossible d'attaquer un Etat tel que Cordoue, et
que, si B�d�s venait au secours des Cordouans, comme il ne manquerait
pas de le faire puisqu'il �tait leur alli�, il serait plac� entre deux
feux. Motadhid ne voulut rien entendre; il s'emporta; dans son courroux
il appela son fils un l�che, il l'accabla de menaces, et peu s'en fallut
que des paroles il n'en v�nt aux voies de fait. �Si tu tardes � m'ob�ir,
s'�cria-t-il, je te fais couper la t�te!�

Bless� dans sa fiert� et le coeur rempli de col�re, Ism��l se met en
marche; mais il consulte Bizily�n�, et celui-ci lui persuade sans peine
que le moment est venu d'ex�cuter le projet souvent discut� entre eux. A
deux journ�es de S�ville, Ism��l annonce donc � ses officiers qu'il a
re�u de son p�re une lettre dans laquelle il lui enjoint de retourner
aupr�s de lui, attendu qu'il a encore quelque chose d'important � lui
dire. Puis, accompagn� de Bizily�n� et d'une trentaine de ses gardes �
cheval, il retourne en toute h�te � S�ville. Motadhid n'y �tait pas; il
r�sidait dans le ch�teau de Z�hir, de l'autre c�t� du fleuve, Ism��l
trouve la citadelle de S�ville faiblement gard�e. Dans la nuit il s'en
rend ma�tre, charge les tr�sors de son p�re sur des mulets, et afin que
personne ne puisse traverser le fleuve et porter � Z�hir la nouvelle de
ce qui venait d'arriver, il fait couler � fond les barques amarr�es
devant la citadelle. Puis, emmenant sa m�re et les autres femmes du
s�rail, il prend la route d'Alg�ziras.

Cependant, malgr� les soins qu'il avait pris pour emp�cher que le bruit
de son entreprise ne parv�nt aux oreilles de son p�re, celui-ci en fut
inform� par un cavalier de la suite de son fils, qui, d�sapprouvant sa
coupable conduite, passa le Guadalquivir � la nage. A l'instant m�me,
Motadhid fit battre la campagne sur tous les points par des brigades de
cavalerie, et envoya des expr�s aux gouverneurs de ses forteresses. Ils
arriv�rent � temps, et Ism��l trouva ferm�es les portes de tous les
ch�teaux qui �taient sur sa route. Craignant alors de voir les
ch�telains se r�unir pour l'attaquer, il implora la protection de
Ha���d� qui �tait gouverneur d'un ch�teau pos� sur la pointe d'une
colline aux confins du district de Sidona. Ha���d� lui accorda sa
demande, mais en stipulant qu'il resterait au pied de la colline. Puis,
accompagn� de ses soldats, il se rendit aupr�s de lui, lui conseilla de
se r�concilier avec son p�re, et lui offrit sa m�diation. Voyant que
son plan avait compl�tement �chou�, Ism��l consentit � tout ce qu'il lui
proposait. Ha���d� lui permit alors d'entrer dans le ch�teau, o� il le
traita avec tous les �gards dus � son rang, et s'empressa d'�crire �
Motadhid. Il disait dans sa lettre qu'Ism��l se repentait de son
�chauffour�e, et il suppliait le prince de lui pardonner. La r�ponse de
Motadhid ne se fit pas attendre. Elle �tait rassurante; le prince
d�clarait qu'il pardonnait � son fils.

Ism��l retourna donc � S�ville. Son p�re lui laissa tous ses biens, mais
en m�me temps il le fit �troitement garder, et ordonna que l'on coup�t
la t�te � Bizily�n� ainsi qu'� ses complices. Ism��l l'apprit, et comme
il ne connaissait que trop bien la duplicit� de son p�re, il ne vit plus
qu'un pi�ge dans le pardon qu'il avait obtenu. D�s lors son parti �tait
pris. Ayant gagn�, � force d'argent, ses gardes et quelques esclaves, il
les rassemble pendant la nuit, les arme, les fait boire pour leur donner
du courage, et escalade avec eux un endroit du palais qu'il croit facile
� surprendre. Il esp�re trouver son p�re endormi, et cette fois il est
bien r�solu de lui �ter la vie. Mais tout � coup Motadhid se montre � la
t�te de ses soldats. A sa vue, les conspirateurs prennent pr�cipitamment
la fuite. Ism��l r�ussit � franchir la muraille de la ville; mais des
soldats lanc�s � sa poursuite l'atteignent et le ram�nent prisonnier.

Au comble de la fureur, son p�re le fit tra�ner au fond du palais, et,
ayant �loign� tous les t�moins, il le tua de ses propres mains. Il s�vit
aussi contre ses complices, ses amis, ses serviteurs, et m�me contre les
femmes de son s�rail. Il y eut des mains, des nez, des pieds coup�s, des
ex�cutions publiques et secr�tes.

Sa col�re apais�e, le tyran fut en proie � une sombre tristesse, � des
remords d�chirants. Ce fils qui s'�tait r�volt� contre lui, qui avait
attent� � sa vie, qui lui avait enlev� ses tr�sors et jusqu'� ses
femmes, avait �t� bien coupable sans doute; mais il avait beau se le
dire, se le r�p�ter � tout instant, il ne pouvait oublier qu'il l'avait
aim�, r�ellement aim�, car malgr� la duret� de son �me, il avait une
tendre affection pour sa famille. Dans ce fils prudent et sage dans le
conseil, vaillant et intr�pide sur le champ de bataille, il avait vu
l'appui de sa vieillesse pr�matur�e et le continuateur de son oeuvre.
Maintenant il avait d�truit de ses propres mains ses esp�rances les plus
ch�res!

�Le troisi�me jour apr�s cette sanglante catastrophe, raconte un vizir
s�villan, j'entrai avec mes coll�gues dans la salle du conseil. Le
visage de Motadhid �tait terrible � voir; nous tremblions de peur, et en
le saluant, nous p�mes � peine balbutier quelques paroles. Le prince
nous mesura, de son regard scrutateur, des pieds � la t�te; puis,
rugissant comme un lion:--Mis�rables, s'�cria-t-il, pourquoi ce
silence? Vous vous r�jouissez en secret de mon malheur; sortez d'ici!�

Pour la premi�re fois peut-�tre cette sauvage �nergie, cette volont� de
fer, se trouva bris�e; ce coeur en apparence invuln�rable avait re�u
une blessure que le temps pourrait adoucir peu � peu, mais qui
laisserait toujours une profonde cicatrice. Pour le moment, laissant en
repos la r�publique de Cordoue, joyeuse autant qu'�tonn�e de ce r�pit,
il ne songea plus � ses vastes projets[99]; mais insensiblement il y
revint, et ce fut Malaga qui r�veilla son ambition.

Courb�s depuis plusieurs ann�es sous le joug de B�d�s, les Arabes de
Malaga maudissaient chaque jour sa tyrannie, et c'�tait du prince de
S�ville qu'ils attendaient leur d�livrance. Ils savaient bien qu'il
�tait un tyran, lui aussi; mais tyran pour tyran, ils pr�f�raient celui
qui appartenait � la m�me nation qu'eux. Ils s'entendirent donc, avec
Motadhid et tram�rent une conspiration. B�d�s lui-m�me favorisa leurs
projets par sa nonchalance, car, plong� dans une ivresse presque
continuelle, il ne s'occupait des affaires qu'� de rares intervalles. Au
jour fix�, un soul�vement g�n�ral et irr�sistible �clata dans la
capitale et dans vingt-cinq forteresses; en m�me temps des troupes
s�villanes, command�es par Motamid, le fils de Motadhid, franchirent la
fronti�re pour venir au secours des insurg�s. Pris au d�pourvu, les
Berbers furent pass�s au fil de l'�p�e; ceux qui r�ussirent � se sauver
ne durent leur salut qu'� une prompte fuite, et en moins d'une semaine,
toute la principaut� fut au pouvoir du prince de S�ville. Le ch�teau de
Malaga, o� il y avait une garnison de n�gres, �tait le seul qui ne se
f�t pas encore rendu. Bien fortifi� et situ� sur le sommet d'une
montagne, il pourrait tenir longtemps, et il �tait � craindre que B�d�s
ne profit�t de cet intervalle pour venir au secours des assi�g�s. Tel,
du moins, �tait l'avis des chefs de l'insurrection; ils conseill�rent
donc � Motamid de presser le si�ge du ch�teau, de se tenir sur ses
gardes, et de ne pas trop se fier aux Berbers qui servaient en assez
grand nombre dans son arm�e. C'�taient de sages conseils, mais Motamid
ne les �couta pas. Indolent de sa nature et nullement soup�onneux, il se
laissait f�ter par la population qu'il avait charm�e par ses mani�res
aimables, et ne pr�tait que trop l'oreille � ses officiers berbers qui,
pouss�s par une secr�te sympathie pour B�d�s, le trahissaient et
l'assuraient que bient�t le ch�teau se rendrait spontan�ment. Quant �
ses autres soldats, croyant aussi qu'aucun p�ril ne les mena�ait, ils
faisaient mauvaise garde et se livraient aux plaisirs.

Cette insouciance devint fatale � tout le monde. Les n�gres du ch�teau
ayant trouv� le moyen d'informer B�d�s qu'il lui serait facile de
surprendre l'arm�e s�villane, les troupes de Grenade se mirent en route.
Elles travers�rent les montagnes avec tant de vitesse et de pr�caution,
qu'elles entr�rent dans Malaga sans que Motamid, un instant auparavant,
e�t eu le moindre soup�on de leur approche. Elles n'eurent donc pas de
combat � livrer; tout ce qu'elles avaient � faire, c'�tait d'�gorger des
soldats d�sarm�s et pour la plupart � demi ivres. Motamid leur �chappa
en se retirant sur Ronda; mais toute la principaut� fut forc�e de se
soumettre de nouveau � la domination de B�d�s.

Que l'on se figure la rage de Motadhid lorsqu'il apprit que, par suite
de la coupable n�gligence de son fils, il avait perdu une arm�e et une
superbe principaut�! Il commen�a par ordonner que Motamid f�t retenu
prisonnier � Ronda; puis, oubliant les remords que le meurtre de son
fils a�n� lui avait caus�s, il voulut que le second pay�t de sa t�te la
faute qu'il avait commise.

Ignorant encore jusqu'� quel point son p�re �tait irrit�, Motamid lui
envoya des po�mes remplis de flatteries adroites. Il y faisait l'�loge
de sa g�n�rosit�, de sa cl�mence; il t�chait de le consoler en lui
rappelant ses anciens succ�s. �Que de victoires brillantes n'avez-vous
pas remport�es, disait-il, victoires dont on parlera toujours aux
si�cles futurs; les caravanes en ont port� le bruit dans les contr�es
les plus lointaines, et quand les Arabes du D�sert s'assemblent au
clair de la lune pour se raconter les exploits des preux, ils ne parlent
que des v�tres.� Il cherchait � s'excuser en rejetant tout sur les
perfides Berbers; il peignait avec les plus vives couleurs la tristesse
que lui causait sa disgr�ce. �Mon �me tremble, disait-il, ma voix et mes
yeux sont �teints. La couleur a disparu de mes joues, et pourtant je ne
suis pas malade; mes cheveux ont blanchi, et pourtant je suis jeune
encore. Rien ne me pla�t dor�navant; la coupe et la guitare n'ont plus
d'attrait pour moi; les jeunes filles, qu'elles soient aga�antes ou
timides, ont perdu l'empire qu'elles avaient sur mon �me. Ce n'est pas
que je me sois jet� dans la d�votion, dans la cagoterie; non, je le
jure, je sens encore bouillir dans mes veines le sang fougueux de la
jeunesse; mais la seule chose qui me plairait aujourd'hui, ce serait
d'obtenir votre pardon et de passer ma lance � travers le corps de vos
ennemis.�

Peu � peu, Motadhid se laissa fl�chir, en partie par les po�mes de son
fils, car il �tait fort sensible aux beaux vers, en partie par les
pri�res d'un pieux ermite de Ronda. Il permit donc � Motamid de
retourner � S�ville et se r�concilia avec lui[100]. Mais la principaut�
de Malaga �tait irr�vocablement perdue; d�sormais B�d�s se tint trop sur
ses gardes pour que Motadhid p�t tenter pour la seconde fois un pareil
coup de main. Il est � pr�sumer aussi que le roi de Grenade, toujours
inexorable dans sa vengeance et qui ne marchait qu'escort� de bourreaux,
aura ch�ti� par le feu, par le fer, par la fosse, les malheureux qui
avaient eu l'insolence de se r�volter contre lui, et que de cette
mani�re il aura �t� aux m�contents le d�sir de recommencer.

Au milieu de leurs maux, ils eurent cependant la consolation--et c'en
�tait une, car � leur haine de l'oppression se joignait tant soit peu de
fanatisme religieux--ils eurent la consolation, disons-nous, d'apprendre
que l'influence des juifs � la cour de Grenade avait atteint son terme.

Samuel avait cess� de vivre, mais son fils Joseph lui avait succ�d�.
C'�tait aussi un homme habile et instruit; seulement il ne savait pas,
comme son p�re, se faire pardonner � force de modestie la haute dignit�
qu'il occupait. Il �talait le faste d'un prince, et quand il allait �
cheval � c�t� de B�d�s, on n'apercevait aucune diff�rence entre le
costume du monarque et celui du ministre. Et en v�rit�, il �tait plus
roi que le roi. Il dominait compl�tement B�d�s, qui �tait plong� dans
une ivresse presque continuelle, et afin que ce prince ne tent�t pas de
se soustraire � son empire, il l'avait entour� d'espions qui lui
rapportaient jusqu'� ses moindres paroles. Au reste il n'�tait juif que
de nom. On disait du moins qu'il ne croyait pas plus � la religion de
ses anc�tres qu'� une autre, et qu'il les m�prisait toutes. Il ne semble
pas avoir attaqu� ouvertement celle de Mo�se, mais quant � celle de
Mahomet, il d�clara en public que ses dogmes �taient absurdes, et il
tourna en ridicule plusieurs versets du Coran.

Par sa fiert�, son orgueil, ses sentiments irr�ligieux et son peu de
respect pour la justice, Joseph avait bless� les Arabes, les Berbers, et
m�me les juifs. Plusieurs forfaits lui furent imput�s, et il se fit une
foule d'ennemis parmi lesquels un faqui arabe, Abou-Ish�c d'Elvira,
tenait le premier rang. La jeunesse de cet homme avait �t� orageuse;
plus tard il avait essay� d'obtenir � la cour un rang auquel sa
naissance semblait lui donner des droits; mais il n'y avait pas r�ussi:
Joseph avait frustr� ses esp�rances et l'avait envoy� en exil. Il
s'�tait jet� alors dans la d�votion; mais rempli de haine contre Joseph,
il composa contre lui et ses coreligionnaires le po�me virulent qu'on va
lire:

     Va, mon messager, va rapporter � tous les Cinh�djites, les pleines
     lunes et les lions de notre temps, ces paroles d'un homme qui les
     aime, qui les plaint et qui croirait manquer � ses devoirs
     religieux s'il ne leur donnait des conseils salutaires:

     Votre ma�tre a commis une faute dont les malveillants se
     r�jouissent: pouvant choisir son secr�taire parmi les croyants, il
     l'a pris parmi les infid�les! Gr�ce � ce secr�taire, les juifs, de
     m�pris�s qu'ils �taient, sont devenus des grands seigneurs, et
     maintenant leur orgueil et leur arrogance ne connaissent plus de
     limites. Tout � coup et sans qu'ils s'en doutassent, ils ont obtenu
     tout ce qu'ils pouvaient d�sirer; ils sont parvenus au comble des
     honneurs, de sorte que le singe le plus vil parmi ces m�cr�ants
     compte aujourd'hui parmi ses serviteurs une foule de pieux et
     d�vots musulmans. Et tout cela, ce n'est pas � leurs propres
     efforts qu'ils le doivent; non, celui qui les a �lev�s si haut est
     un homme de notre religion!... Ah! pourquoi cet homme ne suit-il
     pas � leur �gard l'exemple que lui ont donn� les princes bons et
     d�vots d'autrefois? Pourquoi ne les remet-il pas � leur place,
     pourquoi ne les rend-il pas les plus vils des mortels? Alors,
     marchant par troupes, ils m�neraient au milieu de nous une vie
     errante, en butte � notre d�dain et � notre m�pris; alors ils ne
     traiteraient pas nos nobles avec hauteur, nos saints avec
     arrogance; alors ils ne s'asseyeraient pas � nos c�t�s, ces hommes
     de race impure, et ils ne chevaucheraient pas c�te � c�te des
     grands seigneurs de la cour!

     O B�d�s! Vous �tes un homme d'une grande sagacit� et vos
     conjectures �quivalent � la certitude: comment se fait-il donc que
     vous ne voyiez pas le mal que font ces diables dont les cornes se
     montrent partout dans vos domaines? Comment pouvez-vous avoir de
     l'affection pour ces b�tards qui vous ont rendu odieux au genre
     humain? De quel droit esp�rez-vous d'affermir votre pouvoir, quand
     ces gens-l� d�truisent ce que vous b�tissez? Comment pouvez-vous
     accorder une si aveugle confiance � un sc�l�rat et en faire votre
     ami intime? Avez-vous donc oubli� que le Tout-Puissant dit dans
     l'Ecriture qu'il ne faut pas se lier avec des sc�l�rats? Ne prenez
     donc pas ces hommes pour vos ministres, mais abandonnez-les aux
     mal�dictions, car toute la terre crie contre eux; bient�t elle
     tremblera et alors nous p�rirons tous!... Portez vos regards sur
     d'autres pays et vous verrez que partout on traite les juifs comme
     des chiens et qu'on les tient � l'�cart. Pourquoi vous seul en
     agiriez-vous autrement, vous qui �tes un prince ch�ri de vos
     peuples, vous qui �tes issu d'une illustre lign�e de rois, vous qui
     primez vos contemporains, de m�me que vos anc�tres primaient les
     leurs?

     Arriv� � Grenade, j'ai vu que les juifs y r�gnaient. Ils avaient
     divis� entre eux la capitale et les provinces; partout commandait
     un de ces maudits. Ils percevaient les contributions, ils faisaient
     bonne ch�re, ils �taient magnifiquement v�tus, au lieu que vos
     hardes, � musulmans, �taient vieilles et us�es. Tous les secrets
     d'Etat leur �taient connus; quelle imprudence que de les confier �
     des tra�tres! Les croyants faisaient un mauvais repas � un _dirhem_
     par t�te; mais eux, ils d�naient somptueusement dans le palais. Ils
     vous ont supplant�s dans la faveur de votre ma�tre, � musulmans, et
     vous ne les en emp�chez pas, vous les laissez faire? Leurs pri�res
     r�sonnent tout comme les v�tres; ne l'entendez-vous pas, ne le
     voyez-vous pas? Ils tuent des boeufs et des moutons sur nos
     march�s, et vous mangez sans scrupule la chair des animaux tu�s par
     eux! Le chef de ces singes a enrichi son h�tel d'incrustations de
     marbre; il y a fait construire des fontaines d'o� coule l'eau la
     plus pure, et pendant qu'il nous fait attendre � sa porte, il se
     moque de nous et de notre religion. Dieu, quel malheur! Si je
     disais qu'il est aussi riche que vous, � mon roi, je dirais la
     v�rit�. Ah! h�tez-vous de l'�gorger et de l'offrir en holocauste;
     sacrifiez-le, c'est un b�lier gras! N'�pargnez pas davantage ses
     parents et ses alli�s; eux aussi ont amass� des tr�sors immenses.
     Prenez leur argent; vous y avez plus de droit qu'eux. Ne croyez pas
     que ce serait une perfidie que de les tuer; non, la vraie perfidie,
     ce serait de les laisser r�gner. Ils ont rompu le pacte qu'ils
     avaient conclu avec nous; qui donc oserait vous bl�mer si vous
     punissez des parjures? Comment pourrions-nous aspirer � nous
     distinguer, quand nous vivons dans l'obscurit� et que les juifs
     nous �blouissent par l'�clat des grandeurs? Compar�s avec eux, nous
     sommes m�pris�s, et l'on dirait vraiment que nous sommes des
     sc�l�rats et que ces hommes-l� sont d'honn�tes gens! Ne souffrez
     plus qu'ils nous traitent comme ils l'ont fait jusqu'� pr�sent, car
     vous nous r�pondrez de leur conduite. Rappelez-vous aussi qu'un
     jour vous devrez rendre compte � l'Eternel de la mani�re dont vous
     aurez trait� le peuple qu'il a �lu et qui jouira de la b�atitude
     �ternelle!

Ce po�me eut peu d'effet sur B�d�s, qui accordait � Joseph une confiance
illimit�e, mais il produisit parmi les Berbers une sensation profonde.
Ils jur�rent la perte du juif, et les chefs du complot r�pandirent le
bruit que Joseph s'�tait vendu � Motacim, le roi d'Alm�rie, avec lequel
on �tait alors en guerre. Puis, comme les moins cr�dules et les moins
aveugl�s par la passion leur demandaient quel int�r�t Joseph pouvait
avoir � trahir un prince qu'il gouvernait compl�tement, ils r�pondaient
que, lorsque le juif aurait fait p�rir B�d�s et qu'il aurait livr� ses
Etats � Motacim, il ferait aussi mourir ce dernier et qu'alors il
s'assi�rait sur le tr�ne. Il est � peine besoin de dire que tout cela
n'�tait qu'une pure calomnie. Le fait est que les Berbers cherchaient un
pr�texte pour faire tomber Joseph et pour piller les juifs auxquels ils
enviaient depuis longtemps leurs richesses. Croyant l'avoir trouv�
enfin, ils s'ameut�rent et assaillirent le palais royal o� Joseph
s'�tait r�fugi�. Pour �chapper � leur aveugle fureur, le juif se cacha
dans un charbonnier, o� il se noircit la figure afin de se rendre
m�connaissable; mais il fut d�couvert, reconnu, tu� et attach� sur une
croix. Puis les Grenadins s'�tant mis � massacrer les autres juifs et �
piller leurs demeures, environ quatre mille personnes devinrent les
victimes de leur haine fanatique (30 d�cembre 1066)[101].




VIII


Le reste de l'Espagne musulmane n'�tait gu�re plus tranquille que le
Midi; partout on se disputait avec acharnement les d�bris du califat, et
cependant on voyait grossir dans le Nord un torrent dont le flot
mena�ait d'engloutir tous les Etats musulmans de la P�ninsule.

Pendant un demi-si�cle les rois chr�tiens avaient eu trop � faire chez
eux pour pouvoir se poser en conqu�rants; mais vers l'ann�e 1055 les
choses chang�rent de face. A cette �poque Ferdinand Ier, roi de
Castille et de L�on, se trouva enfin � m�me de tourner toutes ses forces
contre les Sarrasins. Il �tait � pr�voir que ces derniers ne seraient
pas en �tat de lui r�sister. Tous les avantages, en effet, �taient du
c�t� des chr�tiens; ils avaient ce que leurs ennemis n'avaient plus,
l'esprit martial et l'enthousiasme religieux. Aussi les conqu�tes de
Ferdinand furent rapides et brillantes. Il enleva � Modhaffar de Badajoz
Viseu et Lamego (1057), conquit sur le roi de Saragosse les forteresses
au sud du Duero, fit une terrible razzia dans les Etats de Mamoun de
Tol�de, et s'avan�a jusqu'� Alcala de H�nar�s. Les habitants de cette
ville firent dire � leur souverain que, s'il ne se h�tait de venir �
leur secours, ils seraient bient�t oblig�s de se rendre. Trop faible
pour repousser l'ennemi, Mamoun prit le parti le plus sage: �tant venu
en personne offrir � Ferdinand une immense quantit� d'or, d'argent et de
pierres pr�cieuses, il se d�clara son vassal et son tributaire, comme
les rois de Badajoz et de Saragosse l'avaient d�j� fait[102].

Ce fut alors le tour de Motadhid. Dans l'ann�e 1063, Ferdinand vint
br�ler les villages du territoire de S�ville, et la faiblesse des Etats
musulmans �tait telle que Motadhid, quoiqu'il f�t sans contredit le
monarque le plus puissant de l'Andalousie, crut prudent de suivre
l'exemple que Mamoun lui avait donn�. Il se rendit donc au camp
chr�tien, offrit de beaux pr�sents � Ferdinand, et le supplia d'�pargner
son royaume. Ferdinand ne semble avoir connu ni la fourberie ni la
cruaut� de cet homme, auquel des cheveux blancs et un front sillonn� de
rides donnaient l'aspect imposant et v�n�rable d'un vieillard; car, bien
qu'il ne compt�t encore que quarante-sept ans, les soucis de l'ambition,
le travail, les exc�s et peut-�tre le remords avaient vieilli ses traits
avant l'�ge[103]. Il n'est donc pas �tonnant que le roi de Castille se
laiss�t toucher par ses pri�res; mais croyant devoir consulter les
grands et les �v�ques de son royaume, il les convoqua pour leur demander
quelles conditions on imposerait � Motadhid. L'assembl�e d�cida que le
roi de S�ville serait tenu de payer un tribut annuel, et de remettre �
des ambassadeurs que Ferdinand lui enverrait, le corps de sainte Juste,
vierge et martyre du temps de la pers�cution romaine. Motadhid ayant
accept� ces conditions, Ferdinand ramena son arm�e, et quand il fut de
retour � L�on, il envoya � S�ville Alvitus, �v�que de la capitale, et
Ordo�o, �v�que d'Astorga.

Les deux pr�lats avaient une double t�che � remplir: ils devaient
rapporter � L�on le corps de la sainte et r�gler l'affaire du
tribut[104]. Malheureusement les recherches que l'on fit pour d�couvrir
les reliques de sainte Juste demeur�rent inutiles. �Vous le voyez, mes
fr�res, dit alors Alvitus � ses compagnons, � moins que la mis�ricorde
divine ne nous vienne en aide, nous retournerons tromp�s dans nos
esp�rances de ce p�nible voyage. Il me semble donc n�cessaire de
demander � Dieu, par trois jours de je�nes et de pri�res, qu'il daigne
nous r�v�ler le tr�sor cach� que nous cherchons.� En cons�quence, les
chr�tiens pass�rent trois jours dans les je�nes et les pri�res, ce dont
la sant� d'Alvitus, d�j� alt�r�e au moment o� il arriva � S�ville,
souffrit beaucoup. Dans la matin�e du quatri�me jour, cet �v�que r�unit
de nouveau ses compagnons et leur dit: �Nous devons, mes bien-aim�s,
rendre gr�ce � Dieu de tout notre coeur, puisque, dans sa mis�ricorde,
il a daign� ne point frustrer notre voyage de sa r�compense. Un ordre du
ciel nous d�fend, il est vrai, de tirer d'ici les membres de la
bienheureuse Juste; mais vous rapporterez dans votre patrie un don non
moins pr�cieux, � savoir le corps du bienheureux Isidore, qui a port�
dans cette ville la mitre �piscopale, et qui, par ses oeuvres et sa
parole, fut l'ornement de l'Espagne enti�re. J'aurais voulu, mes fr�res,
veiller et prier toute cette nuit, mais m'�tant assis un instant accabl�
de fatigue, j'ai �t� vaincu par le sommeil. Alors un vieillard rev�tu de
l'habit �piscopal m'est apparu.--Je sais, m'a-t-il dit, dans quel
dessein toi et tes compagnons vous �tes venus ici; mais comme il n'entre
pas dans la volont� divine que cette ville soit attrist�e par le d�part
de sainte Juste, et que Dieu, dans son in�puisable mis�ricorde, ne veut
pas non plus que tes compagnons partent les mains vides, il leur donne
mon corps.--Qui �tes-vous qui me donnez ces ordres? lui ai-je
demand�.--Je suis le docteur de toute l'Espagne, m'a-t-il r�pondu, et
autrefois j'ai �t� le chef des pr�tres de cette ville; je suis
Isidore.--Ayant parl� ainsi, il disparut, et m'�tant �veill�, je priai
Dieu pour que, si cette vision venait de lui, il daign�t la renouveler
une deuxi�me et une troisi�me fois. Elle se renouvela en effet deux fois
encore; � chaque reprise le vieillard m'adressa les m�mes paroles, et la
troisi�me fois il ajouta, en me montrant l'endroit o� son corps est
enterr� et en le frappant trois fois d'une baguette qu'il tenait � la
main:--Ici, ici, ici, tu trouveras mon corps; et afin que tu ne
t'imagines pas que c'est un fant�me qui t'abuse, tu reconna�tras que ce
que je dis est vrai � ce signe: aussit�t que mon corps aura �t� retir�
de la terre, une maladie incurable te saisira, et, quittant ce corps
mortel, tu viendras � nous avec la couronne des justes.--Cela dit, la
vision disparut.�

Alvitus se rendit ensuite avec ses compagnons au palais de Motadhid, lui
raconta sa vision, et lui demanda la permission d'emporter le corps
d'Isidore, en remplacement de celui de sainte Juste.

Le r�cit de l'�v�que a d� produire sur Motadhid une impression
singuli�re. Sceptique et railleur, il enveloppait toutes les religions
dans un m�me d�dain, et ne croyait qu'� deux choses, l'astrologie et le
vin[105]. Il �couta n�anmoins l'�v�que avec un s�rieux imperturbable,
et quand celui-ci eut conclu sa longue harangue: �H�las! s'�cria-t-il
d'un ton de profonde tristesse, si je vous donne Isidore, que me
reste-t-il donc ici? Toutefois, que la volont� de Dieu soit faite! Vous
�tes un homme trop v�n�rable pour que je puisse vous refuser quelque
chose. Cherchez le corps d'Isidore et emportez-le, malgr� que j'en aie.�
L'Arabe, en vrai renard qu'il �tait, comprenait le parti qu'il pouvait
tirer de la pi�t� des chr�tiens, pi�t� dont il riait sous cape. Ayant un
tribut � payer, il calculait que s'il feignait d'attacher un grand prix
aux reliques, si, pour ainsi dire, il ne se les laissait arracher qu'�
son corps d�fendant, elles pourraient lui devenir fort utiles. Il
comptait faire comme le d�biteur qui, press� de payer sa dette, sait
faire entrer dans le compte quelque antiquaille, qu'il fait accepter �
son cr�ancier comme un objet d'une antiquit�, d'une raret� et d'un prix
tout � fait extraordinaires. Aussi joua-t-il son r�le jusqu'au bout, car
au moment o� l'�v�que d'Astorga (son coll�gue Alvitus venait de mourir)
s'appr�tait � quitter S�ville avec les restes d'Isidore, il vint � la
rencontre du cort�ge, jeta sur le sarcophage une couverture de brocart
charg�e d'arabesques d'un travail merveilleux, et, poussant de gros
soupirs: �Voil� que tu te retires d'ici, Isidore, homme v�n�rable!
s'�cria-t-il; tu sais pourtant quelle �troite amiti� nous unit[106]!�

L'ann�e suivante (1064) fut extr�mement d�sastreuse pour les musulmans.
Co�mbre fut oblig�e de se rendre � Ferdinand apr�s avoir soutenu un
si�ge de six mois. En vertu de la capitulation, plus de cinq mille des
d�fenseurs de la place furent livr�s au vainqueur; les autres quitt�rent
leurs demeures n'emportant avec eux que l'argent n�cessaire � leur
voyage. Ce n'�tait pas tout encore: tous les musulmans qui demeuraient
entre le Duero et le Mondego re�urent l'ordre de quitter le pays[107].
Ferdinand tourna ensuite ses armes contre le royaume de Valence, o� le
faible et indolent Abdalm�lic-Modhaffar, qui avait succ�d� � son p�re
Abdalaz�z en 1061, r�gnait alors. La capitale fut assi�g�e; mais voyant
qu'elle �tait difficile � prendre, les Castillans eurent recours � une
ruse pour la priver de ses d�fenseurs. Ils feignirent de se retirer et
alors les Valenciens sortirent pour les poursuivre rev�tus de leurs
habits de f�te, tant ils croyaient la victoire facile. Leur audace leur
co�ta cher. Pr�s de Paterna, � gauche de la route qui m�ne de Valence �
Murcie, ils furent assaillis � l'improviste par les Castillans. La
plupart furent massacr�s et leur roi ne dut son salut qu'� la vitesse de
son cheval[108]. La prise de la forteresse de Barbastro, l'une des plus
importantes dans le Nord-est, fut aussi un affreux malheur. Elle tomba
au pouvoir d'une arm�e de Normands, command�e par Guillaume de
Montreuil, qui �tait alors g�n�ral en chef des troupes du pape, et qui,
dans les romans de chevalerie, porte le nom de Guillaume au Court nez.
Le sort des vaincus fut terrible. Les soldats de la garnison s'�taient
rendus apr�s avoir stipul� qu'ils auraient la vie sauve, mais �tant
sortis de la ville, ils furent presque tous massacr�s. Les habitants ne
furent pas mieux trait�s. Eux aussi avaient obtenu l'_am�n_, et ils
s'appr�taient � quitter la ville, lorsque Guillaume de Montreuil, � qui
leur grand nombre inspirait des inqui�tudes, ordonna � ses soldats
d'�claircir leurs rangs. La boucherie ne cessa qu'apr�s que six mille
personnes eurent perdu la vie. Puis on enjoignit � tous ceux qui
poss�daient une maison de rentrer dans la ville avec leurs femmes et
leurs enfants. Ils ob�irent, et alors les Normands divis�rent tout entre
eux. �Chaque chevalier qui recevait une maison pour son partage, dit un
auteur arabe de ce temps, recevait en outre tout ce qu'il y avait
dedans, les femmes, les enfants, l'argent etc., et il pouvait faire du
ma�tre de la maison tout ce qu'il voulait; aussi prenait-il tout ce que
le ma�tre lui montrait, et il le for�ait par des tortures de tout genre
� lui livrer ce qu'il pr�tendait lui cacher. Parfois le musulman rendait
l'�me au milieu de ces tortures, ce qui �tait r�ellement un bonheur pour
lui, car s'il y survivait, il avait � �prouver des douleurs encore plus
grandes, attendu que les m�cr�ants, par un raffinement de cruaut�,
prenaient plaisir � violer les femmes et les filles de leurs prisonniers
devant les yeux de ceux-ci. Charg�s de fers, ces infortun�s �taient
forc�s d'assister � ces sc�nes horribles; ils versaient bien des larmes
et leur coeur se brisait.� Heureusement pour les musulmans, Guillaume
et ses compagnons ne tard�rent pas � quitter l'Espagne pour aller jouir
dans leur patrie des immenses richesses qu'ils avaient acquises. Il ne
resta donc � Barbastro qu'une garnison assez faible, et Moctadir de
Saragosse, qui avait re�u de Motadhid un renfort de cinq cents
cavaliers, profita de cette circonstance pour reprendre la ville dans le
printemps de l'ann�e suivante (1065)[109].

Cependant Ferdinand continuait ses efforts pour s'emparer de Valence, et
quoique le roi de cette ville e�t re�u des renforts de son beau-p�re,
Mamoun de Tol�de, il se trouvait dans une position fort dangereuse,
lorsque Ferdinand tomba malade, ce qui le contraignit � retourner �
L�on. Abdalm�lic, toutefois, n'eut gu�re lieu de s'en f�liciter, car en
novembre il fut d�tr�n� et enferm� dans la forteresse de Cuenca par son
beau-p�re, qui incorpora le royaume de Valence dans ses Etats[110].

Bient�t apr�s, la mort vint d�livrer les musulmans de leur plus terrible
adversaire. Par sa bravoure, sa pi�t� et la puret� de ses moeurs,
Ferdinand avait �t� le mod�le des rois: une mort belle et sainte
couronna dignement une vie belle et sainte aussi. Arriv� � L�on le
samedi 24 d�cembre, il s'empressa d'aller prier dans l'�glise qu'il
avait d�di�e � saint Isidore, convaincu que le moment approchait o� son
corps y reposerait pour toujours. Ensuite il prit quelques heures de
repos dans son palais, mais la nuit il retourna � l'�glise, o� les
pr�tres c�l�braient par des chants solennels la f�te de la nativit� du
Seigneur, et quand ils entonn�rent, selon la liturgie de Tol�de encore
en usage alors, le dernier nocturne des matines, l'_Advenit nobis_, il
m�la sa voie affaiblie � la leur. Au lever de l'aube, il les pria de
dire la messe, et, ayant re�u l'eucharistie, il se fit reconduire � son
lit, marchant p�niblement appuy� sur les serviteurs de sa maison. Le
lendemain dans la matin�e, il se fit rev�tir de ses habits royaux et
reporter � l'�glise, o� il s'agenouilla devant l'autel, et, d�posant le
manteau royal et la couronne, il dit d'une voix encore claire: �A toi
sont la puissance et le r�gne, Seigneur! Tu es le roi des rois; � toi
sont les royaumes du ciel et de la terre. Je te rends donc celui que tu
m'as donn� et que j'ai gouvern� tant qu'il a plu � ta divine volont�. Je
te prie seulement de recevoir dans ta mis�ricorde mon �me arrach�e au
gouffre de ce monde.� Puis, prostern� sur les dalles, il implora en
pleurant le pardon de ses p�ch�s, re�ut l'extr�me onction de la main
d'un �v�que, et, le corps rev�tu d'un cilice, la t�te couverte de
cendre, il attendit la mort, le regard plein de foi et de r�signation.
Le lendemain, mardi, � l'heure de sexte, il rendit son �me � Dieu, ou
plut�t il s'endormit, tant son visage �tait demeur� calme et
souriant[111].

Une autre mort, moins sainte � coup s�r, suivit d'assez pr�s celle-l�:
Motadhid de S�ville expira le samedi 28 f�vrier de l'ann�e 1069. Deux
ans auparavant il avait incorpor� Carmona dans son royaume, et un peu
plus tard il s'�tait souill� d'un nouveau meurtre, en poignardant de sa
propre main un patricien de S�ville, Abou-Haf� Hauzan�[112]. Au reste
son esprit, dans les derni�res ann�es de sa vie, �tait obs�d� par de
noirs pressentiments. Il ne redoutait pas de voir succomber sous les
attaques des Castillans le tr�ne qu'il avait fond� � force de ruses, de
trahisons, de perfidies; la pr�diction de ses astrologues dont nous
avons d�j� parl� et qui disait que sa dynastie serait renvers�e par des
hommes n�s hors de la P�ninsule, donnait � ses craintes une autre
direction. Longtemps il avait pens� que ces �trangers �taient les
Berbers qui demeuraient dans son voisinage; mais � pr�sent qu'il les
avait extermin�s et qu'il croyait d�j� avoir vaincu l'arr�t des astres,
il commen�ait � soup�onner qu'il s'�tait tromp�. De l'autre c�t� du
D�troit une nu�e de barbares, qu'une esp�ce de proph�te avait arrach�s �
leurs d�serts, marchaient � la conqu�te de l'Afrique avec la rapidit� et
l'enthousiasme des premiers musulmans. Dans ces sectaires, qui se
donnaient le nom d'Almoravides, Motadhid voyait les conqu�rants futurs
de l'Espagne, et aucun raisonnement ne pouvait dissiper les craintes
qu'ils lui inspiraient. Un jour qu'il lisait et relisait une lettre
qu'il avait re�ue de Sacaute, le prince de Ceuta, et qui portait que
l'avant-garde des Almoravides venait d'�tablir son camp dans la plaine
de Maroc, un de ses vizirs s'�cria: �Comment se peut-il, seigneur, que
cette nouvelle vous cause des soucis? Ah, vraiment, c'est une belle
r�sidence que cette pauvre plaine de Maroc, surtout quand on la compare
� la belle, � la magnifique S�ville! Qu'est-ce que cela vous fait que
ces barbares soient arriv�s l�? Entre eux et nous il y a des d�serts, de
nombreuses arm�es et les ondes de l'oc�an.--Je suis convaincu qu'un jour
ils arriveront ici, lui r�pondit Motadhid d'une voix sombre; tu le
verras peut-�tre toi-m�me. Ecris sur-le-champ au gouverneur d'Alg�ziras,
ordonne-lui de fortifier Gibraltar encore davantage, dis-lui qu'il se
tienne sur ses gardes et qu'il �pie avec la plus grande attention tout
ce qui se passe au del� du D�troit.� Puis, promenant ses regards sur ses
fils: �Puiss�-je savoir, dit-il, qui de nous sera frapp� par le malheur
qui nous menace! Sera-ce vous ou moi?--Que Dieu vous �pargne � mes
d�pens, mon p�re, s'�cria alors Motamid, et qu'il m'envoie tous les
malheurs, quels qu'ils soient, qu'il vous destinait!�[113]

Cinq jours avant sa mort, �prouvant d�j� un certain malaise, une
certaine pesanteur de corps et d'esprit, Motadhid fit venir un de ses
chanteurs, un Sicilien, et lui enjoignit de chanter n'importe quoi. Il
�tait r�solu � regarder comme un pr�sage les paroles de l'air que le
chanteur choisirait. Or, celui-ci se mit � chanter un de ces airs � la
fois suaves et tristes dont la litt�rature arabe est si riche, et qui
commen�ait ainsi:

     Jouissons de la vie, car nous savons qu'elle sera finie bient�t!
     M�le donc le vin � l'eau des nuages, � ma bien-aim�e, et
     donne-le-nous!

Il chanta cinq vers de cette chanson, de sorte que par une co�ncidence
singuli�re, mais qui para�t bien av�r�e, le nombre des vers r�pondait
justement � celui des jours que Motadhid vivrait encore.

Deux jours apr�s, le jeudi 26 f�vrier, son amour paternel--car nous
avons d�j� dit que, malgr� sa cruaut�, il avait r�ellement une profonde
affection pour ses enfants--re�ut une atteinte extr�mement douloureuse
par la mort d'une fille qu'il adorait. Dans la soir�e du vendredi, il
assista � ses fun�railles, le coeur gonfl� de tristesse; mais la
c�r�monie achev�e, il se plaignit d'un violent mal de t�te. Son m�decin
venu, il eut une h�morragie qui faillit le suffoquer. Le m�decin voulut
le saigner; mais Motadhid, en patient peu soumis qu'il �tait, lui
ordonna d'attendre jusqu'au lendemain. C'est ce qui h�ta sa mort, car le
lendemain, samedi, l'h�morragie recommen�a. Elle fut encore plus
violente que la premi�re fois, et, ayant perdu l'usage de la parole,
Motadhid rendit le dernier soupir[114].

Son fils Motamid, que nous t�cherons de faire conna�tre, lui succ�da.




IX.


N� en 1040, Motamid, �g� de onze ou douze ans seulement, avait �t� nomm�
par son p�re au gouvernement de Huelva, et, peu de temps apr�s, il avait
command� l'arm�e s�villane qui assi�geait Silves. Ce fut � cette
occasion qu'il fit la connaissance d'un aventurier qui ne comptait que
neuf ans de plus que lui et qui �tait appel� � jouer un r�le
consid�rable dans sa destin�e.

Il s'appelait Ibn-Amm�r. N� dans un hameau aux environs de Silves, de
parents arabes, mais pauvres et obscurs, il avait commenc� par �tudier
les belles lettres � Silves et � Cordoue; puis il s'�tait mis �
parcourir l'Espagne, afin de gagner le pain du jour en composant des
pan�gyriques pour tous ceux qui �taient en �tat de les payer; car,
tandis que les po�tes en renom auraient cru d�roger, s'ils eussent
compos� des po�mes pour d'autres que pour des princes ou des vizirs, ce
pauvre jeune homme inconnu et mal habill�, qui excitait l'hilarit� des
uns et la piti� des autres par sa longue pelisse et sa petite calotte,
s'estimait heureux si quelque parvenu enrichi daignait lui jeter les
miettes de sa table en �change de ses vers, qui pourtant avaient du
m�rite. Un jour il arriva � Silves dans un moment de g�ne excessive,
n'ayant que son mulet et ne sachant comment faire pour nourrir ce fid�le
compagnon de ses mis�res. Heureusement il se souvint d'un homme fort �
m�me de le seconder, s'il le voulait, d'un riche n�gociant de la ville,
qui, � d�faut de connaissances litt�raires, avait du moins assez de
vanit� pour go�ter une ode compos�e � sa louange. Le pauvre po�te en
�crivit une, la lui envoya et lui fit conna�tre sa d�tresse. Flatt� dans
son amour-propre, le n�gociant lui fit parvenir un sac d'orge. En
recevant ce pr�sent assez ch�tif, Ibn-Amm�r se disait bien que le
marchand aurait pu lui envoyer tout aussi bien un sac de froment; mais
il n'en fut pas moins fort joyeux, et nous verrons que dans la suite il
sut se montrer reconnaissant envers son bienfaiteur.

Le talent po�tique d'Ibn-Amm�r ne tarda pas � �tre connu et lui valut
l'honneur d'�tre pr�sent� � Motamid. Il lui plut extr�mement, et comme
ils aimaient tous les deux les plaisirs, les aventures de toute sorte et
surtout les beaux vers, une amiti� intime s'�tablit bient�t entre eux.
Aussi, d�s que Silves eut �t� pris et que Motamid en eut �t� nomm�
gouverneur, il s'empressa de cr�er un vizirat pour son ami et lui
abandonna le gouvernement de la province[115].

Les beaux jours pass�s � Silves, ce s�jour enchanteur o� tout le monde
�tait po�te alors[116] et que l'on appelle encore aujourd'hui le paradis
du Portugal, ne s'effac�rent jamais du souvenir de Motamid. Son coeur
ne s'�tait pas encore ouvert � l'amour; quelques vives fantaisies
s'�taient bien empar�es de son imagination, mais elles s'�taient
�vanouies sans lui avoir apport� des jouissances durables[117]. Pour lui
c'�tait le temps de l'amiti� enthousiaste, et il s'abandonnait � ce
sentiment sans arri�re-pens�e, avec toute la fougue de son �ge. Quant �
Ibn-Amm�r, n'ayant pas �t� �lev� comme le prince au sein de l'opulence,
du luxe et du bonheur; ayant connu au contraire, d�s le matin de la vie,
les luttes, le d�couragement, les cruelles d�ceptions et l'indigence,
son imagination �tait moins fra�che, moins riante, moins jeune; il ne
pouvait se d�fendre d'une certaine ironie, il �tait d�j� sceptique sur
bien des points.... Un jour de vendredi les deux amis se rendaient � la
mosqu�e, lorsque Motamid, entendant le mo�zzin annoncer l'heure de la
pri�re, improvisa ce vers, en priant Ibn-Amm�r d'y ajouter un second sur
le m�me m�tre et la m�me rime:

    --Voici le mo�zzin qui annonce l'heure de la pri�re;

    --En le faisant, il esp�re que Dieu lui pardonnera ses nombreux
     p�ch�s, r�pliqua Ibn-Amm�r.

    --Qu'il soit heureux, puisqu'il porte t�moignage � la v�rit�,
     continua le prince;

    --Pourvu, toutefois, qu'il croie dans son coeur ce qu'il dit avec
     sa langue, r�pliqua en souriant le vizir[118].

Chose �trange, mais qu'on s'explique cependant quand on songe qu'il
avait appris de bonne heure � conna�tre les hommes et � se m�fier d'eux:
Ibn-Amm�r doutait m�me de l'amiti�, si tendre et si illimit�e pourtant,
que lui portait le jeune prince; il avait beau faire, il ne pouvait
chasser les sombres pressentiments qui maintefois venaient obs�der son
esprit, surtout pendant les festins, car il avait le vin triste. On
raconte � ce sujet une aventure singuli�re et bizarre � coup s�r, mais
qui n�anmoins semble vraie, car ce r�cit repose sur les t�moignages les
plus respectables en ce cas, ceux de Motamid et d'Ibn-Amm�r eux-m�mes.
Un soir, dit-on, Motamid avait invit� Ibn-Amm�r � un souper. Il l'avait
choy� plus encore que de coutume, et quand les autres convives se
retir�rent, il le conjura de rester et de partager son lit. Le vizir
c�da � ses instances; mais � peine endormi, il entendit une voix qui lui
dit: �Malheureux, il te tuera un jour!� Saisi de frayeur, Ibn-Amm�r
s'�veilla en sursaut; mais t�chant de chasser de son cerveau ces noires
id�es qu'il attribuait aux fum�es du vin, il parvint enfin � se
rendormir. Cependant il entendit ces sinistres paroles pour la seconde,
pour la troisi�me fois. N'y tenant plus alors, et convaincu que c'�tait
un avertissement surnaturel, il se leva sans faire de bruit, et, s'�tant
envelopp� le corps d'une natte, il alla se blottir dans un coin du
portique, r�solu � s'�vader aussit�t que les portes du palais
s'ouvriraient, car il voulait gagner un port de mer et s'embarquer pour
l'Afrique.

Cependant Motamid, s'�tant �veill� � son tour et ne trouvant pas son ami
� ses c�t�s, poussa un cri d'alarme qui fit accourir tous ses
serviteurs. On se mit � fouiller, � fureter le palais en tous sens.
Motamid lui-m�me dirigeait les recherches. Voulant examiner si la porte
avait �t� ouverte, il arriva dans le portique o� Ibn-Amm�r se tenait
cach�. Celui-ci se trahit par un mouvement involontaire, au moment m�me
o� les regards du prince s'arr�taient sur la natte dont il s'�tait
envelopp�. �Qu'est-ce qui remue donc sous cette natte?� s'�cria Motamid,
et, les serviteurs y courant tous pour la fouiller, Ibn-Amm�r se montra
dans le plus piteux �tat du monde, n'ayant pour tout v�tement qu'un
cale�on, tremblant de tous ses membres, et rougissant de honte sans
qu'il os�t lever les yeux. A sa vue, Motamid fondit en pleurs. �O
Abou-Becr, s'�cria-t-il, qu'as-tu donc pour agir ainsi?� Puis, voyant
que son ami tremblait toujours, il l'entra�na doucement dans sa chambre,
o� il t�cha de tirer de lui le secret de son �trange conduite. Il
demeura longtemps sans y r�ussir. En proie � un violent paroxysme
nerveux, partag� entre le ridicule de sa position et la peur, Ibn-Amm�r
pleurait et riait � la fois. S'�tant calm� enfin, il avoua tout. Motamid
ne fit que rire de sa confession. �Cher ami, dit-il en lui serrant
affectueusement la main, les vapeurs du vin t'ont offusqu� le cerveau et
tu as eu le cauchemar, voil� tout. Crois-tu donc que je serais jamais en
�tat de te tuer, toi, mon �me, toi, ma vie? Mais ce serait commettre un
suicide! Et maintenant, t�che d'oublier ces vilains r�ves et n'en
parlons plus.�

�Ibn-Amm�r, dit un historien arabe, essaya en effet d'oublier cette
aventure et y r�ussit; mais � la fin, nombre de jours et de nuits
s'�tant �coul�s dans l'intervalle, il lui arriva ce que nous raconterons
plus tard[119].�

Quand les deux amis n'�taient pas � Silves, ils �taient � S�ville, o�
ils se livraient aux plaisirs de toute sorte qu'offrait cette brillante
et d�licieuse capitale. Souvent ils allaient, sous un d�guisement
quelconque, � la _Prairie d'argent_, sur les bords du Guadalquivir, o�
le peuple, hommes et femmes, venait chercher ses divertissements. C'est
l� que Motamid rencontra pour la premi�re fois celle qui �tait destin�e
� devenir la compagne de sa vie. Se promenant un soir avec son ami dans
la Prairie d'argent, il arriva que la brise effleura l'eau de la
rivi�re, et que Motamid improvisa ce vers, apr�s avoir pri� Ibn-Amm�r
d'y ajouter un second:

     La brise a converti l'eau en cuirasse....

Mais Ibn-Amm�r ne trouvant pas instantan�ment une r�plique, une jeune
fille du peuple qui se trouvait dans leur voisinage, la donna ainsi:

     Cuirasse magnifique, en effet, un jour de combat, pourvu que l'eau
     se f�t congel�e.

Emerveill� d'entendre une jeune fille improviser plus promptement
qu'Ibn-Amm�r, fort renomm� cependant pour ce talent, Motamid la regarda
avec attention. Il fut frapp� de sa beaut�, et appelant aussit�t un
eunuque qui le suivait � quelque distance, il lui ordonna de conduire
l'improvisatrice � son palais, vers lequel il se h�ta de retourner.

Quand la jeune fille fut arriv�e en sa pr�sence, il lui demanda qui elle
�tait et quel �tait son �tat.

--Je me nomme Itim�d, r�pondit-elle; ordinairement on m'appelle
Romaiquia, car je suis esclave de Romaic, et quant � ma profession, je
suis muleti�re.

--Dites-moi, �tes-vous mari�e?

--Non, mon prince.

--Tant mieux alors, car je vais vous acheter de votre ma�tre et vous
�pouser[120].

Pendant toute sa vie, Motamid aima Romaiquia d'un amour inalt�rable.
Elle avait tout pour lui plaire. On la comparait parfois � Wall�da, de
Cordoue, la Sapho de ce temps-l�. Cette comparaison, juste sous certains
rapports, ne l'�tait pas sous d'autres. N'ayant pas re�u une �ducation
soign�e, Romaiquia ne pouvait rivaliser avec Wall�da en savoir; mais
elle ne lui �tait pas inf�rieure pour la conversation spirituelle, les
bons mots, les heureuses et na�ves saillies, les r�pliques vives et
ing�nieuses, et la surpassait peut-�tre par ses gr�ces naturelles et
presque enfantines, son enjouement et son espi�glerie[121]. Ses caprices
et ses fantaisies faisaient le bonheur et le d�sespoir de son �poux,
oblig� de les satisfaire � tout prix, car une fois qu'elle s'�tait mis
une id�e dans la t�te, rien ne pouvait l'y faire renoncer. Un jour, au
mois de f�vrier, elle regarda, de l'embrasure d'une fen�tre du palais �
Cordoue, tomber des flocons de neige, spectacle assez rare dans ce pays
o� il n'y a presque pas d'hiver. Tout � coup elle se mit � pleurer.

--Qu'as-tu donc, ma ch�re amie? lui demanda son mari.

--Ce que j'ai? lui r�pondit-elle en sanglotant; j'ai que tu es un
barbare, un tyran, un monstre! Vois donc comme c'est joli la neige,
comme c'est beau, comme c'est magnifique, comme ces moelleux flocons
s'attachent gentiment aux branches des arbres; et toi, ingrat que tu es,
tu ne songes pas seulement � me procurer ce superbe spectacle chaque
hiver; jamais tu n'as eu l'id�e de m'emmener dans quelque pays o� il
tombe toujours de la neige!

--Ne te d�sesp�re pas ainsi, ma vie, mon bien, lui r�pondit le prince en
essuyant les larmes qui sillonnaient ses joues; tu auras ta neige chaque
hiver, et ici m�me, je t'en r�ponds.

Et il ordonna de planter des amandiers sur toute la Sierra de Cordoue,
afin que les blanches fleurs de ces beaux arbres qui fleurissent d�s que
les gel�es sont pass�es, rempla�assent pour Romaiquia les flocons de
neige qu'elle avait tant admir�s[122].

Une autre fois elle vit des femmes du peuple qui p�trissaient de leurs
pieds nus le limon dont on voulait faire des briques, et se mit �
pleurer. Son mari lui ayant demand� la cause de son chagrin:

--Ah! je suis bien malheureuse, lui dit-elle, depuis le jour o�
m'arrachant � la vie joyeuse et libre que je menais dans ma masure, tu
m'as enferm�e dans ce triste palais et charg�e des lourdes cha�nes de
l'�tiquette! Regarde donc ces femmes, l�-bas, au bord de la rivi�re! Je
voudrais comme elles p�trir le limon de mes pieds nus, mais, h�las!
condamn�e par toi � �tre riche et sultane, je ne le puis pas!

--Si fait, tu le pourras, lui r�pondit le prince en souriant.

Et � l'instant m�me il descendit dans la cour du palais et y fit
apporter une �norme quantit� de sucre, de cannelle, de gingembre et de
parfumeries de toute esp�ce; puis, la cour �tant enti�rement couverte de
ces ingr�dients pr�cieux, il les fit mouiller d'eau rose et p�trir �
force de bras, si bien qu'ils form�rent une esp�ce de limon. Tout cela
fait:

--Veuille descendre dans la cour avec tes suivantes, dit le prince �
Romaiquia; le limon t'y attend.

La sultane y alla, et, s'�tant d�chauss�e de m�me que ses suivantes,
toutes se mirent � plonger leurs pieds, avec une ga�t� fol�tre, dans ce
limon aromatique.

C'�tait l� une fantaisie bien dispendieuse; aussi Motamid savait-il la
rappeler au besoin � sa capricieuse �pouse dont les d�sirs ne
connaissaient pas de bornes. Un jour, ayant demand� une chose que le
prince ne pouvait lui accorder:

--Ah! je suis bien � plaindre, s'�cria-t-elle. D�cid�ment je suis la
plus malheureuse des femmes, car je prends Dieu � t�moin que jamais tu
n'as fait la moindre chose pour me plaire.

--Pas m�me le jour du limon? lui demanda Motamid d'une voix douce et
tendre.

Romaiquia rougit et n'insista pas davantage[123].

Force nous est d'ajouter que les ministres de la religion ne
pronon�aient jamais le nom de cette s�millante sultane qu'avec une
sainte horreur. Ils la consid�raient comme le plus grand obstacle � la
conversion de son mari, sans cesse entra�n� par elle, disaient-ils, dans
un tourbillon de plaisirs et de volupt�s, et si les mosqu�es �taient
d�sertes le vendredi, ils en imputaient la faute � elle. Romaiquia
riait de leurs clameurs; insouciante et �tourdie, elle ne soup�onnait
pas, la pauvrette, que ces hommes deviendraient redoutables un
jour![124]

Au reste, malgr� son amour, Motamid continuait d'accorder � Ibn-Amm�r
une large place dans son coeur. Une fois, �tant loin de Romaiquia avec
son ami, il lui �crivit une lettre dans laquelle il fit entrer ces six
vers acrostiches:

     =I=nvisible � mes yeux, tu es toujours pr�sente � mon coeur.

     =T=on bonheur puisse-t-il �tre infini comme le sont mes soucis, mes
     larmes et mes insomnies!

     =I=mpatient du frein quand d'autres femmes veulent me l'imposer, je
     me soumets docilement � tes moindres souhaits.

     =M=on voeu de chaque instant, c'est d'�tre � tes c�t�s. Ah!
     puisse-t-il �tre exauc� bient�t!

     =A=mie de mon coeur, pense � moi et ne m'oublie pas, quelque longue
     que soit l'absence!

     =D=oux nom que le tien! Je viens de l'�crire, je viens de tracer ces
     lettres ch�ries: _Itim�d_[125].

Il termina sa lettre par ces mots: �Bient�t je viendrai te revoir,
pourvu, toutefois, qu'All�h et Ibn-Amm�r le veuillent bien.�

Ayant re�u connaissance de cette phrase, Ibn-Amm�r adressa ces vers �
son ami:

     Ah! mon prince, je n'ai jamais d'autre d�sir, moi, que de faire ce
     que vous voulez; je me laisse conduire par vous comme le voyageur
     nocturne se laisse guider par les �clairs �blouissants. Voulez-vous
     retourner aupr�s de celle qui vous est ch�re, montez alors sur un
     fin voilier,--je vous suis;--ou bien, sautez en selle,--je vous
     suis encore. Ensuite, quand, gr�ce � la protection divine, nous
     serons arriv�s dans la cour de votre palais, vous me laisserez
     retourner seul � ma demeure, et vous-m�me, sans vous donner le
     temps de d�poser votre �p�e, vous irez vous jeter aux pieds de la
     belle � la ceinture d'or; puis, rattrapant le temps perdu, vous
     l'embrasserez, vous la presserez contre votre poitrine, tandis que
     votre bouche et la sienne murmureront de douces paroles, de m�me
     que les oiseaux se r�pondent par des chants m�lodieux au lever de
     l'aurore[126].

Partageant son coeur entre l'amiti� et l'amour, le jeune prince menait
une vie charmante; mais elle fut troubl�e tout � coup: son p�re frappa
Ibn-Amm�r d'une sentence d'exil. Ce fut pour les deux amis un coup de
foudre; mais qu'y faire? Motadhid �tait in�branlable dans ses
r�solutions une fois prises. Ibn-Amm�r passa dans le Nord, et notamment
� Saragosse, les tristes ann�es de son exil, jusqu'� ce que Motamid, qui
comptait alors vingt-neuf ans, succ�d�t � son p�re[127]. Le prince
s'empressa de rappeler aupr�s de lui l'ami de son adolescence, et lui
laissa le choix entre les divers emplois du royaume. Ibn-Amm�r se
d�cida pour le gouvernement de la province o� il �tait n�. Bien qu'il le
v�t � regret s'�loigner de sa personne, Motamid lui accorda n�anmoins sa
demande[128]; mais au moment o� son ami lui disait adieu, les charmants
souvenirs de son s�jour � Silves et toutes ces premi�res �motions qui ne
laissent aucune amertume dans le coeur se ranimaient en lui, et il
improvisa ces vers:

     Salue � Silves les endroits ch�ris que tu sais, � Abou-Becr, et
     demande-leur s'ils ont gard� mon souvenir. Salue surtout le
     Char�dj�b, ce superbe palais dont les salles sont remplies de lions
     et de blanches beaut�s, de sorte que l'on se croirait tant�t dans
     un antre, tant�t dans un s�rail[129], et dis-lui qu'il y a ici un
     jeune chevalier qui en tout temps br�le du d�sir de le revoir. Que
     de nuits n'ai-je pas pass�es l�, � c�t� d'une jeune beaut� aux
     larges hanches, � la mince ceinture! Que de fois les jeunes filles
     blanches ou cuivr�es m'y ont perc� le coeur de leurs doux
     regards, comme si leurs yeux eussent �t� des �p�es ou des lances!
     Que de nuits n'ai-je pas pass�es aussi dans le vallon au bord de la
     rivi�re avec la belle chanteuse dont le bracelet ressemblait � la
     lune dans son croissant! Elle m'enivrait de toutes les mani�res,
     tant�t de ses regards, tant�t du vin qu'elle m'offrait, tant�t,
     enfin, de ses baisers. Puis, quand elle jouait sur sa guitare un
     air guerrier, je croyais entendre le cliquetis des �p�es et me
     sentais saisi d'une ardeur martiale. D�licieux moment surtout que
     celui o�, ayant �t� sa robe, elle m'apparut svelte et flexible
     comme un rameau de saule! �La fleur, me disais-je alors, est sortie
     du bouton[130].�

Ibn-Amm�r fit son entr�e dans Silves entour� d'un cort�ge superbe et
avec une pompe telle que Motamid lui-m�me, quand il �tait gouverneur de
la province, n'en avait jamais d�ploy� une pareille; mais il se fit
pardonner cette bouff�e d'orgueil par un noble acte de reconnaissance,
car, ayant appris que le n�gociant qui l'avait secouru dans sa d�tresse
alors qu'il n'�tait encore qu'un pauvre po�te ambulant, vivait encore,
il lui envoya un sac rempli de pi�ces d'argent. Ce sac �tait celui-l�
m�me que le n�gociant lui avait fait parvenir rempli d'orge; Ibn-Amm�r
l'avait soigneusement conserv�. Pourtant il ne dissimula point � son
ancien bienfaiteur qu'il avait trouv� son pr�sent un peu mesquin, car il
lui fit dire ces paroles: �Si autrefois vous nous eussiez envoy� ce sac
rempli de froment, nous vous l'aurions renvoy� rempli d'or[131].�

Il ne resta pas longtemps � Silves. Ne pouvant vivre sans lui, Motamid
le rappela � la cour, apr�s l'avoir nomm� premier ministre[132].




X.


Comme Motamid et son ministre aimaient avant tout la po�sie, la cour de
S�ville devint le rendez-vous des meilleurs po�tes de l'�poque. Les
rimailleurs n'avaient aucune chance d'y faire fortune, car Motamid �tait
un critique s�v�re qui examinait avec soin chaque po�me qu'on lui
pr�sentait et qui en pesait chaque expression, chaque syllabe[133]; mais
quand il s'agissait d'un po�te de talent, sa g�n�rosit� ne connaissait
pas de bornes. Un jour il entendit r�citer ces deux vers:

     La fid�lit� � tenir ses promesses est � pr�sent une chose bien
     rare. Vous ne trouverez personne qui pratique cette vertu, personne
     m�me qui y songe. C'est quelque chose de fabuleux comme le griffon,
     ou comme ce conte qui dit qu'un po�te re�ut un jour un pr�sent de
     mille ducats.

--De qui sont ces vers? demanda-t-il.

--D'Abd-al-djal�l, lui r�pondit-on.

--Eh quoi! s'�cria-t-il alors, un de mes serviteurs, un bon po�te,
regarde un pr�sent de mille ducats comme quelque chose de fabuleux?

Et � l'instant m�me il fit remettre mille ducats � Abd-al-djal�l[134].

Une autre fois il s'entretenait avec un des po�tes siciliens qui �taient
venus � sa cour apr�s que leur patrie eut �t� conquise par Roger le
Normand, lorsqu'on lui apporta des pi�ces d'or qui sortaient de l'h�tel
de la monnaie. Il en donna deux bourses au Sicilien; mais celui-ci, non
content de ce cadeau, tout magnifique qu'il �tait, regardait d'un oeil
de convoitise une figurine en ambre, incrust�e de perles, qui se
trouvait dans la salle et qui repr�sentait un chameau. �Seigneur, dit-il
enfin, votre pr�sent est superbe, mais il est lourd, et je crois qu'il
me faudrait un chameau pour le transporter � ma demeure.--Le chameau est
� toi,� lui r�pondit Motamid en souriant[135].

En g�n�ral, pourvu qu'on e�t de l'esprit, on �tait sur de plaire �
Motamid, f�t-on po�te ou autre chose, f�t-on m�me voleur de grands
chemins, t�moin l'histoire du _Faucon gris_. Le Faucon gris--on ne le
d�signait que par ce sobriquet--avait �t� longtemps le plus grand voleur
de l'�poque, l'effroi et le fl�au des habitants des campagnes; mais
�tant enfin tomb� entre les mains de la justice, il fut condamn� � �tre
crucifi� sur la grande route, afin que les paysans pussent �tre t�moins
de son supplice. Toutefois, comme il faisait une chaleur �touffante le
jour o� cet arr�t fut ex�cut�, la route �tait peu fr�quent�e. Au pied de
la croix sur laquelle le voleur avait �t� clou�, se tenaient sa femme et
ses filles. Elles pleuraient � chaudes larmes. �H�las! disaient-elles,
quand tu ne seras plus, nous devrons mourir de faim!� Or le Faucon gris
�tait un homme tr�s-compatissant, un coeur d'or, et la pens�e que sa
famille tomberait dans la mis�re lui fendait l'�me. Justement il vit
arriver un marchand forain qui chevauchait sur un mulet charg� de pi�ces
d'�toffe et d'autres marchandises qu'il allait vendre dans les villages
voisins.

--H�, seigneur, lui cria-t-il, je me trouve ici dans une position assez
d�sagr�able comme vous voyez, mais vous pourriez me rendre un grand
service duquel vous profiteriez beaucoup vous-m�me.

--Comment cela? demanda l'autre.

--Vous voyez ce puits l�-bas?

--Oui, je le vois.

--Fort bien! Sachez donc qu'au moment o� j'ai eu la b�tise de me laisser
prendre par ces maudits gendarmes, j'ai jet� cent ducats dans ce puits
qui est � sec. Peut-�tre voudriez-vous bien avoir la complaisance de
vous d�ranger pour les tirer de l�; en ce cas je vous en laisserai la
moiti�. Voici ma femme et mes filles qui tiendront votre mulet jusqu'�
ce que vous ayez fini.

S�duit par l'app�t du gain, le marchand prit aussit�t une corde, en
attacha un bout au bord du puits, et se laissa glisser ainsi jusqu'au
fond.

--Alerte maintenant! dit alors le Faucon gris � sa femme; coupe la
corde, prends le mulet et fuis au plus vite avec ces enfants!

Tout cela fut fait en un clin d'oeil. Le marchand criait comme un
forcen�, mais comme la campagne �tait presque d�serte, un temps assez
consid�rable s'�coula avant qu'un passant v�nt � son secours, et ce
passant n'�tant pas assez fort pour le tirer du puits, il fallut
attendre jusqu'� ce qu'un second v�nt l'aider. Arrach� enfin � sa prison
souterraine, le marchand dut r�pondre � ses lib�rateurs qui lui
demandaient ce qu'il �tait all� faire dans ce puits. Il leur raconta
donc sa m�saventure avec force impr�cations contre le voleur qui l'avait
si indignement tromp�. Bient�t elle fut connue de toute la ville; elle
parvint m�me aux oreilles de Motamid, qui ordonna de d�tacher le Faucon
gris de sa croix et de le lui amener. Quand il fut arriv� en sa
pr�sence:

--Tu es bien certainement le plus grand fripon qui existe, lui dit-il,
puisque m�me la perspective de la mort ne suffit pas pour te faire
renoncer � tes mauvais tours.

--Ah! mon prince, lui r�pondit le voleur, si vous saviez comme moi quel
d�lice c'est que de voler, vous jetteriez votre manteau royal aux orties
et vous ne feriez que cela.

--Maudit coquin! s'�cria le prince en riant aux �clats. Mais voyons,
parlons s�rieusement! Supposons que je te donne la vie, que je le rende
la libert�, que je le mette en �tat de gagner ton pain d'une mani�re
honorable, et que je t'assigne un traitement qui suffise � tes besoins,
t'amenderas-tu alors, abandonneras-tu ton d�testable m�tier?

--On fait beaucoup pour sauver sa vie, seigneur, m�me on s'amende.
Tenez, vous serez content de moi!

Le Faucon gris tint sa parole. Nomm� brigadier de gendarmerie, il
inspira dor�navant autant d'effroi � ses anciens confr�res, qu'il en
avait inspir� jadis aux paysans[136].

Au reste, Motamid menait joyeuse vie, sans trop s'occuper des affaires
de l'Etat. �A mon avis, disait-il dans un de ses po�mes, �tre sage,
c'est ne pas l'�tre[137].� Les festins absorbaient une partie de son
temps, et puisqu'il voulait se montrer galant chevalier, force lui �tait
d'en consacrer le reste aux jeunes beaut�s de son s�rail. Ce n'est pas
qu'il e�t cess� d'aimer Romaiquia; au contraire, il l'aimait toujours
avec passion; mais comme selon le code bizarre qui r�git l'amour dans
les pays musulmans, on peut se passer quelques fantaisies sans devenir
infid�le pour cela, il adressait aussi de temps en temps ses hommages �
d'autres dames, sans que Romaiquia, s�re de r�gner en souveraine sur le
coeur de son �poux, y trouv�t � redire. La belle Aim�e �tait
charmante, et quand il buvait � sa sant�, le prince trouvait au vin plus
de bouquet qu'� l'ordinaire[138]. Luna lui tenait compagnie alors qu'il
�tudiait les vers des anciens po�tes ou qu'il �crivait les siens, et si
le soleil s'avisait de jeter un regard indiscret dans le cabinet
d'�tude, elle �tait l� pour l'intercepter; �car elle sait, disait le
prince, que la lune seule peut �clipser le soleil[139].� Plus prude,
plus rev�che, La Perle avait parfois des caprices; alors elle se mettait
en col�re, et il fallait que Motamid se donn�t des peines infinies pour
l'apaiser. Une fois qu'il s'�tait attir� son courroux, il lui �crivit
pour lui pr�senter ses excuses. Elle lui r�pondit bien, mais sans placer
son propre nom en t�te de sa lettre, comme la coutume le voulait.

     H�las! elle ne m'a pas encore pardonn�, dit alors le prince;
     autrement elle aurait mis son nom en t�te de son billet. Elle sait
     que je l'adore, son nom, mais elle est si f�ch�e contre moi
     qu'elle ne veut pas l'�crire. �Quand il le verra, s'est-elle dit,
     il va le baiser. Eh bien, par Dieu! il ne le verra pas[140].�

Quelle gentille garde malade que La F�e! Le prince priait Allah de lui
accorder comme une faveur d'�tre constamment val�tudinaire, pourvu qu'il
ne manqu�t pas de la voir constamment � son chevet, cette gracieuse
gazelle aux l�vres pourpr�es[141].

On se tromperait, cependant, si l'on s'imaginait que Motamid n�glige�t
enti�rement de continuer l'oeuvre de son p�re et de son a�eul.
Quoiqu'il n'e�t pas autant d'ambition qu'eux, il fit n�anmoins ce qu'ils
avaient essay� en vain de faire: d�s la seconde ann�e de son r�gne, il
r�unit Cordoue � son royaume.

Son p�re, il est vrai, lui avait fray� la route, et les circonstances le
second�rent admirablement. Six ann�es auparavant, en 1064, le vieux
pr�sident de la r�publique, Abou-'l-Wal�d ibn-Djahwar, s'�tait d�mis de
ses fonctions en faveur de ses deux fils, Abd�rame et Abdalm�lic. Il
avait confi� � l'a�n� tout ce qui regardait les finances et
l'administration, et il avait donn� au cadet, pour lequel il avait un
grand faible, le commandement militaire[142]. Le cadet �clipsa bient�t
son a�n�; cependant tout alla bien tant que dura l'influence de
l'habile vizir Ibn-as-Sacc�. Cet homme d'Etat inspirait du respect �
tous les ennemis d�clar�s ou couverts de la r�publique, et m�me �
Motadhid. Aussi ce dernier comprit que, pour arriver � ses fins, il
devait commencer par le faire tomber. Il t�cha donc de le rendre suspect
� Abdalm�lic ibn-Djahwar, et il y r�ussit. Ibn-as-Sacc� fut mis � mort,
et cet �v�nement eut pour la r�publique les suites les plus f�cheuses.
Les officiers et les soldats, qui avaient �t� fort attach�s au vizir,
donn�rent pour la plupart leur d�mission, tandis qu'Abdalm�lic se
rendait odieux � ses concitoyens par sa duret� et sa nonchalance. En
outre, il semble avoir aboli peu � peu tout ce qui restait encore debout
des institutions r�publicaines.

Le pouvoir d'Abdalm�lic chancelait donc d�j�, lorsque Mamoun de Tol�de
vint assi�ger Cordoue dans l'automne de l'ann�e 1070. N'ayant presque
plus d'arm�e (sa cavalerie �tait r�duite � deux cents hommes, et encore
�taient-ils fort mal dispos�s), Abdalm�lic demanda du secours � Motamid.
Il obtint ce qu'il d�sirait: Motamid lui envoya des renforts
tr�s-consid�rables, et l'arm�e tol�dane fut forc�e de se retirer; mais
Abdalm�lic n'y gagna rien; au contraire, les chefs de l'arm�e s�villane,
agissant d'apr�s les ordres secrets de leur souverain, s'entendirent
avec les Cordouans pour �ter le pouvoir � Abdalm�lic et pour le donner
au roi de S�ville. Ce complot fut tram� dans le plus grand myst�re, de
sorte qu'Abdalm�lic ne se doutait de rien. Dans la matin�e du septi�me
jour apr�s le d�part de Mamoun, il �tait sur le point de sortir pour
faire la reconduite aux S�villans, qui avaient annonc� qu'ils s'en
retourneraient ce jour-l�, lorsque des cris s�ditieux frapp�rent son
oreille. Il regarde, il voit son palais entour� par ses soi-disant
auxiliaires et par le peuple. Presque au m�me instant on l'arr�te, de
m�me que son p�re et tout le reste de sa famille.

Motamid fut proclam� seigneur de Cordoue, et les Beni-Djahwar furent
men�s prisonniers � l'�le de Salt�s; mais le vieux Abou-'l-Wal�d ne
surv�cut que quarante jours � son infortune[143].

Le roi po�te parle de cette conqu�te comme s'il se f�t agi de celle
d'une beaut� un peu hautaine.

     J'ai obtenu d'embl�e, disait-il, la main de la belle Cordoue, de
     cette fi�re amazone qui, le glaive et la lance � la main,
     repoussait tous ceux qui la recherchaient en mariage. A pr�sent
     nous c�l�brons, elle et moi, nos noces dans son palais, tandis que
     les autres rois, mes rivaux rebut�s, pleurent de rage et tremblent
     de crainte. Tremblez, et pour cause, vils ennemis! car bient�t le
     lion viendra fondre sur vous[144].

Cependant Mamoun ne se tenait pas pour battu; au contraire, il �tait
r�solu � se rendre ma�tre de Cordoue, quoi qu'il d�t lui en co�ter.
Accompagn� de son alli�, Alphonse VI, il vint ravager les environs de la
ville; mais il fut repouss� par le jeune gouverneur Abb�d, un fils de
Motamid et de Romaiquia[145]. Alors Ibn-Oc�cha s'engagea � le mettre en
possession de la ville qu'il convoitait. C'�tait un homme farouche et
sanguinaire, un ancien bandit de la montagne, mais qui ne manquait pas
de talents et qui connaissait bien Cordoue, o� il avait d�j� jou� un
r�le. Nomm� gouverneur d'une forteresse, il se mit � former des
intrigues et des complots � Cordoue, ce qui ne lui �tait pas difficile,
car beaucoup de citoyens �taient m�contents de la marche des affaires.
Le prince Abb�d donnait, il est vrai, de belles esp�rances, mais comme
il �tait encore trop jeune pour gouverner par lui-m�me, le pouvoir �tait
entre les mains du commandant de la garnison, Mohammed, fils de Martin,
un chr�tien d'origine � ce qu'il para�t. Or, cet homme, assez bon soldat
du reste, �tait cruel, sanguinaire et d�bauch�. Aussi les Cordouans le
d�testaient, et plusieurs d'entre eux ne se firent pas scrupule
d'entrer en relations avec Ibn-Oc�cha. Cependant ce dernier ne r�ussit
pas � tenir ses men�es tout � fait secr�tes. Un officier s'aper�ut que
l'ex-brigand venait souvent la nuit aux portes de la ville et qu'il
avait alors des entretiens fort suspects avec des soldats de la
garnison. C'est ce qu'il rapporta � Abb�d; mais ce prince ne fit pas
grande attention � cet avis, et renvoya celui qui le lui donnait �
Mohammed, fils de Martin. Celui-ci le renvoya, � son tour, � des
officiers subalternes. En un mot, l'un se d�chargeait sur l'autre des
mesures � prendre, et personne ne fit son devoir.

Cependant Ibn-Oc�cha se tenait sans cesse aux aguets, et en janvier
1075, il profita, pour s'introduire avec ses hommes dans la ville, d'une
nuit orageuse et extr�mement obscure, apr�s quoi il marcha droit au
palais d'Abb�d. Il n'y trouva pas de garde, et il �tait sur le point
d'en enfoncer la porte, lorsque le prince, r�veill� par le portier, vint
lui barrer le passage avec une poign�e d'esclaves et de soldats. Malgr�
son extr�me jeunesse, il se d�fendit comme un lion, et il avait d�j�
forc� les assaillants � �vacuer le vestibule, lorsque le pied lui
glissa. Un homme de la bande fondit aussit�t sur lui et le tua. On
laissa son cadavre dans la rue; il �tait presque nu, car, r�veill� en
sursaut, Abb�d n'avait pas eu le temps de s'habiller.

Ensuite Ibn-Oc�cha conduisit ses hommes � la maison du commandant.
Celui-ci s'attendait si peu � �tre attaqu�, qu'au moment m�me o� l'on
faisait irruption dans sa demeure, il regardait danser des alm�es. Moins
brave qu'Abb�d, il se cacha lorsqu'il entendit le cliquetis des �p�es
dans la cour; mais sa retraite ayant �t� d�couverte, il fut arr�t�, et,
dans la suite, tu�.

Aux premiers rayons de l'aube, pendant qu'Ibn-Oc�cha courait de maison
en maison afin de persuader aux nobles de faire cause commune avec lui,
un im�m qui se rendait � la mosqu�e, vint � passer devant le palais
d'Abb�d. Ses regards tomb�rent sur un corps qui gisait l�, nu et sans
vie. Reconnaissant, non sans peine, dans ce cadavre souill� de boue
celui du jeune prince, il lui rendit un pieux, un dernier honneur, en le
couvrant de son manteau. A peine fut-il parti qu'Ibn-Oc�cha arriva au
m�me endroit, entour� de cette tourbe qui, dans les grandes villes,
pousse des cris d'all�gresse � chaque r�volution. Sur son ordre, la t�te
d'Abb�d fut d�tach�e du cadavre et promen�e par les rues sur la pointe
d'une pique. A ce spectacle, les soldats de la garnison jet�rent leurs
armes, et t�ch�rent de sauver leur vie par une fuite pr�cipit�e.
Ibn-Oc�cha rassembla alors les Cordouans dans la grande mosqu�e, et leur
enjoignit de pr�ter serment � Mamoun. Bien qu'il y en e�t plusieurs qui
�taient sinc�rement attach�s � Motamid, la peur fut si grande et si
g�n�rale, que tout le monde s'empressa d'ob�ir. Peu de jours apr�s,
Mamoun arriva en personne. En apparence, il fut tr�s-reconnaissant
envers Ibn-Oc�cha; il le combla d'honneurs et l'on e�t dit qu'il lui
accordait une confiance illimit�e; mais en r�alit�, il ha�ssait et
craignait cet ancien bandit endurci au crime et qui �tait homme �
l'assassiner lui-m�me au besoin, avec autant de sang-froid qu'il avait
fait �gorger le jeune Abb�d. Aussi cherchait-il avidement un pr�texte,
une occasion, pour l'�loigner sans bruit, sans �clat, de son royaume. Ce
dessein, il ne le cachait pas toujours � ses courtisans, et un jour
qu'Ibn-Oc�cha venait de le quitter, il poussa un long soupir, et, le
regard enflamm� de col�re, il murmura quelques paroles de mauvais
augure; puis un ami d'Ibn-Oc�cha ayant os� dire quelque chose en sa
faveur: �Laisse-l� ces vains propos! lui dit Mamoun; celui qui ne
respecte pas la vie des princes n'est pas fait pour les servir.�

Un mois plus tard (juin 1075), le sixi�me de son s�jour � Cordoue,
Mamoun mourut empoisonn�.... Un de ses courtisans fut accus� d'avoir
commis ce crime; mais Ibn-Oc�cha y aurait-il �t� �tranger? On a peine �
le croire.

Que l'on se transporte maintenant � la cour de S�ville et que l'on se
figure la douleur de Motamid, alors qu'il re�ut la nouvelle doublement
fatale de la perte de Cordoue et de la mort de son fils, de son
premier-n� qu'il ch�rissait jusqu'� l'idol�trie! Et pourtant il y eut
dans ce noble coeur un sentiment qui parla plus haut que la douleur,
plus haut surtout que le d�sir de la vengeance: ce fut un sentiment de
profonde gratitude envers cet im�m qui avait eu la d�licatesse de
couvrir de son manteau le cadavre d'Abb�d. Il regrettait de ne pouvoir
le r�compenser, car il ne connaissait pas m�me son nom, et s'appropriant
un vers qu'un ancien po�te avait compos� dans une occasion semblable:
�H�las! dit-il, j'ignore quel est celui qui a couvert mon fils de son
manteau, mais je sais que c'est un homme noble et g�n�reux[146].�

Pendant trois ans, les efforts qu'il fit pour reconqu�rir Cordoue et
venger la mort de son fils sur Ibn-Oc�cha, demeur�rent inutiles, jusqu'�
ce qu'enfin il pr�t Cordoue d'assaut, le mardi 4 septembre 1078. Pendant
qu'il entrait dans la ville par une porte, Ibn-Oc�cha en sortait par une
autre; mais Motamid lan�a � sa poursuite des cavaliers qui r�ussirent �
l'atteindre. Sachant qu'il n'avait pas de pardon � attendre de la part
d'un p�re dont il avait fait �gorger le fils, l'ancien brigand voulut au
moins vendre ch�rement sa vie et se rua sur ses ennemis comme un buffle
en fureur; mais il succomba sous le nombre. Motamid fit clouer son
cadavre sur une croix, avec un chien � c�t�, et la conqu�te de Cordoue
fut suivie de celle de tout le pays tol�dan qui s'�tendait entre le
Guadalquivir et le Guadiana[147].

C'�taient de beaux succ�s, mais la m�daille avait son revers. En
comparaison des autres rois andalous, Motamid �tait un prince puissant;
toutefois il n'�tait pas plus ind�pendant qu'eux; lui aussi �tait
tributaire. D'abord il l'avait �t� de Garcia, troisi�me fils de
Ferdinand et roi de Galice[148], et il l'�tait d'Alphonse VI, depuis que
celui-ci s'�tait empar� des royaumes de ses deux fr�res, Sancho et
Garcia. Or, Alphonse �tait un suzerain fort incommode: ne se contentant
pas d'un tribut annuel, il mena�ait de temps en temps de s'approprier
les Etats de ses vassaux arabes. Une fois, entre autres, il vint
envahir, � la t�te d'une nombreuse arm�e, le territoire de S�ville. Une
consternation indicible r�gnait parmi les musulmans, trop faibles pour
se d�fendre. Seul le premier ministre, Ibn-Amm�r, ne d�sesp�rait pas.
Il ne comptait point sur l'arm�e s�villane; essayer de vaincre avec elle
les troupes chr�tiennes, c'e�t �t� une tentative chim�rique; mais il
connaissait Alphonse, car souvent il avait �t� � sa cour[149]; il le
savait ambitieux, mais aussi � demi arabis�, c'est-�-dire facile �
gagner pourvu que l'on conn�t ses go�ts, ses caprices, ses fantaisies.
C'�tait sur cela qu'il comptait, et, sans perdre de temps � organiser la
r�sistance � main arm�e, il fit fabriquer un �chiquier tellement
magnifique qu'aucun roi n'en poss�dait un pareil. Les pi�ces en �taient
d'�b�ne et de bois de sandal; elles �taient incrust�es d'or. Muni de cet
�chiquier, il se rendit, sous un pr�texte quelconque, au camp
d'Alphonse, lequel le re�ut fort honorablement, car Ibn-Amm�r �tait du
petit nombre des musulmans qu'il estimait.

Un jour Ibn-Amm�r montra son �chiquier � un noble castillan qui
jouissait aupr�s d'Alphonse d'une grande faveur. Ce noble en parla au
roi, et celui-ci dit � Ibn-Amm�r:

--De quelle force �tes-vous aux �checs?

--Mes amis sont d'opinion que je joue assez bien, lui r�pondit
Ibn-Amm�r.

--On m'a dit que vous poss�dez un �chiquier superbe.

--C'est vrai, seigneur.

--Pourrais-je le voir?

--Sans doute, mais � une condition: nous jouerons ensemble; si je perds,
l'�chiquier vous appartiendra; mais si je gagne, je pourrai exiger ce
que je veux.

--J'y consens.

On apporta l'�chiquier, et Alphonse, stup�fait de la beaut� et de la
finesse du travail, s'�cria en faisant le signe de la croix:

--Bon Dieu! jamais je n'aurais cru que l'on p�t parvenir � faire un
�chiquier avec tant d'art!

Puis, quand il l'eut suffisamment admir�:

--Qu'est-ce que vous disiez donc, seigneur? reprit-il; quelles �taient
vos conditions?

Ibn-Amm�r les ayant r�p�t�es:

--Non, par Dieu! je ne joue pas quand l'enjeu m'est inconnu; vous
pourriez me demander une chose que je ne serais pas � m�me de vous
accorder.

--Comme vous voulez, seigneur, r�pondit froidement Ibn-Amm�r, et il
ordonna � ses serviteurs de reporter l'�chiquier dans sa tente.

On se s�para; mais Ibn-Amm�r n'�tait pas homme � se laisser rebuter si
facilement. Sous le sceau du secret, il confia � quelques nobles
castillans ce qu'il exigerait d'Alphonse au cas o� il gagnerait la
partie, et leur promit des sommes fort consid�rables s'ils voulaient le
seconder. S�duits par l'app�t de l'or et suffisamment rassur�s sur les
intentions de l'Arabe, ces nobles s'engag�rent � le servir; et quand
Alphonse qui, de son cot�, br�lait du d�sir de poss�der le superbe
�chiquier, les consulta sur ce qu'il ferait, ils lui dirent: �Si vous
gagnez, seigneur, vous poss�derez un �chiquier que chaque roi vous
enviera, et dussiez-vous perdre, que pourrait-il vous demander, cet
Arabe? S'il fait une demande indiscr�te, ne sommes-nous pas l�, ne
saurons-nous pas le mettre � la raison?� Ils parl�rent si bien
qu'Alphonse se laissa vaincre. Il fit donc avertir Ibn-Amm�r qu'il
l'attendait avec son �chiquier, et quand le vizir fut arriv�:

--J'accepte vos conditions, lui dit-il; jouons donc!

--Avec grand plaisir, lui r�pondit Ibn-Amm�r; mais faisons les choses
dans les r�gles; permettez qu'un tel et un tel--et il nomma plusieurs
nobles castillans--soient nos t�moins.

Le roi y consentit, et d�s que les nobles qu'Ibn-Amm�r avait nomm�s
furent arriv�s, le jeu commen�a.

Alphonse perdit la partie.

--Puis-je maintenant demander ce que je veux, comme nous en sommes
convenus? demanda alors Ibn-Amm�r.

--Sans doute, r�pliqua le roi; voyons, qu'exigez-vous?

--Que vous retourniez dans vos Etats avec votre arm�e.

Alphonse p�lit. En proie � une excitation fi�vreuse, il mesurait la
salle � grands pas, se rasseyait, puis se remettait � marcher.

--Me voil� pris, dit-il enfin � ses nobles, et c'est vous qui en �tes la
cause. Je craignais une demande de cette nature de la part de cet homme,
mais vous me rassuriez, vous me disiez que je pouvais �tre tranquille;
je cueille � pr�sent le fruit de vos d�testables conseils!

Puis, apr�s quelques moments de silence:

--Que me fait sa condition apr�s tout? s'�cria-t-il; je ne m'en soucie
pas le moins du monde, et je vais continuer ma marche.

--Seigneur, lui dirent alors les Castillans, ce serait forfaire �
l'honneur, ce serait manquer � sa parole, et vous, le plus grand roi de
la chr�tient�, vous �tes incapable de faire une telle chose.

A la fin, quand Alphonse se fut calm� un peu:

--Eh bien! reprit-il, je tiendrai ma parole; mais en compensation de
cette exp�dition manqu�e, il me faut au moins un double tribut cette
ann�e.

--Vous l'aurez, seigneur, dit alors Ibn-Amm�r; et il s'empressa de faire
remettre � Alphonse l'argent qu'il demandait, de sorte que cette fois le
royaume de S�ville, menac� d'une terrible invasion, en fut quitte pour
la peur, gr�ce � l'habilet� du premier ministre[150].




XI.


Non content d'avoir sauv� le royaume de S�ville, Ibn-Amm�r voulut aussi
en �tendre les limites. C'�tait surtout la principaut� de Murcie qui
tentait son ambition. Elle avait fait partie, d'abord des Etats de
Zohair, ensuite du royaume de Valence; mais � l'�poque dont nous
parlons, elle �tait ind�pendante. Le prince qui y r�gnait, Abou-Abd�rame
ibn-T�hir, �tait un Arabe de la tribu de Cais. Immens�ment riche, car il
poss�dait la moiti� du pays, il �tait en m�me temps un esprit
tr�s-cultiv�[151]; mais il avait peu de troupes, de sorte que sa
principaut� �tait facile � conqu�rir. Ibn-Amm�r s'en aper�ut, lorsque,
dans l'ann�e 1078[152], il passa par Murcie pour se rendre, on ne sait
pour quel motif, aupr�s du comte de Barcelone, Raymond-B�renger II,
surnomm� Cap d'�toupe � cause de sa chevelure abondante, et il profita
de l'occasion pour lier amiti� avec quelques nobles murciens qui �taient
m�contents d'Ibn-T�hir, ou qui du moins �taient pr�ts � le trahir
moyennant finances. Ensuite, quand il fut arriv� aupr�s de Raymond, il
lui offrit dix mille ducats, s'il voulait l'aider � conqu�rir Murcie. Le
comte accepta cette proposition, et, pour la s�ret� de l'ex�cution du
trait�, il remit son neveu � Ibn-Amm�r. De son c�t�, le vizir lui promit
que, si l'argent n'�tait pas l� au temps fix�, le fils de Motamid,
Rach�d, qui commanderait l'arm�e s�villane, servirait d'otage; mais
Motamid ignorait cette clause du trait�, et comme Ibn-Amm�r se tenait
convaincu que l'argent arriverait � temps, il croyait qu'il n'y aurait
pas lieu de l'appliquer.

Les troupes de S�ville se mirent en campagne r�unies � celles de
Raymond, et l'on attaqua la principaut� de Murcie; mais comme Motamid
laissa passer, avec sa nonchalance ordinaire, le terme stipul�, le comte
se crut tromp� par Ibn-Amm�r, et dans sa col�re il le fit arr�ter de
m�me que Rach�d. Les soldats s�villans essay�rent bien de les d�livrer,
mais ils furent battus et forc�s � la retraite.

Motamid �tait � cette �poque en route pour Murcie, emmenant � sa suite
le neveu du comte; mais comme il marchait lentement, il n'�tait encore
que sur les bords du Guadiana-menor, qu'il ne pouvait passer � cause de
la crue des eaux, lorsque des fuyards de son arm�e se montr�rent sur
l'autre rive. Parmi eux se trouvaient deux cavaliers auxquels Ibn-Amm�r
avait donn� ses instructions. Ils pouss�rent aussit�t leurs montures
dans le fleuve, et, l'ayant travers�, ils apprirent � Motamid les
�v�nements d�plorables qui avaient eu lieu. Ils ajout�rent toutefois
qu'Ibn-Amm�r esp�rait recouvrer bient�t la libert�, et ils pri�rent le
prince, en son nom, de rester o� il �tait. Motamid ne le fit pas.
Constern� des nouvelles qu'il venait de recevoir et fort inquiet du sort
de son fils, il r�trograda jusqu'� Ja�n, apr�s avoir fait jeter dans les
fers le neveu du comte.

Dix jours apr�s, Ibn-Amm�r, qui avait �t� �largi, arriva dans le
voisinage de Ja�n; mais n'osant se pr�senter aux regards de Motamid,
dont il craignait la col�re, il lui envoya ces vers:

     Croirai-je � mes propres pressentiments, ou bien pr�terai-je
     l'oreille aux conseils de mes compagnons? Ex�cuterai-je mon
     dessein, ou bien resterai-je ici avec mon escorte? Quand j'ob�is
     aux �lans de mon coeur, je m'avance, s�r de trouver les bras de
     l'ami ouverts pour me recevoir; mais quand je raisonne, je retourne
     sur mes pas. L'amiti� m'entra�ne en avant; mais le souvenir de la
     faute que j'ai commise me repousse. Quelle chose �trange que les
     arr�ts de la destin�e! Qui m'e�t pr�dit qu'un jour il me serait
     plus doux d'�tre loin de vous que pr�s de vous? Je vous crains
     parce que vous avez le droit de m'�ter la vie;--j'esp�re en vous
     parce que je vous aime de tout mon coeur. Ayez piti� de celui
     dont vous connaissez l'attachement in�branlable, de celui qui n'a
     d'autre m�rite que de vous aimer sinc�rement. Je n'ai fait rien qui
     puisse fournir des armes contre moi aux envieux, rien qui prouve de
     ma part, soit n�gligence, soit pr�somption; mais vous-m�me, vous
     m'avez expos� � une terrible calamit�, vous avez �mouss� mon �p�e,
     vous l'avez bris�e. Certes, si je ne me rappelais vos nombreux
     bienfaits, qui ont �t� pour moi ce que la pluie est pour les
     branches des arbres, je ne me laisserais pas consumer ainsi par
     d'affreux tourments, et je ne dirais pas que ce qui est arriv�, est
     arriv� par ma faute. J'implore � genoux votre cl�mence, je vous
     supplie de me pardonner; mais duss�-je �prouver aupr�s de vous le
     souffle de l'�pre vent du nord, je m'�crierais cependant: O brise
     douce � mon coeur!

Motamid, qui devait sentir qu'il �tait coupable lui-m�me, ne r�sista pas
� l'appel qu'Ibn-Amm�r faisait � son amiti�, et lui r�pondit par ces
vers:

     Viens reprendre ta place � mes c�t�s! Viens sans rien craindre, car
     des bont�s t'attendent, et non des reproches. Sois convaincu que je
     t'aime trop pour pouvoir t'affliger; rien, tu le sais, ne m'est
     plus agr�able que de te voir content et joyeux. Quand tu viendras
     ici, tu me trouveras, comme tu m'as trouv� toujours, pr�t �
     pardonner au p�cheur, cl�ment envers mes amis. Je te traiterai avec
     bienveillance comme par le pass�, et je te pardonnerai ta faute, si
     faute il y a; car l'Eternel ne m'a pas donn� un coeur dur, et je
     n'ai pas l'habitude d'oublier une amiti� ancienne et sacr�e.

Rassur� par cette r�ponse, Ibn-Amm�r vola aux pieds de son souverain.
Ils convinrent entre eux d'offrir au comte la libert� de son neveu et
les dix mille ducats auxquels il avait droit, pourvu qu'il �larg�t
Rach�d. Mais Raymond ne se contenta pas de la somme stipul�e; au lieu de
dix mille ducats, il en exigea trente mille. Comme Motamid ne les avait
pas, il en fit frapper avec un alliage tr�s-consid�rable. Heureusement
pour lui, le comte ne s'aper�ut de cette fraude qu'apr�s avoir rendu la
libert� � Rach�d[153].

Malgr� le mauvais succ�s de sa premi�re tentative, Ibn-Amm�r ne cessa de
convoiter Murcie. Il pr�tendit avoir re�u, de la part de quelques nobles
murciens, des lettres qui donnaient de grandes esp�rances, et il fit si
bien que Motamid lui permit enfin d'aller assi�ger Murcie avec l'arm�e
s�villane.

Arriv� � Cordoue, il s'y arr�ta vingt-quatre heures afin de r�unir � ses
troupes la cavalerie qui se trouvait dans cette ville. Il passa la nuit
en compagnie du gouverneur Fath, un fils de Motamid, et il fut si
enchant� de sa conversation spirituelle et piquante, que, lorsqu'un
eunuque vint lui annoncer que l'aurore commen�ait � para�tre, il
improvisa ce vers:

     Va-t-en, imb�cile! toute cette nuit a �t� une aurore pour moi.
     Comment aurait-il pu en �tre autrement, puisque Fath me tenait
     compagnie?

Continuant sa marche, il arriva dans le voisinage d'un ch�teau qui
portait encore le nom de Baldj, le chef des Arabes syriens au huiti�me
si�cle, et dont un Arabe qui appartenait � la tribu de Baldj, � savoir
celle de Cochair[154], �tait gouverneur. Cet Arabe, qui s'appelait
Ibn-Rach�c, vint � sa rencontre et le pria de se reposer dans le
ch�teau. Ibn-Amm�r accepta cette invitation. Le ch�telain le traita
magnifiquement et ne n�gligea rien pour s'insinuer dans sa faveur. Il
n'y r�ussit que trop bien. Ibn-Amm�r ne tarda pas � lui accorder sa
confiance; mais jamais il ne l'avait plac�e si mal.

Accompagn� de son nouvel ami, il alla mettre le si�ge devant Murcie. Peu
de temps apr�s, Mula se rendit � lui. C'�tait pour les Murciens une
perte fort grave, car les vivres devaient leur arriver de ce c�t�-l�;
aussi Ibn-Amm�r ne douta-t-il pas que la ville ne se rend�t sous peu,
et, ayant confi� Mula � la garde d'Ibn-Rach�c, auquel il laissa une
partie de sa cavalerie, il retourna � S�ville avec le reste de son
arm�e. Quand il y fut arriv�, il re�ut des lettres de son lieutenant.
Elles portaient que Murcie �tait ravag�e par la famine, et que des
citoyens influents, auxquels on avait promis des postes lucratifs,
s'�taient engag�s � seconder les assi�geants. �Demain ou apr�s-demain,
dit alors Ibn-Amm�r, nous apprendrons que Murcie est prise.� Sa
pr�diction s'accomplit. Des tra�tres ouvrirent � Ibn-Rach�c les portes
de la ville; Ibn-T�hir fut jet� en prison, et tous les habitants
pr�t�rent serment � Motamid[155].

Aussit�t qu'Ibn-Amm�r, transport� de joie, eut re�u ces nouvelles, il
demanda � Motamid la permission de se rendre dans la ville conquise.
Motamid la lui accorda sans h�siter. Alors le vizir, qui voulait
r�compenser noblement les Murciens, se fit donner quantit� de chevaux et
de mulets qui appartenaient aux �curies royales; il en emprunta d'autres
� ses amis, et quand il en eut environ deux cents � sa disposition, il
les fit charger d'�toffes pr�cieuses, apr�s quoi il se mit en marche,
tambour battant et banni�res d�ploy�es. Dans chaque ville qu'il
traversait, il se fit remettre les caisses de l'Etat. Son entr�e dans
Murcie fut un v�ritable triomphe. Le lendemain il donna audience, mais
en tranchant du souverain, car il �tait coiff� d'un bonnet tr�s-haut,
tel que son ma�tre avait coutume d'en porter dans les occasions
solennelles, et quand on lui pr�sentait des p�titions, il �crivait au
bas: �Qu'il en soit ainsi, s'il pla�t � Dieu,� sans nommer Motamid.

Cette conduite pr�somptueuse ne ressemblait que trop � une r�volte.
Motamid, du moins, en jugea ainsi. Cependant il ne se mit pas en col�re:
un sentiment de tristesse et de d�couragement s'empara de lui; il
voyait s'�vanouir tout � coup le r�ve qu'il avait caress� pendant
vingt-cinq ans! L'instinct de son coeur l'avait donc abus�! L'amiti�
d'Ibn-Amm�r, ses protestations de d�sint�ressement, de d�vo�ment
in�branlable, tout cela n'avait donc �t� que mensonge et hypocrisie! Et
pourtant il �tait moins coupable peut-�tre qu'il ne le paraissait aux
yeux de son souverain. Il avait, il est vrai, une vanit� excessive et
absurde; mais il n'est nullement certain qu'il ait eu la coupable pens�e
de se r�volter contre son bienfaiteur. D'un caract�re moins ardent,
moins impressionnable, il n'avait peut-�tre jamais �prouv� pour Motamid
cette amiti� enthousiaste et passionn�e que Motamid avait �prouv�e pour
lui; mais il avait n�anmoins pour son roi une affection v�ritable,
t�moin ces vers qu'il lui adressa en r�ponse aux reproches que Motamid
lui avait faits:

     Non, vous vous trompez quand vous dites que les vicissitudes de la
     fortune m'ont chang�! L'amour que je porte � Chams, ma vieille
     m�re, est moins fort que celui que je ressens pour vous. Cher ami!
     comment se fait-il que votre bienveillance ne m'�claire pas de ses
     rayons, de m�me que la foudre �claire les t�n�bres de la nuit?
     Comment se fait-il qu'aucune tendre parole ne vienne me consoler
     comme une douce brise? Oh! je soup�onne que des hommes inf�mes que
     je connais ont voulu d�truire notre douce amiti�! Me retirerez-vous
     donc ainsi votre main, apr�s une amiti� de vingt-cinq ann�es,
     ann�es de bonheur sans m�lange et qui se sont envol�es sans que
     vous ayez eu � vous plaindre de moi, sans que j'aie �t� coupable
     d'aucun trait m�chant,--me retirerez-vous donc ainsi votre main et
     me laisserez-vous en proie aux griffes de la destin�e? Suis-je
     autre chose que votre esclave ob�issant et soumis? R�fl�chissez
     encore; ne pr�cipitez rien; souvent celui qui se presse trop tombe,
     tandis que celui qui marche avec circonspection arrive au but. Ah!
     vous vous souviendrez de moi quand les liens qui nous unissent
     seront rompus, et qu'il ne vous restera que des amis int�ress�s et
     faux. Vous me chercherez quand aucun de ceux qui vous entourent ne
     pourra vous donner un bon conseil, et que je ne serai plus l�, moi
     qui savais aiguiser l'esprit des autres.

Qui sait si une heure d'entretien et d'�panchement n'e�t pas dissip� les
pr�ventions de Motamid et r�concili� ces deux �mes si bien faites pour
s'entendre? Mais, h�las! le prince et le vizir �taient loin l'un de
l'autre, et le dernier avait � S�ville une foule d'envieux et d'ennemis
qui s'acharnaient � le calomnier, � le noircir aux yeux du monarque, �
interpr�ter malicieusement ses moindres actes, ses moindres paroles. Ils
s'�taient si bien empar�s de l'esprit du prince, ces �hommes inf�mes�
dont Ibn-Amm�r parle dans son po�me et parmi lesquels on distinguait le
vizir Abou-Becr ibn-Zaidoun[156], alors l'homme le plus influent � la
cour, que Motamid avait d�j� con�u des doutes sur la fid�lit�
d'Ibn-Amm�r au moment o� celui-ci prenait cong� de lui pour se rendre �
Murcie. Joignez-y qu'Ibn-Amm�r trouva un ennemi non moins dangereux dans
la personne d'Ibn-Abdalaz�z, prince de Valence et ami d'Ibn-T�hir.

En arrivant � Murcie, Ibn-Amm�r avait l'intention de traiter Ibn-T�hir
d'une mani�re honorable. Aussi lui fit-il pr�senter plusieurs v�tements
d'honneur afin qu'il en chois�t un qui f�t � son gr�; mais Ibn-T�hir
dont l'humeur naturellement caustique s'�tait aigrie par la perte de sa
principaut�, r�pondit au messager d'Ibn-Amm�r: �Va dire � ton ma�tre que
je ne veux de lui rien autre chose qu'une longue pelisse et une petite
calotte.� Recevant cette r�ponse au milieu de ses courtisans, Ibn-Amm�r
se mordit les l�vres de d�pit. �Je comprends le sens de ses paroles,
dit-il enfin; oui, c'�tait l� le costume que je portais, alors que,
pauvre et obscur, je suis venu lui r�citer mes vers[157].� Mais il ne
pardonna pas � Ibn-T�hir ce rude coup port� � son orgueil. Changeant
d'intention � son �gard, il le fit enfermer dans la forteresse de
Monteagudo[158]. C�dant aux instances d'Ibn-Abdalaz�z, Motamid envoya �
son vizir l'ordre de rendre la libert� � Ibn-T�hir. Ibn-Amm�r ne le fit
pas[159]. Cependant Ibn-T�hir r�ussit � s'�vader, gr�ce au secours que
lui pr�ta Ibn-Abdalaz�z, et alla s'�tablir � Valence. Ibn-Amm�r en fut
furieux. Il composa � cette occasion un po�me dans lequel il excitait
les Valenciens � se r�volter contre leur prince. En voici quelques vers:

     Habitants de Valence, soulevez-vous tous contre les Beni-Abdalaz�z,
     proclamez vos justes griefs, et choisissez-vous un autre roi, un
     roi qui sache vous d�fendre contre vos ennemis. Que ce soit
     Mohammed ou Ahmed[160], il vaudra toujours mieux que ce vizir qui a
     livr� votre ville � l'opprobre, comme un �poux �hont� qui prostitue
     sa propre femme. Il a offert un asile � celui qui a �t� abandonn�
     par ses propres sujets. En le faisant, il vous a amen� un oiseau de
     mauvais augure, il vous a donn� pour concitoyen un homme vil et
     inf�me. Ah! il me faut me laver le front, sur lequel une fille sans
     bracelet, une vile esclave, a appliqu� un soufflet. Crois-tu donc
     �chapper, � Ibn-Abdalaz�z, � la vengeance d'un homme qui marche
     toujours � la poursuite de son ennemi, qui continue sa route, lors
     m�me qu'aucune �toile ne l'�claire? Par quelle ruse pourrait-on se
     soustraire aux mains vengeresses d'un brave guerrier des
     Beni-Amm�r, qui tra�ne une for�t de lances � sa suite?
     Attendez-vous � le voir arriver bient�t, entour� d'une arm�e
     innombrable! Valenciens, je vous donne un bon conseil: marchez
     comme un seul homme contre ce palais qui rec�le tant d'infamies
     dans ses murs; emparez-vous des tr�sors que renferment ses caveaux;
     d�truisez-le de fond en comble, en sorte que des ruines seules
     attestent ce qu'il a �t� un jour!

Quand Motamid re�ut connaissance de cette pi�ce, il �tait d�j�
tellement irrit� contre Ibn-Amm�r, qu'il la parodia ainsi:

     _Par quelle ruse pourrait-on se soustraire aux mains vengeresses
     d'un brave guerrier des Beni-Amm�r_; de ces hommes qui se
     prosternaient nagu�re, avec une bassesse inou�e, aux pieds de
     chaque seigneur, de chaque prince, de chaque t�te couronn�e; qui
     s'estimaient heureux quand ils recevaient de leurs ma�tres une
     portion un peu plus large que les autres domestiques; qui,
     bourreaux m�pris�s, tranchaient la t�te aux criminels, et qui se
     sont �lev�s de la plus basse condition aux dignit�s les plus
     hautes.

Ces vers caus�rent une joie indicible � Ibn-Abdalaz�z. Quant �
Ibn-Amm�r, il �touffait de col�re, et dans sa fureur il composa contre
Motamid, contre Romaiquia, contre les Abb�dides en g�n�ral, une satire
bien plus sanglante encore. Lui, l'aventurier n� sous le chaume, lui que
la bont� de Motamid avait tir� du n�ant, il osa reprocher aux Abb�dides
de n'�tre apr�s tout que des cultivateurs obscurs du hameau de Jaum�n,
�cette capitale de l'univers,� comme il disait avec une am�re ironie.
�Tu l'as choisie parmi les filles de la populace, poursuivait-il, cette
esclave que Romaic, son ma�tre, e�t �chang�e bien volontiers contre un
chameau d'un an. Elle a mis au monde des fils d�bauch�s, de petits
hommes trapus qui sont sa honte. Motamid! je fl�trirai ton honneur, je
d�chirerai les voiles qui couvrent tes turpitudes, je les ferai tomber
en lambeaux. Oui, �mule des anciens preux, oui, tu as d�fendu tes
villages, mais tu savais que tes femmes te trompaient et tu les laissais
faire�....

Par un reste de pudeur, Ibn-Amm�r ne montra ces vers, compos�s dans un
acc�s de rage atroce, qu'� ses amis intimes; mais parmi eux se trouvait
un riche juif d'Orient auquel il avait accord� sa confiance, sans
soup�onner que c'�tait un �missaire d'Ibn-Abdalaz�z. Ce juif r�ussit
sans trop de peine � se procurer une copie de la satire, �crite de la
propre main d'Ibn-Amm�r, et la remit au prince de Valence. Celui-ci
�crivit aussit�t � Motamid, et, se servant d'un pigeon, il lui envoya sa
lettre et la satire sous le m�me pli.

D�s lors une r�conciliation n'�tait plus possible. Ni Motamid, ni
Romaiquia, ni leurs fils ne pouvaient pardonner � Ibn-Amm�r ses ignobles
injures. Mais le roi de S�ville n'eut pas besoin de punir son vizir:
d'autres se charg�rent de ce soin. S'abandonnant au plaisir avec une
insouciance compl�te, Ibn-Amm�r ne s'aper�ut pas qu'Ibn-Rach�c, second�
par le prince de Valence, le trahissait, et quand enfin il ouvrit les
yeux, il �tait trop tard: excit�s par Ibn-Rach�c, les soldats
demand�rent � grands cris leur solde arri�r�e, et comme Ibn-Amm�r ne
pouvait les satisfaire, ils menac�rent de le livrer � Motamid. Cette
menace le fit fr�mir, et il se sauva par une fuite pr�cipit�e.

C'est aupr�s d'Alphonse qu'il alla chercher un asile. Il se flattait de
l'espoir que ce monarque l'aiderait � reconqu�rir Murcie, mais il se
trompait: Alphonse s'�tait laiss� gagner par les magnifiques pr�sents
qu'Ibn-Rach�c lui avait faits, et il dit � Ibn-Amm�r: �Tout ceci est une
histoire de voleurs: le premier voleur[161] a �t� vol� par un
autre[162], et celui-ci a �t� vol� par un troisi�me[163].� Voyant donc
qu'il n'avait rien � esp�rer � L�on, Ibn-Amm�r alla � Saragosse, o� il
entra au service de Moctadir. Mais cette cour, bien moins brillante que
celle de S�ville, lui d�plut souverainement. Il alla donc � L�rida, o�
r�gnait Modhaffar, un fr�re de Moctadir. Il y trouva un excellent
accueil; mais comme L�rida lui semblait encore plus monotone que
Saragosse, il retourna � cette derni�re ville, o� Moutamin avait succ�d�
� son p�re Moctadir[164]. L'ennui, ce mal horrible, avait envahi sa
destin�e et s'�tendait comme un nuage noir sur son pr�sent et son
avenir; il s'estima donc heureux lorsqu'il trouva l'occasion de sortir
de son oisivet�. Un ch�telain qu'il connaissait s'�tait r�volt�. Il
donna parole � Moutamin de le r�duire, et se mit en route avec une
faible escorte. Arriv� au pied de la montagne sur laquelle le ch�teau
�tait assis, il fit demander au rebelle la permission de venir lui
rendre visite, accompagn� de deux hommes seulement. Le ch�telain, qui ne
se m�fiait pas de lui, n'h�sita pas � lui accorder sa demande. �Quand
vous me verrez marcher � c�t� du gouverneur et lui serrer la main, dit
alors Ibn-Amm�r � ses deux serviteurs Dj�bir et H�d�, vous plongerez vos
�p�es dans sa poitrine.� Le ch�telain fut tu�, ses soldats demand�rent
et obtinrent leur pardon, et Moutamin fut fort content du service
qu'Ibn-Amm�r lui avait rendu. Bient�t apr�s, ce dernier crut avoir
trouv� une nouvelle occasion pour satisfaire le besoin d'activit�
f�brile qui le d�vorait. Il voulait procurer � Moutamin la possession de
Segura. Perch�e sur la derni�re cr�te d'un pic presque inaccessible,
cette forteresse avait su conserver son ind�pendance alors que Moctadir
s'�tait empar� des Etats d'Al�, prince de D�nia, et un fils de ce
dernier, nomm� Sir�dj-ad-daula, l'avait poss�d�e quelque temps; mais
comme il venait de mourir, les Beni-Sohail, qui �taient les tuteurs de
ses enfants, voulaient vendre Segura � quelque prince voisin. Ibn-Amm�r
promit � Moutamin de la lui livrer de la m�me mani�re qu'il lui avait
livr� l'autre ch�teau. Il partit donc avec quelques troupes, et fit
prier les Beni-Sohail de lui accorder un entretien. Ils y consentirent;
mais au lieu de les attirer dans ses filets, Ibn-Amm�r, qui les avait
offens�s � l'�poque o� il r�gnait � Murcie, tomba lui-m�me dans un
pi�ge. Les abords de la forteresse �taient d�fendus par une pente si
escarp�e, que, pour y entrer, il fallait se laisser hisser � force de
bras. Arriv� � cet endroit dangereux avec Dj�bir et H�d�, ses compagnons
oblig�s dans chaque entreprise aventureuse, Ibn-Amm�r se fit tirer en
haut le premier; mais aussit�t qu'il eut touch� le sol de ses pieds, les
soldats de la garnison s'empar�rent de lui et cri�rent � ses deux
acolytes de se sauver au plus vite, s'ils ne voulaient pas �tre tu�s �
coups de fl�ches. Ils n'eurent garde de se faire r�p�ter cet
avertissement, et descendant le rocher en courant, ils vinrent annoncer
aux soldats de Saragosse qu'Ibn-Amm�r avait �t� fait prisonnier.
Persuad�s qu'une tentative pour le d�livrer n'avait aucune chance de
succ�s, ces soldats retourn�rent d'o� ils �taient venus.

Apr�s avoir jet� Ibn-Amm�r dans un cachot, les Beni-Sohail r�solurent de
le vendre au plus offrant et dernier ench�risseur. Ce fut Motamid qui
l'acheta, de m�me que le ch�teau de Segura, et il chargea son fils R�dh�
de conduire le prisonnier � Cordoue. L'infortun� vizir entra dans cette
ville charg� de fers et mont� sur un mulet de bagage, entre deux sacs de
paille. Motamid l'accabla de reproches et lui montra sa terrible satire
en lui demandant s'il reconnaissait son �criture. Le prisonnier, qui
avait de la peine � se tenir debout, tant ses cha�nes �taient lourdes,
l'�couta en silence, les yeux fix�s � terre; puis, quand le prince eut
termin� sa longue invective, il dit:

--Je ne nie rien, seigneur, de ce que vous venez de dire; et � quoi me
servirait-il de le nier, puisque, si je le faisais, m�me les choses
inanim�es parleraient pour attester la v�rit� de vos paroles? J'ai
failli, je vous ai offens� gri�vement, mais pardonnez-moi!

--Ce que tu as fait ne se pardonne pas, lui r�pondit Motamid.

Les dames qu'il avait outrag�es dans sa satire se veng�rent en
l'accablant de railleries mordantes. A S�ville il eut de nouveau �
endurer les insultes de la foule. Cependant sa captivit� se prolongeait,
et cette circonstance lui rendit quelque espoir. Il savait d'ailleurs
que plusieurs personnages haut plac�s, le prince Rach�d entre autres,
parlaient ou �crivaient en sa faveur. Aussi ne cessait-il de stimuler
leur z�le par ses vers; mais Motamid �tait fatigu� des pri�res
multipli�es qu'on lui adressait, et il avait d�j� d�fendu de donner au
prisonnier ce qu'il faut pour �crire, lorsque ce dernier le fit supplier
de lui accorder une seule fois encore du papier, de l'encre et un
_calam_. Ayant obtenu sa demande, il adressa � Motamid un long po�me,
que l'on remit au sultan dans la soir�e, pendant un festin. Les convives
partis, Motamid le lut, se sentit touch�, et fit venir Ibn-Amm�r dans sa
chambre, o� il lui reprocha de nouveau son ingratitude. D'abord
Ibn-Amm�r, suffoqu� par les larmes, ne put rien lui r�pondre; mais se
remettant peu � peu, il sut lui rappeler avec tant d'�loquence le
bonheur qu'ils avaient autrefois go�t� ensemble, que Motamid, �mu,
attendri, � demi vaincu peut-�tre, lui adressa quelques paroles
rassurantes, mais sans lui accorder un pardon formel.
Malheureusement--car le pire de tous les malheurs, c'est celui qui vient
� nous environn� d'esp�rance--malheureusement Ibn-Amm�r se trompa
�trangement sur les sentiments de Motamid � son �gard. Aux alternatives
de courroux et d'attendrissement, dont il avait �t� t�moin, il donna un
sens qu'elles n'avaient point. Motamid avait bien conserv� pour lui un
reste d'affection; mais de l� au pardon il y avait encore un grand pas �
franchir. C'est ce qu'Ibn-Amm�r ne comprit pas. Rentr� dans sa prison,
il crut � un prochain retour de fortune, et ne pouvant contenir la joie
dont son coeur d�bordait, il �crivit � Rach�d une lettre pour lui
annoncer l'heureuse issue de son entretien avec le monarque. Rach�d
�tait en compagnie quand cette lettre lui fut remise, et pendant qu'il
la lisait, son vizir Is� y jeta un regard furtif et rapide, mais qui
suffisait pour l'apprendre de quoi il s'agissait. Soit bavarderie, soit
qu'il n'aim�t pas Ibn-Amm�r, Is� �bruita la chose, et bient�t elle
parvint aux oreilles d'Abou-Becr ibn-Zaidoun, grossie d'exag�rations qui
nous sont rest�es inconnues, mais qui doivent avoir �t� bien inf�mes,
car un historien arabe dit qu'il les a pass�es sous silence, parce
qu'il ne voulait pas en souiller son livre. Ibn-Zaidoun passa la nuit
dans une terrible angoisse: la r�habilitation d'Ibn-Amm�r �tait sa
disgr�ce, peut-�tre son arr�t de mort. Le lendemain, ne sachant pas
encore � quoi s'en tenir, il resta chez lui � l'heure o� il allait
ordinairement au palais. Motamid le fit chercher et le re�ut aussi
amicalement que de coutume, de sorte qu'Ibn-Zaidoun acquit la certitude
que sa situation �tait moins dangereuse qu'il ne l'avait craint. Aussi,
quand le sultan lui demanda pourquoi il s'�tait fait attendre si
longtemps, il lui r�pondit qu'il croyait �tre tomb� en disgr�ce; il lui
apprit en m�me temps que son entretien avec Ibn-Amm�r �tait connu de
toute la cour; que l'on s'attendait � voir l'ex-vizir remonter au
pouvoir; que son ami et son compatriote Ibn-Sal�m, le pr�fet de la
ville, tenait d�j� pr�ts les plus beaux appartements de sa maison pour
l'y installer, en attendant que ses palais lui fussent rendus; et il va
sans dire qu'il ne manqua pas non plus de raconter les calomnies que
l'on d�bitait.

Motamid ne se sentait plus de rage. Lors m�me que ce qui s'�tait pass�
entre lui et son prisonnier n'e�t pas �t� d�natur� par la haine, il
aurait �t� indign� de la folle pr�somption d'Ibn-Amm�r qui, de quelques
paroles bienveillantes, avait aussit�t conclu � sa mise en libert�, � sa
rentr�e au pouvoir. �Va demander � Ibn-Amm�r, dit-il en s'adressant �
un eunuque slave, comment il a su trouver le moyen d'�bruiter
l'entretien que j'ai eu avec lui hier au soir.�

L'eunuque revint bient�t.

--Ibn-Amm�r, dit-il, nie d'en avoir rien dit � personne.

--Mais il peut avoir �crit, reprit Motamid. Je lui ai fait donner deux
feuilles de papier: sur l'une il a �crit un po�me qu'il m'a envoy�, mais
qu'a-t-il fait de l'autre? Va lui demander cela.

Quand l'eunuque fut de retour:

--Ibn-Amm�r pr�tend, dit-il, qu'il s'est servi de l'autre feuille pour
�crire le brouillon du po�me qu'il vous a adress�.

--Dans ce cas, qu'il te donne ce brouillon, r�pliqua Motamid.

Alors Ibn-Amm�r ne put plus nier la v�rit�. �J'ai �crit � Rach�d, dit-il
tristement, pour lui communiquer ce que le prince m'avait promis.�

A cet aveu, le sang de son terrible p�re, de ce vautour toujours pr�t �
tomber sur sa proie pour la d�chirer et assouvir sa rage dans ses
entrailles, s'�veilla dans les veines de Motamid et les embrasa.
Saisissant la premi�re arme que sa main rencontra--c'�tait une hache
superbe qu'il avait re�ue d'Alphonse--il franchit en quelques bonds les
marches de l'escalier qui conduisait � la chambre o� Ibn-Amm�r �tait
enferm�.

Rencontrant les regards foudroyants du monarque, Ibn-Amm�r frissonna.
Il pressentit que sa derni�re heure allait sonner.... Tra�nant ses
cha�nes, il alla se jeter aux pieds de Motamid, qu'il couvrit de baisers
et de larmes; mais le sultan, inaccessible � la piti�, leva sa hache et
l'en frappa � diff�rentes reprises, jusqu'� ce qu'il f�t mort, jusqu'�
ce que tout reste de chaleur e�t quitt� le cadavre....[165]

Telle fut la fin tragique d'Ibn-Amm�r. Elle excita dans l'Espagne arabe
une �motion tr�s-vive, mais qui ne fut pas longue, car de graves
�v�nements qui eurent lieu � Tol�de et les progr�s des armes castillanes
donn�rent bient�t aux id�es une autre direction.




XII.


L'empereur Alphonse VI, roi de L�on, de Castille, de Galice et de
Navarre, avait l'intention bien arr�t�e de conqu�rir toute la
P�ninsule[166], et il �tait assez puissant pour accomplir son projet.
Cependant il ne voulait pas le faire tout de suite. Rien ne le pressait,
il avait le temps d'attendre. Avant tout, il amassait de l'argent, le
nerf de la guerre, le moyen le plus s�r pour parvenir au but que se
proposait son ambition. En cons�quence, il mettait les princes musulmans
au pressoir, et, comme d'un pressoir coulent le cidre et le vin, de ces
roitelets �cras�s coulait l'or.

Le plus faible parmi ses tributaires �tait peut-�tre C�dir, le roi de
Tol�de. Elev� dans la mollesse du s�rail, ce prince �tait le jouet de
ses eunuques et la ris�e de ses voisins, qui le d�pouillaient l'un �
l'envi de l'autre. Alphonse seul semblait le prot�ger. Aussi
s'adressa-t-il � lui alors qu'il ne put plus contenir ses sujets
fatigu�s de sa tyrannie. Alphonse promit de lui envoyer des troupes,
mais en r�compense de ce service il exigea une somme �norme. C�dir
demanda cet argent aux principaux citoyens qu'il avait appel�s aupr�s de
lui. Ils refus�rent de le donner. �Je jure, s'�cria-t-il alors, que si
vous ne me procurez cette somme � l'instant m�me, je remettrai vos fils
entre les mains d'Alphonse.--Nous te chasserons auparavant,� lui
r�pondit-on. En effet, les Tol�dans se donn�rent � Motawakkil de
Badajoz, et C�dir fut forc� de s'�vader pendant la nuit. Alors il
implora de nouveau le secours d'Alphonse. �Nous irons assi�ger Tol�de,
lui dit l'empereur, et tu seras r�tabli sur ton tr�ne. Mais il me faut
pour cela tout l'argent que tu as emport� de Tol�de; il m'en faudra
encore davantage dans la suite, et tu me donneras quelques forteresses
en nantissement.� C�dir consentit � tout, et les hostilit�s contre
Tol�de commenc�rent (1080)[167].

Elles avaient d�j� dur� deux ans, lorsque l'empereur envoya, selon sa
coutume, une ambassade � Motamid pour lui demander le tribut annuel.
Cette ambassade se composait de plusieurs chevaliers; mais celui qui
�tait charg� de recevoir l'argent �tait un juif, nomm� Ben-Ch�l�b[168],
car � cette �poque les juifs servaient ordinairement d'interm�diaires
entre les musulmans et les chr�tiens.

Les ambassadeurs ayant dress� leurs tentes en dehors de la ville,
Motamid leur fit porter l'argent qu'il avait � payer par quelques-uns de
ses grands, � la t�te desquels se trouvait le premier ministre,
Abou-Becr ibn-Zaidoun. Une partie de cet argent �tait au-dessous du
titre, Motamid n'ayant pas �t� en �tat d'en r�unir assez, quoiqu'il e�t
impos� � ses sujets un imp�t extraordinaire. Aussi le juif s'�cria en le
voyant: �Me croyez-vous assez simple pour accepter cette fausse monnaie?
Je ne prends que de l'or pur, et l'ann�e prochaine il me faudra des
villes.�

Quand ces paroles eurent �t� rapport�es � Motamid, il entra dans une
grande col�re. �Qu'on m'am�ne ce juif et ses compagnons!� cria-t-il �
ses soldats. Cet ordre fut ex�cut�, et quand les ambassadeurs furent
arriv�s au palais:

--Que l'on jette ces chr�tiens en prison, dit Motamid, et que l'on
crucifie ce juif maudit.

--Gr�ce, gr�ce, cria le juif qui, nagu�re si orgueilleux, tremblait
maintenant de tous ses membres; je vous donnerai le poids de mon corps
en or.

--Par Dieu! Lors m�me que tu pourrais m'offrir la Mauritanie et
l'Espagne pour ta ran�on, je n'en voudrais pas!

Et le juif fut crucifi�[169].

En apprenant ce qui s'�tait pass�, Alphonse jura par la Trinit� et par
tous les saints du paradis qu'il en tirerait une vengeance �clatante,
terrible. �J'irai, dit-il, ravager le royaume de ce m�cr�ant avec des
guerriers innombrables comme les cheveux de ma t�te, et je ne
m'arr�terai qu'au d�troit de Gibraltar.� Cependant, ne pouvant
abandonner � leur sort les chevaliers castillans qui g�missaient dans
les cachots de S�ville, il fit demander � Motamid � quelles conditions
il consentirait � les �largir. Le sultan exigea la restitution
d'Almodovar[170], et cette ville lui ayant �t� rendue, il remit les
chevaliers en libert�[171]; mais � peine furent-ils de retour dans leur
patrie, qu'Alphonse ex�cuta ses menaces. Il pilla et br�la les villages
de l'Axarafe, tua ou emmena en esclavage tous les musulmans qui
n'avaient pas eu le temps de se mettre en s�ret� dans une place forte,
assi�gea S�ville pendant trois jours, ravagea la province de Sidona, et,
arriv� sur la gr�ve pr�s de Tarifa, il poussa son cheval dans les vagues
en s'�criant: �Ce sol, c'est la derni�re limite de l'Espagne et je l'ai
touch�!� Puis, son serment rempli et sa vanit� satisfaite, il ramena son
arm�e dans le royaume de Tol�de[172].

L� aussi ses armes furent victorieuses, et Motawakkil ayant �t� oblig�
d'�vacuer le pays, les habitants de la capitale ouvrirent leurs portes �
C�dir, malgr� qu'ils en eussent (1084). C�dir leur extorqua des sommes
�normes qu'il offrit � Alphonse. �Cela ne suffit pas,� lui dit
froidement l'empereur. Alors C�dir lui offrit en outre les tr�sors de
son p�re et de son a�eul.

--Cela ne suffit pas encore, dit Alphonse.

--Je vous donnerai davantage, mais accordez-moi un d�lai.

--Je te l'accorde, pourvu que tu me donnes de nouveau des forteresses en
nantissement.

C�dir y consentit.... Son h�ritage s'en allait par lambeaux, toutes ses
ressources s'�puisaient, mais qu'y pouvait-il? Il savait que l'�p�e du
terrible Alphonse �tait suspendue sur sa t�te, et qu'au moindre signe
de d�sob�issance, elle tomberait. Il donnait donc de l'or, et encore de
l'or; des forteresses, et encore des forteresses; pour contenter
l'empereur, il pressurait ses sujets et d�peuplait son royaume, car, n'y
tenant plus, les Tol�dans �migr�rent en foule pour aller s'�tablir dans
les Etats du roi de Saragosse. Et cependant tout cela ne lui servait de
rien; plus il donnait, plus Alphonse devenait exigeant; et quand il
jurait qu'il n'avait plus rien � donner, l'empereur venait ravager les
environs de Tol�de. Quelque temps encore il se cramponna � son tr�ne
vermoulu, mais � la fin il dut l�cher prise. Il en vint donc o� Alphonse
l'attendait: il se d�clara pr�t � lui c�der Tol�de. Toutefois il y mit
certaines conditions, dont celles-ci �taient les principales:

Alphonse prendrait sous sa sauvegarde la vie et les biens des Tol�dans,
et chacun d'entre eux pourrait, � son choix, partir ou rester;

Il n'exigerait d'eux qu'une capitation fix�e d'avance;

Il leur laisserait la grande mosqu�e;

Il s'engagerait � remettre C�dir en possession de Valence.

L'empereur accepta ces conditions, et le 25 mai 1085, il fit son entr�e
dans l'ancienne capitale du royaume visigoth[173].

D�s lors rien n'�gala son orgueil, si ce n'est la bassesse des princes
musulmans. Ils s'empress�rent presque tous de lui envoyer des
ambassadeurs pour le complimenter, ils lui firent offrir des pr�sents,
ils lui d�clar�rent qu'ils se consid�raient comme ses receveurs
d'imp�ts. Alphonse, _le souverain des hommes des deux religions_, comme
il s'intitulait dans ses lettres, ne se donnait pas m�me la peine de
dissimuler le m�pris qu'ils lui inspiraient. Hos�m-ad-daula, le seigneur
d'Albarrazin, �tait venu en personne pour lui offrir un superbe cadeau.
Justement un singe amusait l'empereur par ses gambades. �Prends cet
animal en retour de ton pr�sent,� dit Alphonse avec un accent de supr�me
d�dain. Et le musulman, loin de ressentir l'injure, vit dans ce singe un
gage d'amiti�, une preuve qu'Alphonse n'avait pas l'intention de lui
enlever ses Etats[174].

Apr�s la prise de Tol�de, ce fut le tour de Valence. L� les deux fils
d'Ibn-Abdalaz�z se disputaient le pouvoir; un troisi�me parti voulait
donner Valence au roi de Saragosse, un quatri�me � C�dir. Ce dernier
parti l'emporta. C�dir, en effet, avait les meilleurs titres � faire
valoir: il avait derri�re lui une arm�e castillane, command�e par le
grand capitaine Alvar Fa�ez. Seulement les Valenciens auraient �
pourvoir � l'entretien de ces troupes: elles leur co�teraient six cents
pi�ces d'or par jour! Ils avaient beau dire � C�dir qu'il n'avait pas
besoin de cette arm�e, puisqu'ils le serviraient fid�lement, C�dir n'eut
pas la na�vet� de croire � leurs promesses; sachant qu'on le d�testait
et que d'ailleurs les anciens partis n'avaient pas abdiqu� leurs
esp�rances, il retint les Castillans. Afin d'�tre en �tat de les payer,
il greva la ville et son territoire d'un imp�t extraordinaire, et
extorqua aux nobles des sommes �normes. Mais malgr� les actes du plus
terrible despotisme, C�dir, press� par Alvar Fa�ez de lui payer
l'arri�r� de sa solde, se trouva un jour � bout de ressources. Alors il
proposa aux Castillans de se fixer dans son royaume en leur offrant des
terres tr�s-�tendues. Ils y consentirent; mais tout en faisant cultiver
leurs vastes domaines par des serfs, ils continuaient � s'enrichir par
des razzias dans le pays d'alentour. Leur troupe s'�tait grossie de la
lie de la population arabe. Une foule d'esclaves, d'hommes tar�s et de
repris de justice, dont plusieurs abjur�rent l'islamisme, s'�taient
enr�l�s sous leurs drapeaux, et bient�t ces bandes acquirent, par leurs
cruaut�s inou�es, une triste c�l�brit�. Elles massacraient les hommes,
violaient les femmes, et vendaient souvent un prisonnier musulman pour
un pain, pour un pot de vin, ou pour une livre de poisson. Quand un
prisonnier ne voulait ou ne pouvait payer ran�on, elles lui coupaient la
langue, lui crevaient les yeux, et le faisaient d�chirer par des
dogues[175].

Valence �tait donc en r�alit� au pouvoir d'Alphonse. C�dir y portait
encore le titre de roi, mais une grande partie du sol appartenait aux
Castillans, et, pour incorporer cette ville � ses Etats, Alphonse
n'avait qu'une parole � prononcer. Saragosse aussi semblait perdue.
L'empereur assi�geait cette ville, et il avait jur� qu'il la
prendrait[176]. A l'autre bout de l'Espagne, un capitaine d'Alphonse,
Garcia Ximenez, qui s'�tait nich� avec une troupe de chevaliers dans le
ch�teau d'Al�do, non loin de Lorca, faisait sans cesse des incursions
dans le royaume d'Alm�rie[177]. Celui de Grenade n'�tait pas �pargn� non
plus, � preuve que dans le printemps de l'ann�e 1085, les Castillans
s'avanc�rent jusqu'au village de Nibar, � une lieue E. de Grenade, et
qu'ils y livr�rent bataille aux musulmans[178]. Partout, enfin, le p�ril
�tait extr�me, et le d�couragement l'�tait aussi. On n'osait plus se
mesurer avec les chr�tiens, m�me dans la proportion de cinq contre un.
Derni�rement un corps de quatre cents Alm�riens (et c'�tait un corps
d'�lite) avait pris la fuite devant quatre-vingts Castillans[179]. Il
�tait �vident que si les Arabes d'Espagne restaient abandonn�s �
eux-m�mes, ils devraient choisir entre deux partis: la soumission �
l'empereur ou l'�migration en masse. Plusieurs d'entre eux, en effet,
�taient d'opinion qu'il fallait quitter le pays. �Mettez-vous en route,
� Andalous, chantait un po�te, car rester ici serait une folie[180].�
L'�migration, toutefois, �tait un parti extr�me, et l'on se r�solvait
difficilement � le prendre. D'ailleurs, tout n'�tait pas encore perdu:
on pouvait recevoir du secours de l'Afrique. C'�tait de l�, en effet,
que les moins d�courag�s attendaient leur salut. La proposition avait
�t� faite de s'adresser aux B�douins d'Ifrikia; mais on avait object�
que ces gens-l� s'�taient signal�s par leur f�rocit� autant que par leur
bravoure, et qu'il �tait � craindre qu'arriv�s en Espagne, ils ne se
missent � piller les musulmans, au lieu de combattre les chr�tiens[181].
On pensa donc aux Almoravides. C'�taient les Berbers du Sahara qui
jouaient pour la premi�re fois un r�le sur la sc�ne du monde. Convertis
r�cemment � l'islamisme par un missionnaire de Sidjilm�sa, ils avaient
fait des conqu�tes rapides, et � l'�poque dont nous parlons, leur vaste
empire s'�tendait depuis le S�n�gal jusqu'� Alger. L'id�e de les appeler
en Espagne souriait principalement aux ministres de la religion. Les
princes, au contraire, h�sit�rent longtemps. Quelques-uns d'entre eux,
tels que Motamid et Motawakkil, entretenaient bien des relations avec
Yousof ibn-T�chouf�n, le roi des Almoravides, et ils l'avaient m�me pri�
� diff�rentes reprises de les aider contre les chr�tiens; mais en
g�n�ral, les princes andalous, sans en excepter Motamid et Motawakkil,
avaient peu de sympathie pour le chef des rudes et fanatiques guerriers
du Sahara; ils voyaient en lui un rival dangereux plut�t qu'un
auxiliaire. Cependant, comme le p�ril croissait de jour en jour, il
fallait bien saisir le seul moyen de salut qui rest�t. Motamid, du
moins, en jugea ainsi, et quand son fils a�n�, Rach�d, lui repr�senta le
p�ril auquel il s'exposait, s'il amenait les Almoravides en Espagne:
�Tout cela est vrai, lui r�pondit-il; mais je ne veux pas que la
post�rit� puisse m'accuser d'avoir �t� la cause que l'Andalousie soit
devenue la proie des m�cr�ants; je ne veux pas que mon nom soit maudit
sur toutes les chaires musulmanes, et s'il me faut choisir, j'aime
encore mieux �tre chamelier en Afrique que porcher en Castille[182].�

Son plan arr�t�, il le communiqua � ses voisins, Motawakkil de Badajoz
et Abdall�h de Grenade[183], en les priant de s'y associer et d'envoyer
leurs cadis � S�ville. Ils le firent; Motawakkil envoya � S�ville le
cadi de Badajoz, Abou-Ish�c ibn-Moc�n�, et Abdall�h, le cadi de Grenade,
Abou-Djafar Colai�. Le cadi de Cordoue, Ibn-Adham, se joignit � eux,
ainsi que le vizir Abou-Becr ibn-Zaidoun. Ces quatre personnages
s'embarqu�rent � Alg�ziras, et se rendirent aupr�s de Yousof[184]. Ils
�taient charg�s de l'inviter, au nom de leurs souverains, � venir en
Espagne avec une arm�e; mais ils devaient y mettre certaines conditions,
lesquelles, du reste, nous sont inconnues; nous savons seulement que
Yousof devait jurer de ne pas tenter d'enlever leurs Etats aux princes
andalous, et qu'il pr�ta ce serment[185]. Il fallait fixer alors
l'endroit o� Yousof d�barquerait. Ibn-Zaidoun proposa Gibraltar; mais
Yousof donna � entendre qu'il pr�f�rait Alg�ziras et que m�me cette
place devait lui �tre c�d�e. Le vizir de Motamid lui r�pondit qu'il
n'�tait pas autoris� � lui accorder cette demande. D�s lors Yousof
traita les ambassadeurs assez froidement, et ne leur donna que des
r�ponses �vasives, ambigu�s; aussi ignoraient-ils en le quittant � quel
parti il s'arr�terait; il n'avait pas promis de venir, mais aussi il
n'avait pas dit qu'il ne viendrait pas.

Les princes andalous �taient donc aussi dans l'incertitude. Ils en
furent tir�s d'une mani�re assez d�sagr�able et qui prouvait que leurs
soup�ons n'avaient pas �t� sans fondement. Yousof, qui d'ordinaire
n'entreprenait rien sans avoir consult� ses faquis, leur avait demand�
ce qu'il fallait faire, et les faquis avaient d�clar�, d'abord qu'il
�tait de son devoir d'aller combattre les Castillans, ensuite que, s'il
avait besoin d'Alg�ziras et qu'on ne voul�t pas le lui c�der, il avait
le droit de le prendre. Muni de ce fetfa, Yousof avait donn� � plusieurs
corps l'ordre de s'embarquer � Ceuta sur une centaine de navires et de
faire voile vers Alg�ziras, de sorte que cette ville se trouva tout �
coup entour�e d'une grande arm�e qui exigeait qu'on lui donn�t des
vivres et la place elle-m�me. R�dh�, qui y commandait, se trouva dans
une grande perplexit�, le cas qui se pr�sentait n'ayant pas �t� pr�vu.
Il ne refusa pas de fournir des vivres aux Almoravides, mais en m�me
temps il se mit en mesure de repousser au besoin la force par la force.
En outre, il �crivit � son p�re pour lui demander des ordres, et ayant
attach� sa lettre � l'aile d'un pigeon, il le l�cha vers S�ville. La
r�ponse de Motamid ne se fit pas attendre. Il s'�tait d�cid� vite, car,
quelque r�voltante que lui par�t la conduite de Yousof, il sentait qu'il
�tait all� trop loin pour reculer et qu'il lui fallait faire bonne mine
� mauvais jeu. Il enjoignit donc � son fils d'�vacuer Alg�ziras et de
se retirer sur Ronda[186]. De nouvelles troupes s'embarqu�rent alors
pour Alg�ziras, et enfin Yousof y arriva lui-m�me. Son premier soin fut
de mettre les fortifications de la ville en bon �tat, de la pourvoir de
munitions de guerre et de bouche, et d'y �tablir une garnison
suffisante. Ensuite il s'achemina vers S�ville avec le gros de ses
forces. Motamid vint � sa rencontre, entour� des principaux dignitaires
de son royaume. Quand il fut arriv� en sa pr�sence, il voulut lui baiser
la main; mais Yousof l'en emp�cha en l'embrassant de la mani�re la plus
affectueuse. Les pr�sents qui �taient d'usage ne furent pas oubli�s:
Motamid en offrit une si grande quantit� � l'Almoravide, que celui-ci
put donner quelque chose � chaque soldat de son arm�e, et qu'il con�ut
une haute id�e des richesses que poss�dait l'Espagne. Pr�s de S�ville on
s'arr�ta, et c'est l� que les deux petits-fils de B�d�s, Abdall�h de
Grenade et Tem�m de Malaga, vinrent se joindre aux Almoravides, le
premier avec trois cents cavaliers, le second avec deux cents. Motacim
d'Alm�rie envoya un r�giment de cavalerie command� par un de ses fils,
en exprimant ses regrets de ce que le voisinage mena�ant des chr�tiens
d'Al�do ne lui permettait pas de venir en personne. Huit jours apr�s,
l'arm�e prit la route de Badajoz, o� elle op�ra sa jonction avec
Motawakkil et ses troupes. Puis on marcha vers Tol�de[187]; mais on ne
s'�tait pas encore avanc� bien loin qu'on rencontra l'ennemi.

Au moment o� il apprit que les Almoravides avaient d�barqu� en Espagne,
Alphonse assi�geait encore Saragosse. Croyant que le roi de cette ville
ignorait l'arriv�e des Africains, il lui fit dire que, s'il lui donnait
beaucoup d'argent, il l�verait le si�ge; mais Mosta�n, qui avait re�u la
grande nouvelle aussi bien que lui, lui fit r�pondre qu'il ne lui
donnerait pas un seul dirhem. Alphonse retourna alors � Tol�de, apr�s
avoir envoy� � Alvar Fa�ez, ainsi qu'� ses autres lieutenants, l'ordre
de venir le rejoindre avec leurs troupes. Quand son arm�e, dans laquelle
il y avait beaucoup de chevaliers fran�ais, fut rassembl�e, il se mit en
marche, car il voulait transporter la guerre dans le pays ennemi. Il
rencontra les Almoravides et leurs alli�s non loin de Badajoz, pr�s d'un
endroit que les musulmans appelaient Zall�ca et les chr�tiens Sacralias,
et il n'avait pas encore fini de dresser ses tentes, qu'il re�ut une
lettre de Yousof, dans laquelle ce monarque l'invitait � embrasser
l'islamisme ou � payer un tribut, en le mena�ant de la guerre s'il ne
voulait faire ni l'un ni l'autre. Alphonse fut fort indign� de ce
message. Il chargea un de ses employ�s arabes d'y r�pondre que, les
musulmans ayant �t� ses tributaires pendant nombre d'ann�es, il ne
s'attendait pas � des propositions aussi blessantes; que du reste il
avait une grande arm�e, et que, gr�ce � elle, il saurait bien punir
l'outrecuidance de ses ennemis. Cette lettre �tant parvenue � la
chancellerie musulmane, un Andalous y r�pondit sur-le-champ; mais quand
il montra sa composition � Yousof, celui-ci la trouva trop longue, et,
se bornant � �crire sur le revers de la lettre de l'empereur ces simples
paroles: �Ce qui arrivera, tu le verras,� il la lui renvoya[188].

Il s'agissait alors de fixer le jour de la bataille; � cette �poque la
coutume le voulait ainsi. C'�tait le jeudi 22 octobre 1086, et ce
jour-l� Alphonse envoya ce message aux musulmans: �Demain, vendredi, est
votre jour de f�te, et dimanche est le n�tre; je propose donc que la
bataille ait lieu apr�s-demain, samedi[189].� Yousof agr�a celle
proposition; mais Motamid y vit une ruse, et comme dans le cas d'une
attaque il aurait � soutenir le premier choc de l'ennemi (car les
troupes andalouses formaient l'avant-garde, tandis que les Almoravides
se tenaient en arri�re cach�s par les montagnes), il prit des
pr�cautions afin de ne pas �tre attaqu� � l'improviste, et fit observer
les mouvements de l'ennemi par des troupes l�g�res. Son esprit n'�tait
nullement tranquille et il consultait sans cesse son astrologue. On
touchait, en effet, � un moment critique et d�cisif. Le sort de
l'Espagne d�pendait de l'issue de la bataille qui allait se livrer, et
les Castillans avaient la sup�riorit� du nombre. Leurs forces, les
musulmans le croyaient du moins, s'�levaient � cinquante ou soixante
mille hommes[190], tandis que leurs adversaires n'en avaient que vingt
mille[191].

Au lever de l'aurore, Motamid vit ses craintes se r�aliser: il fut
averti par ses vedettes que l'arm�e chr�tienne approchait. Sa position
�tant donc devenue fort dangereuse, car il risquait d'�tre �cras� avant
que les Almoravides fussent rendus sur le champ de bataille, il fit dire
� Yousof de venir promptement � son secours avec toutes ses troupes, ou
de lui envoyer du moins un renfort consid�rable. Mais Yousof ne se h�ta
pas de satisfaire � cette demande. Il avait form� un plan dont il ne
voulait pas s'�carter, et il s'inqui�tait si peu du sort des Andalous,
qu'il s'�cria: �Qu'est-ce que cela me fait que ces gens-l� soient
massacr�s? Ce sont tous des ennemis[192].� Ainsi abandonn�s � leurs
propres forces, les Andalous prirent la fuite; seuls les S�villans,
stimul�s par l'exemple de leur roi, qui, quoique bless� au visage et �
la main, faisait preuve d'une brillante bravoure, r�sist�rent
vigoureusement au choc de l'ennemi, jusqu'� ce qu'enfin une division
almoravide arriv�t � leur aide. D�s lors le combat fut moins in�gal;
cependant les S�villans furent fort �tonn�s quand ils virent les ennemis
battre tout � coup en retraite, car le renfort qu'ils avaient re�u
n'�tait pas assez consid�rable pour qu'ils pussent se flatter d'avoir
remport� la victoire. Aussi n'en �tait-il pas ainsi; mais voici ce qui
�tait arriv�. Voyant l'arm�e castillane engag�e contre les Andalous,
Yousof avait form� le dessein de la prendre � revers. Il avait donc
envoy� � Motamid autant de renfort qu'il en fallait pour l'emp�cher
d'�tre �cras� par les ennemis; puis, faisant un d�tour, il s'�tait port�
avec le gros de ses forces sur le camp d'Alphonse. L� il avait fait un
carnage effroyable des soldats charg�s de le garder, et, l'ayant
incendi�, il �tait all� tomber dans le dos des Castillans, en poussant
devant lui une foule de fuyards. Alphonse se trouvait donc entre deux
feux, et comme l'arm�e qui venait le prendre en queue �tait plus
nombreuse que celle qu'il avait en face, il fut oblig� de tourner contre
elle sa force principale. Le combat fut extr�mement acharn�. Le camp fut
tour � tour pris et repris, tandis que Yousof parcourait les rangs de
ses soldats en criant: �Courage, musulmans! Vous avez devant vous les
ennemis de Dieu! Le paradis attend ceux d'entre vous qui succomberont!�

Cependant les Andalous qui avaient pris la fuite �taient parvenus � se
rallier, et ils retourn�rent sur le champ de bataille pour soutenir
Motamid. D'un autre c�t�, Yousof jeta sur les Castillans sa garde noire
qu'il tenait en r�serve et qui fit des merveilles. Un n�gre r�ussit m�me
� s'approcher d'Alphonse et � le blesser � la cuisse d'un coup de
poignard. A la nuit tombante, la victoire, chaudement disput�e, se
d�clara enfin pour les musulmans; la plupart des chr�tiens gisaient
morts ou bless�s sur le champ de bataille, d'autres avaient pris la
fuite, et Alphonse lui-m�me, entour� seulement de cinq cents chevaliers,
eut grand'peine � se sauver (23 octobre 1086).

Toutefois on ne recueillit pas de cette �clatante victoire tous les
fruits qu'on pouvait en attendre. Yousof avait bien l'intention de
p�n�trer dans le pays ennemi, mais il y renon�a quand il re�ut la
nouvelle de la mort de son fils a�n�, qu'il avait laiss� malade � Ceuta.
Se contentant donc de mettre sous les ordres de Motamid une division de
trois mille hommes, il retourna en Afrique avec le reste de ses
troupes[193].




XIII.


Par suite de l'arriv�e des Almoravides en Espagne, les Castillans
avaient �t� forc�s d'�vacuer le royaume de Valence et de lever le si�ge
de Saragosse. La d�route qu'ils avaient essuy�e � Zall�ca les avait
priv�s d'une foule de leurs meilleurs guerriers; ils avaient perdu �
cette occasion, disaient les musulmans, dix mille ou m�me vingt-quatre
mille hommes[194]. En outre, les princes andalous �taient affranchis de
la honteuse obligation de payer � Alphonse un tribut annuel, et l'Ouest,
o� les forteresses �taient d�fendues d�sormais par les soldats que
Yousof avait laiss�s � Motamid, n'avait plus rien � craindre des
attaques de l'empereur. C'�taient � coup s�r de beaux r�sultats et dont
les Andalous avaient raison de se r�jouir. Aussi tout le pays
retentissait-il de cris d'all�gresse; le nom de Yousof �tait dans toutes
les bouches; on vantait sa pi�t�, sa bravoure, ses talents militaires,
on saluait en lui le sauveur de l'Andalousie et de la religion
musulmane, on le proclamait le premier capitaine de son si�cle. Le
clerg� surtout ne tarissait pas sur son �loge. A ses yeux Yousof �tait
plus qu'un grand homme: il �tait l'homme b�ni par Dieu, l'�lu du
Seigneur[195].

Cependant les succ�s obtenus, si grands et si glorieux qu'ils fussent,
n'�taient nullement d�cisifs. Les Castillans, du moins, en jugeaient
ainsi. Malgr� les pertes qu'ils avaient �prouv�es, ils ne d�sesp�raient
pas de r�tablir leurs affaires. Ils savaient fort bien qu'ils
risqueraient trop s'ils dirigeaient leurs attaques du c�t� de Badajoz et
de S�ville, mais ils savaient aussi que l'Est de l'Andalousie leur
offrait encore mainte chance de succ�s et qu'il leur serait facile de le
ravager, peut-�tre m�me de le conqu�rir. Les petites principaut�s de
l'Est, Valence, Murcie, Lorca, Alm�rie, �taient en effet les plus
faibles de toutes celles qui existaient dans la P�ninsule, et les
Castillans occupaient au milieu d'elles une position tr�s-forte et qui
mettait le pays � leur merci. C'�tait la forteresse d'Al�do, dont les
ruines subsistent encore aujourd'hui, et qui se trouvait entre Murcie et
Lorca. Situ�e sur une montagne tr�s-escarp�e et capable de contenir une
garnison de douze ou treize mille hommes, elle pouvait passer pour
inexpugnable. C'est de l� que partaient les Castillans pour faire des
razzias dans le pays d'alentour. Ils assi�g�rent m�me Alm�rie, Lorca,
Murcie[196], et tout semblait pr�sager que, si l'on n'y pourvoyait, ces
villes finiraient par tomber entre leurs mains.

Motamid sentit la gravit� du p�ril qui mena�ait l'Andalousie de ce
c�t�-l�, et d'ailleurs ses int�r�ts personnels �taient en jeu. Les deux
villes les plus expos�es aux attaques de l'ennemi, Murcie et Lorca, lui
appartenaient, la premi�re en droit, la seconde en fait, car le seigneur
de Lorca, Ibn-al-Yasa, qui se sentait trop faible pour r�sister aux
Castillans d'Al�do, l'avait reconnu pour son souverain, dans l'espoir
d'�tre aid� par lui[197]. Quant � Murcie, Ibn-Rach�c y r�gnait encore,
et Motamid br�lait du d�sir de punir ce rebelle. Ayant donc r�solu de
faire une exp�dition dans l'Est avec la double intention de mettre un
terme aux invasions des chr�tiens et de r�duire Ibn-Rach�c �
l'ob�issance, il r�unit ses propres troupes � celles que Yousof lui
avait confi�es, et prit le chemin de Lorca.

Arriv� dans cette ville, il fut inform� qu'un escadron de trois cents
Castillans se trouvait dans le voisinage. En cons�quence il ordonna �
son fils R�dh� d'aller l'attaquer avec trois mille cavaliers s�villans.
R�dh�, toutefois, qui aimait les lettres bien plus que la guerre,
s'excusa en pr�textant une indisposition. Fort irrit� de ce refus,
Motamid confia alors le commandement � un autre de ses fils, qui
s'appelait Motadd. Mais la sup�riorit� des Castillans sur les Andalous
devait se montrer une fois de plus. Quoiqu'ils fussent dix contre un,
les S�villans essuy�rent la plus honteuse d�route[198].

Les tentatives de Motamid pour r�duire Murcie ne furent pas plus
heureuses. Ibn-Rach�c sut mettre dans ses int�r�ts les Almoravides qui
se trouvaient dans l'arm�e s�villane, et Motamid fut forc� de retourner
vers sa capitale sans qu'il e�t rien gagn�[199].

Il �tait donc devenu �vident qu'apr�s comme avant la bataille de
Zall�ca, les Andalous n'�taient pas en �tat de se d�fendre, et qu'�
moins que Yousof ne v�nt une seconde fois � leur secours, ils finiraient
par succomber. Aussi le palais de Yousof �tait-il assi�g� par des faquis
et des notables de Valence, de Murcie, de Lorca, de Baza. Les Valenciens
se plaignaient de Rodrigue le Camp�ador (le Cid), qui s'�tait �rig� en
protecteur de C�dir apr�s l'avoir forc� � lui payer une redevance
mensuelle de dix mille ducats, et qui ravageait le royaume sous le
pr�texte de faire rentrer les rebelles sous l'autorit� du roi[200]; les
habitants des autres endroits ne tarissaient pas sur les vexations dont
les Castillans d'Al�do les accablaient, et tous �taient unanimes pour
d�clarer que, si Yousof ne venait pas � leur aide, l'Andalousie
tomberait in�vitablement au pouvoir des chr�tiens[201]. Leurs
supplications, toutefois, semblaient produire peu d'effet sur l'esprit
du monarque. Yousof promettait bien, il est vrai, de passer le D�troit
d�s que la saison le lui permettrait; mais il ne faisait pas des
pr�paratifs bien s�rieux, et, s'il ne le disait pas, il laissait du
moins deviner qu'il s'attendait � une d�marche directe de la part des
princes. Motamid se d�cida alors � la faire. Les soup�ons qu'il avait
eus sur les intentions secr�tes de Yousof s'�taient peu � peu dissip�s
ou du moins affaiblis. Sauf l'occupation d'Alg�ziras, le monarque
africain n'avait fait rien qui p�t blesser la susceptibilit� des princes
andalous ou justifier leurs appr�hensions; au contraire, il avait dit
maintefois qu'avant d'avoir vu l'Andalousie, il avait eu une grande id�e
de la beaut� et de la richesse de ce pays, mais que son attente avait
�t� tromp�e[202]. Motamid �tait donc � peu pr�s rassur�, et comme le
p�ril qui mena�ait sa patrie �tait r�ellement tr�s-grand, il prit la
r�solution de se rendre en personne aupr�s de Yousof.

L'Almoravide lui fit l'accueil le plus honorable et le plus cordial.
�Vous n'aviez pas besoin, lui dit-il, de venir en personne; vous auriez
pu m'�crire, et je me serais empress� de satisfaire � votre d�sir.--Je
suis venu, lui r�pondit Motamid, pour vous dire que nous nous voyons
dans un p�ril affreux. Al�do se trouve au coeur de notre pays; il nous
est impossible de l'enlever aux chr�tiens, et si vous �tes � m�me de le
faire, vous rendrez � la religion un immense service. Une fois d�j� vous
nous avez sauv�s: sauvez-nous cette fois encore.--Je le tenterai du
moins,� lui r�pondit Yousof; et quand Motamid fut retourn� � S�ville, il
poussa ses armements avec une grande vigueur; puis, ses pr�paratifs
achev�s, il passa le D�troit avec ses troupes, d�barqua � Alg�ziras dans
le printemps de l'ann�e 1090, et, ayant op�r� sa jonction avec Motamid,
il invita les princes andalous � se r�unir � lui pour assi�ger Al�do.
Tem�m de Malaga, Abdall�h de Grenade, Motacim d'Alm�rie, Ibn-Rach�c de
Murcie et quelques autres seigneurs d'une moindre importance r�pondirent
� son appel, et le si�ge commen�a. Les machines de guerre furent
construites par des charpentiers et des ma�ons de Murcie, et l'on
convint que les �mirs attaqueraient la forteresse alternativement chacun
leur jour. Cependant on n'avan�ait pas beaucoup; les d�fenseurs
d'Al�do, qui �taient au nombre de treize mille, dont mille cavaliers,
repoussaient vigoureusement les assauts qu'on leur livrait, et la place
�tait si forte, que les musulmans, apr�s avoir tent� en vain de s'en
emparer par la force, durent se r�soudre � l'affamer[203].

Les assi�geants, du reste, s'occupaient moins du si�ge que de leurs
int�r�ts personnels. Leur camp �tait un foyer d'intrigues. De plusieurs
c�t�s on stimulait l'ambition de Yousof. En disant que l'Espagne n'avait
pas r�pondu � son attente, ce monarque n'avait pas �t� sinc�re. La
v�rit� est que ce pays lui avait plu on ne peut davantage, et que, soit
par amour de conqu�tes, soit par des mobiles plus nobles (car les
int�r�ts de la religion lui tenaient fort au coeur), il d�sirait en
devenir le ma�tre. Et ce d�sir n'�tait pas difficile � r�aliser.
Beaucoup de gens en Andalousie �taient d'avis que leur pairie ne pouvait
�tre sauv�e que par sa r�union � l'empire des Almoravides. Ce n'�tait
pas, il est vrai, l'id�e des hautes classes de la soci�t�. Pour les gens
bien �lev�s Yousof, qui savait tr�s-peu d'arabe, �tait un rustre, un
barbare, et il est vrai qu'il avait donn� mainte preuve de son
ignorance, de son manque d'�ducation. Ainsi, lorsque Motamid lui eut
demand� s'il comprenait les vers que les po�tes de S�ville venaient de
r�citer: �Tout ce que j'en comprends, avait-il r�pondu, c'est qu'ils
demandent du pain.� Et quand, apr�s son retour en Afrique, il eut re�u
de Motamid une lettre o� se trouvaient ces deux vers emprunt�s � un
c�l�bre po�me qu'Abou-'l-Wal�d ibn-Zaidoun[204], le Tibulle de
l'Andalousie, avait adress� � son amante Wall�da:--�Depuis que tu es
loin de moi, le d�sir de te voir consume mon coeur et me fait r�pandre
des torrents de larmes. Mes jours sont noirs aujourd'hui, et nagu�re,
gr�ce � toi, mes nuits �taient blanches,�--il avait dit: �Il para�t
qu'il me demande des jeunes filles noires et blanches.� Puis, quand on
lui eut expliqu� que, dans le langage po�tique, _noir_ signifie
_obscur_, de m�me que _blanc_ signifie _serein_: �C'est tr�s-beau,
avait-il dit; eh bien, qu'on lui r�ponde que j'ai mal � la t�te depuis
que je ne le vois plus[205].� Dans un pays aussi lettr� que l'�tait
l'Andalousie, de telles choses ne se pardonnaient pas. Joignez-y que les
hommes de lettres �taient fort contents de leur position et qu'ils ne
d�siraient nullement de la voir changer. Les petites cours �taient
autant d'acad�mies, et les litt�rateurs �taient les enfants g�t�s des
princes qui leur accordaient des traitements magnifiques. Les
repr�sentants de la libre pens�e n'avaient non plus nulle raison de se
plaindre. Gr�ce � la protection que leur accordaient la plupart des
princes, ils pouvaient pour la premi�re fois dire et �crire ce qu'ils
pensaient, sans avoir � craindre d'�tre br�l�s ou lapid�s[206]. Ils
d�siraient donc moins que personne la domination des Almoravides, qui
ram�nerait infailliblement celle du clerg�.

Mais si Yousof comptait peu de partisans dans les classes sup�rieures et
�clair�es, il en avait beaucoup parmi le peuple. En g�n�ral le peuple
�tait fort m�content et il avait raison de l'�tre. Presque chaque ville
tant soit peu consid�rable avait sa cour � elle, sa cour qu'il fallait
entretenir et qui co�tait beaucoup, car la plupart des princes �taient
d'une prodigalit� folle. Et encore si, � force de payer, on e�t pu
acheter la s�ret�, la tranquillit�! Mais il n'en �tait point ainsi; les
princes �taient ordinairement trop faibles pour prot�ger leurs sujets
contre leurs voisins musulmans et � plus forte raison contre les
chr�tiens. On n'avait donc pas un moment de repos, personne n'�tait s�r
de sa vie ou de son avoir. C'�tait, il faut en convenir, une situation
insupportable, et il �tait bien naturel que les classes laborieuses
d�sirassent d'en voir le terme. Auparavant il n'y avait pas moyen d'en
sortir. Il y avait bien eu des vell�it�s de r�volte; on avait �cout�
avec plaisir ces vers d'un po�te de Grenade, Somaisir:

     Rois, qu'osez-vous faire? Vous livrez l'islamisme � ses ennemis,
     vous ne faites rien pour le sauver. Se r�volter contre vous est un
     devoir, puisque vous faites cause commune avec les chr�tiens. Se
     soustraire � votre sceptre n'est pas un crime, car vous-m�mes, vous
     vous �tes soustraits au sceptre du Proph�te.

Mais comme une r�volte n'aurait servi qu'� empirer la situation, il
avait fallu attendre et s'armer de patience, comme le m�me po�te l'avait
dit dans ces vers:

     Nous esp�rions en vous, � rois, mais vous avez frustr� notre
     espoir; nous attendions de vous notre d�livrance, mais notre
     attente a �t� d��ue. Eh bien! nous prendrons patience; mais le
     temps am�ne de grands changements. A bon entendeur demi-mot[207]!

Maintenant, au contraire, une insurrection �tait possible, puisqu'il y
avait en Espagne un monarque juste, puissant, glorieux, qui avait d�j�
remport� sur les chr�tiens une victoire �clatante, qui sans doute en
remporterait d'autres encore, et qui semblait envoy� par la Providence
pour rendre � l'Andalousie sa grandeur et sa prosp�rit�. Le mieux �tait
donc de se soumettre � sa domination, et si on le faisait, on se
d�barrasserait en m�me temps d'une foule d'imp�ts vexatoires, car Yousof
avait aboli dans ses Etats tous ceux qui n'�taient pas prescrits par le
Coran, et l'on se tenait convaincu qu'il en agirait de m�me en Espagne.

C'est ainsi que raisonnait le peuple, et sous beaucoup de rapports il
raisonnait juste; il oubliait seulement qu'� la longue le gouvernement
ne pourrait se passer des imp�ts qu'il aurait abolis; que l'Andalousie,
en liant son sort � celui du Maroc, s'exposerait � ressentir le
contre-coup des r�volutions qui pourraient �clater dans ce royaume; que
la domination almoravide serait une domination �trang�re, la domination
d'un peuple sur un autre; qu'enfin les soldats de Yousof appartenaient �
une race que l'Espagne avait toujours d�test�e, et que, comme ils
�taient assez indisciplin�s, ils pourraient devenir des h�tes
tr�s-incommodes. Au reste, le d�sir d'un changement �tait bien plus vif
dans tel Etat que dans tel autre. A Grenade c'�tait le voeu unanime de
toute la population arabe et andalouse, qui n'avait pas cess� de maudire
ses tyrans berbers. Dans les Etats de Motamid il y avait aussi beaucoup
de m�contents[208]; mais il n'y en avait point � Alm�rie, car le prince
qui y r�gnait �tait fort populaire; il �tait pieux, juste, cl�ment; il
traitait son peuple avec une bont� toute paternelle; il �tait, en un
mot, le mod�le accompli des plus touchantes vertus.

Presque partout, cependant, Yousof avait pour lui les docteurs, les
faquis, les cadis, les ministres de la religion et de la loi. C'�taient
ses auxiliaires les plus d�vou�s et les plus remuants, car c'�taient eux
qui avaient le plus � perdre si les chr�tiens triomphaient, et d'un
autre c�t� ils n'avaient gu�re � se louer des princes qui, occup�s
d'�tudes profanes ou plong�s dans les plaisirs, �coutaient � peine leurs
sermons, n'en faisaient nul cas, et prot�geaient ouvertement les
philosophes. Yousof au contraire, qui �tait un mod�le de d�votion, qui
ne manquait jamais de consulter le clerg� sur les affaires d'Etat et qui
suivait les conseils qu'il en recevait, avait toutes leurs sympathies,
tout leur amour. Ils savaient, ils devinaient du moins, qu'il avait une
grande tentation de d�tr�ner les princes andalous � son profit, et d�s
lors ils ne songeaient qu'� stimuler ses d�sirs et � lui faire croire
que la religion elle-m�me les sanctionnait.

L'un des plus actifs d'entre eux �tait le cadi de Grenade, Abou-Djafar
Colai�. Cet homme �tait d'origine arabe, ce qui revient � dire qu'il
d�testait les oppresseurs berbers de sa patrie. Il t�chait, il est vrai,
de dissimuler ses sentiments, mais il n'y r�ussissait pas. Par un
instinct secret, B�d�s l'avait entrevu comme l'auteur probable de la
chute de sa dynastie, et maintefois il avait eu l'intention de le
mettre � mort; �mais Dieu, pour me servir de l'expression d'un historien
arabe, avait encha�n� la main du tyran, afin que l'arr�t du destin
s'accompl�t.� Or, ce cadi se trouvait dans l'arm�e qui assi�geait Al�do,
et il eut plusieurs entretiens secrets avec Yousof, qu'il connaissait
d�j�, car on se rappellera qu'il avait �t� l'un des ambassadeurs qui,
quatre ans auparavant, avaient �t� charg�s d'inviter l'Almoravide au
secours des Andalous. Le but qu'il se proposait dans ces entrevues se
laisse ais�ment deviner: Yousof avait des scrupules de conscience, et le
cadi voulait les vaincre[209]. Il lui repr�senta donc que les faquis
andalous pourraient le d�lier de son serment; qu'il lui serait facile
d'obtenir d'eux un fetfa o� l'on �num�rerait toutes les fautes, tous les
forfaits des princes, et que l'on tirerait de l� la conclusion qu'ils
avaient perdu leurs droits aux tr�nes qu'ils occupaient.

Les raisonnements de ce cadi, l'un des plus renomm�s par son savoir et
sa pi�t�, firent une grande impression sur l'esprit de Yousof, et d'un
autre c�t�, les discours que lui tenait Motacim, le roi d'Alm�rie, lui
inspiraient une profonde aversion pour celui qui, parmi les princes
andalous, �tait le plus puissant.

Motacim, nous l'avons d�j� dit, �tait un prince excellent; mais si bon
et si bienveillant qu'il f�t � l'ordinaire, il ha�ssait cependant
quelqu'un, et ce quelqu'un, c'�tait Motamid. Cette haine semble avoir
pris sa source dans une mesquine jalousie plut�t que dans des griefs
r�els et s�rieux, mais elle �tait tr�s-forte, et quoiqu'en apparence
Motacim se f�t r�concili� avec le roi de S�ville, il s'appliquait � le
perdre dans l'esprit du monarque africain, dont il avait gagn� la faveur
par des moyens qui frisaient la bassesse. Motamid, cependant, ne se
doutait de rien; quand il se trouvait seul avec Motacim, il lui parlait
� coeur ouvert, et un jour que le prince d'Alm�rie lui exprima ses
craintes sur le s�jour prolong� de Yousof en Andalousie: �Sans doute,
lui r�pondit-il d'un ton de forfanterie toute m�ridionale, sans doute,
cet homme reste bien longtemps dans notre pays; mais quand il
m'ennuyera, je n'aurai qu'� remuer les doigts, et le lendemain lui et
ses soldats seront partis. Vous semblez craindre qu'il ne nous joue
quelque mauvais tour; mais qu'est-il donc, ce prince pitoyable, que sont
ses soldats? Dans leur patrie, c'�taient des gueux qui mouraient de
faim; voulant faire une bonne oeuvre, nous les avons appel�s en
Espagne pour les faire manger leur so�l; mais quand ils seront
rassasi�s, nous les renverrons d'o� ils sont venus.� De tels discours
devinrent, dans les mains de Motacim, des armes terribles. Quand il les
eut rapport�s � Yousof, celui-ci entra dans une violente col�re, et ce
qui jusque-l� n'avait �t� chez lui qu'un projet vague, devint une
r�solution bien arr�t�e, irr�vocable. Motacim triomphait; mais il
n'avait pas pr�vu ce qui allait arriver; �il n'avait pas pr�vu, dit fort
� propos un historien arabe, qu'il tomberait, lui aussi, dans le puits
qu'il avait creus� pour celui qu'il ha�ssait, et qu'il serait frapp� �
son tour par l'�p�e qu'il avait fait sortir du fourreau[210].�

Cette impr�voyance, du reste, �tait commune � tous les princes andalous.
Ils s'accusaient r�ciproquement aupr�s de Yousof, ils prenaient
l'Almoravide pour arbitre dans leurs querelles, et tandis que le prince
d'Alm�rie cherchait � perdre celui de S�ville, ce dernier t�chait de
faire tomber le prince de Murcie, Ibn-Rach�c. Pour y parvenir, il ne
cessait de r�p�ter � Yousof qu'Ibn-Rach�c avait �t� l'alli� d'Alphonse;
qu'il avait rendu de grands services aux chr�tiens d'Al�do, et que,
selon toute apparence, il leur en rendait encore. Puis, faisant valoir
ses droits � la possession de Murcie, il exigea que le tra�tre qui lui
avait enlev� cette ville f�t remis entre ses mains. Yousof chargea les
faquis d'examiner cette affaire, et quand ils eurent donn� raison �
Motamid, il fit arr�ter Ibn-Rach�c et le livra au roi de S�ville, en lui
d�fendant toutefois de le mettre � mort. Cette arrestation eut des
suites tr�s-f�cheuses, car les Murciens irrit�s quitt�rent le camp et
refus�rent de fournir d�sormais � l'arm�e les ouvriers et les vivres
dont elle avait besoin.

La situation des assi�geants �tait donc devenue fort p�nible, et elle
mena�ait de le devenir encore davantage attendu qu'on �tait aux
approches de l'hiver, lorsqu'on apprit qu'Alphonse arrivait au secours
de la place avec une arm�e de dix-huit mille hommes. Yousof eut d'abord
l'intention de l'attendre dans la Sierra de Tirieza (� l'ouest de
Totana) et de lui livrer bataille; mais bient�t il renon�a � ce projet
et se retira sur Lorca. Il craignait, disait-il, que les Andalous ne
prissent de nouveau la fuite, comme ils l'avaient fait � la bataille de
Zall�ca, et d'ailleurs il se tenait convaincu qu'Al�do n'�tait plus en
�tat de d�fense, de sorte que les Castillans seraient forc�s de
l'�vacuer. Cette opinion �tait juste, comme l'�v�nement le prouva.
Trouvant les fortifications presque toutes d�molies et la garnison
r�duite � une centaine d'hommes, Alphonse incendia la forteresse, et en
ramena les d�fenseurs en Castille[211].

Le but de la campagne avait donc �t� atteint, mais d'une mani�re � la
v�rit� bien peu �clatante, car Yousof avait assi�g� Al�do durant quatre
mois sans r�ussir � s'en emparer, et sa retraite � l'approche d'Alphonse
ressemblait assez � une fuite. Cependant les faquis prirent soin que sa
popularit� n'en souffr�t pas. Ils disaient que, si cette fois
l'Almoravide n'avait pas obtenu d'aussi beaux succ�s que quatre ann�es
auparavant, la faute en �tait aux princes andalous qui, par leurs
intrigues, leurs jalousies, leurs �ternelles discordes, emp�chaient le
grand monarque de faire tout le bien qu'il pourrait faire, si lui seul
�tait le ma�tre. En g�n�ral les faquis �taient plus actifs que jamais,
et ils devaient l'�tre, car, les princes s'�tant aper�us de leurs
men�es, ils commen�aient � courir de grands p�rils. Le cadi de Grenade,
Abou-Djafar Colai�, l'�prouva � ses d�pens. D�j� dans le camp, son
souverain, dont la tente �tait tout pr�s de la sienne, avait eu vent de
ses entretiens secrets avec Yousof, et il en avait devin� le but.
Cependant, comme la pr�sence de Yousof l'intimidait, il n'avait pas os�
prendre contre le conspirateur des mesures rigoureuses; mais � peine de
retour � Grenade, il le fit venir, lui reprocha de l'avoir trahi,
d'avoir tram� sa perte, et dans sa col�re il donna m�me l'ordre � ses
gardes de le frapper � mort. Heureusement pour Abou-Djafar, la m�re
d'Abdall�h se jeta aux genoux de son fils en le conjurant d'�pargner un
homme aussi pieux, et comme Abdall�h se laissait ordinairement dominer
par elle, il r�tracta l'ordre qu'il avait donn� et se contenta de mettre
le cadi aux arr�ts dans une chambre du ch�teau. Dans cette chambre le
cadi, qui se savait entour� de personnes fort superstitieuses, se mit �
r�citer des pri�res et des versets du Coran. Sa voix claire, sonore et
tr�s-forte faisait r�sonner le palais d'un bout � l'autre. Tout le monde
pr�tait l'oreille � ses pieuses �jaculations; on se taisait pour ne pas
le troubler, on craignait de faire du bruit, et en m�me temps on ne
cessait de r�p�ter au prince que Dieu lui infligerait un ch�timent
terrible, s'il ne se h�tait pas d'�largir ce mod�le de pi�t� et de
d�votion. La m�re d'Abdall�h se montra encore plus z�l�e que les autres,
et moiti� par pri�res, moiti� par menaces, elle persuada enfin � son
fils de rendre la libert� au prisonnier. Mais apr�s avoir re�u une telle
le�on, le cadi se garda bien de rester � Grenade. Il profita de
l'obscurit� de la nuit pour gagner Alcala, et de l� il se rendit �
Cordoue. Dor�navant il n'avait plus rien � craindre, mais il br�lait du
d�sir de se venger. Il �crivit donc � Yousof, lui peignit des plus vives
couleurs les mauvais traitements auxquels il avait �t� expos�, et le
conjura de ne pas diff�rer plus longtemps l'ex�cution du projet si
souvent discut� entre eux[212]. En m�me temps il s'adressa aux autres
cadis et faquis andalous pour leur demander un fetfa contre les princes
en g�n�ral, et contre les deux petits-fils de B�d�s en particulier. Les
cadis et les faquis n'h�sit�rent pas � d�cr�ter que les princes de
Grenade et de Malaga avaient perdu leurs droits par plusieurs forfaits,
et notamment par la mani�re brutale dont l'a�n� d'entre eux avait trait�
son cadi; mais n'osant pas encore d�clarer que les autres princes
avaient aussi perdu les leurs, ils se content�rent de pr�senter � Yousof
une supplique o� ils disaient qu'il �tait de son devoir de sommer tous
les princes andalous de rentrer dans la l�galit� et de n'exiger d'autres
contributions que celles que le Coran avait �tablies[213].

En vertu de ces deux fetfas, Yousof enjoignit aux princes andalous
d'abolir les imp�ts, corv�es etc. dont ils vexaient leurs sujets[214],
et marcha vers Grenade avec une division de son arm�e, apr�s avoir
ordonn� � trois autres divisions d'en faire autant. Cependant il ne
d�clara pas la guerre � Abdall�h, de sorte que ce prince devinait ses
intentions plut�t qu'il ne les connaissait. Son effroi fut extr�me. Il
ne ressemblait nullement � son a�eul, l'ignorant mais �nergique B�d�s.
Il avait quelque teinture des lettres, s'exprimait assez bien en arabe,
faisait m�me des vers, et avait une si belle main, qu'on a longtemps
conserv� � Grenade un Coran de son �criture; mais c'�tait en m�me temps
un homme pusillanime, �nerv�, indolent, incapable, un de ces hommes pour
lesquels les femmes n'ont point d'attrait, qui tremblent � la vue d'une
�p�e, et qui, ne sachant jamais � quel parti s'arr�ter, prennent avis de
tout le monde. Cette fois, ayant rassembl� son conseil, il demanda
d'abord l'opinion du vieux Moammil, qui avait rendu d'utiles services �
son a�eul. Moammil t�cha de le rassurer en lui disant que Yousof n'avait
pas d'intentions hostiles, et il lui conseilla de donner � ce monarque
une preuve de sa confiance en allant � sa rencontre. Puis, voyant
qu'Abdall�h ne go�tait pas ce conseil et qu'il songeait plut�t � se
mettre en �tat de d�fense, il s'effor�a de lui prouver qu'il lui serait
impossible de r�sister aux Almoravides. En ce point il avait raison, car
Abdall�h avait tr�s-peu de troupes, et comme il se d�fiait de son
meilleur g�n�ral, le Berber Moc�til el Royo (le rougeaud), il l'avait
�loign�[215]. Aussi tous les vieux conseillers de la cour se
rang�rent-ils � l'opinion de Moammil; mais Abdall�h avait des soup�ons
sur la loyaut� de cet homme; peu s'en fallait qu'il ne le consid�r�t
comme le complice du perfide cadi Abou-Djafar, qu'il se reprochait
d'avoir laiss� �chapper. Ses soup�ons, du reste, n'�taient pas tout �
fait sans fondement. Nous ignorons si Moammil s'�tait r�ellement engag�
� soutenir les int�r�ts de Yousof; mais il est certain que ce monarque,
dont il avait gagn� la faveur et qui appr�ciait ses talents, comptait
sur son appui. Abdall�h ne vit donc qu'un pi�ge dans les conseils de
Moammil, et comme ses jeunes favoris l'assuraient que Yousof avait bien
certainement de mauvais desseins, il annon�a qu'il �tait d�cid� �
repousser la force par la force, apr�s quoi il accabla Moammil et ses
amis de reproches et de menaces. C'�tait une imprudence, car de cette
mani�re il se les ali�nait tout � fait et les for�ait presque � se
d�clarer pour Yousof. C'est ce qu'ils firent en effet. Ayant quitt�
Grenade pendant la nuit, ils se rendirent vers Loxa, et, s'�tant empar�s
de cette ville, ils y proclam�rent la souverainet� du roi des
Almoravides. Des troupes qu'Abdall�h avait envoy�es contre eux, les
forc�rent � se rendre et les tra�n�rent � Grenade, o� ils furent
promen�s par les rues comme de vils criminels. Gr�ce � l'intervention de
Yousof, ils recouvr�rent cependant la libert�. Le monarque africain
enjoignit p�remptoirement au prince de Grenade de les �largir, et comme
ce dernier ne savait pas encore positivement quelles intentions Yousof
avait � son �gard, il n'osa lui d�sob�ir. Mais tandis qu'il t�chait
encore de pr�venir une rupture ouverte, il se pr�parait activement � la
guerre. Il d�p�cha courrier sur courrier � Alphonse, pour le prier de
venir � son secours, et, r�pandant l'or � pleines mains, il enr�la un
grand nombre de marchands, de tisserands, d'ouvriers de toute sorte.
Tout cela ne lui servit de rien. Alphonse ne r�pondit pas � son appel,
et les Grenadins �taient mal dispos�s pour lui: ils attendaient avec
impatience l'arriv�e des Almoravides, et chaque jour une foule
consid�rable quittait la ville pour aller se joindre � eux. Dans cet
�tat de choses, la r�sistance �tait impossible. Abdall�h le sentit, et
le dimanche 10 novembre 1090, Yousof �tant arriv� � deux parasanges de
Grenade, il r�unit de nouveau son conseil pour lui demander ce qu'il y
avait � faire. Le conseil ayant d�clar� qu'il ne fallait pas songer � se
d�fendre, la m�re d'Abdall�h, qui assistait aux d�lib�rations, et qui, �
ce qu'on assure, avait con�u le fol espoir que Yousof l'�pouserait, prit
la parole et dit: �Mon fils, il ne te reste qu'un parti � prendre. Va
saluer l'Almoravide; il est ton cousin[216], il te traitera
honorablement.� Abdall�h se mit donc en route, accompagn� de sa m�re et
d'un magnifique cort�ge. La garde slave ouvrait la marche, et la garde
chr�tienne entourait la personne du prince. Tous ces soldats portaient
des turbans de toile de coton tr�s-fine, et ils �taient mont�s sur des
chevaux superbes et couverts de housses de brocart.

Arriv� en pr�sence de Yousof, Abdall�h descendit de cheval et lui dit
que, s'il avait eu le malheur de lui d�plaire, il le suppliait de lui
pardonner. Yousof l'assura fort gracieusement que, s'il avait eu des
griefs contre lui, il les avait oubli�s, et le pria de se rendre � une
tente qu'il lui indiqua et o� il serait trait� avec tous les honneurs
dus � son rang. Abdall�h le fit; mais aussit�t qu'il eut mis le pied
dans la tente, il fut charg� de cha�nes.

Peu de temps apr�s, les principaux habitants de la ville arriv�rent au
camp. Yousof leur fit un excellent accueil, en les assurant qu'ils
n'avaient rien � craindre de lui et qu'ils ne pouvaient que gagner au
changement de dynastie qui allait avoir lieu. Et de fait, d�s qu'il eut
re�u leurs serments, il publia un �dit qui portait que tous les imp�ts
non prescrits par le Coran �taient abolis. Il fit ensuite son entr�e
dans la ville aux bruyantes acclamations du peuple; et descendit au
palais afin de faire l'inspection des richesses qu'il renfermait et que
B�d�s avait amass�es. Elles �taient immenses, prodigieuses,
innombrables; les chambres �taient orn�es de nattes, de tapis, de
rideaux d'une �norme valeur; partout des �meraudes, des rubis, des
diamants, des perles, des vases de cristal, d'argent ou d'or
�blouissaient la vue. Il y avait notamment un chapelet compos� de
quatre cents perles dont chacune fut �valu�e � cent ducats. L'Almoravide
fut �merveill� de tous ces tr�sors; avant d'entrer dans Grenade, il
avait d�clar� qu'ils lui appartenaient, mais comme il avait plus
d'ambition que de cupidit�, il voulut se montrer g�n�reux et les
partagea entre ses officiers sans en garder rien pour lui-m�me.
Cependant on savait que ce qui �tait expos� aux regards n'�tait pas tout
encore, et que la m�re d'Abdall�h avait enfoui bien des objets pr�cieux.
On la for�a d'indiquer les endroits qui lui avaient servi de cachettes;
mais comme on soup�onnait qu'elle n'avait pas �t� sinc�re dans ses
aveux, Yousof enjoignit � Moammil, qu'il nomma intendant du palais et
des domaines de la couronne, de faire fouiller les fondements et les
�gouts de l'�difice[217].

Apr�s ce qui venait de se passer, les princes andalous auraient �t� bien
excusables, s'ils avaient rompu tout de suite avec Yousof. Cependant ils
ne le firent pas; au contraire, Motamid et Motawakkil se rendirent �
Grenade pour f�liciter l'Almoravide, et Motacim y envoya � sa place son
fils Obaidall�h. Chose �trange! l'aveuglement de Motamid �tait tel
qu'il se flattait de l'espoir que Yousof voudrait c�der Grenade � son
fils R�dh� en d�dommagement d'Alg�ziras qu'il lui avait enlev�! Il
connaissait donc bien peu l'Africain, puisqu'il le supposait capable de
c�der un royaume! Au reste, Yousof le tira bient�t de son erreur. Il fut
pour les �mirs d'une froideur glaciale, ne r�pondit rien � l'insinuation
de Motamid � propos de Grenade, et fit jeter le fils de Motacim en
prison. Une telle conduite devait dessiller les yeux aux princes. Aussi
Motamid con�ut-il des inqui�tudes tr�s-vives. �Nous avons commis une
faute bien grave en appelant cet homme dans notre pays, dit-il �
Motawakkil; il nous donnera � boire le calice qu'Abdall�h a �t� oblig�
d'avaler.� Puis, pr�textant d'avoir re�u l'avis que les Castillans
mena�aient de nouveau les fronti�res, les deux princes demand�rent �
Yousof la permission de le quitter, et l'ayant obtenue, ils se h�t�rent
de retourner dans leurs Etats; apr�s quoi ils propos�rent aux autres
�mirs qui r�gnaient en Espagne de prendre ensemble les mesures
n�cessaires afin de pouvoir se d�fendre contre l'Almoravide dont les
projets n'�taient plus un secret pour personne. Cette d�marche fut
couronn�e de succ�s. Les �mirs s'engag�rent l'un envers l'autre � ne
fournir aux Almoravides ni troupes ni approvisionnements, et ils
r�solurent de conclure une alliance avec Alphonse[218].

De son c�t�, Yousof se rendit � Alg�ziras, car il avait l'intention de
se rembarquer et de laisser � ses g�n�raux la t�che odieuse de d�tr�ner
les princes andalous. Chemin faisant, il �ta la petite principaut� de
Malaga � Tem�m, le fr�re d'Abdall�h, prince tout � fait insignifiant, et
fit avertir les faquis que, le moment d�cisif �tant venu, il attendait
d'eux un fetfa tr�s-explicite. Ils s'empress�rent de r�pondre � son
d�sir. Ils d�clar�rent donc que les princes andalous �taient des
libertins, des d�bauch�s, des impies; que, par leur mauvais exemple, ils
avaient corrompu les peuples et les avaient rendus indiff�rents aux
choses sacr�es, t�moin le peu d'empressement que l'on mettait � assister
au service divin; qu'ils avaient lev� des contributions ill�gales, et
que, bien que somm�s par Yousof de les abolir, ils les avaient
maintenues; que, pour mettre le comble � leurs forfaits, ils venaient de
conclure une alliance avec le roi de Castille, c'est-�-dire avec
l'ennemi le plus implacable de la vraie religion; que, par cons�quent,
ils s'�taient rendus indignes de r�gner plus longtemps sur des
musulmans; que Yousof �tait d�li� de tous les engagements qu'il pourrait
avoir pris envers eux, et qu'il �tait non-seulement de son droit, mais
de son devoir de les d�tr�ner sans retard. �Nous prenons sur nous,
disaient-ils en terminant, de r�pondre devant Dieu de cet acte. Si nous
sommes dans l'erreur, nous consentons � porter dans la vie future la
peine de notre conduite, et nous d�clarons que vous, �mir des musulmans,
n'en �tes pas responsable; mais nous croyons fermement que les princes
andalous, si vous les laissez en paix, livreront notre pays aux
infid�les, et ce cas �ch�ant, vous aurez � rendre compte � Dieu de votre
inaction.�

Tel �tait le sens g�n�ral de ce m�morable fetfa, qui contenait en outre
des accusations dirig�es contre certains princes en particulier. Il n'y
avait pas jusqu'� Romaiquia qui n'y e�t sa place; on l'accusait d'avoir
entra�n� son �poux dans un tourbillon de plaisirs, et d'�tre la cause
principale de la d�cadence du culte.

Ce fetfa �tait pr�cieux pour Yousof, mais voulant lui donner une
autorit� encore plus grande, il le fit approuver par ses faquis
africains, et l'envoya ensuite aux plus c�l�bres docteurs de l'Egypte et
de l'Asie, afin qu'ils confirmassent l'opinion des docteurs de l'Ouest
par la leur. Il e�t �t� naturel qu'ils se d�clarassent incomp�tents,
puisqu'il s'agissait d'affaires qu'ils ne connaissaient pas; mais ils se
gard�rent bien d'en agir ainsi; l'id�e qu'il y avait quelque part un
pays o� des hommes de leur profession disposaient des tr�nes flattait
agr�ablement leur orgueil, et les plus renomm�s d'entre eux, le grand
Ghazz�l� en t�te, n'h�sit�rent pas � d�clarer qu'ils approuvaient en
tout point le d�cret des faquis andalous. Ils adress�rent en outre �
Yousof des lettres de conseils et l'engag�rent de la mani�re la plus
pressante � gouverner avec justice et � ne jamais s'�carter de la bonne
voie, ce qui voulait dire qu'il devait constamment s'en tenir �
l'opinion du clerg�[219].




XIV.


On pouvait pr�voir quel serait le caract�re de la guerre qui allait
commencer: ce serait une guerre de si�ges et non de batailles. Aussi les
deux partis se pr�par�rent-ils, l'un � attaquer les places fortes,
l'autre � les d�fendre; et l'arm�e almoravide, dont S�r ibn-ab�-Becr, un
parent de Yousof, �tait le g�n�ral en chef, se divisa en plusieurs
corps, dont un alla assi�ger Alm�rie, tandis que les autres se port�rent
vers les forteresses de Motamid. Parmi ces derni�res, Tarifa succomba
d�s le mois de d�cembre 1090[220]. Peu de temps apr�s, tant leurs
progr�s furent rapides, les soldats de Yousof avaient d�j� commenc� le
si�ge de Cordoue, o� commandait un fils de Motamid, � savoir Fath,
surnomm� Mamoun. L'ancienne capitale du califat n'opposa pas une longue
r�sistance: ses propres habitants la livr�rent aux Almoravides. Fath
essaya encore de se frayer une route avec son �p�e au travers des
ennemis et des tra�tres, mais il succomba sous le nombre. On lui trancha
la t�te, que l'on mit au bout d'une pique et que l'on promena en
triomphe (26 mars 1091)[221]. Carmona fut prise le 10 mai[222], et alors
on put commencer le si�ge de S�ville. Deux arm�es march�rent contre
cette cit�; l'une s'�tablit � l'est, l'autre � l'ouest. Le Guadalquivir
s�parait cette derni�re de la ville, qui, de ce c�t�-l�, �tait d�fendue
par la flotte.

La position de Motamid �tait donc devenue fort critique. Cependant un
seul espoir lui restait: il comptait sur le secours d'Alphonse, auquel
il avait fait les promesses les plus brillantes pour le cas o� il
voudrait l'aider. Alphonse s'�tait engag� � le faire, et il tint sa
parole: il envoya Alvar Fa�ez vers l'Andalousie avec une grande arm�e.
Malheureusement pour Motamid, Alvar Fa�ez fut battu pr�s d'Almodovar par
des troupes que S�r avait envoy�es � sa rencontre[223]. La nouvelle de
ce d�sastre fut un coup de foudre pour le roi de S�ville. Toutefois il
ne d�sesp�rait pas encore; ce qui le soutenait, ce qui lui donnait des
forces, c'�taient les pr�dictions, les r�ves de son astrologue. Tant que
les pronostics �taient favorables, il croyait qu'il serait sauv� par je
ne sais quel miracle; mais quand ils devinrent mauvais, quand ils
parl�rent d'une fin qui approchait, d'un lion qui saisit sa proie, il
tomba dans un morne abattement et abandonna � son fils Rach�d le soin de
la d�fense.

Cependant les m�contents qui voulaient livrer la ville � l'ennemi,
s'agitaient, conspiraient et s'effor�aient de faire �clater une
s�dition. Motamid les connaissait, et s'il l'avait voulu, il aurait pu
les mettre � mort, comme on le lui conseillait; mais r�pugnant � l'id�e
de terminer son r�gne par un acte aussi rigoureux, il se contenta de les
faire observer. Il para�t cependant que la surveillance qu'on exer�ait
sur eux n'�tait pas assez active, car ils trouv�rent le moyen de
communiquer avec les assi�geants, les aid�rent � faire une br�che, et le
mardi 2 septembre, quelques Almoravides p�n�tr�rent par cette br�che
dans la ville. A peine averti de ce qui se passait, Motamid saisit un
sabre; puis, sans se donner le temps de prendre un bouclier ou une
cuirasse, il se jette � cheval et se pr�cipite sur les agresseurs,
entour� de quelques soldats d�vou�s. Un cavalier almoravide lui lance un
javelot. L'arme passe sous son bras et effleure sa tunique. Prenant
alors son sabre � deux mains, il fend le cavalier en deux morceaux,
repousse les autres ennemis et les force � chercher leur salut dans une
fuite pr�cipit�e. La br�che fut r�par�e sur-le-champ; mais le p�ril,
�cart� pour un instant, ne tarda pas � rena�tre. Dans l'apr�s-midi les
Almoravides r�ussirent � br�ler la flotte, ce qui causa une grande
consternation parmi les assi�g�s, car ils savaient qu'apr�s la
destruction des vaisseaux la ville n'�tait plus tenable, et ils
n'ignoraient pas non plus que, pour aller � l'assaut, les ennemis
n'attendaient que l'arriv�e de S�r, qui devait leur amener des renforts.
Aussi l'effroi fut tel que les habitants ne song�rent qu'� sauver leur
vie. Quelques-uns se jet�rent dans le fleuve en t�chant de le traverser
� la nage, d'autres se pr�cipit�rent du haut des murailles; il y en eut
m�me qui se gliss�rent par les cloaques. S�r arriva sur ces entrefaites,
et le dimanche 7 septembre, il fit livrer l'assaut. Les soldats post�s
sur les remparts se d�fendirent bravement, mais ils furent accabl�s par
le nombre, et alors les Almoravides p�n�tr�rent dans la ville, la
pill�rent et y commirent toutes sortes d'exc�s. Leur rapacit� fut telle
qu'ils enlev�rent aux S�villans jusqu'� leur dernier v�tement.

Motamid �tait encore dans le ch�teau. Ses femmes pleuraient, ses amis le
conjuraient de se rendre. Il ne le voulut point, car il entrevoyait avec
horreur, non pas la mort qu'il �tait trop habitu� � braver pour la
craindre, mais un supplice inf�me, et ce qu'il pensait � cette occasion,
il l'a exprim� dans ces vers:

     Quand mes pleurs cess�rent enfin de couler et qu'un peu de calme
     rentra dans mon coeur d�chir�: �Rendez-vous, me dit-on, ce sera
     le parti le plus sage.� Ah! r�pondis-je, un poison me semblerait
     plus doux � avaler qu'une telle honte! Que les barbares m'enl�vent
     mon royaume et que mes soldats m'abandonnent: mon courage, ma
     fiert� ne m'abandonnent pas. Le jour o� je fondis sur les ennemis,
     je ne voulais pas d'une cuirasse; j'allai � leur rencontre sans
     autre v�tement qu'une tunique, et, esp�rant trouver la mort, je me
     jetai au plus fort de la m�l�e; mais mon heure, h�las! n'�tait pas
     venue!

R�solu � chercher une fois encore la mort qui semblait le fuir, il
r�unit ses soldats; puis il se jeta en d�sesp�r� sur un bataillon
almoravide qui avait p�n�tr� dans la cour du ch�teau, le chassa et le
culbuta dans la rivi�re. Son fils M�lic perdit la vie � cette occasion;
mais lui ne re�ut pas m�me de blessure. Rentr� dans le ch�teau, il eut
un instant l'id�e de se donner la mort; mais croyant que ce serait
offenser Dieu, il renon�a � ce projet et se d�cida enfin � se rendre. La
nuit venue, il envoya donc son fils Rach�d aupr�s de S�r, car il
esp�rait encore obtenir des conditions. Cet espoir fut d��u. Rach�d
demanda en vain une audience, et on lui donna � entendre que son p�re
devait se rendre � discr�tion. N'ayant plus le choix des partis,
Motamid se r�signa � prendre le seul qui lui rest�t. Il dit donc adieu �
sa famille, � ses compagnons d'armes qui pleuraient et g�missaient, et
se remit avec Rach�d entre les mains des Almoravides. Le ch�teau fut
pill� comme la ville l'avait �t�, et l'on annon�a � Motamid que lui et
sa famille n'auraient la vie sauve, qu'� la condition qu'il enverrait �
ses deux fils, R�dh� et Motadd, qui commandaient l'un � Ronda, l'autre �
Mertola, l'ordre de se rendre sans retard aux corps almoravides qui les
assi�geaient. Motamid consentit � le faire; mais comme il savait que ses
deux fils avaient l'�me aussi fi�re que lui, il les conjura dans les
termes les plus touchants d'ob�ir � ses volont�s, la vie de leur m�re,
de leurs fr�res, de leurs soeurs ne pouvant �tre sauv�e qu'� ce prix.
Romaiquia joignit ses instances aux siennes; elle aussi craignait que
ses fils ne refusassent de se soumettre, et cette crainte �tait fond�e.
R�dh� surtout, si touch� qu'il f�t du sort qui attendait sa famille au
cas o� il continuerait � se d�fendre, eut bien de la peine � se r�soudre
� ob�ir, car Ronda pouvait tenir tr�s-longtemps encore. Le g�n�ral
Guerour, qui avait �t� charg� de l'assi�ger, se tenait � distance; il
n'osait approcher de ce nid d'aigle perch� sur le sommet d'une montagne
escarp�e, et il n'avait aucun espoir de s'en emparer par la force des
armes. A la fin, toutefois, le sentiment filial l'emporta dans le
coeur de R�dh�; il consentit � traiter, et, ayant obtenu une
capitulation honorable, il ouvrit aux Almoravides les portes de sa
forteresse. Mais Guerour eut l'infamie de manquer � sa parole, et pour
punir R�dh� d'avoir h�sit� si longtemps, il le fit assassiner. Motadd,
qui s'�tait d�cid� plus vite, eut un sort moins dur; cependant la
capitulation qu'il avait conclue fut viol�e aussi, car on lui enleva
tous ses biens, quoiqu'on se f�t engag� � les lui laisser[224].

La prise de S�ville h�ta la reddition d'Alm�rie. Sur son lit de mort,
Motacim avait conseill� � son fils a�n�, Izz-ad-daula, d'aller chercher
un refuge � la cour des seigneurs de Bougie, aussit�t qu'il aurait
appris que S�ville avait d� se rendre. Cet �v�nement ayant eu lieu,
Izz-ad-daula ob�it aux derni�res volont�s de son p�re, et alors les
Almoravides entr�rent dans Alm�rie, tambour battant et enseignes
d�ploy�es[225]. Peu de temps apr�s, ils prirent Murcie, D�nia,
Xativa[226]. Puis ils tourn�rent leurs armes contre le royaume de
Badajoz. Lors du si�ge de S�ville, Motawakkil avait cru �chapper � sa
ruine en concluant une alliance avec les Almoravides, et il les avait
m�me aid�s, dit-on, � s'emparer de la capitale de Motamid[227]; mais
plus tard, quand ses soi-disant alli�s eurent commenc� � ravager ses
fronti�res, il s'�tait jet� dans les bras d'Alphonse et avait achet� la
protection de ce monarque en lui c�dant Lisbonne, Cintra et
Santarem[228]. Cette d�marche avait m�content� ses sujets, et ce furent
eux qui appel�rent les Almoravides. Par cons�quent, S�r, qui avait �t�
nomm� gouverneur de S�ville, envoya une arm�e contre Motawakkil au
commencement de l'ann�e 1094, et cette arm�e conquit le pays, sans en
excepter la capitale, avec tant de facilit� et de rapidit�, qu'Alphonse
n'eut pas le temps de venir au secours de son alli�. Motawakkil tomba au
pouvoir des ennemis, la citadelle de Badajoz, o� il s'�tait retir� avec
sa famille, ayant �t� prise d'assaut. A force de tortures, S�r le
contraignit � r�v�ler les endroits o� il avait cach� ses tr�sors, apr�s
quoi il lui annon�a qu'il le ferait conduire � S�ville de m�me que ses
deux fils, Fadhl et Abb�s. Telle, cependant, n'�tait pas son intention;
au contraire, il avait r�solu d'en finir avec ces princes; seulement,
comme il craignait que leur ex�cution, si elle avait lieu dans la ville,
n'y produis�t un mauvais effet, il avait ordonn� au capitaine qui
commandait l'escorte, de les mettre � mort d�s qu'on serait hors de vue.
A quelque distance de Badajoz, le capitaine annon�a donc � Motawakkil
que lui et ses fils devaient se pr�parer � mourir. Le prince infortun�
ne t�cha pas de fl�chir ses bourreaux, il savait que ce serait inutile;
il les pria seulement de commencer par ses fils, car, selon les id�es
musulmanes, on peut racheter par les souffrances les p�ch�s qu'on a
commis. Sa demande lui fut accord�e, et quand il eut vu tomber les t�tes
de ses deux enfants, il s'agenouilla pour faire une derni�re pri�re. Les
soldats ne lui laiss�rent pas le temps de l'achever: ils le tu�rent �
coups de lance[229].

En 1102, les Almoravides prirent possession de Valence, ville dont le
Cid s'�tait empar� huit ans auparavant. Tant qu'il v�cut, les
Almoravides t�ch�rent en vain de la lui enlever, et apr�s sa mort
(1099), sa veuve Chim�ne s'y maintint encore pendant plus de deux
ann�es; mais Alphonse, qu'elle avait appel� � son secours et qui croyait
Valence trop �loign�e de ses Etats pour qu'il p�t la disputer longtemps
aux Sarrasins, l'engagea � l'abandonner. C'est ce qui eut lieu; mais ne
voulant laisser aux Almoravides que des d�combres, les Castillans
incendi�rent la ville au moment de leur d�part.

Il ne restait donc dans l'Espagne musulmane que deux Etats qui n'eussent
pas encore �t� incorpor�s � l'empire des Almoravides: c'�taient
Saragosse, o� r�gnait Mosta�n, de la famille des Beni-Houd, et la Sahla,
qui appartenait aux Beni-Raz�n. Ces derniers avaient reconnu la
souverainet� de Yousof; n�anmoins ils furent d�pos�s[230]. Plus heureux,
Mosta�n, qui avait su gagner la faveur des Almoravides par les riches
pr�sents qu'il leur envoyait, conserva son tr�ne tant qu'il v�cut; mais
� sa mort, arriv�e le 24 janvier 1110, les choses chang�rent de face.
Son fils Im�d-ad-daula lui succ�da; mais les habitants de Saragosse ne
voulurent le reconna�tre qu'� condition qu'il s'engagerait � licencier
les soldats chr�tiens qui servaient dans l'arm�e. C'�tait une condition
bien dure � remplir, car depuis un si�cle les chr�tiens �taient les
meilleures troupes de l'arm�e de Saragosse; ils �taient les plus s�rs
appuis du tr�ne, et si Im�d-ad-daula les cong�diait, il �tait �vident
qu'il ne tarderait pas � succomber, attendu que ses sujets ne
demandaient pas mieux que de se donner aux Almoravides. Malgr� qu'il en
e�t, le prince consentit cependant � faire la promesse qu'on exigeait de
lui; mais quand il l'eut remplie, ses sujets se h�t�rent de se mettre
en rapport avec Al�, le fils de Yousof, qui r�gnait alors, son p�re
�tant mort trois ans auparavant, et de lui dire que, les chr�tiens ayant
�t� �cart�s, il lui serait facile de s'emparer du royaume. Inform� de
leurs men�es, Im�d-ad-daula enr�la de nouveau des chr�tiens. Cette
mesure mit le comble au m�contentement de ses sujets. Ils inform�rent
Al� de ce qui s'�tait pass�, et le suppli�rent de les secourir. Al�
demanda aux faquis de Maroc s'il avait le droit de c�der � leur pri�re,
et en ayant re�u une r�ponse affirmative, il fit parvenir au gouverneur
de Valence l'ordre d'aller prendre possession de Saragosse. Cet ordre
s'ex�cuta sans obstacle, car Im�d-ad-daula, qui ne se croyait plus en
s�ret� dans sa capitale, l'avait �vacu�e pour se jeter dans la
forteresse de Rueda. Avant son d�part, il avait encore �crit � Al� une
lettre fort touchante, o� il le conjurait, par l'amiti� qui avait exist�
entre leurs p�res, de lui laisser ses Etats, puisqu'il n'avait fait rien
qui put motiver de la part d'Al� une d�marche hostile. Cette lettre fit
de l'impression sur Al�, d'autant plus que son p�re lui avait
recommand�, sur son lit de mort, de vivre en paix avec les Beni-Houd;
aussi envoya-t-il un contre-ordre au gouverneur de Valence; mais ce
contre-ordre arriva trop lard; les Almoravides �taient d�j� entr�s dans
Saragosse[231].

Toute l'Espagne musulmane �tait donc r�unie sous le sceptre du roi de
Maroc; ce que le peuple et les faquis avaient d�sir� s'�tait accompli,
et les faquis du moins n'eurent pas � se repentir d'avoir coop�r� de la
mani�re la plus active au succ�s de la r�volution. Il faudrait remonter
jusqu'au temps des Visigoths pour trouver un second exemple d'un clerg�
aussi puissant que le clerg� musulman l'�tait sous le r�gne des
Almoravides. Les trois princes de cette maison qui r�gn�rent
successivement sur l'Andalousie, Yousof, Al� (1106-1143) et T�chouf�n
(1143-1145), �taient tous extr�mement d�vots; ils entouraient tous les
faquis de respects et d'hommages, ils ne faisaient rien sans avoir
obtenu leur approbation. Cependant, c'est � Al� qu'il faut d�cerner la
palme. Le hasard s'�tait tromp� en faisant na�tre cet homme sur les
marches d'un tr�ne; la nature l'avait destin� pour une vie de repos et
de pieuse m�ditation, pour le clo�tre, pour un ermitage dans le D�sert.
Sa vie durant, il ne fit que prier et je�ner. Naturellement les faquis
n'eurent qu'� s'en applaudir: ils maniaient le monarque comme ils
voulaient, gouvernaient l'Etat, disposaient de tous les postes et de
toutes les faveurs, amassaient d'immenses richesses[232]; en un mot,
ils recueillaient les fruits qu'ils s'�taient promis de la domination
almoravide, et peut-�tre la moisson d�passait leurs esp�rances. Mais si
l'�v�nement avait justifi� leur attente, il avait aussi justifi� les
craintes de ceux qui n'avaient voulu ni de la domination du clerg� ni de
celle des barbares soldats du Sahara et du Maroc. Les hommes de lettres,
les po�tes, les philosophes avaient de grands sujets de plainte. Il est
vrai que plusieurs litt�rateurs qui avaient servi dans les chancelleries
des princes andalous obtinrent des emplois dans celle du nouveau ma�tre;
mais ils se trouvaient d�plac�s et mal � l'aise au milieu de pr�tres
fanatiques et de rudes officiers; l'entourage des princes andalous avait
�t� tout autre. M�me chez ceux qui, pour gagner le pain du jour,
flattaient les seigneurs almoravides et leur d�diaient des livres, on
remarque une certaine tristesse m�l�e � une grande admiration pour les
princes lettr�s qui avaient r�gn� autrefois sur l'Andalousie. Il y en
eut aussi qui �prouvaient parfois le besoin imp�rieux de d�charger leur
bile, comme ce secr�taire qui, lorsqu'il eut re�u l'ordre d'adresser, au
nom du monarque, quelques reproches � l'arm�e de Valence, laquelle
s'�tait laiss� battre par le roi d'Aragon, c�da � son antipathie jusqu'�
placer dans sa lettre des phrases telles que celles-ci: �L�ches,
inf�mes, vous prenez donc tous la fuite � la vue d'un seul cavalier? Au
lieu de chevaux � monter, nous devrions vous donner des brebis � traire.
Il est temps que nous vous punissions s�v�rement, que nous purgions de
vous la P�ninsule et que nous vous renvoyions dans le Sahara.� Un tel
langage, il est � peine besoin de le dire, ne plut nullement au
monarque, et le secr�taire fut destitu�[233]. Quant aux po�tes, ne
trouvant plus de patrons, ils d�ploraient la d�cadence du go�t et
maudissaient la barbarie qui avait envahi leur pays[234]. Quelques-uns
d'entre eux subsistaient p�niblement en composant des odes en l'honneur
des faquis, car, si d�vots qu'ils fussent, ceux-ci n'�taient pas exempts
de vanit�, et leur chef Ibn-Hamd�n, le cadi de Cordoue, en avait m�me
beaucoup. Il pr�tendait appartenir � la noblesse arabe, il tranchait du
prince, et entre autres vers il se fit adresser ceux-ci: �Ne parle pas
de la splendeur de Bagdad, ni de la beaut� de la Chine ou de la
Perse:--sur toute la terre il n'y a point de ville qui puisse se
comparer � Cordoue, point d'homme qui puisse se mesurer avec
Ibn-Hamd�n[235].� Mais les faquis, sans en excepter Ibn-Hamd�n, qui
�tait cependant l'homme le plus riche de Cordoue[236], payaient fort
mal[237], et d'ailleurs les po�tes qui avaient le respect d'eux-m�mes et
de leur art n'aimaient pas � les chanter. La pauvret� fut donc leur
sort. Ibn-Bak�, un charmant po�te, l'un des meilleurs que l'Andalousie
ait eus, errait comme un vagabond de ville en ville et manquait de
pain[238]. �Aupr�s de vous, mes compatriotes, disait-il dans un de ses
po�mes, je suis dans la pauvret� et la mis�re, et si je m�ritais le nom
d'homme libre et fier, je serais d�j� parti. Votre jardin ne produit pas
de fruits, votre ciel ne donne pas une goutte de pluie. J'ai du m�rite
cependant, et si l'Andalousie ne veut pas de moi, l'Ir�c me recevra �
bras ouverts. Ici ce serait une folie que de vouloir subsister par ses
talents, car ici on ne trouve que de stupides et avares parvenus[239].�
Une seule consolation restait aux po�tes: ils pouvaient persifler les
puissants du jour, �crire des satires pleines de fiel contre les faquis,
�ces hypocrites, ces loups qui rampent dans les t�n�bres et qui d�vorent
pieusement tous les biens d'ici-bas[240];� mais il �tait dangereux
d'exhaler sa col�re de cette fa�on, car les faquis savaient punir les
audacieux qui se moquaient d'eux. La philosophie, il est � peine besoin
de le dire, �tait une science prohib�e. M�lic ibn-Wohaib, de S�ville,
eut l'imprudence de s'en occuper; mais voyant qu'il risquait sa vie, il
y renon�a pour se livrer enti�rement � l'�tude de la th�ologie et du
droit canon. Il n'eut pas � s'en repentir, car il devint l'ami et le
confident du monarque; cependant on ne lui pardonna jamais tout � fait
la faute qu'il avait commise dans sa jeunesse, et un de ses ennemis
composa contre lui ces vers: �La cour d'Al�, le petit-fils de T�chouf�n,
serait pure de toute souillure, si le d�mon n'avait trouv� le moyen d'y
faire admettre M�lic ibn-Wohaib[241].� L'intol�rance des faquis
d�passait toutes les bornes, et leurs vues �taient fort �troites. Peu
vers�s dans l'�tude du Coran et des traditions relatives au Proph�te,
ils ne connaissaient que les �crits des disciples de M�lic, qu'ils
regardaient comme des autorit�s infaillibles et dont il n'�tait pas
permis de s'�carter. Leur th�ologie, � vrai dire, n'�tait autre chose
qu'une connaissance minutieuse du droit canon. En vain des th�ologiens
un peu plus �clair�s s'�levaient contre leur go�t exclusif pour des
questions et des livres, en r�alit� secondaires: on leur r�pondait par
la pers�cution, on les traitait d'h�t�rodoxes, de schismatiques,
d'impies. Le livre que le c�l�bre Ghazz�l� avait publi� en Orient sous
le titre de _Vivification des sciences religieuses_, causa en Andalousie
un grand scandale. Ce n'�tait pas, cependant, un livre h�t�rodoxe.
Ghazz�l�, qu'aucun syst�me philosophique n'avait satisfait, avait
d'abord conclu au scepticisme; puis, le scepticisme n'ayant pu le
retenir, il s'�tait pr�cipit� dans l'asc�se, et d�s lors il �tait devenu
l'ennemi jur� de la philosophie[242]. Aussi affirme-t-il, dans sa
Vivification des sciences religieuses, que la m�taphysique ne doit
servir qu'� d�fendre la religion r�v�l�e contre les novateurs et les
h�r�tiques; dans un temps de foi vraie et vive, d�clare-t-il, elle
serait superflue; et quant � l'�tude de la nature, il veut que l'on s'en
abstienne absolument, si l'on s'aper�oit qu'elle pourrait �branler la
foi[243]. Mais il pr�chait une religion intime, fervente, passionn�e,
une religion du coeur, et il bl�mait �nergiquement les th�ologiens de
son temps, qui, s'arr�tant � l'�corce, ne s'occupaient que de questions
de droit, utiles seulement pour terminer les insignifiantes querelles de
la vile populace[244]. C'�tait attaquer les faquis andalous dans leur
faible; aussi se r�cri�rent-ils d'indignation. Le cadi de Cordoue,
Ibn-Hamd�n, d�clara que tous ceux qui avaient lu le livre de Ghazz�l�
�taient des m�cr�ants, des damn�s, et il dressa un fetfa o� il disait
que tous les exemplaires devaient en �tre livr�s au feu. Ce fetfa, sign�
par les faquis de Cordoue, fut pr�sent� au roi Al�, qui l'approuva. Par
cons�quent, le livre de Ghazz�l� fut br�l� � Cordoue et dans toutes les
autres villes de l'empire, et l'on d�fendit � tout le monde, sous peine
de mort et de confiscation des biens, d'en avoir un exemplaire[245].

On comprend que sous un tel r�gime le sort de ceux qui �taient en dehors
de la religion musulmane �tait intol�rable. Voici, par exemple, ce qui
arriva aux juifs. Un faqui de Cordoue crut avoir trouv� un excellent
moyen pour les forcer � embrasser l'islamisme. Il pr�tendit avoir
rencontr� parmi les papiers d'Ibn-Masarra une tradition qui disait que
les juifs s'�taient engag�s envers Mahomet � se faire musulmans � la fin
du cinqui�me si�cle de l'H�gire, si le Messie qu'ils attendaient n'avait
pas paru dans cet intervalle. Evidemment ce faqui n'�tait pas tr�s-fort
sur l'histoire litt�raire; s'il l'e�t �t�, il se serait bien gard� de
dire qu'il avait trouv� cette tradition dans les papiers d'Ibn-Masarra,
car on sait que l'orthodoxie de ce savant �tait plus que suspecte[246].
Mais on n'y regarda pas de si pr�s, et le roi Yousof, qui se trouvait
alors en Espagne, se rendit � Luc�na (la ville exclusivement juive, car
aucun musulman ne pouvait y habiter) afin de sommer les juifs d'ex�cuter
la promesse faite par leurs anc�tres. Grande consternation parmi les
juifs de Luc�na; heureusement pour eux, il leur restait un moyen pour se
tirer d'affaire. Au fond, ce n'�tait pas � leur conscience, � leur foi,
qu'on en voulait, mais � leur or; ils passaient pour les juifs les plus
riches du monde musulman, et le gouvernement comptait sur eux pour
combler le d�ficit cr�� dans le tr�sor par l'abolition des contributions
ill�gales. C'est ce qu'ils n'ignoraient pas; en cons�quence, ils
s'adress�rent au cadi de Cordoue Ibn-Hamd�n, en le suppliant de vouloir
bien interc�der pour eux aupr�s du souverain. Le cadi ne se montra pas
inaccessible � leurs pri�res; il promit de parler en leur faveur, et il
le fit. Nous n'oserions affirmer qu'il leur ait rendu ce service pour
rien; mais en tout cas, il persuada au roi de se contenter d'une somme
d'argent. Cette somme, il est vrai, �tait �norme; mais dans les
circonstances donn�es, les juifs durent s'estimer heureux d'en �tre
quittes pour un sacrifice p�cuniaire[247].

Les chr�tiens, les Mozarabes comme on les appelait, eurent � souffrir
bien davantage; la haine que les faquis et la populace nourrissaient
contre eux �tait plus forte et plus envenim�e. Dans beaucoup d'endroits
ils ne formaient plus qu'une petite communaut�; mais ils �taient encore
nombreux dans la province de Grenade, et tout pr�s de la capitale de
cette province ils poss�daient une belle �glise qui avait �t� b�tie,
vers l'an 600, par un seigneur goth nomm� Gudila. Cette �glise
offusquait les faquis. Se fondant probablement sur l'autorit� du calife
Omar II qui avait voulu qu'on ne laiss�t debout nulle part ni �glises ni
chapelles, qu'elles fussent nouvelles ou anciennes[248], ils donn�rent
un fetfa qui ordonnait de la d�truire; et ce fetfa ayant re�u
l'approbation de Yousof, l'�difice sacr� fut d�moli de fond en comble
(1099). Selon toute apparence, d'autres �glises eurent le m�me sort; il
est certain du moins que les faquis abreuv�rent les Mozarabes de tant de
vexations, que ceux-ci suppli�rent enfin le roi d'Aragon, Alphonse le
Batailleur, de venir les d�livrer du joug intol�rable qui pesait sur
eux. Alphonse c�da � leurs pri�res. En septembre 1125, il se mit en
marche avec quatre mille chevaliers, lesquels �taient suivis de leurs
gens d'armes et qui tous avaient jur� sur l'Evangile de ne pas
s'abandonner l'un l'autre. Son exp�dition, toutefois, n'eut pas le
r�sultat qu'il s'en �tait promis. Il est vrai qu'il ravagea l'Andalousie
pendant plus d'une ann�e, qu'il poussa jusqu'aux portes de Cordoue et
qu'il remporta une grande victoire � Arnisol pr�s de Luc�na; mais il
�tait venu pour prendre Grenade, et il n'y r�ussit pas. L'arm�e
aragonaise partie, les musulmans punirent les Mozarabes de la mani�re la
plus cruelle. Dix mille d'entre eux s'�taient d�j� soustraits � leur
fureur; connaissant le sort qui les attendait, ils avaient obtenu
d'Alphonse la permission de s'�tablir dans ses Etats; mais il en restait
encore beaucoup, et ceux-ci furent priv�s de leurs biens, maltrait�s de
toutes les mani�res, jet�s en prison ou mis � mort. La plupart,
cependant, furent transport�s en Afrique en butte � d'insupportables
souffrances, et on les �tablit dans les environs de Sal� et de Miquen�s
(1126). Tout cela se fit en vertu d'un d�cret d'Al�, que le cadi
Ibn-Rochd (le grand-p�re du c�l�bre philosophe Averro�s) avait
provoqu�[249]. Onze ans plus tard eut lieu une seconde d�portation de
Mozarabes[250], de sorte qu'en Andalousie il n'en resta que bien peu.

Pour beaucoup de gens ce gouvernement �tait donc bien dur, bien
tyrannique. Cependant les chr�tiens, les juifs, les th�ologiens
musulmans de l'�cole lib�rale, les philosophes, les po�tes, les hommes
de lettres ne formaient, m�me pris ensemble, qu'une minorit�. C'�tait
sans contredit une minorit� fort consid�rable et dont il �tait
impossible de ne pas tenir compte, car presque tous les hommes de talent
en faisaient partie; mais enfin, ce n'�tait pas la masse de la
population. Ce que celle-ci attendait du nouveau gouvernement pouvait se
formuler ainsi: l'ordre au dedans, la protection contre l'ennemi du
dehors, la diminution des imp�ts et l'accroissement de la prosp�rit�
publique. Ces voeux furent-ils remplis? On peut dire qu'ils le furent
pendant le r�gne de Yousof et dans les premi�res ann�es de celui de son
successeur. Dans ce temps-l� l'ordre ne fut point troubl�; les routes
�taient s�res[251]; les Castillans furent si bien tenus en respect,
qu'ils ne song�rent plus � venir ravager l'int�rieur de
l'Andalousie[252], et dans l'origine du moins, le gouvernement ne leva
point de contributions illicites; c'�taient les juifs, comme nous
l'avons vu, qui devaient payer pour les musulmans quand le tr�sor se
trouvait � sec. Cependant nous n'oserions affirmer, comme le fait un
chroniqueur[253], qu'il n'y eut aucune contribution extraordinaire, car
il est certain qu'une fois, du moins, Yousof essaya de lever une
contribution de guerre, une _maouna_ (aide) comme on disait. Les
Alm�riens, qui n'avaient jamais montr� une bien grande partialit� pour
les Almoravides, refus�rent de la payer, et le cadi de cette ville,
Abou-Abdall�h ibn-al-Farr�, r�pondit en ces termes aux r�primandes de
Yousof: �Vous me bl�mez, seigneur, parce que je n'ai pas voulu
contraindre mes concitoyens � payer la _maouna_, et vous dites qu'elle
doit �tre pay�e, attendu que tous les cadis et faquis du Maroc et de
l'Andalousie l'ont d�cr�t� ainsi en se fondant sur l'exemple d'Omar, le
compagnon du Proph�te, qui a �t� inhum� � c�t� de celui-ci et dont la
justice n'a jamais �t� r�voqu�e en doute. Voici ma r�ponse, �mir des
musulmans: vous n'�tes pas le compagnon du Proph�te, vous ne serez pas
inhum� � ses c�t�s, je ne sache pas que votre justice n'ait jamais �t�
r�voqu�e en doute, et si les cadis et les faquis vous mettent sur la
m�me ligne qu'Omar, ils auront � r�pondre devant Dieu de cette opinion
t�m�raire. Omar, d'ailleurs, n'a demand� la contribution dont il s'agit
qu'apr�s avoir jur� dans la mosqu�e qu'il ne restait pas un seul dirhem
dans le tr�sor; si vous pouvez en faire de m�me, vous aurez le droit de
demander une contribution extraordinaire; sinon, non. Salut[254]!� Ce
fier langage eut-il pour effet que Yousof renon�a � son dessein, ou
bien y persista-t-il? Nous ne saurions le dire; mais nous serions port�
� croire que, sous le r�gne d'Al�, les contributions ill�gales furent
r�tablies, du moins en partie, car en parlant des Roum (chr�tiens)
auxquels ce prince donna des emplois, un chroniqueur[255] dit qu'ils
furent charg�s aussi de percevoir les _maghram_, et ordinairement on
entend sous ce mot des imp�ts qui n'ont pas �t� prescrits par le Coran.
Toutefois, la population fut tax�e moins haut que sous les princes
andalous, et il est naturel que, gr�ce � cette circonstance et au repos
dont on jouissait, la prosp�rit� s'accr�t. Elle fut en effet
tr�s-grande; la preuve en est que le pain se vendait � bon march� et
qu'on pouvait se procurer des l�gumes presque pour rien[256].

En g�n�ral, le peuple ne fut donc pas d�sappoint�; seulement il s'�tait
tromp� s'il avait cru que les Almoravides remporteraient sur les
chr�tiens des victoires d�cisives et rendraient � l'Espagne musulmane la
grandeur et la puissance qu'elle avait eues du temps d'Abd�rame III, de
Hacam II, d'Almanzor. Les circonstances �taient cependant favorables,
car apr�s la mort d'Alphonse VI (1109), l'Espagne chr�tienne fut
longtemps en proie � la discorde et � la guerre civile; mais les
Almoravides ne surent pas en profiter. Tous leurs efforts pour reprendre
Tol�de demeur�rent inutiles; ils s'empar�rent, il est vrai, de quelques
villes moins importantes, mais les succ�s qu'ils obtinrent furent
contre-balanc�s par la perte de Saragosse (1118).

Le peuple, au reste, n'eut pas � se f�liciter longtemps de la r�volution
accomplie: gouvernement, g�n�raux, soldats, tout se corrompit avec une
�tonnante rapidit�.

Les g�n�raux de Yousof, quand ils arriv�rent en Espagne, �taient
illettr�s, il est vrai, mais pieux, braves, probes, et accoutum�s � la
vie simple et frugale du D�sert[257]. Enrichis par les tr�sors des
princes andalous que Yousof leur avait prodigu�s, ils perdirent bien
vite leurs vertus, et d�sormais ils ne songeaient plus qu'� jouir
tranquillement des biens qu'ils avaient acquis[258]. La civilisation de
l'Andalousie fut pour eux un spectacle tout � fait nouveau; ayant honte
de leur barbarie, ils voulurent s'y initier et prirent pour mod�les les
princes qu'ils avaient d�tr�n�s. Malheureusement ils avaient l'�piderme
trop dur pour pouvoir s'approprier la d�licatesse, le tact, la finesse
des Andalous. Tout portait chez eux le cachet d'une imitation servile
et manqu�e. Ils se mirent � prot�ger les lettr�s, � se faire r�citer des
po�mes et d�dier des livres; mais tout cela, ils le faisaient
gauchement, sans gr�ce et sans go�t; quoi qu'ils fissent, ils restaient
� demi sauvages et ne prenaient de la civilisation andalouse que son
mauvais c�t�. Le beau-fr�re du roi Al�, Abou-Becr ibn-Ibr�h�m, qui fut
quelque temps gouverneur de Saragosse apr�s l'avoir �t� de Grenade, fut,
pour ainsi dire, le type de ces g�n�raux qui essay�rent, sans trop de
succ�s, de _s'andalousiser_, s'il est permis de s'exprimer ainsi. N�
dans le Sahara, il avait �t� �lev� dans les principes rigides et
aust�res de sa nation; mais � Saragosse il les oublia et se modela en
tout sur l'exemple des Beni-Houd, les anciens rois du pays. Ceux-ci
ayant �t� des bons vivants, il voulut l'�tre aussi; en cons�quence, il
s'entoura de viveurs, et quand il buvait avec eux, il portait une
couronne et un manteau royal; puis, comme les Beni-Houd avaient �t� les
patrons de la philosophie--deux d'entre eux, Moctadir et Moutamin,
avaient m�me �crit sur cette science--il voulut l'�tre � son tour, et
sans se demander ce que son beau-fr�re et les faquis en diraient, il
choisit pour son ami, son confident, son premier ministre, un homme dont
les fid�les ne pronon�aient le nom qu'avec horreur, qui ne croyait pas
au Coran, qui niait toute r�v�lation, le c�l�bre philosophe Avempace en
un mot[259]. Ses soldats en furent si indign�s, qu'un grand nombre
d'entre eux l'abandonna[260]. Cependant les soldats, quoique plus
orthodoxes, ne valaient pas mieux que leurs chefs. Ce qui les
caract�risait, c'�tait l'insolence envers les Andalous et la l�chet�
devant l'ennemi. Leur l�chet� �tait en effet si grande, que le roi Al�
fut oblig� de vaincre son aversion pour les chr�tiens et d'enr�ler ceux
que son amiral Ibn-Maimoun, qui faisait une v�ritable chasse aux hommes,
lui amenait des c�tes de la Galice, de la Catalogne, de l'Italie, de
l'empire byzantin[261]; et quant � leur insolence, elle ne connaissait
pas de bornes. Ils traitaient l'Andalousie en pays conquis; ils y
prenaient tout ce qui leur plaisait, argent, biens, femmes. Le
gouvernement les laissait faire, il n'y pouvait rien. Sa faiblesse
faisait piti� � voir. Les faquis avaient d� c�der le pouvoir aux femmes
ou du moins le partager avec elles. Le roi Al� se laissait dominer par
son �pouse Camar; d'autres dames gouvernaient � leur gr� les hauts
dignitaires, et pour peu que l'on content�t leur cupidit�, l'on pouvait
se permettre tout ce que l'on voulait. M�me les bandits avaient le droit
de compter sur l'impunit�, s'ils avaient les moyens d'acheter la
protection de ces dames. C'�taient elles, d'ailleurs, qui donnaient les
postes, et d'ordinaire elles les accordaient � des hommes tout � fait
incapables. En un mot, le gouvernement devint m�prisable et ridicule.
L'arm�e et le peuple se moquaient de lui, parce qu'il r�voquait le
lendemain les ordres qu'il avait donn�s la veille; les grands seigneurs
visaient au tr�ne, et on les entendait dire qu'ils gouverneraient bien
mieux que le faible Al�, lequel ne savait que je�ner et prier[262].

Pour comble de malheur, une terrible r�volte �clata en Afrique (1121).
Fanatis�s par un pr�tendu r�formateur, qui se donnait pour le Mahd�
annonc� par Mahomet, les sauvages habitants de la cha�ne de l'Atlas
marocain, les Almohades (unitaires) comme ils s'appelaient, prirent les
armes contre les Almoravides. Pour une dynastie d�j� si faible et si
chancelante, un tel coup devait �tre mortel. A l'exception des
chr�tiens, les soldats dont elle disposait �taient si mauvais,
qu'ordinairement la vue seule de l'ennemi suffisait pour les mettre en
d�route. Aussi le gouvernement aux abois ne savait que faire; pour
prolonger de quelques instants sa triste existence, il d�garnissait
l'Andalousie et en retirait les soldats, les armes, les munitions, les
vivres[263]. Les chr�tiens ne tard�rent pas � s'en apercevoir et � en
profiter. En 1125, quatre ans apr�s le commencement de la r�volte des
Almohades, Alphonse le Batailleur, roi d'Aragon, ravagea l'Andalousie,
comme nous l'avons vu, pendant plus d'une ann�e. En 1133, Alphonse VII
de Castille, qui portait le titre d'empereur de m�me que son a�eul
Alphonse VI, mit � feu et � sang les environs de Cordoue, de S�ville, de
Carmona, prit X�r�s, qu'il pilla et br�la, et p�n�tra jusqu'� ce qu'on
appelait alors la tour de Cadix, c'est-�-dire jusqu'aux colonnes
d'Hercule[264]. Son a�eul n'avait pas fait pis du temps de Motamid. Cinq
ans plus tard, il revint pour ravager les alentours de Ja�n, de Ba�za,
d'Ubeda, d'Andujar. En 1143, ce fut de nouveau le tour de Cordoue, de
S�ville, de Carmona. L'ann�e suivante, toute l'Andalousie fut pill�e et
br�l�e depuis Calatrava jusqu'� Alm�rie[265].

Apr�s avoir joui de quelques ann�es prosp�res, le peuple andalous avait
donc gagn� ceci � la r�volution qu'il avait salu�e avec tant
d'enthousiasme: un gouvernement impuissant et corrompu; une soldatesque
l�che, indisciplin�e et brutale; une police pitoyable, car les villes
regorgeaient de voleurs et les campagnes �taient infest�es par une foule
de brigands; la stagnation presque compl�te du commerce et de
l'industrie; la chert� des vivres, pour ne pas dire la disette; enfin,
des invasions plus fr�quentes qu'elles ne l'avaient jamais �t� et qui
malheureusement tendaient encore � se multiplier[266]. Toutes les
esp�rances avaient �t� tromp�es, et l'on maudissait maintenant ces
Almoravides dans lesquels on avait vu nagu�re les sauveurs du pays et de
la religion. D�s l'ann�e 1121, les Cordouans se soulev�rent contre la
soldatesque qui tenait garnison dans leur ville et qui se livrait �
toutes sortes d'exc�s, sans que le gouvernement l'en emp�ch�t. Ces
barbares furent expuls�s, leurs demeures pill�es. Alors le roi Al�
arriva en Andalousie avec une nu�e d'Africains; jamais encore une arm�e
aussi consid�rable n'�tait d�barqu�e en Espagne. Mais les Cordouans,
pouss�s � bout, �taient d�termin�s � se d�fendre avec le courage que
donne le d�sespoir; ils ferm�rent leurs portes et barricad�rent leurs
rues. Le combat, toutefois, e�t �t� trop in�gal, et les faquis
s'interpos�rent pour pr�venir l'effusion du sang. Cette fois, malgr�
leur servilit� habituelle, ils prirent parti pour leurs concitoyens et
contre le pouvoir. Ils d�clar�rent dans un fetfa que la r�volte des
Cordouans �tait juste et l�gitime, attendu qu'ils n'avaient pris les
armes que pour d�fendre leurs biens, leurs femmes, leur vie. Al� c�da,
comme de coutume, aux faquis, et apr�s quelques pourparlers, les
Cordouans s'engag�rent � payer une amende en d�dommagement de ce qu'ils
avaient pill� et d�truit[267]. Dans d'autres villes le m�contentement
croissait toujours, et quoique le pass� n'e�t pas �t� brillant, on le
regrettait et l'on voulait y revenir, tant le pr�sent �tait sombre et
insupportable. On peut s'en convaincre en lisant le message que les
S�villans envoy�rent en 1133 � Saif-ad-daula, le fils du dernier roi de
Saragosse, qui se trouvait dans l'arm�e d'Alphonse VII, alors que
celle-ci �tait devant les portes de leur ville. �Adressez-vous au roi
des chr�tiens, lui firent-ils dire; concertez-vous avec lui et faites en
sorte que nous soyons d�livr�s du joug des Almoravides. Une fois libres,
nous payerons au roi de Castille un tribut plus consid�rable que celui
que nos p�res payaient aux siens, et vous, vous r�gnerez sur nous, vous
et vos fils[268].� Onze ans apr�s, la mesure �tant comble et l'empire
croulant de toutes parts, on se disait dans les rues et dans les
mosqu�es: �Les Almoravides nous tirent jusqu'� la moelle des os; ils
nous enl�vent nos biens, notre argent, nos femmes, nos enfants;
soulevons-nous contre eux, chassons-les, tuons-les!� Et d'autres
disaient: �Nous devons d'abord faire alliance avec l'empereur de L�on;
nous lui payerons un tribut comme nos p�res le faisaient.--Oui, oui,
criait-on de toutes parts, tous les moyens sont bons pourvu que nous
soyons d�livr�s des Almoravides.� Et l'on appelait la b�n�diction du
ciel sur les projets qu'on avait form�s[269]; toute l'Andalousie se
levait comme un seul homme pour massacrer ses oppresseurs, les cadis et
les faquis en t�te, car le clerg�, on le sait, a rarement compt� la
reconnaissance au nombre de ses vertus.

Nous n'avons � raconter ni l'histoire de cette r�volution, ni la
conqu�te de l'Espagne par les Almohades qui avaient renvers� les
Almoravides dans le Maroc. La t�che que nous nous �tions impos�e �tait
de retracer l'histoire de l'Andalousie ind�pendante, et si, en jetant un
rapide coup d'oeil sur la p�riode o� ce pays n'�tait plus qu'une
province d'un autre empire, nous avons pass� les bornes de notre sujet,
nous l'avons fait parce que nous croyions de notre devoir de montrer
que l'Andalousie, quand elle se fut donn�e aux Almoravides, fut loin
d'�tre heureuse, et qu'elle en vint m�me � regretter ses princes
indig�nes, qu'elle avait tant calomni�s, qu'elle avait abandonn�s et
trahis � l'heure du danger.

Avant de terminer, un seul devoir nous reste � remplir: c'est de
raconter l'histoire de Motamid pendant sa captivit�.




XV.


Quelles qu'aient �t� les vertus de Yousof--et les faquis affirmaient
qu'il en avait beaucoup--la magnanimit� envers les vaincus n'en faisait
pas partie. Sa conduite � l'�gard des princes andalous qu'il avait fait
prisonniers, fut cruelle et odieuse. Il est vrai que les deux
petits-fils de B�d�s furent trait�s convenablement: ils recouvr�rent la
libert� � condition qu'ils ne quitteraient pas le Maroc, et re�urent un
traitement assez consid�rable, de sorte qu'Abdall�h put laisser une
belle fortune � ses enfants. C'est que Yousof avait pour ces deux
princes, qui �taient de sa nation, un certain faible; c'�taient en outre
des hommes incapables dont il n'avait rien � craindre et qui le
flattaient[270]. Quant aux autres princes, nous avons d�j� vu quel fut
le sort de R�dh�, de Motawakkil, de Fadhl, d'Abb�s; et celui de
Motamid, quoiqu'on ne lui �t�t pas la vie, ne fut pas moins d�plorable.

Apr�s la prise de S�ville, l'ordre avait �t� donn� de le transporter �
Tanger. Au moment o� il s'embarquait avec ses femmes et plusieurs de ses
enfants, une foule innombrable couvrait les rives du Guadalquivir pour
lui dire un dernier adieu. Dans une de ses �l�gies, le po�te
Ibn-al-labb�na a d�crit cette sc�ne en ces termes:

     Vaincus apr�s une vaillante r�sistance, les princes furent pouss�s
     vers le navire. La foule encombrait les rives du fleuve; les femmes
     �taient sans voile et elles se d�chiraient le visage de douleur. Au
     moment des adieux, que de cris, que de larmes! Que nous reste-t-il
     � pr�sent? Pars d'ici, � �tranger! rassemble tes bagages et fais
     tes provisions, car la demeure de la g�n�rosit� est d�sormais
     d�serte. Et toi qui avais l'intention, de t'�tablir dans cette
     vall�e, sache que la famille que tu cherchais n'y est plus et que
     la s�cheresse a d�truit notre moisson. Et toi, chevalier au superbe
     cort�ge, d�pose tes armes qui ne te serviraient � rien, car le lion
     a d�j� ouvert sa gueule pour te d�vorer[271].

Quand Motamid fut arriv� � Tanger, o� il resta quelques jours, le po�te
Ho�r� qui y habitait et qui avait pass� quelque temps � la cour de
S�ville, lui envoya des po�mes qu'il avait compos�s en son honneur.
Parmi ces pi�ces une seule �tait nouvelle, et dans celle-l� Ho�r�
demandait un cadeau, quoiqu'il d�t savoir que Motamid n'�tait plus en
�tat d'en faire. En effet, l'ex-roi de S�ville n'avait conserv� de
toutes ses richesses que trente-six ducats, qu'il avait cach�s dans sa
bottine et que ses pieds avaient empreints de leur sang; mais telle
�tait sa g�n�rosit�, qu'il n'h�sita pas � sacrifier cette derni�re
ressource: il enveloppa les ducats dans un morceau de papier, et y ayant
ajout� une pi�ce de vers dans laquelle il s'excusait de l'exigu�t� de
son cadeau, il les envoya � Ho�r�. Ce mendiant �hont� n'eut pas m�me la
politesse de l'en remercier, et quand les autres rimeurs de Tanger et
des environs eurent appris que Motamid faisait encore des cadeaux, ils
survinrent en grand nombre pour lui pr�senter leurs vers. H�las! il
n'avait plus rien � donner, et � cette occasion il dit:

     Les po�tes de Tanger, de la Mauritanie enti�re, se sont �vertu�s �
     faire des vers, et ils voudraient recevoir quelque chose du captif.
     Ce serait plut�t � lui de leur demander une aum�ne; quelle
     merveille, quelle merveille! Si la pudeur qui est au fond de son
     �me, si la fiert� que lui ont l�gu�e ses anc�tres ne l'en
     emp�chaient pas, il rivaliserait avec eux, il mendierait, lui qui
     nagu�re, quand on faisait un appel � sa g�n�rosit�, r�pandait l'or
     � pleines mains[272].

De Tanger on le conduisit � Miquen�s. En route il rencontra une
procession qui allait implorer de la pluie, et � cette occasion il
composa ces vers:

     Voyant ces gens qui allaient implorer de la pluie: �Mes larmes,
     leur dis-je, vous en tiendront lieu.--Tu as raison, me
     r�pondirent-ils, tes larmes sont assez abondantes pour cela, mais
     elles sont m�l�es de sang[273].�

A Miquen�s il resta plusieurs mois[274], jusqu'� ce que Yousof ordonn�t
de le transporter � la ville d'Aghm�t, non loin de Maroc. Pendant qu'on
lui faisait faire ce trajet, son fils Rach�d, qu'il avait refus� de
voir, parce que, pour un motif que nous ignorons, il �tait f�ch� contre
lui, lui adressa ces vers pour l'apaiser:

     Emule de la pluie bienfaisante, seigneur de la g�n�rosit�,
     protecteur des hommes! la plus grande faveur que vous pourriez
     m'accorder, ce serait de me permettre de contempler un instant ton
     noble visage, qui, gai et brillant, pourrait nous tenir lieu, la
     nuit de flambeaux, le jour du soleil.

Motamid lui r�pondit par ceux-ci:

     J'�tais l'�mule de la pluie bienfaisante, le seigneur de la
     g�n�rosit�, le protecteur des hommes, alors que ma main droite
     prodiguait les dons le jour de la distribution des cadeaux, ou
     enlevait la vie aux ennemis le jour du combat, et que ma main
     gauche tenait la bride qui domptait le coursier effray� par le
     bruit des lances. Mais � pr�sent je suis au pouvoir de la captivit�
     et de la mis�re; je ressemble � une chose sacr�e qu'on a profan�e,
     � un oiseau dont on a bris� les ailes. Je ne puis plus r�pondre �
     l'appel de l'opprim� ou du pauvre. La ga�t� de mon visage, �
     laquelle tu �tais accoutum�, s'est chang�e en une morne tristesse;
     les soucis ne me permettent plus de penser � la joie; aujourd'hui
     les regards se d�tournent de moi, au lieu qu'auparavant ils me
     cherchaient[275].

A Aghm�t il mena dans la prison une existence triste et douloureuse. Le
gouvernement s'occupait de lui pour ordonner, tant�t qu'on lui m�t des
cha�nes, tant�t qu'on les lui �t�t, mais au reste il ne prenait pas m�me
soin de sa subsistance. Aussi vivait-il avec sa famille dans la derni�re
d�tresse. Pour subvenir � leurs besoins, son �pouse et ses filles furent
oblig�es de filer. C'est dans la po�sie qu'il cherchait sa consolation.
Ainsi, quand il eut aper�u de l'�troite fen�tre de son cachot une vol�e
de ces oiseaux rapides auxquels les Arabes donnent le nom de _cat�_ et
qui sont une esp�ce de perdrix:

     Je pleurais, dit-il, en voyant passer aupr�s de moi une compagnie
     de _cat�s_; ils �taient libres, ils ne connaissaient ni prison ni
     cha�ne. Ce n'�tait pas par jalousie que je pleurais, mais parce que
     j'aurais voulu �tre comme eux, car alors je pourrais aller o� je
     voudrais, mon bonheur ne se serait pas �vanoui, mon coeur ne
     serait pas rempli de douleur, je ne pleurerais pas la perte de mes
     enfants. Ils sont heureux: ils ne sont pas s�par�s l'un de l'autre,
     aucun d'entre eux n'�prouve la douleur d'�tre loin de sa famille,
     ils ne passent pas comme moi la nuit dans d'affreuses angoisses,
     alors que j'entends grincer la porte de la prison sur ses verrous
     ou dans sa serrure. Ah! que Dieu leur conserve leurs petits; quant
     aux miens, ils manquent d'eau et d'ombrage[276]!

Puis c'�taient des vers sur sa grandeur pass�e, sur les magnifiques
palais qui nagu�re avaient �t� t�moins de son bonheur, sur ses fils qui
avaient �t� massacr�s, et � l'occasion de la f�te de la rupture du
je�ne, il composa ceux-ci:

     Autrefois les f�tes te rendaient joyeux, mais la f�te qui te trouve
     captif � Aghm�t te rend triste. Tu vois tes filles couvertes de
     haillons et mourant de faim; elles filent pour ceux qui les paient,
     car elles ne poss�dent plus rien au monde. Elles viennent vers toi
     pour t'embrasser, fatigu�es, bris�es par le travail et les yeux
     baiss�s. Elles marchent nu-pieds dans la boue des rues, comme si
     elles n'eussent pas march� jadis sur du musc et du camphre[277]!
     Leurs joues creuses attestent la mis�re et les larmes les ont
     sillonn�es.... De m�me qu'� l'occasion de cette triste f�te (Dieu
     veuille qu'elle ne revienne pas pour toi!) tu as rompu le je�ne, de
     m�me ton coeur a rompu le sien: ta douleur, longtemps contenue, a
     �clat� enfin. Jadis, quand tu commandais, tout le monde
     t'ob�issait: � pr�sent tu en es r�duit � recevoir toi-m�me des
     ordres. Les rois qui se r�jouissent de leur puissance se laissent
     abuser par un r�ve[278]!

La malheureuse Romaiquia n'�tait pas faite pour une vie si dure: elle
tomba dangereusement malade. Motamid en fut fort attrist�, d'autant plus
qu'il n'y avait � Aghm�t personne � qui il os�t confier le soin de la
gu�rir. Heureusement le c�l�bre Abou-'l-Al� Avenzoar[279], qui, dans les
derni�res ann�es de son r�gne, avait �t� le m�decin de sa cour, et
auquel il avait rendu les biens de son grand-p�re que Motadhid avait
confisqu�s[280], se trouvait alors � Maroc. Il lui �crivit pour le prier
de vouloir bien se charger du traitement de la maladie de Romaiquia.
Avenzoar lui promit de venir; mais comme dans sa lettre il avait
souhait� � Motamid une longue vie, celui-ci lui envoya ces vers en le
remerciant:

     Tu me souhaites une longue vie; mais comment un prisonnier
     pourrait-il la d�sirer? La mort n'est-elle pas pr�f�rable � une vie
     qui apporte sans cesse de nouveaux tourments? D'autres peuvent
     former un tel souhait, car ils ont l'espoir de rencontrer le
     bonheur; mais le seul souhait que je puisse former, c'est de
     rencontrer la mort. Voudrais-je vivre pour voir mes filles manquer
     de v�tements et de souliers? Elles sont � pr�sent les servantes de
     la fille d'un homme dont l'emploi �tait d'annoncer ma venue quand
     je me montrais en public, d'�carter les gens qui se pressaient sur
     mon passage, de les contenir quand ils encombraient la cour de mon
     palais, de galoper � ma droite et � ma gauche quand je passais mes
     troupes en revue, et de prendre soin qu'aucun soldat ne sort�t des
     rangs[281]. Toutefois la pri�re que tu as faite dans une intention
     bienveillante m'a fait du bien. Dieu te r�compense, Abou-'l-Al�, tu
     es un homme de coeur! J'ignore quand le voeu que je forme sera
     rempli, mais je me console par la pens�e que dans ce monde tout a
     un terme[282].

Ce qui parfois lui apportait un soulagement momentan�, c'�taient les
lettres et les visites des po�tes que jadis il avait combl�s de ses
bienfaits. Plusieurs d'entre eux firent le voyage d'Aghm�t,
Abou-Mohammed Hidj�r� entre autres, qui, pour un seul po�me, avait re�u
de lui tant d'argent qu'il put ouvrir une maison de commerce et jouir
d'une honn�te aisance tant qu'il v�cut. Motamid lui avoua qu'il avait eu
tort d'appeler Yousof en Andalousie. �En le faisant, dit-il, j'ai creus�
ma propre fosse.� Quand le po�te vint lui dire adieu pour retourner �
Alm�rie o� il demeurait, Motamid voulut encore lui faire un cadeau,
malgr� l'exigu�t� de ses moyens; mais Hidj�r� eut la d�licatesse de le
refuser et improvisa ces deux vers:

     Je jure que je n'accepterai rien de vous, � pr�sent que la destin�e
     vous a frapp� d'une mani�re si cruelle et si injuste. Ce que vous
     m'avez donn� autrefois est bien suffisant, quoique vous-m�me vous
     l'ayez oubli�[283].

Mais le plus fid�le et le plus assidu de ces amis, c'�tait
Ibn-al-labb�na, et une fois qu'il arriva � Aghm�t, il apporta de bonnes
nouvelles d'Andalousie. Les esprits, disait-il, y �taient en �moi. Les
patriciens, qui n'avaient jamais voulu de la domination de Yousof,
s'agitaient et conspiraient pour replacer Motamid sur le tr�ne[284]. Il
disait vrai; le m�contentement �tait tr�s-grand dans les classes
�clair�es, et le gouvernement ne tarda pas � en acqu�rir des preuves.
Aussi prit-il des mesures de pr�caution; il fit arr�ter plusieurs
personnes suspectes, notamment � Malaga; mais les conjur�s de cette
ville, dont Ibn-Khalaf, un patricien tr�s-consid�r�, �tait le chef,
profit�rent de l'obscurit� de la nuit pour s'�chapper de prison, apr�s
quoi ils se rendirent ma�tres du ch�teau de Montemayor[285]. Bient�t
Abd-al-djabb�r, un fils de Motamid qui �tait rest� en Andalousie avec
sa m�re et que le peuple prenait pour R�dh� (celui qui avait �t�
assassin� � Ronda), se rendit aupr�s d'eux. Ils le nomm�rent leur chef,
et tout semblait aller selon leurs souhaits. Un navire de guerre
marocain qui �choua dans le voisinage du ch�teau, leur fournit des
vivres, des munitions, des armes. Alg�ziras se d�clara pour eux de m�me
qu'Arcos, et s'�tant rendu dans cette derni�re ville en 1095,
Abd-al-djabb�r se mit � faire des razzias jusqu'aux portes de l'ancienne
capitale du royaume de ses anc�tres[286].

La premi�re nouvelle de la r�volte de son fils causa � Motamid une
profonde douleur. La t�m�rit� de l'entreprise l'effrayait; il craignait
pour Abd-al-djabb�r un sort aussi dur que celui qui avait d�j� frapp�
plusieurs de ses fils. Mais ces sentiments firent bient�t place �
l'esp�rance; il entrevoyait la possibilit� de retourner dans son pays,
de reconqu�rir son tr�ne[287], et devant ses amis il ne s'en cachait
pas. Ecrivant, par exemple, au po�te Ibn-Hamd�s, qui �tait retourn� �
Mahdia apr�s lui avoir rendu visite, il lui envoya un po�me qui
commen�ait ainsi:

     La chaire dans la mosqu�e et le tr�ne dans le palais pleurent le
     captif que le destin a jet� sur la plage africaine,

et dans lequel il disait:

     Oh! je voudrais savoir si je reverrai mon jardin et mon lac dans ce
     noble pays o� croissent les oliviers, o� roucoulent les colombes,
     o� les oiseaux font entendre leur doux ramage[288].

Ibn-al-labb�na nourrissait ces esp�rances. A la veille de retourner en
Andalousie, il avait re�u de Motamid vingt ducats et deux pi�ces
d'�toffe: il lui renvoya ce cadeau et parmi les vers qu'il lui fit
parvenir � cette occasion se trouvaient ceux-ci:

     Un peu de patience encore! Bient�t tu me combleras de bonheur, car
     tu remonteras sur le tr�ne. Le jour o� tu rentreras dans ton
     palais, tu m'�l�veras aux plus hautes dignit�s. Tu surpasseras
     alors le fils de Merw�n en g�n�rosit�, et moi, je surpasserai
     Djar�r en talent[289]. Pr�pare-toi � luire de nouveau: une �clipse
     de lune n'est pas de longue dur�e[290].

Charg� de cha�nes--car Yousof avait ordonn� de les lui remettre; �le
lionceau ayant rugi, dit un rh�teur de l'�poque, on craignait un bond de
la part du lion�--Motamid vivait ainsi d'esp�rance, et cette esp�rance
n'�tait pas tout � fait sans fondement: le parti d'Abd-al-djabb�r �tait
nombreux et il inspirait au gouvernement de graves inqui�tudes; il sut
se maintenir pendant plus de deux ans, et il n'�tait pas encore dompt�
au moment o� Motamid mourut apr�s une longue maladie[291] (1095), �
l'�ge de cinquante-cinq ans[292].

L'ex-roi de S�ville fut inhum� dans le cimeti�re d'Aghm�t. Quelque temps
apr�s, � l'occasion de la f�te de la rupture du jeune, le po�te andalous
Ibn-Abd-a�-�amad fit sept fois le tour de son tombeau, � l'instar des
p�lerins qui font le tour de la Caba; puis il s'agenouilla, baisa la
terre qui couvrait les d�pouilles mortelles de son bienfaiteur, et
r�cita une �l�gie. Touch�e par l'exemple qu'il lui avait donn�, la foule
fit aussi le tour du tombeau � la mani�re des p�lerins et en poussant de
longs g�missements[293].

       *       *       *       *       *

�Tout le monde aime Motamid, dit un historien du XIIIe si�cle, tout
le monde a piti� de lui, et aujourd'hui encore on le pleure[294].� En
effet, il est devenu le plus populaire de tous les princes andalous. Sa
g�n�rosit�, sa bravoure, son caract�re chevaleresque le rendaient cher
aux hommes cultiv�s des g�n�rations suivantes; les �mes sensibles
�taient touch�es de son immense infortune; le vulgaire s'int�ressait �
ses aventures romanesques, et comme po�te, il fut admir� m�me par les
B�douins qui, en fait de langage et de po�sie, passaient pour des juges
� la fois plus difficiles et plus comp�tents que les habitants des
villes. Voici, par exemple, ce que l'on raconte � ce sujet:

Dans une des premi�res ann�es du XIIe si�cle, un S�villan, qui
voyageait dans le D�sert, arriva � un campement de B�douins Lakhmites.
S'�tant approch� d'une tente et ayant demand� l'hospitalit� � celui qui
en �tait le ma�tre, ce dernier, enchant� de pouvoir pratiquer une vertu
que sa nation appr�cie infiniment, l'accueillit avec une grande
cordialit�.

Le voyageur avait d�j� pass� deux ou trois jours aupr�s de son h�te,
lorsque, une nuit, apr�s avoir cherch� en vain le sommeil, il sortit de
la tente pour aller aspirer le souffle des z�phyrs.

Il faisait une nuit sereine et admirable, dont des brises douces et
caressantes temp�raient la ti�deur. Dans un ciel d'azur, sem� d'�toiles,
la lune s'avan�ait, lente, majestueuse, �clairant de sa lumi�re le
D�sert auguste qu'elle faisait resplendir comme un miroir et qui
pr�sentait l'image la plus compl�te du silence et du repos. Ce spectacle
rappela au S�villan un po�me que son ancien souverain avait compos�, et
il se mit � le r�citer. Ce po�me, c'�tait celui-ci:

     La nuit ayant �tendu les t�n�bres sur la terre en guise d'un voile
     immense, je buvais, � la lueur des flambeaux, le vin qui
     scintillait dans la coupe, lorsque soudain la lune se montra,
     accompagn�e d'Orion. On e�t dit une reine superbe et magnifique,
     voulant jouir des beaut�s de la nature, et se servant d'Orion comme
     d'un dais. Peu � peu d'autres �toiles �tincelantes vinrent
     l'entourer, l'une � l'envi de l'autre; d'instant en instant la
     splendeur s'augmentait, et dans le cort�ge les Pl�iades semblaient
     le drapeau de la reine.

     Ce qu'elle est l�-haut, je le suis ici-bas, entour� de mes nobles
     chevaliers et des belles jeunes filles de mon s�rail, dont la noire
     chevelure ressemble � l'obscurit� de la nuit, tandis que ces coupes
     resplendissantes sont pour moi des �toiles. Buvons, mes amis,
     buvons le jus de la treille, pendant que ces belles, s'accompagnant
     de la guitare, vont nous chanter leurs airs m�lodieux[295].

Puis le S�villan r�cita encore un long po�me, que Motamid avait compos�
pour apaiser le courroux de son p�re, irrit� du d�sastre qui avait
frapp� son arm�e � Malaga par suite de la n�gligence de son fils qui la
commandait.

A peine eut-il fini, que la toile de la tente devant laquelle il se
trouvait par hasard, fut lev�e, et qu'un homme que l'on aurait reconnu
pour le chef de la tribu rien qu'� son aspect v�n�rable, se montra �
ses regards et lui dit avec cette �l�gance de diction et cette puret�
d'accent, pour lesquelles les B�douins ont toujours �t� renomm�s et dont
ils sont excessivement fiers:

--Dites-moi donc, citadin que Dieu veuille b�nir, de qui sont-ils, ces
po�mes, limpides comme un ruisseau, frais comme une pelouse nouvellement
arros�e par la pluie, tant�t tendres et suaves comme la voix d'une jeune
fille au collier d'or, tant�t vigoureux et sonores comme le cri d'un
jeune chameau?

--Ils sont d'un roi qui a r�gn� en Andalousie et qui s'appelait
Ibn-Abb�d, r�pondit l'�tranger.

--Je suppose, reprit le chef, que ce roi r�gnait sur un petit coin de
terre, et que, par cons�quent, il pouvait consacrer tout son temps � la
po�sie, car quand on a d'autres occupations, on n'a pas le loisir de
composer des vers comme ceux-l�.

--Pardonnez-moi; ce roi r�gnait sur un grand pays.

--Et pourriez-vous me dire � quelle tribu il appartenait?

--Certainement; il �tait de la tribu de Lakhm.

--Que dites-vous? Il �tait de Lakhm? Mais il �tait de ma tribu alors!

Et ravi d'avoir trouv� une nouvelle illustration pour sa tribu, le chef,
dans un �lan d'enthousiasme, se mit � crier d'une voix retentissante:

--Debout, debout, gens de ma tribu! Alerte, alerte!

En un clin d'oeil tous furent sur pied et vinrent entourer leur chef.
Les voyant rassembl�s:

--Ecoutez, leur dit-il, ce que je viens d'entendre, et retenez bien ce
que je viens de graver dans ma m�moire; car c'est un titre de gloire qui
s'offre � vous tous, un honneur dont vous avez tous le droit d'�tre
fiers. Citadin, r�citez encore une fois, je vous en prie, les po�mes de
notre cousin.

Lorsque le S�villan eut satisfait � ce d�sir et que tous les B�douins
eurent admir� ces vers avec le m�me enthousiasme que l'avait fait leur
chef, celui-ci leur raconta ce qu'il avait entendu dire � l'�tranger au
sujet de l'origine des Beni-Abb�d, leurs alli�s, leurs parents,
puisqu'ils descendaient, eux aussi, d'une famille lakhmite qui
parcourait autrefois le D�sert avec ses chameaux, et dressait ses tentes
l� o� les sables s�parent l'Egypte de la Syrie; apr�s quoi il leur parla
de Motamid, le po�te tour � tour gracieux ou sublime, le preux
chevalier, le puissant monarque de S�ville. Quand il eut fini, tous les
B�douins, ivres de joie et d'orgueil, mont�rent � cheval pour se livrer
� une brillante _fantasia_ qui dura jusqu'aux premiers rayons de
l'aurore. Puis le chef choisit vingt de ses meilleurs chameaux et en fit
pr�sent � l'�tranger. Tous suivirent cet exemple dans la mesure de leurs
moyens, et, avant que le soleil se f�t lev� tout � fait, le S�villan se
vit en possession d'une centaine de chameaux. Apr�s l'avoir caress�,
choy�, festoy� et honor� de toutes les mani�res, ces g�n�reux fils du
D�sert consentirent � peine � le laisser partir quand le moment de se
remettre en voyage fut arriv� pour lui, tant celui qui savait r�citer
les vers du roi po�te qu'ils appelaient leur cousin, �tait devenu cher �
leurs coeurs[296].

Environ deux si�cles et demi plus tard, alors que l'Espagne musulmane,
autrefois si sceptique, s'�tait depuis longtemps jet�e dans la d�votion,
un p�lerin, portant bourdon et rosaire, parcourait le royaume de Maroc,
afin de s'entretenir avec les pieux ermites et de visiter les lieux
saints. Ce p�lerin, c'�tait le c�l�bre Ibn-al-Khat�b, le premier
ministre du roi de Grenade. Arriv� dans la petite ville d'Aghm�t, il
s'achemina vers le cimeti�re, o� reposaient Motamid et son �pouse sous
un tertre couvert de lotus. A l'aspect de ces deux tombeaux, d�labr�s
par la v�tust� et le d�faut de soin, le vizir grenadin ne put retenir
ses larmes et improvisa ces vers:

     Je suis venu � Aghm�t pour y accomplir un pieux devoir, pour
     m'agenouiller sur ta tombe! Ah! pourquoi ne m'a-t-il pas �t� donn�
     de te conna�tre vivant et de chanter ta gloire, toi qui surpassais
     tous les rois en g�n�rosit�, toi qui brillais comme un flambeau
     dans l'obscurit� de la nuit? Qu'au moins il me soit permis de
     saluer respectueusement ton tombeau! L'�l�vation du terrain le
     distingue de ceux du vulgaire: ayant prim� les autres hommes
     pendant ta vie, tu primes aussi ceux qui � tes pieds dorment du
     sommeil �ternel. O sultan parmi les vivants, et sultan parmi les
     morts! jamais dans les si�cles pass�s on n'a vu ton �gal, et
     jamais, j'en suis convaincu, on ne verra dans les si�cles futurs un
     roi qui te ressemble[297].

Motamid, � coup s�r, ne fut pas un grand monarque. R�gnant sur un peuple
�nerv� par le luxe et ne vivant que pour le plaisir, il le serait devenu
difficilement, lors m�me que son indolence naturelle et cet amour des
choses ext�rieures, qui est le bonheur et l'infirmit� des artistes, ne
l'en eussent pas emp�ch�. Mais nul autre n'avait dans l'�me tant de
sensibilit�, tant de po�sie. Chez lui le moindre �v�nement dans sa vie,
la moindre joie ou le moindre chagrin, se rev�tait aussit�t d'une forme
po�tique, et l'on pourrait �crire sa biographie, sa vie int�rieure du
moins, rien qu'avec ses vers, r�v�lations intimes du coeur o� se
refl�tent ces joies et ces tristesses que le soleil ou les nuages de
chaque jour am�nent ou remportent avec eux. Et puis, il eut la bonne
fortune d'�tre le dernier roi indig�ne qui repr�sent�t dignement,
brillamment, une nationalit� et une culture intellectuelle, qui
succomb�rent, ou peu s'en faut, sous la domination des barbares qui
avaient envahi le pays. Une sorte de pr�dilection s'attacha � lui, comme
au plus jeune, au dernier n� de cette nombreuse famille de princes
po�tes qui avaient r�gn� sur l'Andalousie. On le regrettait plus que
tout autre, presque � l'exclusion de tout autre, de m�me que la derni�re
rose de la saison, les derniers beaux jours de l'automne, les derniers
rayons du soleil qui se couche, inspirent les regrets les plus vifs.

FIN DU QUATRI�ME ET DERNIER VOLUME.




NOTES


Note A, p. 24.

Quelques auteurs font mourir Yahy� dans l'ann�e 427 de l'H�gire,
d'autres dans l'ann�e 429. Le r�cit d'Ibn-Haiy�n montre que la premi�re
date est la v�ritable. Cet auteur rapporte les propres termes dont s'est
servi un soldat berber de Carmona, Abou-'l-Fotouh (ou Abou-'l-Fath)
Birz�l�, qui se trouvait parmi ceux qui se rendirent � S�ville au temps
de la f�te des sacrifices de l'ann�e 426 (c'est-�-dire, dans le dernier
mois de cette ann�e), et qui, _dans le mois suivant, celui de Moharram
427_, prit part au combat que les cavaliers s�villans livr�rent � Yahy�
pr�s des portes de Carmona, combat qui se termina par la mort de Yahy�.
Il n'y a donc aucun doute sur l'ann�e et sur le mois de la mort de ce
prince; mais nous ne saurions indiquer le quanti�me du mois.
Abd-al-W�hid dit: dimanche, sept jours apr�s le commencement de Moharram
(c'est-�-dire le huiti�me jour de ce mois) de l'ann�e 427; mais le
huiti�me Moharram de l'ann�e 427 tombe un mercredi et non un dimanche.

Au reste, le r�cit d'Ibn-Haiy�n montre encore qu'au lieu de dire que
Hich�m II fut de nouveau proclam� calife � Cordoue _dans le mois de
Moharram 429_, Ibn-al-Ath�r (_Abbad._, t. II, p. 34, l. 9) aurait d�
dire: _dans le mois de Moharram 427_; car, puisqu'Ibn-Djahwar consentit
seulement � le faire parce qu'il craignait d'�tre attaqu� par Yahy�
(_Abbad._, t. I, p. 222, l. 28), il doit l'avoir fait n�cessairement
avant la mort de ce prince.

Ibn-Khaldoun (_apud_ Hoogvliet, p. 28; j'ai corrig� le texte de ce
passage dans mes _Recherches_, t. I de la 1re �dition, p. 215 dans la
note) s'est tromp� gravement en parlant du r�le que Mohammed
ibn-Abdall�h joua � cette �poque.


Note B, p. 86.

Ibn-Kh�c�n pr�tend qu'Ibn-Abd-al-barr a �crit cette lettre � Motadhid
sur l'ordre de Mowaffac Abou-'l-djaich, c'est-�-dire de Modj�hid, prince
de D�nia. Mais ce dernier �tant mort en 436 de l'H�gire, et la prise de
Silves ayant eu lieu en 443 ou dans l'ann�e suivante, il doit y avoir
une erreur dans cette assertion. La date de la prise de Silves ne
saurait �tre douteuse. Cette ville doit avoir �t� conquise apr�s la
conqu�te de Ni�bla et de Huelva en 443 (voyez _Abbad._, t. I, p. 252, et
comparez t. II, p. 210) et avant celle de Santa-Maria en 444 (voyez
_Abbad._, t. II, p. 210, dern. ligne, et p. 123). D'ailleurs, Motamid,
qui n'�tait n� que dans l'ann�e 431, ne pouvait pas commander l'arm�e de
son p�re avant 436, �poque de la mort de Modj�hid. Je crois donc
qu'Ibn-Kh�c�n aurait d� nommer Al�, le fils et successeur de Modj�hid,
ou peut-�tre quelque autre prince.


Note C, p. 95.

Les circonstances essentielles de ce r�cit se trouvent dans un passage
d'Ibn-Bass�m (_Abbad._, t. I, p. 250, 251), o� il y a deux ou trois
fautes � corriger. Nowair� (_ibid._, t. II, p. 129, 130) donne aussi de
bons renseignements; seulement ce chroniqueur, sans parler
d'inexactitudes d'une moindre importance, a eu le tort de nommer Carmona
au lieu de Ronda. Les r�cits d'Ibn-Khaldoun (_ibid._, t. II, p. 210,
214, 215) me semblent confus et inexacts, surtout pour ce qui concerne
les noms propres et les dates.--Voyez aussi Ibn-Haiy�n, dans mon
Introduction � la Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 86.


Note D, p. 192.

En traitant cette p�riode, je ne me suis pas servi du livre qui porte le
titre de _Raudh al-mit�r_ (_Abbad._, t. II, p. 236 et suiv.). Maccar�,
qui en a donn� de longs extraits, semble y attacher de l'importance,
parce qu'il est d'un auteur espagnol; mais cet Espagnol n'est pas ancien
et il n'a fait que copier un �crivain asiatique. C'est ce qui r�sulte de
la comparaison de l'article sur Yousof ibn-T�chouf�n chez Ibn-Khallic�n,
o� l'on trouve de longs passages tir�s d'une biographie de Yousof,
intitul�e _al-Morib an s�rati meliki 'l-Maghrib_, et qui a �t� �crite �
Mosoul en 1183; car ces passages se retrouvent textuellement dans le
_Raudh al-mit�r_, de sorte qu'il est certain que l'auteur de ce dernier
ouvrage a copi� l'anonyme de Mosoul. Or, quand il s'agit de l'histoire
d'Espagne, il faut presque toujours se d�fier des r�cits qui ont �t�
�crits en Asie. Ces r�cits, comme j'ai d�j� eu l'occasion de l'observer
ailleurs[298], proviennent ordinairement de voyageurs, de marchands, de
colporteurs de bruits, et l'imagination n'y est pas �trang�re, souvent
m�me elle y joue un grand r�le. Celui dont il s'agit ne fait pas
exception � la r�gle g�n�rale: �crit dans un langage extr�mement
sentencieux et qui trahit chez l'auteur la pr�tention de vouloir
rivaliser avec les anciens sages de l'Orient, il contient bien des
choses qui sont invraisemblables en elles-m�mes et dont les chroniqueurs
espagnols et africains ne savent rien.


Note E, p. 208.

Les chroniques latines, si l'on en excepte le _Chronicon Lusitanum_
(_Esp. sagr._, t. XIV, p. 418, 419), n'entrent dans aucun d�tail sur la
bataille de Zall�ca, et parmi les chroniques arabes, qui en parlent fort
au long[299], il y en a peu qui m�ritent une confiance enti�re.
Quelques-unes se trompent m�me dans la date. La date v�ritable, vendredi
12 Redjeb 479, se trouve dans le _Holal_ (_Abbad._, t. II, p. 197) et
dans le _Cart�s_ (p. 98), o� on lit que ce jour r�pond au 23 octobre
(1086), ce qui est vrai (comparez _Annales Complut._, p. 314, 315); mais
d'autres auteurs se trompent, non-seulement dans le mois (car ils
nomment Ramadh�n au lieu de Redjeb), mais encore dans l'ann�e.
Abd-al-w�hid (p. 93, 94), par exemple, nomme l'ann�e 480, et
Ibn-al-Cardebous (_Abbad._, t. II, p. 23) l'ann�e 481. C'est un
ph�nom�ne bien singulier, attendu qu'il s'agit d'une bataille
tr�s-c�l�bre et qu'en Andalousie on disait l'ann�e de Zall�ca au lieu
dire l'ann�e 479[300]; mais le fait est qu'aucune des chroniques qui
nous restent n'a �t� compos�e par un contemporain; elles sont du
XIVe, du XIIIe, ou tout au plus du XIIe si�cle; elles m�ritent
donc peu de confiance. Joignez-y qu'� l'�poque o� elles s'�crivaient,
les rh�teurs s'amusaient � fabriquer des lettres qu'ils supposaient
�crites par des personnages historiques. Ce fait ne saurait �tre r�voqu�
en doute; il en existe des preuves frappantes. L'auteur du _Holal_, par
exemple, donne la lettre que Motamid �crivit � son fils Rach�d dans la
soir�e apr�s la bataille. Elle n'est que de deux lignes (voyez _Abbad._,
t. II, p. 199); mais l'auteur du _Raudh al-mit�r_ (_ibid._, t. II, p.
248) la donne aussi, et chez lui elle est diff�rente. Une troisi�me,
enfin, se trouve chez Ibn-al-Khat�b (_ibid._, t. II, p. 176), et
celle-l� n'a pas moins de quinze lignes. Or, il faut n�cessairement que
deux de ces �p�tres soient de fabrique moderne; peut-�tre le sont-elles
toutes les trois. La prudence commande donc de se tenir en garde contre
les pi�ces soi-disant officielles que pr�sentent ces chroniques; aussi
dois-je avouer que je doute de l'authenticit� de la plupart des lettres
que donne le _Holal_, et que le bulletin o� Yousof raconte la bataille
de Zall�ca et qui se trouve dans le _Cart�s_, me para�t fort suspect.


Note F, p. 210-236.

J'ai � justifier la chronologie que j'ai adopt�e dans ce r�cit. A mon
sens, Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le printemps de
l'ann�e 483 de l'H�gire, 1090 de notre �re, trois ans et demi apr�s la
bataille de Zall�ca, assi�gea Al�do pendant l'�t�, et s'empara de
Grenade en novembre. Cependant Abou-'l-Haddj�dj Baiy�s� (cit� par
Ibn-Khallic�n dans son article sur Yousof), l'auteur du _Cart�s_ et
celui du _Holal_ donnent une autre chronologie; ils supposent que Yousof
arriva pour la seconde fois en Espagne dans l'ann�e 481 (1088) et qu'il
assi�gea Al�do[301] dans cette ann�e-l�; que dans l'automne il retourna
en Afrique; qu'il revint en Espagne pour la troisi�me fois l'ann�e 483
(1090), et qu'alors il s'empara de Grenade[302].

Contre cette mani�re de voir je dois observer, d'abord que les auteurs
qui l'ont adopt�e ne sont pas fort anciens (Abou-'l-Haddj�dj Baiy�s�
�crivait au XIIIe si�cle, et le _Cart�s_ est du si�cle suivant, de
m�me que le _Holal_); ensuite qu'ils sont loin d'�tre toujours
exacts[303], et enfin qu'ils ne sont pas d'accord entre eux quand il
s'agit de signaler les mois. Ainsi l'auteur du _Cart�s_ affirme que
Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le mois de Reb�
Ier 481 (juin 1088), tandis que Baiy�s� dit qu'il y arriva dans le
mois de Redjeb, c'est-�-dire en septembre ou en octobre.

D'un autre c�t�, les auteurs les plus anciens et les plus dignes de foi,
ceux du XIIe si�cle, sont d'accord pour placer le si�ge d'Al�do et la
prise de Grenade dans la m�me ann�e, c'est-�-dire dans l'ann�e 483
(1090). Ibn-C�sim de Silves, par exemple, qui a �crit une histoire
tr�s-estim�e de Motamid[304], histoire dont Ibn-al-Abb�r nous a conserv�
des fragments, dit formellement qu'Al�do fut assi�g� par Yousof et les
princes andalous dans l'ann�e 483[305]. Mohammed ibn-Ibr�h�m[306]
atteste que, lorsque Yousof fut arriv� en Espagne pour la seconde fois,
il assi�gea Al�do et s'empara de Grenade. Ibn-al-Cardebous, dans son
_Kit�b al-ictif�_[307], dit la m�me chose, et il ajoute[308] que,
lorsque Yousof vint pour la troisi�me fois en Espagne, on �tait dans
l'ann�e 490 (1097). A ces t�moignages, tr�s-respectables � coup s�r,
nous pourrions ajouter celui d'Ibn-al-Ath�r[309]; seulement cet
historien, qui �crivait � Mosoul, et qui, par cons�quent, n'�tait pas
toujours bien inform� de l'histoire d'Espagne, se trompe quand il dit
que le si�ge d'Al�do et la prise de Grenade eurent lieu un an apr�s la
bataille de Zall�ca, c'est-�-dire en 480 (1087).

Quant � la date pr�cise de la prise de Grenade, l'historien
Ibn-a�-�airaf�, cit� par Ibn-al-Khat�b[310], dit que cet �v�nement eut
lieu le dimanche 14 Redjeb de l'ann�e 483. Cette date soul�ve deux
objections: d'abord le 14 Redjeb (26 ao�t) tombait, non un dimanche,
mais un jeudi; en second lieu, il est impossible que Yousof se soit
empar� de Grenade d�s le mois d'ao�t, car, arriv� en Espagne au
printemps, il assi�gea Al�do pendant quatre mois[311] et jusqu'�
l'approche de l'hiver, comme l'assure l'auteur du _Cart�s_. A la place
de: dimanche 14 Redjeb, je crois donc devoir lire: dimanche 14 Ramadh�n,
c'est-�-dire 10 novembre. Le 14 Ramadh�n tombait r�ellement un dimanche
dans l'ann�e 483, et ces deux mois se confondent assez souvent.
Plusieurs auteurs, par exemple, disent que la bataille de Zall�ca eut
lieu dans le mois de Ramadh�n 479, tandis qu'elle se livra dans le mois
de Redjeb. Il se pourrait que dans ce temps-l� on se soit parfois servi
d'abbr�viations pour indiquer les mois, et dans ce cas, les mois de
Redjeb et de Ramadh�n, qui ont la m�me initiale, pouvaient ais�ment se
confondre. Rien, du reste, ne s'oppose au changement que j'ai propos�.
Baiy�s� et l'auteur du _Cart�s_ disent que Yousof se rembarqua avant la
fin de Ramadh�n, c'est-�-dire avant le 26 novembre. Or, dans l'espace de
seize jours, il pouvait facilement recevoir la visite des princes
andalous et faire le voyage de Grenade � Alg�ziras.

FIN DES NOTES DU QUATRI�ME ET DERNIER VOLUME.




CHRONOLOGIE

DES

PRINCES MUSULMANS

DU XIe SI�CLE.


S�VILLE. LES BENI-ABB�D.

Abou-'l-C�sim Mohammed ibn-Ism��l (le cadi)                    1023-1042

Abou-Amr Abb�d ibn-Mohammed, _Motadhid_                        1042-1069

Abou-'l-C�sim Mohammed ibn-Abb�d, _Motamid_                    1069-1091


CORDOUE. LES BENI-DJAHWAR.

Abou-'l-Hazm Djahwar ibn-Mohammed ibn-Djahwar           1031 (d�c.)-1043

Abou-'l-Wal�d Mohammed ibn-Djahwar                             1043-1064

Abdalm�lic                                                     1064-1070

Cordoue est annex�e au royaume de S�ville.


LES HAMMOUDITES DE MALAGA.

                     Hammoud
                        |
                  Ali le calife
                        |
          +-------------+------------+
          |                          |
   Yahy� le calife             Idr�s Ier(1)
          |                          |
+---------+----------+      +--------+-----+-------------+-----------+
|                    |      |              |             |           |
Idr�s II(4 et 7)  Hasan(3)  Yahy�(2)  Mohammed Ier(5)  Hasan  Mohammed II(8)
                     |         |
                   Yahy�     Idr�s III(6)


1. Idr�s Ier                                                   1035-1039

2. Yahy�, fils d'Idr�s Ier                                          1039

3. Hasan, fils du calife Yahy� ibn-Al�                         1039-1041

   Le Slave Nadj�                                              1041-1043

4. Idr�s II                                                    1043-1047

5. Mohammed Ier, second fils d'Idr�s Ier                       1047-1053

6. Idr�s III                                                        1053

7. Idr�s II, pour la seconde fois                              1053-1055

8. Mohammed II, 4e fils d'Idr�s Ier                            1055-1057

   Malaga est annex�e au royaume de Grenade.


LES HAMMOUDITES D'ALG�ZIRAS.

Mohammed, fils du calife C�sim ibn-Hammoud                     1035-1048(9)

C�sim, son fils                                             1048(9)-1058

Alg�ziras est annex�e au royaume de S�ville.


GRENADE. LES BENI-Z�R�.

Z�w� ibn-Z�r�                                               jusqu'� 1019

Habbous                                                        1019-1038

B�d�s                                                          1038-1073

Abdall�h                                                       1073-1090


CARMONA. LES BENI-BIRZ�L.

D'apr�s Ibn-Khaldoun (_Abbad._, t. II, p. 216), la liste de ces princes
serait:

Ish�c

Abdall�h, son fils

Mohammed ibn-Abdall�h                                       jusqu'� 1042(3)

Al-Az�z Mostadhhir                                          1042(3)-1067

D'apr�s Ibn-Haiy�n (_apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 78 r.),

Ibn-Abdall�h (c'est-�-dire, Mohammed ibn-Abdall�h)
gouvernait Carmona � l'�poque o�
Hich�m III r�gnait � Cordoue                                 (1029-1031)

et � en croire le m�me auteur (_ibid._, fol. 109 r.),
qui m�rite bien plus de confiance qu'Ibn-Khaldoun,
Mohammed ibn-Abdall�h eut pour
successeur:

Ish�c, son fils, qui r�gnait en 1050

Il para�t qu'Ibn-al-Abb�r (dans mes _Recherches_,
t. I, p. 286 de la 1re �d.) se trompe quand
il dit que Mohammed ibn-Abdall�h vivait encore
en 1051.


RONDA.

Abou-Nour ibn-ab�-Corra                                     1014(5)-1053

Abou-Na�r, son fils                                                 1053

Ronda est annex�e au royaume de S�ville.


MORON.

Nouh                                                        1013(4)-1041(2)

Abou-Men�d Mohammed, son fils                               1041(2)-1053

Moron est annex� au royaume de S�ville.


ARCOS.

Ibn-Khazroun                                                jusqu'� 1053

Arcos est annex� au royaume de S�ville.


HUELVA. LES BECRITES.

Abou-Zaid Mohammed ibn-Aiyoub                                depuis 1011(2)

Abou-'l-Mo�ab Abdalaz�z                                     jusqu'� 1051

Huelva est annex�e au royaume de S�ville.

NI�BLA. LES BENI-YAHY�.

Abou-'l-Abb�s Ahmed ibn-Yahy� Yah�ob�                          1023-1041(2)

Mohammed, son fr�re

Fath ibn-Khalaf ibn-Yahy�, neveu des pr�c�dents             jusqu'� 1051

Ni�bla est annex�e au royaume de S�ville.

Ibn-al-Abb�r (dans mes _Recherches_, t. I, p. 287
de la 1re �d.) donne au dernier prince de
Ni�bla les noms de: Yahy� ibn-Ahmed ibn-Yahy�.
J'ai cru devoir suivre Ibn-Khaldoun
(_Abbad._, t. II, p. 211). Ibn-Haiy�n (_apud_
Ibn-Bass�m, t. I, fol. 108 v.) l'appelle: Fath
ibn-Yahy�.


SILVES. LES BENI-MOZAIN.

Abou-Becr Mohammed ibn-Sa�d ibn-Mozain                         1028-1050

Abou-'l-A�bagh Is�                                          jusqu'� 1051(2)

Silves est annex� au royaume de S�ville.


SANTA-MARIA D'ALGARVE.

Abou-Othm�n Sa�d ibn-H�roun                                    1016-1043

Mohammed, son fils                                             1043-1052

Santa-Maria est annex�e au royaume de S�ville.


MERTOLA.

Ibn-Taifour                                                 jusqu'� 1044

Mertola est annex�e au royaume de S�ville.


BADAJOZ.

S�bour.

Ensuite LES AFTASIDES:

Abou-Mohammed Abdall�h ibn-Mohammed ibn-Maslama
  _Almanzor Ier_

Abou-Becr Mohammed _Modhaffar_                              jusqu'� 1068

Yahy� _Almanzor II_

Omar _Motawakkil_                                           jusqu'� 1094


TOL�DE.

Ya�ch ibn-Mohammed ibn-Ya�ch                                jusqu'� 1036

Ensuite LES BENI-DH�-'N-NOUN:

Ism��l _Dh�fir_                                                1036-1088

Abou-'l-Hasan Yahy� _Mamoun_                                   1038-1075

Yahy� ibn-Ism��l ibn-Yahy� _C�dir_                             1075-1085


SARAGOSSE.

Mondhir ibn-Yahy� le Todj�bite[312]                         jusqu'� 1039

Ensuite LES BENI-HOUD:

Abou-Aiyoub Solaim�n ibn-Mohammed _Mosta�n Ier_                1089-1046(7)

Ahmed _Moctadir_                                            1046(7)-1081

Yousof _Moutamin_                                              1081-1085

Ahmed _Mosta�n II_                                             1085-1110

Abdalm�lic Im�d-ad-daula                                            1110


LA SAHLA (capitale Albarracin). LES BENI-RAZ�N.

Abou-Mohammed Hodhail Ier ibn-Khalaf ibn-Lope ibn-Raz�n      depuis 1011

Abou-Merw�n Abdalm�lic Ier ibn-Khalaf, son fr�re

Abou-Mohammed Hodhail II Izz-ad-daula, fils du pr�c�dent

Abou-Merw�n Abdalm�lic II Hos�m-ad-daula                    jusqu'� 1103

Yahy�


ALPUENTE. LES BENI-C�SIM.

Abdall�h Ier ibn-C�sim le Fihrite, Nidh�m-ad-daula          jusqu'� 1030

Mohammed Yomn-ad-daula

Ahmed Adhod-ad-daula                                        jusqu'� 1048(9)

Abdall�h II Djan�h-ad-daula, fr�re du pr�c�dent             1048(9)-1092


VALENCE.

Les Slaves Mob�rac et Modhaffar

Le Slave Leb�b, seigneur de Tortose

Abdalaz�z _Almanzor_                                           1021-1061

Abdalm�lic _Modhaffar_                                         1061-1065

R�union de Valence au royaume de Tol�de

Mamoun (de Tol�de)                                             1065-1075

Valence se s�pare de Tol�de

Abou-Becr ibn-Abdalaz�z                                        1075-1085

Le cadi Othm�n, son fils                                       1085

C�dir (l'ex-roi de Tol�de)                                     1085-1092

Valence devient une r�publique. Ibn-Djahh�f pr�sident          1092-1094


D�NIA.

Abou-'l-djaich Modj�hid Mowaffac                             jusqu'� 1044(5)

Al� Icb�l-ad-daula                                           1044(5)-1076

Il est d�tr�n� par Moctadir de Saragosse. R�union
  de D�nia au royaume de Saragosse.

Moctadir (de Saragosse)                                        1076-1081

Moctadir partage ses Etats entre ses deux fils.

Celui qui s'appelait le _h�djib_ Mondhir re�oit
  L�rida, Tortose et D�nia.

Le _h�djib_ Mondhir                                            1081-1091

Son fils sous la tutelle des Beni-Betyr


MURCIE.

Khair�n (d'Alm�rie)                                         1016(7)-1028

Zohair (d'Alm�rie)                                             1028-1038

Abdalaz�z Almanzor (de Valence)                                1038-1061

Abdalm�lic Modhaffar (de Valence)                              1061-1065

Sous ces trois princes Abou-Becr Ahmed _ibn-T�hir_
  est gouverneur de Murcie. Il meurt en                             1063

Son fils, Abou-Abd�rame Mohammed, lui succ�de                  1063-1078

Motamid (de S�ville)

Ibn-Amm�r

Ibn-Rach�c                                                  jusqu'� 1090


ALM�RIE.

Khair�n                                                     jusqu'� 1028

Zohair                                                         1028-1038

Abdalaz�z Almanzor (de Valence)                                1038-1041

Ensuite LES BENI-�OMADIH:

Abou-'l-Ahwa� Man                                              1041-1051

Mohammed Motacim                                               1051-1091

Izz-ad-daula                                                        1091

FIN DE LA CHRONOLOGIE.




LISTE

DES OUVRAGES IMPRIM�S ET MANUSCRITS

DONT L'AUTEUR S'EST SERVI[313].


Abbad. Scriptorum Arabum loci de Abbadidis editi a R. Dozy. Leyde, 1846.

Abd-al-w�hid, The History of the Almohades etc., ed. by R. Dozy. Leyde,
1847.

Abou-Ism��l al-Ba�r�, Fotouh as-Ch�m, �d. Lees, Calcutta, 1854, dans la
Bibliotheca Indica.

Abou-'l-mah�sin, Annales, �d. Juynboll. Leyde, 1852 et suiv.

Agh�n�. Alii Ispahanensis Liber Cantilenarum magnus, ed. Kosegarten.
Greifswalde, 1840.

Ahmed ibn-ab�-Yacoub, Kit�b al-bold�n, man. de M. Muchlinski �
Saint-P�tersbourg. M. Juynboll, fils, vient de donner une �dition de cet
ouvrage.

Akhb�r madjmoua, man. de Paris, n� 706. Voyez mon Introduction � la
Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 10-12. Je poss�de une copie de ce manuscrit.

Alvaro, Vita Eulogii, dans l'Esp. sagr., t. X; Epistolae, Indiculus
luminosus, dans le m�me ouvrage, t. XI.

Annales Complutenses, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Annales Compostellani, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Annales Toledanos, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Ar�b, Histoire de l'Afrique et de l'Espagne, intitul�e al-Bay�no
'l-mogrib, par Ibn-Adh�r� (de Maroc), et fragments de la Chronique
d'Ar�b, publ. par R. Dozy. Leyde, 1848 et suiv.

Berganza, Antiguedades de Espana. Madrid, 1719.

��id de Tol�de, Extrait de son Tabac�t al-omam, man. de Leyde, n� 159.

Cart�s. Annales regum Mauritaniae ab Abu-l-Hasan Ali ben-Abdall�h
ibn-abi-Zer' Fesano conscripti, ed. Tornberg. Upsal, 1846.

Cazw�n�, Cosmographie, �d. W�stenfeld. Goettingue, 1848.

Chahrast�n�, Histoire des sectes, �d. Cureton. Londres, 1842.

Chronicon Adefonsi Imperatoris, dans l'Esp. sagr., t. XXI.

Chronicon Albeldense, dans l'Esp. sagr., t. XIII.

Chronicon Burgense, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon de Cardena, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Complutense, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Compostellanum, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Conimbricense, dans l'Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Iriense, dans l'Esp. sagr., t. XX.

Chronicon Lusitanum, dans l'Esp. sagr., t. XIV.

Edrisi, G�ographie, traduite par Jaubert.

Espana sagrada, por Florez, Risco etc. 2� edicion. Madrid, 1754-1850. 47
vol.

Euloge. Ses oeuvres se trouvent dans Schot, Hispania illustrata, t.
IV.

F�kih�, Histoire de la Mecque, man. de Leyde n� 463. Voyez mon
Catalogue, t. II, p. 170.

Ham�sa. Hamasae Carmina ed. Freytag. Bonn, 1828.

Historia Compostellana, dans l'Esp. sagr., t. XX.

Holal. Histoire du Maroc, man. de Leyde n� 24. Comparez Abbad., t. II,
p. 182 et suiv.

Homaid�, Dictionnaire biographique, man. d'Oxford, Hunt 464.

Ibn-ab�-O�aibia, Histoire des m�decins. J'ai fait copier le chapitre
relatif aux m�decins arabes-espagnols sur le man. de Paris, n� 673
suppl. ar., et M. Wright a eu la bont� de noter sur la marge de cette
copie les variantes des deux man. d'Oxford, Hunt. 171 et Pocock. 356.

Ibn-Adh�r�. Voyez Ar�b.

Ibn-al-Abb�r, dans mes Notices sur quelques manuscrits arabes. Leyde,
1847-1851.

Ibn-al-Ath�r, man. de Paris. M. Tornberg a eu la bont� de me pr�ter sa
copie.

Ibn-al-Cout�a, man. de Paris n� 706. Voyez mon Introduction � la
Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 28-30. Je poss�de une copie de ce manuscrit.

Ibn-al-Khat�b, al-Ih�ta fi tar�khi Gharn�ta, et l'abr�g� de cet ouvrage:
Marcaz al-ih�ta bi-odab�i Gharn�ta. B. man. de Berlin; E. man. de
l'Escurial (plusieurs articles de ce man. ont �t� copi�s pour moi par M.
Simonet); G. man. de M. de Gayangos; P. man. de Paris. Voyez Abbad., t.
II, p. 169-172, et mes Recherches, t. I, p. 293, 294.

Ibn-Badroun, Commentaire historique sur le po�me d'Ibn-Abdoun, publ. par
R. Dozy. Leyde, 1846.

Ibn-Bass�m, Dhakh�ra. T. Ier. M. Jules Mohl poss�de ce volume, et il
a eu la bont� de me le pr�ter. Ce man. appartient au m�me exemplaire que
le 3e volume qui se trouve � Gotha.--T. II, man. d'Oxford, n� 749 du
Catalogue d'Uri.--T. III, man. de Gotha, n� 266. M. de Gayangos poss�de
aussi un manuscrit de ce volume, sur lequel M. Wright a bien voulu
collationner pour moi les passages d'Ibn-Haiy�n cit�s par
Ibn-Bass�m.--Voyez sur Ibn-Bass�m et sa Dhakh�ra, Abbad., t. I, p. 189
et suiv., et le Journ. asiat., f�vrier-mars 1861.

Ibn-Batouta, Voyages, �d. Defr�mery et Sanguinetti. Paris, 1853 et suiv.

Ibn-Cotaiba, �d. W�stenfeld. Goettingue, 1850.

Ibn-Hab�b. Voyez Tar�kh.

Ibn-Haiy�n, man. d'Oxford, Bodl. 509, Catal. de Nicoll, n� 137. La copie
que je poss�de de ce man. a �t� faite par moi sur celle de M. Wright.
Voyez aussi Ibn-Bass�m.

Ibn-Hazm, Trait� sur les religions, man. de Leyde n� 480.--Trait� sur
l'amour, man. de Leyde n� 927.

Ibn-Kh�c�n, Matmah, man. de Londres et de Saint-P�tersbourg.--Cal�yid,
man. de Leyde, nos 306 et 35.

Ibn-Khaldoun, Prol�gom�nes, �d. Quatrem�re, dans les Notices et extraits
des manuscrits de la Biblioth�que imp�riale, t. XVI, XVII et
XVIII.--Tome II (Histoire des Omaiyades d'Orient), man. de Leyde n�
1350, t. II.--Tome IV (Histoire d'Espagne), man. de Paris n� 742/4
suppl. ar., et de Leyde n� 1350, t. IV.--Histoire des Berbers, �d. de
Slane; traduction fran�aise par le m�me.

I�takhr�, Liber Climatum, ad similitudinem Cod. Gothani exprimendum
curavit Moeller. Gotha, 1839.

Idatii Chronicon, dans l'Esp. sagr., t. IV.

Isidore de B�ja, dans l'Esp. sagr., t. VIII. Comparez mes Recherches, t.
I, p. 2 et suiv.

Isidore de S�ville, Historia Gothorum, dans l'Esp, sagr., t. VI.

Khochan�, Histoire des cadis de Cordoue, man. d'Oxford, n� 127 du
Catalogue de Nicoll. Je poss�de une copie de ce manuscrit.

Llorente, Noticias de las tres Provincias Vascongadas. Madrid, 1806.

Lucas de Tuy, Chronicon mundi, dans Schot, Hispania illustrata, t. IV.

Maccar�. Analectes sur l'histoire et la litt�rature des Arabes
d'Espagne, par al-Makkari, publ. par MM. Dozy, Dugat, Krehl et Wright,
Leyde, 1855-61.

Manuscrit de Mey�, dans les Memorias de la Academia de la Historia, t.
IV.

Masoud�, Moroudj ad-dheheb, man. de Leyde nos 127 et 537 _d._

Mobarrad, C�mil, man. de Leyde n� 587. Voyez mon Catalogue, t. I, p.
204, 205.

Mon. Sil. Monachi Silensis Chronicon, dans l'Esp. sagr., t. XVII.

Nawaw�, Dictionnaire biographique, �d. W�stenfeld. Goettingue,
1842-47.

Notices sur quelques manuscrits arabes, par R. Dozy. Leyde, 1847-51.

Nowair�, Histoire d'Espagne. Je cite les pages du man. de Leyde n� 2
_h_, mais j'ai soigneusement collationn� le man. de Paris n� 645, qui
est beaucoup meilleur et qui comble plusieurs lacunes.

Paulus Emeritensis, De vita P. P. Emeritensium, dans l'Esp. sagr., t.
XIII.

P�lage d'Ovi�do, dans l'Esp. sagr., t. XIV.

Raih�n al-alb�b, man. de Leyde n� 415. Voyez mon Catalogue, t. I, p.
268, 269.

R�z�, traduction espagnole. Cronica del Moro Rasis, dans les Memorias de
la Academia de la Historia, t. VIII. Comparez mon Introduction � la
Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 24, 25.

Recherches sur l'histoire et la litt�rature de l'Espagne pendant le
moyen �ge, par R. Dozy. 1re �dition, Leyde, 1849, 2de �dition,
Leyde, 1860.

Rodrigue de Tol�de, De rebus Hispanicis, dans Schot, Hispania
illustrata, t. II. La meilleure �dition de son Historia Arabum se trouve
dans Elmacini Historia Saracenica, ed. Erpenius.

Sampiro, Chronicon, dans l'Esp. sagr., t. XIV.

Samson, Apologeticus, dans l'Esp. sagr., t. XI.

S�bastien, Sebastiani Chronicon, dans l'Esp. sagr., t. XIII.

Sota, Chronica de los principes de Asturias y Cantabria. Madrid, 1681.

Tabar�, Annales, �d. Kosegarten.

Tar�kh Ibn-Hab�b, man. d'Oxford, Catalogue de Nicoll n� 127. Comparez
mes Recherches, t. I, p. 32 et suiv.

Vita Beatae Virginis Argenteae, dans l'Esp. sagr., t. X.

Vita Johannis Gorziensis, dans Pertz, Monumenta Germaniae, t. IV des
Scriptores.

       *       *       *       *       *

FIN DE LA LISTE.




INDEX ALPHAB�TIQUE

des mati�res contenues dans les quatre volumes de l'_Histoire des
musulmans d'Espagne_.

Les chiffres romains indiquent les tomes, les chiffres arabes les pages.


A.

Abadsolomes (L�ovigild), II. 167, 168.

Ab�n, fils de Mo�wia, I, 297.

Abb�d, c'est-�-dire, Motadhid. Voyez ce nom.

Abb�d, fils de Motamid, IV, 157 et suiv.

Abb�dides (les), leur origine, IV, 9 et suiv.

Abb�s ibn-Ahnaf, III, 346.

Abb�s ibn-Firn�s, po�te, II, 169.

Abb�s, fils de Motawakkil, IV, 244, 245.

Abda, fille de Hich�m, I, 297.

Abdalaz�z, petit-fils d'Almanzor, roi de Valence, IV, 4, 21, 43, 47.

Abdalaz�z ibn-Abdall�h ibn-As�d, I, 193.

Abdalaz�z le Becrite, IV, 85.

Abdalaz�z ibn-Hasan, IV, 5.

Abdalaz�z, fils de Merw�n, I, 174, 183, 186, 197, note 1, 214.

Abdalaz�z, fils de Mous� ibn-No�air, II, 40, note 1, 43.

Abd-al-djabb�r, fils de Motamid, IV, 278 et suiv.

Abd-al-djal�l, IV, 148.

Abd-al-gh�fir, fr�re de Djad, II, 252.

Abd-al-ham�d ibn-Bas�l, II, 346.

Abdall�h, le sultan, II, 204 et suiv.

Abdall�h, roi de Grenade, IV, 199, 202, 214, 225 et suiv., 270.

Abdall�h, fils d'Abb�s, I, 63, 79.

Abdall�h ibn-Abdalm�lic, gouverneur de Moron, I, 360, 361.

Abdall�h, fils d'Abd�rame Ier, II, 126, 150, 151.

Abdall�h ibn-Achath le Coraichite, II, 250.

Abdall�h ibn-al-Aftas, IV, 14 et suiv.

Abdall�h, p�re d'Almanzor, III, 115.

Abdall�h, fils d'Almanzor, III, 209 et suiv.

Abdall�h ibn-Amr, I, 362.

Abdall�h ibn-Haddj�dj, II, 243, 244, 255.

Abdall�h, fils de Handhala, I, 90, 101, 103, 104.

Abdall�h, descendant de Hodhaifa, I, 177 et suiv.

Abdall�h ibn-Maimoun, III, 7 et suiv.

Abdall�h, fils de Mohammed. Voyez Chaky�.

Abdall�h, fils de Mohammed ibn-Lope, II, 319.

Abdall�h ibn-Mokh�mis, III, 336.

Abdall�h, fils de Mot�, I, 96, 101, 103.

Abdall�h ibn-Omaiya, II, 137, 160.

Abdall�h, fils du calife Omar, I, 80.

Abdall�h _Pierre S�che_, III, 190, 210 et suiv.

Abdall�h, fils de Sad, fils d'Abou-Sarh, I, 47.

Abdall�h, fils de Zohair, I, 72, 74, 79 et suiv., 128 et suiv., 171 et suiv.

Abdalm�lic, le conqu�rant de Carteya, II, 33; III, 114.

Abdalm�lic ibn-ab�-'l-Djaw�d, II, 262.

Abdalm�lic, fils d'Almanzor, III, 209, 218, 236, 240, 259, 260, 268.

Abdalm�lic, fils de Catan, I, 252 et suiv.

Abdalm�lic ibn-Hab�b, I, 18.

Abdalm�lic, fils de Merw�n, I, 100, 163 et suiv.

Abdalm�lic-Modhaffar, roi de Valence, IV, 124, 127.

Abdalm�lic ibn-Mondhir, III, 172 et suiv.

Abdalm�lic l'Omaiyade, gouverneur de S�ville, I, 359 et suiv.

Abdalm�lic ibn-Omaiya, II, 280.

Abd-al-w�hid Rout�, II, 310.

Abd�rame Ier, I, 298 et suiv., II, 49, 54.

Abd�rame II, II, 65, 66, 87 et suiv.

Abd�rame III, II, 319 et suiv.; III, 3 et suiv.

Abd�rame IV Mortadh�, IV, 323, 326 et suiv., 343, 344.

Abd�rame V, III, 334 et suiv.

Abd�rame ibn-Alcama, I, 263, 264.

Abd�rame, fils d'Almanzor, III, 240, 268 et suiv.

Abd�rame, fils d'Aslam�, II, 346.

Abd�rame ibn-Fotais, III, 257.

Abd�rame al-Gh�fik�, I, 221.

Abd�rame ibn-Hab�b le Fihrite, I, 246, 263, 268, 305 et suiv., 375 et suiv.

Abd�rame, fils de Hacam II, III, 118, 122, 131, 132.

Abd�rame, fils d'Ibr�h�m ibn-Haddj�dj, II, 302, 311 et suiv., 331.

Abd�rame ibn-Motarrif le Todj�bide, III, 193, 209 et suiv.

Abd�rame ibn-Noaim le Kelbite, I, 281, 354.

Abd�rame ibn-Obaidall�h, petit-fils d'Abd�rame III, III, 172 et suiv.

Abd�rame, fils d'Omar ibn-Haf�oun, II, 340.

Abd�rame, fils de Yousof le Fihrite, I, 327.

Abl�, po�te, II, 213, 220, 230, 231.

Abou-'l-Abb�s, le calife, I, 298.

Abou-Abda (les), III, 260.

Abou-Abda (colline d'), II, 275.

Abou-Abdall�h, missionnaire isma�lien, III, 13 et suiv.

Abou-Abdall�h Djodh�m�, IV, 67.

Abou-Abdall�h ibn-al-Farr�, IV, 259.

Abou-'l-Ahwa� Man, III, 131, 193.
  -- (ibn-�om�dih), IV, 43.

Abou-Al� C�l�, III, 110, 116, 249.

Abou-Amir ibn-Chohaid. Voyez Ibn-Chohaid.

Abou-Amir Mohammed ibn-al-Wal�d, III, 115.

Abou-'l-Aswa, fils de Yousof le Fihrite, I, 357, 362, 375 et suiv.

Abou-At�, I, 279, 288, 293.

Abou-'l-Bass�m, II, 80 et suiv.

Abou-Becr, le calife, I, 31 et suiv., 41.

Abou-Becr ibn-Hil�l l'Abdite, I, 341.

Abou-Becr ibn-Ibr�h�m, beau-fr�re d'Al� l'Almoravide, IV, 262.

Abou-Becr ibn-Mo�wia le Coraichite, III, 110, 116.

Abou-�abb�h, I, 344, 345, 350, 354, 369 et suiv.

Abou-'l-C�sim ibn-al-Ar�f, IV, 27 et suiv.

Abou-'l-C�sim Mohammed, le fondateur de la dynastie des Abb�dides, IV,
    7 et suiv., 68.

Abou-Djafar Colai�, IV, 200, 220, 225 et suiv.

Abou-'l-Faradj Isfah�n�, III, 108.

Abou-'l-Fotouh, IV, 48 et suiv.

Abou-'l-Fotouh (ou Abou-'l-Fath) Birz�l�, IV, 289.

Abou-'l-Fotouh Yousof ibn-Z�r�, III, 124.

Abou-Gh�lib Tamm�m. Voyez Tamm�m.

Abou-Haf� Omar al-Ballout�, II, 76.

Abou-Harb, II, 264.

Abou-Ish�c d'Elvira, IV, 113, et suiv.

Abou-Ish�c ibn-Moc�n�, IV, 200.

Abou-'l-Khatt�r, I, 222, 267 et suiv.

Abou-Merw�n, fils de Yahy� ibn-Yahy�, II, 281.

Abou-'l-Mofrih, II, 151, 152.

Abou-'l-Mogh�ra ibn-Hazm, III, 254 et suiv.

Abou-Mohammed Hidj�r�, IV, 277.

Abou-Mohammed Odbr�, II, 314.

Abou-Mous�, I, 64.

Abou-Na�r, seigneur de Ronda, IV, 95.

Abou-Omar Othm�n, II, 295.

Abou-R�ch, IV, 52.

Abou-Sofy�n, I, 46.

Abou-Thaur, gouverneur d'Huesca, I, 379.

Abou-Wahb, I, 189.

Abou-Y�z�d, III, 66 et suiv.

Abou-Zaid, fils de Yousof le Fihrite, I, 349, 355, 356, 357, 362.

Abou-Zora Tar�f, II, 32.

Abrach, secr�taire du calife Hich�m, I, 221, 223.

Acaba (le grand serment d'), I, 27.

Acaba al-bacar (bataille d'), III, 295, 296.

A�bagh ibn-Abdall�h ibn-Nab�l, �v�que de Cordoue, III, 103.

Achath, I, 61, 63, 64.

Achdac, cousin d'Abdalm�lic, I, 169, 390.

Achdja, tribu, I, 101.

Achtar, I, 62, 63, 64.

Ac�l�, III, 176.

Adhh�, II, 221.

Aftasides (les), IV, 4.

Ahmas de Tol�de, III, 38.

Ahmed, fils d'Abdall�h ibn-Maimoun, III, 12.

Ahmed ibn-Bord, III, 335.

Ahmed ibn-Ish�c, II, 347; III, 54 et suiv.

Ahmed ibn-Maslama, II, 332.

Ahmed ibn-Mo�wia, III, 27 et suiv.

Ahmed ibn-Yila, III, 65, 79, 87.

Ahnaf, noble de Ba�ra, I, 139.

A�cha, veuve de Mahomet, I, 53, 55.

Aichoun, II, 202.

Aihala-le-Noir, I, 30, 34.

Aim�e, IV, 153.

Airos, IV, 63.

Akhtal, po�te, I, 165, 166.

Al� ibn-Mogh�th, I, 365 et suiv.

Alafoens, origine de ce nom, IV, 12.

Alanje, forteresse, II, 184.

Alcama, lieutenant de Monousa, III, 23.

Al�do, ch�teau, IV, 197, 210, 211.
  (Si�ge d'), IV, 214 et suiv.

Alexandrie, prise par les Andalous, II, 76.

Alhambra (l'), assi�g� par les Andalous, II, 212, 218 et suiv.

Alhandega (bataille d'), III, 62.

Ali, le calife, I, 44, 51, 52 et suiv.

Ali, prince de D�nia, IV, 182.

Al� l'Almoravide, IV, 247, 248, 260, 263 et suiv.

Al� ibn-al-Caraw�, IV, 45.

Al� ibn-Hammoud, III, 316 et suiv.

Al-Man�our, calife abb�side, I, 366, 367, 381, 382.

Al-Man�our, calife fatimide, III, 69.

Almanzor (Mohammed ibn-ab�-Amir), III, 111 et suiv.

Almohades (les), IV, 264.

Almoravides (les), IV, 129, 198 et suiv.

Alphonse Ier, III, 24 et suiv.

Alphonse II, III, 229.

Alphonse III, II, 183, 184, 186, 197; III, 27 et suiv.

Alphonse IV, III, 47, 48, 50.

Alphonse V, III, 271.

Alphonse VI, IV, 157, 162 et suiv., 181, 189 et suiv., 230, 238.

Alphonse VII, IV, 265, 267.

Alphonse le Batailleur, IV, 256, 257, 265.

Alphonse, comte visigoth, II, 190.

Alvar Fanez, IV, 195, 196, 203, 238.

Alvaro, II, 107, 114, 165.

Alvitus, �v�que de L�on, IV, 120 et suiv.

Am�l� (dict�es), ouvrage d'Abou-Al� C�l�, III, 110.

Amir, favori du sultan Mohammed, III, 115.

Amir le Coraichite, I, 291, 292, 325.

Amir ibn-Fotouh, III, 317.

Amm�r, I, 59.

Amr, fils d'Ac�, I, 60, 61.

Amr, fils de Tho�ba, I, 283.

Amrolcais, I, 22.

Amrous, II, 63 et suiv.

Anbar, III, 298, 299, 302.

Anbasa, I, 227.

Ancar (al-), gouverneur de Saragosse, II, 259, 318.

Anulone, soeur d'Euloge, II, 113, 170, 171.

Apostoliques (les sept), II, 209.

Aqua-Portora (bataille d'), I, 264.

Ar�ba, I, 5, 6.

Ar�b� (al-) le Kelbite, I, 375 et suiv.

Archidona, capitale de Regio, II, 181;
  prise par les musulmans, II, 35;
  prise par Mondhir, II, 202.

Ardabast, fils de Witiza, II, 49.

Argentea, fille d'Omar ibn-Haf�oun, II, 326, 343.

Arnisol (bataille d'), IV. 257.

Asad�, po�te, II, 220, 221, 297.

Askel�dja, III, 200 et suiv.

Aslam�, II, 346, 347.

Asm�, III, 159 et suiv.

Assur Fernandez, III, 70.

Astorga prise et ravag�e par les Visigoths, II, 14.

Athanagild, fils de Th�odemir, III, 198.

Aurelio, martyr � Cordoue, II, 167 et suiv.

Aurore, III, 118, 119, 120, 131, 132, 147, 153, 155, 171, 221 et suiv.

Aus (les), tribu, I, 23 et suiv.

Ausone, ses vers sur S�ville, II, 232, note 2.

Avempace, IV, 263.

Avenzoar (Abou-'l-Al�), IV, 276.

Axarafe (l'), II, 234.

Azdites (les), c'est-�-dire les Y�m�nites dans le Khor�s�n, I, 119.

Azrakites (les), secte, I, 149.


B.

Babba, I, 151.

B�bec, III, 7.

Bacdoura ou Nafdoura (bataille de), I, 246 et suiv.

Bacrites (les), tribu, I, 34.

Badajoz. Ibn-Merw�n s'y �tablit, II, 184.

B�d�s, roi de Grenade, IV, 37 et suiv., 97 et suiv.,
    108 et suiv., 199, note 2, 220.

Badr, affranchi d'Abd�rame Ier, I, 300, 302, 309 et suiv., 368, 384.

Badr, client d'Abd�rame III, III, 139.

Badr, le Slave, II, 311, 317, 329, 332, 335, 336; III, 40.

Bagaudes (les), II, 9, 13.

Balad�s (les), I, 358.

Baldegotone, II, 115, 119.

Baldj, I, 244 et suiv.; II, 39.
  -- (ch�teau de), IV, 173.

Baldj�, I, 147.

Ban�t-Cain (bataille de), I, 120.

Barbastro, pris par les Normands, IV, 125, 126.

Barcelone, prise par Almanzor, III, 199.

Barhoun, IV, 55.

Basile, chef des Bagaudes, II, 13.

Becr, prince d'Ocsonoba, II, 261, 262.

B�ja (r�volte des chr�tiens de), II, 42.

Ben-Ch�l�b, IV, 191.

Ben-Naghd�la. Voyez Samuel ha-L�vi.

Benadalid, bourgade, origine de ce nom, I, 343, note 2.

Beni-Ab�-Amir (les), III, 114 et suiv.

Beni-'l-Ahmar (les), I, 270.

Beni-Angelino (les), II, 233, 240.

Beni-Asad (les), I, 22.

Beni-Birz�l (les), r�giment africain, III, 138, 146.

Beni-Cas� (les), II, 182, 346.

Beni-C�sim (les), I, 269.

Benicasim, village, I, 269.

Beni-Dhou-'n-noun (les), II, 260; IV, 5.

Beni-'l-Djad (les), I, 269.

Beni-Fer�nic (les), II, 260.

Beni-H�bil (les), II, 262.

Beni-H�chim (les), III, 52.

Beni-Haddj�dj (les), II, 234, 235.

Beni-H�ritha (les), I, 103.

Beni-Hazm (les), I, 52, 94.

Beni-Houd (les), IV, 4.

Beni-Iforen (les), IV, 5.

Beni-Ish�c (les), III, 54.

Beni-Khaldoun (les), II, 234, 235.

Beni-al-Khal� (les), I, 343.

Beni-Matrouh (les), II, 202.

Beni-Mohallab (les), Berbers, II, 345.

Beni-Mozain (les), IV, 86.

Beni-Raz�n (les), IV, 246.

Beni-Rostem (les), I, 308.

Beni-Sabarico (les), II, 233.

Beni-Sohail (les), IV, 182, 183.

Berbers (les), I, 228 et suiv.
  R�volte des Berbers d'Espagne, I, 255 et suiv.

Bermude II, III, 195, 196, 206 et suiv., 215, 227 et suiv.

Bichr, fils de Merw�n, I, 175, 183, 186, 190, 196 et suiv.

Bichr le Kelbite, gouverneur de l'Afrique, I, 219, 220, 227.

Bizily�n� Abou-Abdall�h, IV, 103 et suiv.

Boabdil-al-Zagal, IV, 167, note 1.

Bobastro, II, 192, 195, 198 etc.
  Assi�g� et pris par Abd�rame III, II, 343.

Bohair, II, 126.

Bologgu�n, vice-roi de l'Ifr�kia, III, 183, 200.

Bologgu�n, officier berber, IV, 38, 39.

Bologgu�n, fils de Habbous, IV, 37, 39, 44, 45, 54.

Boraiha, m�re d'Almanzor, III, 115.

Borda, fils de Halhala, I, 182.

Borrel, III, 104, 105, 199.

Braga pill�e par les Visigoths, II, 14.

Braulion, �v�que de Saragosse, II, 20.

Brenes, village, origine de ce nom, I, 345.


C.

C�dir, roi de Tol�de, IV, 189 et suiv., 193 et suiv., 212.

C�four, esclave de ��id, III, 250.

��id, po�te d'Almanzor, III, 214, 247 et suiv., 284.

Cais, fils de Sad, I, 66, 67, 68, 69.

Cais�n, I, 157.

Caisites (les), I, 114, 120, 225.

Calf�t, po�te, II, 315, 316.

C�l�. Voyez Abou-Al� C�l�.

Calife. Abd�rame III prend ce titre, III, 48, 49.

��lih III, prince de N�cour, III, 39.

Camar, �pouse d'Al� l'Almoravide, IV, 263.

Camar, chanteuse, II, 314, 315.

Cantich (bataille de), III, 292.

Capitation (la), II, 40, 41.

Caracuel, II, 185.

Carcaboulia, ch�teau, aujourd'hui Carabuey, II, 262.

Carmona, prise par les musulmans, II, 37.

Carrion (le comte de), III, 278 et suiv.

Cartagena (tour), II, 353.

Carteya, II, 32, 353.

Carteyana (tour), II, 353.

C�sim, prince d'Alg�ziras, IV, 101.

C�sim ibn-Hammoud, III, 316, 326 et suiv.; IV, 7, 8, 11.

C�sim, fils d'Ibn-Tomlos, III, 137.

C�sim le Kelbite, II, 304, 334.

Castro-Moros, c'est-�-dire, San Estevan (de Gormaz), III, 34.

Catan, fils d'Abdalm�lic ibn-Catan, I, 262, 268.

Catholico, c'est-�-dire, �v�que, III, 103, note 3.

C�yim, calife fatimide, III, 68.

Chaky�, I, 372, 373, 375.

Chameau (Bataille du), I, 55.

Chamir, I, 77, 78, 277.

Char�dj�b (le), palais � Silves, IV, 146.

Charlemagne, I, 376 et suiv.

Charles-le-Chauve, II, 168, 182.

Charles Martel, I, 252.

Chauch (couvent de), III, 280.

Chiites (les), I, 156 et suiv.; III, 3 et suiv.

Chim�ne, IV, 245.

Chohaid (les), III, 260.

Cid (le). Voyez Rodrigue le Camp�ador.

Ciff�n (Bataille de), I, 59.

Clunia, ville, III, 42.

Cod�m le n�gre, IV, 51, 53.

Co�mbre (conduite des Su�ves �), II, 15.

Colai�. Voyez Abou-Djafar Colai�.

Colomba, �pouse d'Omar ibn-Haf�oun, II, 326.

Colombera, villa, I, 345.

Colthoum, I, 244 et suiv.

�omail, I, 273, note 1, 274 et suiv.

Coraib ibn-Khaldoun, II, 235 et suiv., 243, 255, 257 et suiv., 299 et suiv.

Corbeau (�glise du), II, 261.

Cordoue, prise par les musulmans, II, 36.
  (Cath�drale de), II, 48, 49.
  (Universit� de), III, 110.
  (Population chr�tienne de), II, 50, 101 et suiv.
  (R�volte des ren�gats de) contre Hacam Ier, II, 54 et suiv.

Cotaiba ibn-Moslim, I, 205, 211, 213, 216.

Covadonga (caverne de), III, 22.

Cr�te (la), II, 76.

Cutanda (bataille de), IV, 259, note 1.


D.

Daisam ibn-Ish�c, II, 263, 277.

D�fenseurs (les), I, 27, 41, 52, 111.

Dhahh�c, I, 125, 126, 130, 131, 134.

Dhaloul, III, 39.

Dhou-'l-Kholosa, idole, I, 22.

Didyme, II, 10.

Dj�bia (di�te de), I, 130 et suiv.

Dj�bir, IV, 182, 183.

Dj�bir, fils d'Ibn-Chih�b, I, 340.

Djad, gouverneur d'Elvira, II, 215, 244 et suiv., 250 et suiv.
  -- (Bataille de), II, 216.

Djad, fils d'Abdall�h, I, 177 et suiv.

Djafar, nom que Hacam II avait donn� � Aurore, III, 133, note 1.

Djafar, h�djib de Hacam II, III, 102.

Djafar, fils d'Al� ibn-Hamdoun, III, 130, 184, 193, 194.

Djafar fils d'Omar ibn-Haf�oun, II, 340 et suiv.

Djafar le V�ridique, III, 4.

Djafar� ou Djoaifir�. Pourquoi les affranchis d'Aurore portaient
    ce surnom, III, 133, note 1.

Djahwar (les), III, 260.

Djarancas, montagne, II, 349.

Djar�r, po�te, IV, 280.

Djaudhar, III, 134 et suiv., 171 et suiv.

Djauw�s, I, 208, 392.

Dj�h�ne, II, 228.

Djid�r le Caisite, I, 342, 343.

Djonaid, II, 244, 255.

Dorr�, III, 145, 146.

Dulcidius, �v�que de Salamanque, III, 44.

Duod�cimains (les), secte, III, 12.


E.

Ecija, assi�g�e par le sultan Abdall�h, II, 287, 288.

Ecoles primaires dans l'Espagne musulmane, III, 109.

Egica, II, 27, 28.

Elisabeth, religieuse, II, 131.

Elvira. Histoire de cette province sous le r�gne d'Abdall�h, II,
    209 et suiv., 292 et suiv.

Elvire, r�gente de L�on, III, 106.

Emp�docle, III, 19.

Enfant (l') de l'enfer, c'est-�-dire, Wal�d, fr�re ut�rin d'Othm�n, I, 48.

Ermengaud d'Urgel, III, 295, 296.

Esmant, village, II, 168.

Eudes, duc d'Aquitaine, I, 256.

Euloge, II, 104, note 2, 105, 106, 112 et suiv.,
    135, 136, 142 et suiv., 165, 170 et suiv.


F.

Fadhl, I, 102, 103.

Fadhl, fils de Motawakkil, IV, 244, 245.

Fadhl ibn-Salama, II, 318.

Fadj�l ibn-ab�-Moslim, II, 308 et suiv.

Fajardo (don Pedro), IV, 167, note 1.

Fath (ville d'al-), II, 349.

Fath, fils de Motamid, IV, 172, 237, 238.

Fath, seigneur d'Ucl�s, II, 260.

Faucon gris (le), IV, 149 et suiv.

F�yic, III, 134 et suiv.

F�e (la), IV, 154.

Ferazdac, po�te, I, 143.

Ferdinand Ier, IV, 118 et suiv.

Ferdinand Gonzalez, III, 51, 65, 70 et suiv., 81, 89, 96, 107.

Fez (fondation de), II, 76, 77.

Fez�ra (les), tribu, I, 120.

Fihrites (les), I, 284.

Flora, II, 115 et suiv., 143 et suiv.

Font�n (al-), I, 324.

Fortunio, page du sultan Abdall�h, II, 205.

Fosse (journ�e de la), II, 67.

Fotais (les), III, 260.

Fr�re. Les eunuques se donnaient ordinairement ce nom, III, 136, note 1.

Fro�la II, III, 47.


G.

Galice. Ce mot d�signe quelque-fois la province de Beira, III, 230, note 1.

Galindo, comte de la Cerdagne, I, 379, 381.

Garcia, roi de Navarre, III, 53, 95, 105, 243 et suiv.

Garcia Fernandez, comte de Castille, III, 191, 212 et suiv.

Garcia, fils d'Ordo�o IV, III, 103.

Garcia Ximenez, IV, 197.

Gaton, comte du Bierzo, II, 163.

Georges, martyr � Cordoue, II, 167 et suiv.

Gh�lib, III, 77, 96, 97, 103, 105, 126 et suiv., 153 et suiv., 182 et suiv.

Gharb�b, po�te, II, 63.

Gharcad, grande ronce �pineuse, I, 98.

Ghazz�l�, IV, 235, 253, 254.

Gibraltar, Gebal-T�ric, II, 32.

Gomez (les), comtes de Carrion, III, 215, 278.

Gomez, fils d'Antonien, II, 137 et suiv., 160.

Gonsalve, comte galicien, III, 106.

Gonsalve Gonzalez, III, 207.

Guadacelete (bataille du), II, 163, 164, 282.

Guadaira (bataille du), III, 297.

Guadalbollon (bataille du), II, 318.

Guadalete (bataille du), I, 280, 281.

Gudila, II, 210; IV, 256.

Gu�bres (les), III, 5.

Guerour, IV, 242, 243.

Guillaume au Court nez, IV, 125.


H.

Habbous, III, 307; IV, 4, 25, 27 et suiv., 37.

Habentius, II, 133.

Hab�b, lieutenant de Mohammed ibn-Haddj�dj � Carmona, II, 338.

Hab�b, premier ministre d'Abou-'l-C�sim Mohammed, IV, 14, 80.

Hab�b le Fihrite, I, 242, 243.

Hab�b le Slave, III, 61.

Hab�ba, III, 338 et suiv.

Hacam Ier, II, 58 et suiv.

Hacam II, III, 75, 95 et suiv., 188.

Hacam, oncle du calife Othm�n, I, 45.

Hacam (des Beni-H�chim), III, 54.

Hacam ibn-Sa�d, III, 361 et suiv.

Ha���d�, IV, 105, 106.

H�chim, ministre de Mohammed Ier, II, 158,
    183, 185, 186, 187, 188, 196, 197, 198.

H�chim le forgeron, II, 97, 98.

H�chim, fr�re de Djad, II, 252.

Haddj�dj, I, 109, 170, 173, 174, 200 et suiv., 225.

H�d�, IV, 182, 183.

Haf� ou Haf�oun, II, 190, 191, 192.

Haf�, fils d'Omar ibn-Haf�oun, II, 208, 340, 342, 343.

Haf� ibn-el-Moro, II, 225.

Haitham, gouverneur de l'Espagne, I, 220 et suiv.

Halhala, I, 183 et suiv.

Hamdouna, III, 56.

Hamm�m, chef des Nomair, I, 135.

Hamza, oncle de Mahomet, I, 47.

Hanach �an�n�, II, 209.

Handhala le Kelbite, I, 267.

Hanokh (Rabbi), IV, 27.

H�ritha, noble de Ba�ra, I, 139, 140, 141, 152, 153, 154.

H�roun ar-rach�d, II, 89 et suiv.; IV, 204, note 1.

H�roun, client des Omaiyades, I, 245, 247, 248.

Harra, I, 100.
  (Bataille de), I, 101 et suiv.
  (Enfants de), I, 105.

Harr�n�, m�decin, II, 126, 127.

Hasan, fils d'Al�, I, 66 et suiv.

Hasan de Ba�ra, th�ologien, I, 143.

Hasan ibn-Kennoun, III, 124 et suiv, 200 et suiv.

Hasan ibn-Yahy�, faqui, III, 271.

Hasan ibn-Yahy� le Hammoudite, IV, 58, 59.

Hasda� ibn-Chabrout, III, 75, 83 et suiv.

Hass�n ibn-M�lic ibn-Bahdal, I, 123, 124, 125, 130, 132.

Hass�n ibn-Th�bit, po�te, I, 52.

H�tim, p�re de �omail, I, 277.

Hauthara ibn-Abb�s, III, 56.

Hauzan�, IV, 11, 14.
  -- (Abou-Haf�), IV, 129.

Hay�t ibn-Mol�mis, I, 344.

Hazm, III, 341.

Hermogius, �v�que de Tuy, III, 44.

Hich�m, le calife, I, 218 et suiv., 229 et suiv.

Hich�m Ier, II, 55 et suiv.

Hich�m II, III, 122, 131, 132, 143, 177 et suiv.
  -- (le pseudo-), IV, 18 et suiv., 101, 102.

Hich�m III, III, 360 et suiv.

Hich�m, oncle du sultan Abdall�h, II, 258, 298 et suiv.

Hich�m, petit-fils d'Abd�rame III, III, 259, 271.

Hich�m ibn-Ozra, I, 366.

Hich�m-Mo�haf�, III, 137, 163.

Hich�m, surnomm� Rach�d, III, 286 et suiv.

Hi�n-Aute (Yznate), II, 190.

Hidj�r� Abou-Mohammed, IV, 277.

Hilduin, II, 166.

Hind, m�re de Mo�wia, I, 46, 47.

Hob�b le Coraichite, I, 292, 325.

Hob�sa, III, 307.

Ho�ain, g�n�ral, I, 127, 128, 130, 131.

Ho�ain, chef des Cab ibn-Amir, I, 326, 327, 341.

Ho�r�, po�te, IV, 271, 272.

Hodair, II, 72, 73.

Hodhaifa ibn-Badr, I, 176.

Hodhail, lieutenant de Zohair, IV, 41.

Hodhail, fils de �omail, I, 385.

Hodhail, fils de Zofar, I, 166.

Holal, m�re de Hich�m Ier, I, 353.

Homaid ibn-Bahdal, I, 174, 175 et suiv.

Honaida, II, 214, note 1.

Honoriens (les), II, 11.

Horaith le Sauteur, I, 93.

Hosain, fils d'Al�, I, 72, 74 et suiv.

Hosain ibn-Yahy�, I, 379, 381.

Hos�m-ad-daula, seigneur d'Albarrazin, IV, 195.

Hostegesis, �v�que de Malaga, II, 47, 48.

Hotaia, po�te, I, 49.

Hroswitha, III, 92.

Huebar, village, II, 238.

Hugues de Provence, roi d'Italie, III, 68.

Hyacinthe, page de Hacam Ier, II, 60, 71, 72.


I.

Ibn-Abb�s, vizir de Zohair, IV, 34 et suiv., 55, 56.

Ibn-Abdalaz�z, prince de Valence, IV, 177 et suiv.
  Ses fils, IV, 195.

Ibn-Abd-a�-�amad, po�te, IV, 281.

Ibn-Abd-rabbihi, po�te, II, 285, 315.

Ibn-ab�-Abda. Voyez Obaidall�h ibn-ab�-Abda.

Ibn-ab�-'l-Afia, III, 49.

Ibn-ab�-Amir. Voyez Almanzor.

Ibn-ab�-Corra, IV, 88 et suiv.

Ibn-ab�-Wad�a, III, 306, 307, 308.

Ibn-Adham, IV, 200.

Ibn-Adhh� Mohammed, II, 294 et suiv.

Ibn-Aflah. Voyez Mohammed ibn-Aflah et Ziy�d ibn-Aflah.

Ibn-Aghlab, II, 271, 290.

Ibn-Amm�r, IV, 133 et suiv., 163 et suiv.

Ibn-Amr, I, 135.

Ibn-Angelino. Voyez Mohammed ibn-Angelino.

Ibn-al-Ar�f. Voyez Abou-'l-C�sim.

Ibn-Arous, III, 173.

Ibn-Ascal�dja, III, 272.

Ibn-Att�f, seigneur de Mentesa, II, 259.

Ibn-Bacanna, IV, 36, 45, 50, 51, 58.

Ibn-B�ddja (Avempace), IV, 263, note 1.

Ibn-Bahdal. Voyez Hass�n ibn-M�lic et Sa�d ibn-Bahdal.

Ibn-Bak�, po�te, IV, 251.

Ibn-Bart�l, III, 115.

Ibn-Becr, III, 306.

Ibn-al-Binn�, po�te, IV, 251, note 2.

Ibn-Bord, III, 269, 270, 335.

Ibn-Chab�b, IV, 42.

Ibn-as-Ch�lia, II, 262, 327, 330.

Ibn-Chamm�s, II, 60, 61.

Ibn-Chih�b, I, 294, 326, 327.

Ibn-Chohaid Abou-Amir, III, 351, 356, 363, 364, 365.

Ibn-Colzom, II, 297, note 3.

Ibn-al-Coutia, III, 110, 116.

Ibn-Dhacw�n, III, 176, 269, 270, 293.

Ibn-Dh�-'l-cal�, I, 164.

Ibn-Dj�bir, III, 165, 166.

Ibn-Djahwar, vizir sous Hich�m II, III, 166.

Ibn-Djahwar (Abdalm�lic), IV, 154 et suiv.

Ibn-Djahwar (Abd�rame), IV, 154.

Ibn-Djahwar Abou-'l-Hazm, III, 324, 359 et suiv.; IV, 5 et suiv., 22, 25.

Ibn-Djahwar (Abou-'l-Wal�d), IV, 81, 83, 84, 154, 156.

Ibn-al-Djaiy�r, III, 324, 363.

Ibn-Doraid, III, 248.

Ibn-al-Faradh�, III, 309.

Ibn-al-Farr� Abou-Abdall�h, IV, 259.

Ibn-Fotais Abd�rame, III, 257.

Ibn-Gh�lib. Voyez Mohammed ibn-Gh�lib.

Ibn-Gh�nim, II, 197.

Ibn-Haddj�dj, coll�gue d'Abou-'l-C�sim Mohammed, IV, 11, 14.

Ibn-Haiy�n, IV, 20.

Ibn-Hak�m, I, 198.

Ibn-Hamd�n, IV, 250, 251, 254, 255.

Ibn-Hamd�s, po�te, IV, 279.

Ibn-Haucal, III, 17, 21, 181.

Ibn-Hauchab, III, 13.

Ibn-Hazm Abd-al-wahh�b, III, 351, 356.

Ibn-Hazm Abou-'l-Mogh�ra, III, 254 et suiv.

Ibn-Hazm Ahmed, III, 342, 348.

Ibn-Hazm Al�, III, 309, 341 et suiv., 356; IV, 20.

Ibn-Hodair, vizir de Hacam II, III, 122.

Ibn-Horaith, I, 283 et suiv.

Ibn-Idh�h, chef de la tribu des Acharites, I, 83 et suiv., 99, 103.

Ibn-Imr�n, III, 353, 354.

Ibn-Iy�ch, III, 166.

Ibn-Kennoun. Voyez Hasan ibn-Kennoun.

Ibn-al-Khad�, secr�taire de Hacam Ier, II, 60.

Ibn-Khalaf (de Malaga), IV, 278.

Ibn-al-Khal�, II, 306, 318.

Ibn-Kh�lid, client omaiyade, I, 310 et suiv., 370, 371.

Ibn-al-Khat�b, IV, 286.

Ibn-Khatt�b, III, 197, 198.

Ibn-Khazroun, IV, 92 et suiv.

Ibn-al-labb�na, po�te, IV, 271, 278, 280.

Ibn-al-Macw�, III, 246.

Ibn-Maimoun, amiral, IV, 263.

Ibn-Man, I, 135.

Ibn-Masarra, III, 19, 20, 261; IV, 254.

Ibn-Mastana, II, 262, 265, 278, 286, 307, 311, 318, 326.
  Ses fils, II, 345.

Ibn-Merw�n, II, 183 et suiv., 207, 238, 260.

Ibn-Mikhnaf, I, 198, 199.

Ibn-Moc�n� Abou-Ish�c, IV, 200.

Ibn-Moh�djir, II, 99.

Ibn-Mozain, IV, 86.

Ibn-N�dir, II, 73.

Ibn-Nouh, IV, 87 et suiv.

Ibn-Oc�cha, IV, 157 et suiv.

Ibn-Omar (ch�teau d'), II, 262.

Ibn-Rach�c, IV, 173, 174, 180, 211, 214, 223.

Ibn-Rochd, IV, 257.

Ibn-Sabarico, II, 247.

Ibn-as-Sacc�, IV, 155.

Ibn-Sal�m, IV, 186.

Ibn-Sal�m, seigneur de Medina-Beni-Sal�m, II, 259.

Ibn-as-Sal�m. Voyez Mohammed ibn-as-Sal�m.

Ibn-as-Sonbos�, III, 246.

Ibn-T�hir (Abou-Abd�rame), IV, 168 et suiv., 177.

Ibn-Taifour, IV, 15, 81.

Ibn-T�k�t, II, 260.

Ibn-Tofail, I, 279.

Ibn-Tomlos, III, 98, 102, 125.

Ibn-Waddh�h, seigneur de Lorca, II, 259.

Ibn-Yahy�, seigneur de Ni�bla, IV, 81 et suiv.

Ibn-al-Yasa, seigneur de Lorca, IV, 211.

Ibn-Zaidoun (Abou-Becr), IV, 176, 185, 186, 191, 200.

Ibn-Zaidoun (Abou-'l-Wal�d), IV, 216.

Ibn-Zobair. Voyez Abdall�h ibn-Zobair.

Ibn-Zohr Abou-'l-Al�, IV, 276.

Ibr�h�m, g�n�ral de Mokht�r, I, 160.

Ibr�h�m ibn-C�sim, II, 306.

Ibr�h�m ibn-Edr�s, III, 203.

Ibr�h�m ibn-Haddj�dj, II, 255, 257 et suiv., 298 et suiv., 321.

Ibr�h�m ibn-Kham�r, II, 265, 266.

Idr�s, II, 76.

Idr�s Ier, III, 331, 332; IV, 24, 50, 58.

Idr�s II, IV, 59 et suiv., 66.

Idr�s III, IV, 66.

Ildje, dans le sens de ren�gat, I, 338, note 1.

Im�d-ad-daula, roi de Saragosse, IV, 246, 247, 248 dans la note.

Is�, vizir de Rach�d, IV, 185.

Is�, client omaiyade, I, 333 et suiv.

Is� ibn-D�n�r, II, 60, 61.

Is�, fils de Mo�ab, I, 167.

Isa�c, moine, II, 130 et suiv.

Ish�c ibn-Ibr�h�m, II, 330.

Ish�c ibn-Mohammed, seigneur de Carmona, IV, 80, 82.

Ish�c Maucil�, II, 89 et suiv.

Isidore de B�ja, II, 42.

Isidore (saint) de P�luse, II, 22.

Isidore (saint) de S�ville, II, 22, 23; IV, 121 et suiv.

Isma�liens (les), III, 4 et suiv.

Ism��l, fils de Djafar le V�ridique, III, 4.

Ism��l, p�re d'Abou-'l-C�sim Mohammed l'Abb�dide, IV, 10.

Ism��l, fils d'Abou-'l-C�sim Mohammed, IV, 15, 16, 23, 24, 50, 51.

Ism��l, fils de Motadhid, IV, 82, 103 et suiv.

Ism��l ibn-Dh�-'n-noun, IV, 20.

Ism��l, fils d'Obaidall�h, I, 241.

It�f, fils de Noaim, IV, 10.

Itim�d. Voyez Romaiquia.

Izz-ad-daula, fils de Motacim, IV, 243.


J.

Jean, marchand de Cordoue, II, 128 et suiv.

J�r�mie, moine, II, 130, 131, 133.

Jos�-Maria, II, 178, 179.

Joseph, fils de Samuel ha-L�vi, IV, 112 et suiv.

Joseph, fr�re d'Euloge, II, 113.

Juifs (pers�cutions des) par les Visigoths, II, 26 et suiv.

Jules (le fils de), II, 163.

Julien, gouverneur de Ceuta, II, 31, 32.


K.

Kelbites (les), I, 120.

Ket�miens (les), III, 13 et suiv.

Khair ibn-Ch�kir, II, 262, 276, 277.

Khair�n, III, 298, 299, 302, 315 et suiv., 322, 323,
    326 et suiv., 331, 343, 358, 359; IV, 4.

Khalaf. Voyez Hich�m II (le pseudo-).

Khalaf, tr�sorier d'Omar ibn-Haf�oun, II, 307.

Khalaf ibn-Becr, II, 347, 348.

Kh�lid, I, 33.

Kh�lid, secr�taire de Yousof le Fihrite, I, 330, 333 et suiv., 357.

Kh�lid ibn-Abdall�h ibn-As�d, I, 193 et suiv.

Kh�lid ibn-Khaldoun, II, 298, 301, 303, 304.

Kh�lid le Fihrite, I, 242, 243, 245.

Kh�lid, fils de Y�z�d Ier, I, 124, 132, 174.

Khal�l, II, 260.

Khar�dj (le), imp�t sur les productions, II, 41.

Khazradj (les), tribu, I, 23 et suiv.

Khorram�a (les), secte, III, 7.


L.

Lacant, I, 358.

Lago de la Janda, II, 33.

L�t, idole, I, 28, 30.

L�ocritia, II, 170, 171, 173.

L�on (royaume de), son origine et son histoire, III, 21 et suiv.

L�on III, pape, III, 229.

L�ovigild, surnomm� Abadsolomes, II, 167, 168.

Lope, fils de Mohammed ibn-Lope, II, 318, 319.

Lope, fils de Mous� II, II, 182.

Luc�na (juifs de), IV, 255.

Lugo (meurtres commis �) par les Su�ves, II, 15.

Luna, IV, 153.


M.

Ma�ddites (les), I, 23, 114 et suiv.

Mabram�n ibn-Y�z�d, III, 248.

Mahd� (le). Voyez Ahmed ibn-Mo�wia.

Mahd�, cousin de Coraib ibn-Khaldoun, II, 243, 258.

Mahd� (Mohammed), III, 271 et suiv.; IV, 78.

Mahomet, I, 18 et suiv.
  Son opinion sur la noblesse, I, 39, 40.
  Opinions des chr�tiens de Cordoue sur sa vie
    et sa doctrine, II, 106 et suiv.

Maisara, chef des non-conformistes, I, 241 et suiv.

Maisara, ren�gat, II, 99.

Maisour, III, 133.

Makil, fils de Sin�n, I, 101, 105, 106.

Malego, au lieu de Lamego, III, 234, note 1.

M�lic ibn-Anas, II, 56 et suiv.

M�lic, fils de Bahdal, I, 120.

M�lic, fils de Hobaira, I, 132.

M�lic, fils de Motamid, IV, 241.

M�lic ibn-Wohaib, IV, 252.

Mall�h�, II, 260.

Mamoun, II, 76.

Mamoun, roi de Tol�de, IV, 119, 127, 155 et suiv.

Mancio, II, 168.

Man�our, musicien, II, 93.

Manzil-H�n�, III, 279.

Margu�rite (la), forteresse, II, 262.

Marie, religieuse, II, 143 et suiv.

Marthad, roi du Y�men, I, 20.

Masarr�a (les), III, 261.

Maslama, fils d'Abdalm�lic, I, 164.

Maslama, fr�re du calife Hich�m, I, 302, 303, 305.

Maslama, fr�re de Solaim�n de Sidona, II, 299.

Masone, �v�que de M�rida, II, 21, 44, note 1.

Matar�, I, 368, 369.

Me���la, III, 38, 39, 49.

Medinaceli, reb�ti, III, 72.

Medina Sidonia, prise par les musulmans, II, 37.

M�rida, prise par les musulmans, II, 37, 40.
  (R�volte de) contre Hacam Ier, II, 62, contre Abd�rame II, II, 96.

Merw�n Ier, I, 45, 51, 52, 94, 99, 107, 129 et suiv.

Merw�n II, I, 297.

Merw�n (des Beni-Hodair), III, 309.

Micdam ibn-Mo�f�, II, 296.

Migetius, II, 355.

Miron, III, 104, 105.

Mo�dh ibn-ab�-Corra, IV, 90 et suiv.

Moammil, IV, 228, 229, 232.

Mo�wia, fils d'Abou-Sofy�n, I, 46, 55 et suiv.

Mo�wia II, I, 122, 123.

Mo�ab, I, 383.

Mo�ab, fr�re d'Abdall�h ibn-Zobair, I, 162, 163, 167.

Moc�til el Royo, IV, 228.

Mo�haf�, III, 118, 130 et suiv.

Moctadir, roi de Saragosse, IV, 126, 181, 182, 262.

Modhaffar. Voyez Abdalm�lic, fils d'Almanzor.

Modhaffar, roi de Badajoz, IV, 15, 16, 81 et suiv.

Modhaffar, seigneur de L�rida, IV, 181.

Modharites (les), I, 114.

Modj�hid, III, 358, 359; IV, 4, 21, 47, 48.

Mogh�ra l'Omaiyade, I, 385.

Mogh�ra, fr�re de Hacam II, III, 136, 138 et suiv.

Mogh�th, I, 215.

Mogh�th, client des Omaiyades, I, 245, 247, 248.

Mohallab, I, 155, 162, 168, 193 et suiv.

Mohammed Ier, II, 126, 150, 152 et suiv.

Mohammed II, III, 352 et suiv.

Mohammed Ier, prince de Malaga, IV, 63 et suiv., 81.

Mohammed, le douzi�me im�m, III, 12.

Mohammed (de Tol�de), III, 293.

Mohammed (Mahd�). Voyez Mahd�.

Mohammed ibn-Abb�d. Voyez Motamid.

Mohammed ibn-Abb�s, IV, 5.

Mohammed, fils du sultan Abdall�h, II, 242, 244, 246
    et suiv., 320, 328.

Mohammed ibn-Abdall�h, seigneur de Carmona, IV, 13, 15, 17, 21,
    22 et suiv., 37, 47, 50, 80.

Mohammed ibn-Adhh�. Voyez Ibn-Adhh�.

Mohammed ibn-Aflah, III, 119, 120.

Mohammed ibn-Angelino, II, 240 et suiv., 246 et suiv.

Mohammed ibn-C�sim, I, 211, 216.

Mohammed ibn-Gh�lib, II, 239 et suiv., 244, 245.

Mohammed ibn-H�chim le Todj�bite, III, 52 et suiv., 63.

Mohammed le Hammoudite, prince d'Alg�ziras, IV, 24, 59, 66, 81.

Mohammed ibn-Hosain, III, 75.

Mohammed, fils d'Ibr�h�m ibn-Haddj�dj, II, 331 et suiv., 338.

Mohammed ibn-al-Ir�k�, III, 334 et suiv.

Mohammed ibn-Ism��l, secr�taire d'Ibn-ab�-Amir, III, 169.

Mohammed ibn-Khazer, III, 49.

Mohammed, fils de Lope, II, 197, 318; III, 42.

Mohammed, fils de Martin, IV, 157 et suiv.

Mohammed ibn-Maslama, III, 169.

Mohammed-Mo�haf�, III, 157.

Mohammed Modhaffar. Voyez ce dernier nom.

Mohammed ibn-Mous�, II, 154 et suiv.

Mohammed, fils de Sa�d ibn-H�roun, IV, 87.

Mohammed ibn-as-Sal�m, III, 114, 117, 118, 142, 172, note 1.

Mohammed ibn-Was�m, II, 98.

Mohammed ibn-Yar�m, IV, 12, 14.

Mohammed ibn-Yil�, III, 277.

Mohammed ibn-Z�r�, IV, 7, 8.

Mo�zz, calife fatimide, III, 15, note 2, 76, 77, 124.

Mokht�r, I, 158 et suiv., 277.

Mola, forteresse, III, 155.

Mondhir III, roi de H�ra, I, 21.

Mondhir (de Saragosse), III, 323, 326 et suiv.; IV, 4, 49.

Mondhir, fils de Mohammed Ier, II, 164, 185, 200, 201 et suiv.

Mondhir ibn-Sa�d Bollout�, III, 117, note 2.

Monfatil, po�te, IV, 31.

Monteagudo, forteresse pr�s de Murcie, IV, 177.

Monteagudo, forteresse pr�s de Xerez, II, 300.

Montemayor, ch�teau, IV, 278.

Monte-sacro, II, 212, 215.

Monte-Salud, II, 185.

Montexicar, II, 212.

Moslim, fils d'Ocba, I, 97 et suiv., 126.

Monousa, I, 256; III, 23.

Mosailima, I, 33.

Mosta�n, roi de Saragosse, IV, 203, 246.

Motacim, roi d'Alm�rie, IV, 116, 202, 214, 219, 220, 221 et suiv.

Motadd, fils de Motamid, IV, 212, 242, 243.

Motadhid Abb�d, IV, 14, 68 et suiv., 128 et suiv.

Motamid, IV, 86, 87, 108 et suiv., 130, 133 et suiv.

Motanabb�, IV, 204, note 1.

Motarrif (des Beni-H�chim), III, 54.

Motarrif, seigneur d'Huete, II, 260.

Motarrif, fils du sultan Abdall�h, II, 294, 299 et suiv., 320.

Motarrif, fils de Hich�m, II, 258.

Motawakkil, roi de Badajoz, IV, 190, 199, 203, 232 et suiv., 243 et suiv.

Mous� II, II, 182.

Mous�, de Tol�de, II, 164.

Mous�, des Beni-Dhou-'n-noun, II, 260.

Mous�, fils de Djafar le V�ridique, III, 4.

Mous� ibn-No�air, I, 196, 197, 211, 214, 216 et suiv.;
    II, 31 et suiv.; IV, 12.

Moutamin, roi de Saragosse, IV, 181, 182, 262.

Mowallad (les). Voyez Ren�gats.

Mozaina, tribu, I, 110.

Muets (les), II, 68.

Mulets. On s'en servait ordinairement au lieu de chevaux, m�me
    dans les batailles, I, 349.

Mutonia (bataille de), III, 40.


N.

N�bil, II, 212.

Na�r, eunuque, II, 96, 122, 124, 126 et suiv.

Nadj�, IV, 58 et suiv.

Nadjda le Slave, III, 62, 63.

Nafdoura ou Bacdoura (bataille de), I, 246 et suiv.

N�fi, fils d'Azrac, I, 149, 151.

Nafza ou Nefza, tribu, I, 308; II, 260; III, 27, note 2.

N�cour, ville, III, 36.

Nedjr�n (chr�tiens de), I, 23.

Nic�phore, IV, 204, note 1.

Nibar (bataille de), IV, 197.

Niz�rites (les), I, 114.

Nom�n, fils de Bach�r, I, 76, 82, 83, 96, 97, 124.

Non-conformistes (les), I, 64, 142 et suiv.
  Influence de leurs doctrines en Afrique, I, 238 et suiv.,
  et en Espagne, I, 257.


O.

Obaid le Kil�bite, I, 293, 333 et suiv., 351.

Obaida le Caisite, I, 219, 220 et suiv.

Obaidall�h, calife fatimide, II, 324; III, 14 et suiv.

Obaidall�h, cousin germain de Hacam Ier, II, 73, 74.

Obaidall�h, client omaiyade, I, 310 et suiv., 349, 356, 357, 384.

Obaidall�h le Caisite, gouverneur de l'Afrique, I, 230 et suiv.

Obaidall�h ibn-Ab�-Abda, II, 280, 281, 289, 308 et suiv.; III, 34, 35, 40.

Obaidall�h ibn-C�sim, m�tropolitain de Tol�de, III, 98, 103.

Obaidall�h, fils de Mahd�, III, 302.

Obaidall�h, fils de Motacim, IV, 232, 233.

Obaidall�h, fils de Ziy�d, I, 76 et suiv., 141, 145, 147, 390, 391.

Obaid�s, po�te, II, 262.

Ocba, p�re de Wal�d, I, 48.

Ocba, fils de Haddj�dj, I, 231 et suiv., 242, 253.

Ocba ibn-N�fi, I, 236.

Ocsonoba, II, 261.

Odilard, II, 166 et suiv.

Ohaimir (al-), II, 277.

Omaiya, III, 367 et suiv.

Omaiya, prince, II, 98.

Omaiya, fr�re de Djad, II, 245, 247 et suiv., 253, 255 et suiv.

Omaiya ibn-Abdall�h ibn-As�d, I, 196.

Omaiya, fils d'Abdalm�lic ibn-Catan, I, 262, 268.

Omaiya ibn-Ish�c, III, 56, 57.

Omair, g�n�ral caisite, I, 162.

Omair le Lakhmite, II, 234, 235.

Omair, fils de Hob�b, I, 137.

Omar Ier, calife, I, 29, 32, 36, 41, 44; II, 50.

Omar II, calife, I, 37, 218, 237.

Omar, fils de Gomez, II, 161, note 1.

Omar ibn-Haf�oun, II, 191 et suiv., 224, 225, 227, 263 et suiv.

Omm-Othm�n, �pouse de Yousof le Fihrite, I, 329, 352.

Oppas, fr�re de Witiza, II, 36.

Orch, I, 333.

Ordo�o Ier, II, 162.

Ordo�o II, III, 33 et suiv., 64.

Ordo�o III, III, 72, 73 et suiv.

Ordo�o IV, III, 81, 88, 89, 96 et suiv.

Ordo�o, �v�que d'Astorga, IV, 120 et suiv.

Orose (Paul), II, 16, 17.

Orvigo (bataille de l'), II, 14.

Othm�n, le calife, I, 40 et suiv.

Othm�n, cousin germain de Y�z�d Ier et gouverneur de M�dine, I, 90, 92.

Othm�n, g�n�ral des troupes de Ba�ra, I, 152, 153.

Othm�n-Mo�haf�, III, 159, 168.

Otton Ier. Jugement d'Abd�rame III sur sa politique, III, 58.

Oyaina, chef des Faz�ra, I, 42.


P.

Palencia prise et ravag�e par les Visigoths, II, 14.

Pampelune (campagne de), III, 47.

Pancorvo (bataille de), II, 197.

Paterna (bataille de), IV, 125.

Paul, martyr � Cordoue, II, 134.

P�lage, III, 22, 23.

Perfectus, pr�tre, II, 120 et suiv.

Perle (la), IV, 153.

Philosophie (�tude de la) dans l'Espagne musulmane, III, 18
    et suiv., 109, 261 et suiv.

_Pierre S�che._ Voyez Abdall�h _Pierre S�che_.

Pinna-Mellaria, clo�tre, II, 167.

Polei, forteresse, II, 269. (Bataille de), II, 279 et suiv.

Portilla de Arenas (bataille de), III, 195.


R.

Rach�d, fils de Motamid, I, 169, 172, 184, 185, 199, 239, 241, 242, 273.

R�dh�, fils de Motamid, IV, 183, 201, 211, 212, 233, 242, 243.

Rah�c�, II, 282.

R�hit (bataille de la prairie de), I, 134 et suiv., 347, 348, 391; II, 284.

Ramadh�n, confondu avec Redjeb, IV, 296.

Ram�d�, po�te, III, 172 et suiv.

Ramire II, III, 50 et suiv., 70 et suiv.

Ramire III, III, 106, 191, 195, 196.

Raudh al-mit�r. Jugement sur ce livre, IV, 291, 292.

Raymond de Barcelone, III, 295, 323.

Raymond-B�renger II, IV, 168 et suiv.

Reccafred, II, 139, 142.

Reccared, II, 20.

Redjeb, confondu avec Ramadh�n, IV, 296.

R�fugi�s (les), I, 27, 41.

Regio (serrania de).
  Sa population, II, 176 et suiv.
  R�volte de cette province, II, 188 et suiv.

R�keswinth, II, 20, 21, note 4.

Ren�gats (les), II, 50 et suiv.

Richard Ier, duc de Normandie, III, 107.

Rizc-all�h, IV, 65.

Rocadillo (torre del), II, 353.

Rocher des aigles, III, 126.

Roderic, II, 31 et suiv.

Rodrigue le Camp�ador (le Cid), I, 155; IV, 212, 245.

Rodrigue Velasquez, III, 105, 235, note 1.

Romaic, IV, 140.

Romaiquia, IV, 140 et suiv., 179, 235, 242, 276.

Roncevaux, I, 379, 380.

Rotland, I, 380.

Royol (el), II, 277.

Rueda (bataille de la), III, 191.


S.

Sabarico, II, 233, note 3.

S�bic, I, 361, 362.

Sacralias (bataille de), IV, 203 et suiv.

Sacaute, IV, 65, 101, 129.

Sad, officier d'Almanzor, III, 212, 213.

Sad, fils de Djauw�s, I, 221, 273, 391.

Sad ibn-Ob�da, I, 270, 271.

Sadoun, eunuque, II, 152 et suiv.

Sadoun, ren�gat, II, 184, 185.

Sa�d, II, 260.

Sa�d II, prince de N�cour, III, 37, 38.

Sa�d l'Isma�lien. Voyez Obaidall�h.

Sa�d, de la tribu de Faz�ra, I, 183, 187, 191.

Sa�d ibn-Bahdal, I, 123.

Sa�d ibn-Djoud�, II, 216, 222, 225, 226 et suiv., 293, 294, 295.

Sa�d ibn-H�roun, IV, 86.

Sa�d ibn-Hodhail, II, 262, 330, 356.

Sa�d ibn-Mondhir, II, 349; III, 309.

Sa�d, fils de Mosaiyab, I, 105, 110.

Saif-ad-daula, seigneur de Rueda, IV, 248 dans la note, 267.

Saint-Jacques-de-Compostelle (campagne de), III, 228 et suiv.

Saint-Germain-des-Pr�s, II, 166, 168.

Saint-Vincent (�glise de) � Cordoue, I, 48.

S�lim, affranchi, I, 302, 309.

Salvien de Marseille, II, 16, 18.

Samh, II, 39.

Samson, abb�, II, 268.

Samuel, �v�que d'Elvira, II, 210.

Samuel ha-L�vi, IV, 27 et suiv., 45, 46, 98 et suiv., 112.

Samuel (II, 305). Voyez Omar ibn-Haf�oun.

Sancho, roi de L�on, III, 70, 73 et suiv., 78 et suiv., 95 et suiv.

Sancho-le-Grand, roi de Navarre, III, 30, 40, 42 et suiv.

Sancho, fils d'Ordo�o II, III, 47, 48, 50.

Sancho, comte de Castille, III, 213, 214, 290 et suiv., 302, 303.

Sancho, martyr � Cordoue, II, 133.

Sanchol. Voyez Abd�rame, fils d'Almanzor.

San Estevan, forteresse, II, 262.

Santa-Maria (d'Algarve), II, 261.

Sara, petite-fille de Witiza, II, 234.

Sa�l, �v�que de Cordoue, II, 140, 143, 149, 167.

Sauw�r, II, 214 et suiv., 262.

Secunda (bataille de), I, 286 et suiv.

Sened (le), II, 243.

Servando, II, 267 et suiv.

S�ville, prise par les musulmans, II, 37.
  Son histoire sous le r�gne d'Abdall�h, II, 232 et suiv., 298 et suiv.,
  dans la premi�re moiti� du onzi�me si�cle, IV, 7 et suiv.

Sidoine Apollinaire, II, 17.

Sierra de Tirieza, IV, 224.

Siete Filla, ch�teau, II, 252.

Siete Torres, village, II, 239.

Simancas (bataille de), III, 62, 63.

Sindola, II, 161, 162.

S�r ibn-ab�-Becr, IV, 237, 240, 244.

Sir�dj-ad-daula, fils d'Al� de D�nia, IV, 182.

Sisenand, IV, 13, note 1.

Sisenand, martyr � Cordoue, II, 134.

Slave (le). Voyez Abd�rame ibn-Hab�b le Fihrite.

Slaves (les), III, 59 et suiv., 260, note 3.

Soair le Kelbite, I, 190, 191.

Socr, III, 146.

Solaim�n, le calife, I, 213, 215 et suiv.

Solaim�n Mosta�n, III, 288 et suiv.

Solaim�n, seigneur de Lebrija, II, 243.

Solaim�n, de Sidona, II, 298, 301.

Solaim�n, fils d'Abd�rame Ier, I, 299.

Solaim�n, fils d'Abd�rame III, III, 286, 287.

Solaim�n, fils d'Abd�rame IV, III, 334 et suiv.

Solaim�n ibn-Houd, III, 328, 329.

Solaim�n, fils d'Omar ibn-Haf�oun, II, 340, 342.

Somaisir, po�te, IV, 218.

Sontebria, ville, I, 372.

Spera-in-Deo, II, 113.

Su�ves (les), II, 12 et suiv.


T.

Tabanos, clo�tre, II, 130, 164.

T�-Corona, I, 343, note 2.

Talha, I, 40, 51, 53, 54, 55.

Taliares, d�fil�, III, 231.

T�lib ibn-Mauloud, II, 300.

T�lout, II, 79 et suiv.

Taly�ta, village, II, 237.

Tam�checca, II, 239, 252.

Tamm�m Abou-Gh�lib, I, 323, 368.

Tarafa, po�te, I, 22.

T�ric ibn-Ziy�d, I, 215; II, 32 et suiv.

Tar�f (Abou-Zora), II, 32.

Taroub, II, 96, 126, 151.

T�chouf�n l'Almoravide, IV, 248.

Tem�m, roi de Malaga, IV, 199, note 2, 202, 214, 234, 270.

T�m�mites (les), c'est-�-dire les Ma�ddites dans le Khor�s�n, I, 119.

Thak�f (les), tribu, I, 341;
  leur conversion � l'islamisme, I, 28 et suiv.

Thalaba, I, 244, 265 et suiv.

Thalaba le Djodh�mite, I, 354.

Th�odemir, II, 40; III, 198.

Th�odemir, martyr � Cordoue, II, 134.

Th�odemir, �v�que d'Iria, III, 228.

Tho�ba, I, 279 et suiv.

Tirieza (Sierra de), IV, 224.

Todj�b�, tr�sorier du sultan Abdall�h, II, 312.

Tolaiha, I, 33.

Tol�de, prise par les musulmans, II, 36.
  (R�volte de) contre Hacam Ier, II, 62 et suiv., 97,
  contre Abd�rame II, II, 97, 98 et suiv.,
  contre Mohammed Ier, II, 161 et suiv., 181;
  assi�g�e et prise par Abd�rame III, II, 348 et suiv.

Torreximeno, I, 344, note 1.

Torrox, ch�teau entre Iznajar et Loja, I, 324.

Torrox, ch�teau des Beni-Ab�-Amir, III, 114.

Tota, reine de Navarre, III, 53, 57, 62, 73, 82 et suiv.


U.

Usuard, II, 166 et suiv.

Urraque, �pouse de Ramire II, III, 73.

Urraque, fille de Ferdinand Gonzalez, III, 72, 82.


V.

Val de Junquera (bataille de), III, 43, 44, 45.

Valadares, district, III, 230, note 2.

Valentius, �v�que de Cordoue, II, 268.

Verdun (manufacture d'eunuques �), III, 60.

V�rinien, II, 10.

Villanova des Bahrites, I, 345.

Ville (bataille de la), II, 222.

Vincent (saint), reliques de ce martyr, II, 166.

Visigoths (les), II, 14, 15.


W.

W�dhih, III, 227, 235, 236, 282, 284, 290 et suiv.

W�d�-Becca (bataille du), II, 34, 35.

W�d�-Cais, I, 374, note 1.

W�d�-Charanba (la Jarama), I, 327.

Wadj�h, I. 384.

Wahabites (les), I, 37, 38, 41.

Wahb, fils d'Amir le Coraichite, I, 325.

Wal�d Ier, I, 211 et suiv.; II, 32.

Wal�d II, I, 306, 307.
  Ses fils, _ibid._

Wal�d, fr�re ut�rin d'Othm�n, I, 48 et suiv.

Wal�d, fr�re d'Abd�rame Ier, I, 387.

Wal�d, fr�re d'Abd�rame II, II, 100.

Wal�d, petit-fils d'Abou-Sofy�n, I, 124.

Wal�d ibn-Khaizor�n, III, 98, 99, 103.

Wall�da, IV, 140, 216.

Wamba, II, 29.

W�nzem�r, III, 185, 186.

Wili�sind, II, 146.

Wistremir, II, 161, 165.

Witiza, II, 33.

Wittekind, I, 377, 379.


X.

Ximena, nom de ville, son origine, I, 344.


Y.

Yahy�, prince d'Ocsonoba, II, 261.

Yahy� le Kelbite, I, 227.

Yahy�, fr�re d'Abd�rame Ier, I, 298.

Yahy�, fils d'Al� ibn-Hamdoun, III, 130.

Yahy� ibn-Al� le Hammoudite, III, 326, 330 et suiv., 356, 358; IV, 13,
17, 22 et suiv., 289.

Yahy�, fils d'Anatole, II, 305.

Yahy� ibn-�oc�la, II, 212.

Yahy�, fils d'Idr�s Ier, IV, 58.

Yahy�, fils d'Isa�c le chr�tien, III, 115.

Yahy� ibn-Mohammed Todj�b�, III, 105, 128, 130, 131.

Yahy�, fils de Mous�, II, 260.

Yahy�-Sim�dja, III, 211.

Yahy� ibn-Yahy�, II, 57 et suiv., 69, 79, 88, 89, 107.

Ya�ch, roi de Tol�de, IV, 4.

Yaum�n, hameau, IV, 10.

Yaz�r, IV, 49.

Y�m�nites (les), I, 23, 114 et suiv., 225 et suiv.

Y�z�d Ier, I, 72 et suiv.

Y�z�d II, I, 216, 218.

Y�z�d ibn-ab�-Moslim, I, 216, 229.

Y�z�d, fils de Mohallab, I, 211 et suiv., 216, 226.

Yousof le Fihrite, I, 284 et suiv.

Yousof ibn-Bas�l, II, 154.

Yousof ibn-Bokht, I, 310.

Yousof ibn-T�chouf�n, IV, 199 et suiv.


Z.

Zabr�, ma�tresse d'Ahnaf, I, 139.

Zadulpho, II, 261.

Z�hir, ch�teau, IV, 105.

Z�hira, ville, b�tie par Almanzor, III, 179.

Zahr�, III, 92.

Zaid, affranchi, I, 336.

Zalal ibn-Ya�ch, III, 29.

Zall�ca (bataille de), IV, 203 et suiv., 292 et suiv.

Zamora, reb�tie, III, 27.

Zarc� (fils de), I, 190.

Z�w�, III, 285, 288 et suiv., 317, 318, 326 et suiv; IV, 4.

Z�r�, p�re de Z�w�, III, 318.

Z�r� ibn-At�a, vice-roi de la Mauritanie, III, 222 et suiv., 236, 237.

Ziry�b, II, 89 et suiv.

Ziy�d, fr�re b�tard de Mo�wia, I, 75.

Ziy�d ibn-Aflah, III, 137, 172 et suiv.

Zobaid�, III, 176, 177; IV, 12, 14.

Zobair, I, 40, 51, 53, 54, 55.

Zofar, I, 123, 133, 134, 137, 163 et suiv., 184.

Zohair, III, 329; IV, 4, 19, 25, 37 et suiv.


erreurs corrig�es:

elle voudrait montrer encore=> elle voudrait monter encore {pg 35}

que j'ai bli�=> que j'ai publi� {pg 103 (note 98)}

homms de coeur=> homme de coeur {pg 227}

sous a domination des barbares=> sous la domination des barbares {pg
288}

       *       *       *       *       *


NOTES:

[1] Jusque-l� Elvira avait �t� la capitale de cette province, mais cette
ville ayant eu fort � souffrir de la guerre civile, ses habitants
�migr�rent vers l'ann�e 1010, et se transport�rent � Grenade.

[2] Son p�re �tait l'infortun� Abd�rame-Sanchol.

[3] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 157 r. et v.;
Abd-al-w�hid, p. 42, 43.

[4] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 129 r.; _Abbad._, t. II,
p. 32, 208 etc.

[5] _Abbad._, t. I, p. 221.

[6] _Abbad._, t. I, p. 220. Cf. Caussin, t. III, p. 212, 422.

[7] Abb�d �tait le trisa�eul d'Ism��l.

[8] _Abbad._, t. I, p. 220, 381 et suiv.; t. II, p. 173.

[9] _Abbad._, t. I, p. 221.

[10] Abd-al-w�hid, p. 65; _Abbad._, t. I, p. 221.

[11] _Abbad._, t. I, p. 221.

[12] Les Espagnols et les Portugais substituent ordinairement la lettre
_f_ � la gutturale arabe _kh_. Voyez mon Glossaire sur Ibn-Adh�r�, p.
23.--Au reste, on se rappellera que sur la rive droite du Rhin, pr�s de
Caub, il y a aussi deux ch�teaux, Liebenstein et Sternberg, que l'on
appelle _les fr�res_ (_die Br�der_).

[13] La conqu�te de Viseu par Mous� est mentionn�e par Maccar�, t. I, p.
174.

[14] Sisenand, dont parle le moine de Silos (c. 90) et qui, apr�s avoir
quitt� le service de Motadhid pour celui de Ferdinand Ier, devint
gouverneur de Co�mbre, �tait, selon toute apparence, un de ces chr�tiens
d'Alafoens.

[15] _Abbad._, t. II, p. 7. L'auteur arabe raconte ceci en parlant de
Motadhid, le fils du cadi, mais en ce point il se trompe.

[16] _Abbad._, t. II, p. 216. L'auteur arabe (Ibn-Khaldoun), au lieu de
nommer le cadi, nomme ici par erreur son fils Motadhid.

[17] Il alla d'abord � Cairaw�n, puis � Alm�rie, o� il devint cadi.
Voyez _Abbad._, t. I, p. 234, note 49.

[18] _Abbad._, t. I, p. 223.

[19] _Abbad._, t. I, p. 223-225. Ibn-Khaldoun (_Abbad._, t. II. p. 209,
216) dit aussi quelques mots de ces �v�nements, mais au lieu de nommer
le cadi, il nomme son fils Motadhid.

[20] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 81 r. et v., 82 r.

[21] Abd-al-w�hid, p. 37, 38; _Abbad._, t. I, p. 222, l. 22.

[22] _Abbad._, t. II, p. 127, 128.

[23] _Abbad._, t. II, p. 34.

[24] _Abbad._, t. I, p. 222; t. II, p. 34.

[25] _Abbad._, t. II, p. 34.

[26] _Abbad._, t. I, p. 222.

[27] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 81 r. et v.

[28] _Abbad._, t. II, p. 34.

[29] _Abbad._, t. I, p. 222; t. II, p. 34. Sur la date, voyez la note A
� la fin de ce volume.

[30] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 81 r.-82 r.;
Abd-al-w�hid, p. 38, 43; _Abbad._, t. II, p. 33. Comparez la note A � la
fin de ce volume.

[31] Abd-al-w�hid, p. 43, 45.

[32] Ibn-Khaldoun, fol. 25 v.

[33] Ibn-Khaldoun, fol. 22 v. Comparez la lettre que Zohair fit �crire
aux Cordouans par son ministre Ibn-Abb�s, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol.
170 r. et v.

[34] _Abbad._, t. II, p. 34.

[35] _Journal asiat._, IVe s�rie, t. XVI, p. 203-205 (article de M.
Munk).

[36] _Cronica del Moro Rasis_, p. 37.

[37] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 122 r.

[38] Voyez mon Introduction � la Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 97.

[39] _Ibid._, p. 96, 97.

[40] _Journ. asiat._, p. 209, dans la note.

[41] Ibn-Bass�m, t. I, fol. 200 r.

[42] _Journ. asiat._, p. 222-224.

[43] _Journ. asiat._, p. 209.

[44] Voyez mon Introduction � la Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 96, 97.

[45] Cinq millions de francs; au pouvoir actuel de l'argent, trente-cinq
millions.

[46] Mo�se ben-Ezra (dans le _Journ. asiat._, p. 212, note) l'appelle
Ibn-ab�-Mous�. Tel est en effet le nom que Homaid� donne au vizir
Ibn-Bacanna, et c'est � tort que le copiste du man. d'Abd-al-w�hid
(voyez mon �dition de cet auteur, p. 43) a biff� le mot _ab�_, qu'il
avait �crit d'abord.

[47] _Abbad._, t. II, p. 34.

[48] _Journ. asiat._, p. 206-208.

[49] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 171 r.-175 r.;
Ibn-al-Khat�b, man. G., fol. 134 v., 135 r. (article sur Zohair), 51
v.-52 v. (article sur Abou-Djafar Ahmed ibn-Abb�s al-An��r�); Maccar�,
t. II, p. 359, 360; _Abbad._, t. II, p. 34.

[50] Voyez Mo�se ben-Ezra, cit� par M. Munk dans le _Journ. asiat._, p.
212. Dans ce passage il faut prononcer _onchida_, au passif, et non
_anchada_, � l'actif, comme l'a fait M. Munk.

[51] Voyez mes _Recherches_, t. I, p. 245.

[52] Voyez _Abbad._, t. I, p. 51.

[53] Voyez sur Abou-'l-Fotouh Th�bit ibn-Mohammed al-Djordj�n�, outre
l'article d'Ibn-al-Khat�b, ceux que lui ont consacr�s Soyout�, dans son
Dictionnaire biographique des grammairiens, et Homaid�. Comparez aussi
l'article sur Modj�hid, dans Dhabb� (man. de la Soci�t� asiatique).

[54] Ibn-al-Khat�b, man. G., fol. 114 r. et v. (article sur
Abou-'l-Fotouh).

[55] Abd-al-w�hid, p. 44, 65; _Abbad._, t. II, p. 33, 34, 207, 217. Cf.
Ibn-al-Khat�b, fol. 114 v.

[56] Ibn-al-Khat�b, fol. 114 v.-115 v.

[57] Cette date se trouve chez Ibn-Bass�m, t. I, fol. 224 v.

[58] Cet endroit n'existe plus, � ce qu'il para�t.

[59] Abd-al-w�hid �crit ce nom _Sac�t_, d'autres l'�crivent Sacout, ou,
d'apr�s la prononciation des Arabes d'Espagne, _Sac�t_ (prononcez le
_t_). Je crois donc que la voyelle longue dans la seconde syllabe a un
son interm�diaire entre l'_�_ et l'_�_. En fran�ais on peut rendre ce
son par la diphthongue _au_.

[60] D'apr�s Ibn-Khaldoun, il alla � Comar�s, mais j'ai cru devoir
suivre Homaid�.

[61] Voyez Ibn-al-Khat�b, man. G., fol. 107 v. (article sur Bologgu�n,
fils de B�d�s).

[62] Abd-al-w�hid, p. 45-49; Ibn-Khaldoun, fol. 22 v., 23 r.; Maccar�,
t. I, p. 132, 282-284.

[63] _Abbad._, t. II, p. 48; t. I, p. 245.

[64] _Abbad._, t. I, p. 245.

[65] _Abbad._, t. I, p. 243.

[66] Voyez _Abbad._, t. I, p. 243, et un po�me de Motadhid, _ibid._, p.
53.

[67] _Abbad._, t. I, p. 244.

[68] _Abbad._, t. I, p. 243.

[69] Abd-al-w�hid, p. 68-70.

[70] Abd-al-w�hid, p. 67, 68.

[71] _Abbad._, t. I, p. 243, 244; Abd-al-w�hid, p. 67; Ibn-Bass�m, t. I,
fol. 109 r.

[72] _Abbad._, t. II, p. 52.

[73] _Abbad._, t. I, p. 242.

[74] _Abbad._, t. I, p. 251; t. II, p. 60.

[75] _Abbad._, t. II, p. 209, 216.

[76] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 109 r. Ibn-Khaldoun
(_Abbad._, t. II, p. 216) donne � ce prince le nom d'al-Az�z. C'est une
erreur.

[77] _Abbad._, t. II, p. 211.

[78] _Abbad._, t. I, p. 247, 248.

[79] Ibn-Haiy�n, apud Ibn-Bass�m, t. I, fol. 108 v., 109 r.; po�me
d'Ibn-Zaidoun, _ibid._, fol. 99 v.

[80] _Abbad._, t. I, p. 248, 249.

[81] _Abbad._, t. I, p. 252.

[82] _Abbad._, t. I, p. 252, 253; Ibn-al-Abb�r, dans mes _Recherches_,
t. I, p. 286 de la 1re �dition.

[83] Voyez Ibn-al-Abb�r, p. 50, 51.

[84] Voyez Ibn-Bass�m, t. II, dans l'article sur Ibn-Amm�r.

[85] Voyez une lettre sur la prise de Silves qui se trouve dans le
chapitre qu'Ibn-Kh�c�n, dans son _Cal�yid_, a consacr� � Abou-Mohammed
ibn-Abd-al-barr, et comparez la note B, � la fin de ce volume.

[86] _Abbad._, t. II, p. 123, 210, 211. La date que donne Ibn-Khaldoun
est erron�e; j'ai indiqu� celle qui se trouve chez Ibn-al-Abb�r.

[87] Un prince aghlabide avait fait mourir de la m�me mani�re plusieurs
de ses eunuques et de ses gardes dont il voulait se d�barrasser. Voyez
Ibn-Adh�r�, t. I, p. 127.

[88] Voyez _Abbad._, t. II, p. 14, l. 17.

[89] Voyez la note C, � la fin de ce volume.

[90] _Abbad._, t. I, p. 247.

[91] Ibn-Haiy�n, dans mon Introduction � la Chronique d'Ibn-Adh�r�, p.
86-88. A la page 86, l. 16, il faut lire: _wahadjara char�baho alladh�
l� �abra laho anho_.

[92] _Abbad._, t. II, p. 210.

[93] Abd-al-w�hid, p. 80; Ibn-Kh�c�n, _Cal�yid_, t. I, p. 177 (article
sur Ibn-Amm�r).

[94] _Abbad._, t. II, p. 210.

[95] _Abbad._, t. I, p. 249; t. II, p. 207; Ibn-Khaldoun, fol. 23 r.

[96] C'est une sorte de voile qu'on porte sur la t�te et sur les
�paules.

[97] _Abbad._, t. I, p. 250; t. II, p. 6; Abd-al-w�hid, p. 66 (cet
auteur se trompe dans la date).

[98] 455 de l'H�gire. C'est ainsi qu'il faut lire, avec le man. de M. de
Gayangos, dans le passage d'Ibn-Haiy�n que j'ai publi� _Abbad._, t. I,
p. 256.

[99] _Abbad._, t. I, p. 253-259.

[100] _Abbad._, t. I, p. 51-54, 301, 302; t. II, p. 60, 63-65.

[101] Voyez _Journ. asiat._, IVe s�rie, t. XVI, p. 210, 217-220, mon
Introduction � la Chronique d'Ibn-Adh�r�, p. 99-102, et mes
_Recherches_, t. I, p. 292-305. Quelques d�tails nouveaux m'ont �t�
fournis par Ibn-Bass�m, t. I, fol. 200 v.-201 v.

[102] Mon. Sil., c. 91-93; cf. _Chron. Compost._, p. 327.

[103] Le moine de Silos l'appelle _grandacous_.

[104] Comparez mes _Recherches_, t. I, p. 112.

[105] Dans un po�me qu'il composa � l'heure o� les croyants se rendaient
aux mosqu�es pour y assister � la pri�re du matin, il disait: �Il faut
boire au lever de l'aube, c'est un dogme religieux, et celui qui n'y
croit pas est un pa�en.� _Abbad._, t. I, p. 246.

[106] La relation de cette ambassade se trouve dans la chronique du
moine de Silos (c. 95-100), qui la tenait des compagnons m�mes
d'Alvitus.

[107] Mon. Sil., c. 87, 89, 90; _Chron. Compl._, p. 317, 318. Voyez sur
la date de la prise de Co�mbre, Ribeiro, _Disserta��es chronologicas e
criticas_.

[108] Ibn-Bass�m, derni�re feuille du man. de Gotha; Maccar�, t. I, p.
111, et t. II, p. 748, 749.

[109] Voyez mes _Recherches_, t. II, p. 355-374.

[110] Voyez les textes que j'ai publi�s dans mes _Recherches_, t. II, p.
LI-LIV.

[111] Mon. Sil., c. 105, 106.

[112] _Abbad._, t. II, p. 216, 219, 220.

[113] _Abbad._, t. I, p. 251, 252; Abd-al-w�hid, p. 70.

[114] _Abbad._, t. II, p. 61, 62.

[115] Abd-al-w�hid, p. 79-81; _Abbad._, t. II, p. 88; Ibn-Bass�m, t. II,
fol. 98 v.

[116] Dans les campagnes de Silves, presque chaque paysan avait le
talent d'improviser; voyez Cazw�n�, t. II, p. 364.

[117] Voyez le po�me de Motamid sur Silves, que nous traduirons plus
loin.

[118] _Abbad._, t. I, p. 384.

[119] Abd-al-w�hid (p. 81, 82) raconte cette aventure avec les propres
paroles d'Ibn-Amm�r. Ibn-Bass�m (t. II, fol. 113 r. et v.) l'avait
entendu raconter � plusieurs vizirs de S�ville, qui la tenaient de
Motamid. Voyez aussi _Abbad._, t. II, p. 120.

[120] _Abbad._, t. II, p. 151, 152; cf. p. 225, 226. Ce ne fut qu'apr�s
son mariage que le jeune prince prit le titre de Motamid, form� de la
m�me racine que le mot Itim�d. Nous avons cru devoir le lui donner par
anticipation, mais auparavant il en portait d'autres; voyez _Abbad._, t.
II, p. 69, et comparez p. 61.

[121] Voyez _Abbad._, t. II, p. 234.

[122] El Conde Lucanor, c. 14.

[123] _Abbad._, t. II, p. 152, 153.

[124] _Abbad._, t. II, p. 151.

[125] _Abbad._, t. II, p. 68.

[126] _Abbad._, t. II, p. 88.

[127] Abd-al-w�hid, p. 77, 81. D'apr�s une autre tradition (_Abbad._, t.
II, p. 105), Ibn-Amm�r serait revenu � la cour du vivant de Motadhid,
mais ce r�cit me para�t inexact.

[128] Abd-al-w�hid, p. 82.

[129] Il est � peine besoin de dire que le po�te a ici en vue des
statues et des figures de lions.

[130] _Abbad._, t. I, p. 39, 84.

[131] Abd-al-w�hid, p. 80.

[132] Abd-al-w�hid, p. 82, 83.

[133] Voyez _Abbad._, t, II, p. 148.

[134] Abd-al-w�hid, p. 72; _Abbad._, t. II, p. 222.

[135] _Abbad._, t. II, p. 146.

[136] _Abbad._, t. Il, p. 224, 225.

[137] Abd-al-w�hid, p. 72.

[138] Voyez _Abbad._, t. I, p. 392.

[139] Abd-al-w�hid, p. 73; _Abbad._, t. II, p. 30.

[140] _Abbad._, t. I, p. 391.

[141] _Abbad._, t. I, p. 388.

[142] Ibn-Haiy�n, _apud_ Ibn-Bass�m, t. I, fol. 158 v., 159 r.

[143] Ibn-Bass�m, t. I, fol. 159 r.-160 r.; Ibn-Haiy�n, _ibid._, fol.
160 r. et v.; po�me d'Ibn-al-Cac�ra, _apud_ Ibn-al-Khat�b, man. P., fol.
51 r. et v.; Ibn-Khaldoun, fol. 25 v. Ce dernier auteur se trompe quand
il dit que la prise de Cordoue eut lieu en 461, car Ibn-Bass�m dit: vers
la fin de 462. C'est aussi � tort qu'il affirme qu'Abou-'l-Wal�d �tait
d�j� mort � cette �poque; Abd-al-w�hid (p. 43) est tomb� dans la m�me
erreur.

[144] _Abbad._, t. I, p. 46.

[145] _Abbad._, t, I, p. 322; Lucas de Tuy, p. 100.

[146] _Abbad._, t. I, p. 46-48, 322-324; t. II, p. 35, 122.

[147] _Abbad._, t. II, p. 16, 122 (cf. 68); Abd-al-w�hid, p. 90. D'apr�s
Ibn-Khaldoun, dans son chapitre sur les Beni-Djahwar, Motamid aurait
repris Cordoue en 469 de l'H�gire; mais j'ai cru devoir suivre
Abd-al-w�hid, parce que cet auteur donne le jour du mois et de la
semaine.

[148] _Chron. Compost._, p. 327.

[149] Voyez _Abbad._, t. II, p. 89.

[150] Abd-al-w�hid, p. 83-85.--Vers l'an 1466, raconte Cascal�s
(_Discursos hist�ricos de Murcia_, fol. 118), Boabdil al-Zagal joua un
jour aux �checs avec don Pedro Fajardo, le gouverneur de Lorca. L'enjeu
de l'Espagnol �tait Lorca, et celui du Maure Alm�rie. Le dernier gagna
la partie, mais don Pedro Fajardo, moins loyal qu'Alphonse VI, lui fit
faux bond. Cascal�s cite � ce sujet une ancienne romance.

[151] Voyez Ibn-al-Abb�r, p. 186-188.

[152] 471 de l'H�gire; _Abbad._, t. II, p. 93; Ibn-al-Abb�r, p. 186. La
date 474 (_Abbad._, t. II, p. 87) est erron�e.

[153] _Abbad._, t. II, p. 86, 91-94.

[154] Voyez _Abbad._, t. II, p. 36.--Ce qu'on appelait alors le ch�teau
de Baldj, est peut-�tre Velez-Rubio.

[155] _Abbad._, t. II, p. 86, 87.

[156] C'�tait le fils du grand po�te Abou-'l-Wal�d ibn-Zaidoun.

[157] Ibn-al-Abb�r, p. 189.

[158] A une lieue de Murcie. Les ruines de l'ancien ch�teau existent
encore.

[159] Voyez _Abbad._, t. II, p. 87.

[160] Que ce soit Pierre ou Paul, dirions-nous.

[161] Motamid.

[162] Ibn-Amm�r.

[163] Ibn-Rach�c.

[164] En octobre 1081.

[165] _Abbad._, t. II, p. 103-119; Ibn-Bass�m, t. II, article sur
Ibn-Amm�r; Abd-al-w�hid, p. 85-90.

[166] Voyez _Abbad._, t. II, p. 20.

[167] _Abbad._, t. II, p. 17; chronique arabe-valencienne, traduite dans
la _Cronica general_, fol. 309, col. 3 et 4; _Cart�s_, p. 109; Rodrigue
de Tol�de, VI, 23.

[168] Nowair� l'appelle Chalb�b, sans _Ben_.

[169] _Abbad._, t. II, p. 231, 187, 174. Ce r�cit repose sur un
t�moignage fort respectable, celui d'Ibn-al-labb�na, un des po�tes de la
cour de Motamid. Cet auteur donne aussi la date (1082), tandis que
d'autres historiens disent � tort que cet �v�nement eut lieu apr�s la
prise de Tol�de par Alphonse. L'auteur du _Raudh al-mit�r_ (_Abbad._, t.
II, p. 238, 239) rapporte une version bien diff�rente et assez bizarre;
mais consultez sur ce livre la note D � la fin de ce volume.

[170] P�lage d'Ovi�do (c. 11) compte cette ville parmi celles
qu'Alphonse avait conquises.

[171] _Abbad._, t. II, p. 175, 231, 188.

[172] _Abbad._, t. II, p. 8, 193 (note 27); _Cart�s_, p. 92. La date est
1082, comme on lit dans le _Cart�s_; l'auteur du _Holal_ (_Abbad._, t.
II, p. 188) nomme � tort l'ann�e 1084.

[173] _Abbad._, t. II, p. 18.

[174] _Abbad._, t. II, p. 19.

[175] Voyez mes _Recherches_, t. II, p. 126-130.

[176] _Abbad._, t. II, p. 21; _Cart�s_, p. 92; Ibn-Khaldoun, _Hist. des
Berbers_, t. II, p. 77 de la traduction.

[177] Comparez _Annal. Toled. I_, sous l'ann�e 1086, avec mes
_Recherches_, t. I, p. 273, note 4.

[178] Ibn-al-Khat�b, man. E., article sur Moc�til.

[179] _Abbad._, t. II. p. 20.

[180] Maccar�, t. II, p. 672.

[181] _Abbad._, t. II, p. 37.

[182] _Abbad._, t. II, p. 8, 189 etc.

[183] B�d�s �tant mort en 1073, ses Etats avaient �t� divis�s entre ses
deux petits-fils, Abdall�h et Tem�m. Le premier avait re�u Grenade, le
second Malaga.

[184] Les auteurs qui disent que Motamid lui-m�me se rendit aupr�s de
Yousof, me semblent avoir confondu la premi�re exp�dition du monarque
africain avec la seconde.

[185] Voyez _Abbad._, t. II, p. 27.

[186] Ibn-al-Abb�r, dans mes _Recherches_, t. I, p. 173, 174 de la
1re �dition. Voyez aussi _Abbad._, t. I, p. 169, 175 (vers de R�dh�),
t. II, p. 37, 191-193, 231.

[187] Ibn-al-Abb�r, _ubi supra_; _Abbad._, t. II, p. 22, 193;
Abd-al-w�hid, p. 91.

[188] Le calife H�roun ar-Rach�d avait r�pondu � peu pr�s de la m�me
mani�re � une lettre de l'empereur Nic�phore. Au reste, les auteurs qui
font citer � Yousof un vers de Motanabb�, ont pris une citation d'un
historien pour une partie de la r�ponse du monarque. Yousof �tait trop
illettr� pour �tre en �tat de citer des vers de Motanabb�.

[189] _Abbad._, t. II, p. 22; Abou-'l-Haddj�dj Baiy�s�, _apud_
Ibn-Khallic�n, XII, 16. D'apr�s d'autres auteurs, Alphonse aurait
propos� le lundi, le samedi �tant la f�te des juifs.

[190] _Abbad._, t. II, p. 23, 38.

[191] Abd-al-w�hid, p. 93.

[192] _Kit�b al-ictif�_ (_Abbad._, t. II, p. 23), o� il faut retenir la
le�on du manuscrit: _facollon_. Ce t�moignage est remarquable, car
l'auteur du _Kit�b al-ictif�_ est tr�s-partial pour les Almoravides.

[193] Voyez la note E � la fin de ce volume.

[194] _Abbad._, t. II, p. 23, 199.

[195] Abd-al-w�hid, p. 94.

[196] _Abbad._, t. II, p. 25.

[197] _Abbad._, t. II, p. 120.

[198] _Abbad._, t. II, p. 25; il faut rectifier ce passage � l'aide
d'Ibn-Kh�c�n (_Abbad._, t. I, p. 172-175).

[199] _Abbad._, t. II, p. 121.

[200] _Recherches_, t. II, p. 136, 137.

[201] _Abbad._, t. II, p. 201.

[202] Abd-al-w�hid, p. 92.

[203] _Abbad._, t. II, p. 202, 203.

[204] C'�tait le p�re du vizir de Motamid.

[205] _Abbad._, t. II, p. 221.

[206] ��id de Tol�de, dans mes _Recherches_, t. I, p. 4 de la 1re
�dition.

[207] Ibn-Bass�m, t. I, fol. 230 v.

[208] _Abbad._, t. II, p. 131, 132.

[209] Ibn-al-Khat�b, man. G., fol. 16 v., 17 r., article sur Abou-Djafar
Ahmed ibn-Khalaf ibn-Abdalm�lic al-Ghass�n� al-Colai�.

[210] Abd-al-w�hid, p. 96, 97.

[211] _Abbad._, t. II, p. 39, 121, 203; Ibn-Khallic�n, Fasc. XII, p. 25.
Dans le r�cit du _Cart�s_ (p. 99) et surtout dans celui d'Abd-al-w�hid
(p. 92), il y a plusieurs inexactitudes. Voyez aussi les _Gesta
Roderici_, et pour la chronologie comparez la note F � la fin de ce
volume.

[212] Ibn-al-Khat�b, article sur Abou-Djafar Colai�.

[213] _Abbad._, t. II, p. 211.

[214] Ibn-Khaldoun, _Hist. des Berbers_, t. II, p. 79 de la traduction.

[215] Ibn-al-Khat�b, man. E., article sur Moc�til.

[216] C'est-�-dire, il est de la m�me race que toi, il est Berber comme
toi.

[217] Ibn-al-Khat�b, man. E., articles sur Abdall�h ibn-Bologguin et sur
Moammil; _Abbad._, t. II, p. 9, 26, 39, 179, 180, 203, 204; _Cart�s_, p.
99. Sur la date, comparez la note F � la fin de ce volume.

[218] _Abbad._, t. II, p. 180, 204; Ibn-Khallic�n, Fasc. XII, p. 26;
Ibn-al-Abb�r, dans mes _Recherches_, t. I, Appendice, p. L;
Ibn-Khaldoun, _Hist. des Berbers_, t. II, p. 79 de la traduction.

[219] Ibn-Khaldoun, _Hist. des Berbers_, t. II, p. 79, 80, 82, _Abbad._,
t. II, p. 27, 151.

[220] Abd-al-w�hid, p. 98.

[221] _Abbad._, t. I, p. 54, 55. La date que je donne se trouve dans le
_Cart�s_ (p. 100) et dans Abd-al-w�hid (p. 98). D'apr�s Ibn-al-Khat�b
(_Abbad._, t. II, p. 178), la prise de Cordoue aurait eu lieu dans le
mois d'ao�t.

[222] _Cart�s_, p. 100.

[223] _Cart�s_, p. 100, 101; _Abbad._, t. II, p. 42, 232; _Anales
Toledanos II_, p. 404 (sous la fausse date 1092).

[224] Abd-al-w�hid, p. 98-101; _Abbad._, t. I, p. 55-59, 303, 304, 306;
t. II, p. 68, 178, 204, 205, 227, 228, 232.

[225] _Recherches_, t. I, p. 279, 281.

[226] _Cart�s_, p. 101.

[227] _Abbad._, t. II, p. 44.

[228] Comparez Ibn-al-Khat�b (dans mes _Recherches_, t. I, p. 179, l.
10-12 de la 1re �dition, o� il faut lire avec le man. de Berlin
_em�r_ au lieu de _asr_) avec le _Chron. Lusit._, p. 419, et les _Annal.
Complut._, p. 317.

[229] Ibn-al-Abb�r et Ibn-al-Khat�b (dans mes _Recherches_, t. I, p.
175, 179 et 180 de la 1re �dition); Ibn-Khaldoun, _apud_ Hoogvliet,
p. 3 (j'ai corrig� le texte de ce passage dans mes _Recherches_, t. I,
p. 158, 159 de la 1re �dition).

[230] Ibn-al-Abb�r, p. 182.

[231] _Holal_, fol. 30 v.-31 v., 34 r., 39 r. et v.; Ibn-al-Abb�r p. 225
(chez cet auteur le jour du mois ne concorde pas avec celui de la
semaine); _Cart�s_, p. 104.--Im�d-ad-daula resta en possession de Rueda
jusqu'en 1130, qu'il mourut. Dix ans plus tard, son fils et successeur
Saif-ad-daula c�da la forteresse � Alphonse VII.

[232] Abd-al-w�hid, p. 122.

[233] Abd-al-w�hid, p. 127.

[234] Ibn-Kh�c�n, dans son chapitre sur Abou-Mohammed ibn-al-Djobair, a
copi� une touchante �p�tre que cet homme de lettres adressa sur ce sujet
� Ibn-Hamd�n.

[235] Maccar�, t. I, p. 299; comparez t. II, p. 360, 361, 472.

[236] _Chron. Adef. Imper._, c. 91.

[237] �Le monde touche � sa fin, disait le po�te Ibn-al-Binn�,
puisqu'Ibn-Hamd�n nous promet des r�compenses. Les �toiles sont encore
plus � notre port�e que son argent.�--Abd-al-w�hid, p. 123.

[238] Voyez Ibn-Kh�c�n, _apud_ Maccar�, t. II, p. 590.

[239] Maccar�, t. II, p. 303.

[240] Maccar�, t. II, p. 303, 304; Abd-al-w�hid, p. 123.

[241] Ibn-ab�-O�aibia, article sur Avempace; Maccar�, t. II, p. 322,
323.

[242] Renan, _Averro�s_, p. 97 de la 2de �dition.

[243] Gosche, _Ueber Ghazz�l�s Leben und Werke_ (dans les M�m. de
l'Acad. de Berlin pour 1858), p. 258, 290.

[244] Article de M. Hitzig sur l'ouvrage de Ghazz�l�, dans le Journ.
asiat. allemand, t. VII, p. 173, 174.

[245] Abd-al-w�hid, p. 123, 124, 132; _Holal_, fol. 41 v.

[246] Voyez plus haut, t. III, p. 19, 20.

[247] _Holal_, fol. 33 r. et v. Comparez sur Luc�na et sa population
juive, Edrisi, t. II, p. 54.

[248] Voyez _Journ. asiat._, IVe s�rie, t. XVIII, p. 513.

[249] Voyez mes _Recherches_, t. I, p. 343-360.

[250] _Chron. Adefonsi Imperatoris_, c. 64.

[251] _Cart�s_, p. 108.

[252] Abd-al-w�hid, p. 114; _Holal_, fol. 52 r.; _Chron. Lusit._, p.
326.

[253] Cit� dans le _Cart�s_, p. 108.

[254] Maccar�, t. II, p. 262, 263; Ibn-Khallic�n, Fasc. XII, p. 17,
18.--Ce cadi d'Alm�rie fut tu� dans la bataille de Cutanda (pr�s de
Daroca), livr�e en 1120. Maccar�, t. II, p. 759.

[255] _Holal_, fol. 35 r.

[256] _Cart�s_, p. 108; _Holal_, fol. 33 v.

[257] _Holal_, fol. 34 r.

[258] Abd-al-w�hid, p. 148.

[259] Avempace est une corruption d'Ibn-B�ddja.

[260] Ibn-al-Khat�b, man. G., fol. 98 v.-100 r. (article sur Abou-Becr
ibn-Ibr�h�m); Ibn-Kh�c�n, _Cal�gid_, article sur Avempace.

[261] Voyez sur ces Roum (qui, au fond, �taient ce qu'on appelait
autrefois des Slaves) _Chron. Adefonsi Imper._, c. 45, 46, 94, _Holal_,
fol. 35 r., 58 r., 62 v.

[262] Abd-al-w�hid, p. 128, 133, 148; _Holal_, fol. 58 v., 59 r.

[263] _Holal_, fol. 52 r.

[264] _Chron. Adefonsi Imper._, c. 13-16. Sur la tour de Cadix ou
colonnes d'Hercule, voyez mes _Recherches_, t. II, p. 328, et
l'Appendice, n� XXXV.

[265] _Chron. Adef. Imp._, c. 60, 82, 88.

[266] Comparez le _Holal_, fol. 52 r.

[267] _Holal_, fol. 35 v., 36 r.

[268] _Chron. Adefonsi Imper._, c. 16.

[269] _Chron. Adef. Imper._, c. 89.

[270] Voyez Ibn-al-Khat�b, man. E., article sur Abdall�h ibn-Bologgu�n.

[271] _Abbad._, t. I, p. 59-61.

[272] _Abbad._, t. I, p. 313, 314; t. II, p. 71, 175, 232; Abd-al-w�hid,
p. 101, 102.

[273] _Abbad._, t. I, p. 383.

[274] Abd-al-w�hid, p. 102.

[275] _Abbad._, t. II, p. 73, 74.

[276] _Abbad._, t. I, p. 68.

[277] Allusion � l'aventure que j'ai racont�e plus haut, p. 142, 143.

[278] _Abbad._, t. I, p. 63, 64.

[279] Ibn-Zohr en arabe.

[280] Voyez Maccar�, t. II, p. 293.

[281] Parmi les femmes qui avaient apport� du lin � filer aux filles de
Motamid, se trouvait la fille d'un _ar�f_ ou huissier de l'ex-roi de
S�ville.

[282] Abd-al-w�hid, p. 109.

[283] _Abbad._, t. II, p. 147-149.

[284] Voyez le po�me d'Ibn-al-labb�na, _Abbad._, t. I, p. 319, 320, et
mon commentaire, _ibid._, p. 366 et suiv.

[285] Montemayor, pr�s de Marbella, est aujourd'hui ce que les Espagnols
appellent un _despoblado_, un endroit inhabit�.

[286] _Abbad._, t. II, p. 228, 229; t. I, p. 64.

[287] _Abbad._, t. I, p. 66.

[288] _Abbad._, t. I, p. 63.

[289] Djar�r �tait le po�te favori du calife Abdalm�lic, fils de Merw�n.

[290] _Abbad._, t. I, p. 310, 311.

[291] _Abbad._, t. I, p. 306.

[292] La r�volte d'Abd-al-djabb�r commen�a en 1093; deux ans apr�s, ce
prince fit son entr�e dans la ville d'Arcos. Il y fut assi�g� par S�r,
le gouverneur de S�ville. Lui-m�me fut tu� par une fl�che, mais ses
partisans ne se rendirent que quelque temps apr�s. Voyez _Abbad._, t.
II, p. 228, et t. I, p. 64, 65.

[293] _Abbad._, t. I, p. 71.

[294] Ibn-al-Abb�r, _Abbad._, t. II, p. 63.

[295] _Abbad._, t. I, p. 40.

[296] _Abbad._, t. II, p. 66, 67.

[297] _Abbad._, t. II, p. 222, 223.

[298] _Recherches_, t. I, p. 184 et suiv.

[299] _Abbad._, t. II, p. 8, 21-23, 36-39, 134-136, 196-201; _Cart�s_,
p. 94-98; Abd-al-w�hid, p. 93, 94; Abou-'l-Haddj�dj Baiy�s�, _apud_
Ibn-Khallic�n, Fasc. XII, p. 16, 17.

[300] Ibn-Khallic�n, Fasc. VII, p. 135.

[301] _Alaet_ chez P�lage d'Ovi�do (c. 11) qui compte cette ville parmi
celles qu'Alphonse conquit; _Halahet_ dans les _Gesta Roderici_. Au lieu
de: �Fue la batalla de Dalaedon,� comme on trouve dans les _Annal.
Toled. I_ (p. 386), je crois devoir lire: �Fue la batalla de Alaedo,� ou
bien �de Halaedo.�

[302] L'auteur du _Cart�s_ parle d'un si�ge de Tol�de � cette occasion;
c'est, je crois, une grave erreur.

[303] Ce reproche frappe surtout l'auteur du _Cart�s_.

[304] Voyez _Abbad._, t. II, p. 92.

[305] _Abbad._, t. II, p. 121 (cf. 122, l. 3).

[306] _Abbad._, t. II, p. 8, 9.

[307] _Abbad._, t. II, p. 26, l. 12. En publiant ce passage, j'ai eu
tort de changer la le�on du manuscrit; elle est bonne; sous _al-ghazwa_
il faut entendre l'exp�dition contre Al�do.

[308] Man., fol. 162 v.

[309] _Abbad._, t. II, p. 39.

[310] Dans ses articles sur Motamid (_Abbad._, t. II, p. 179) et sur
Abdall�h ibn-Bologgu�n.

[311] _Cart�s_, p. 99. L'auteur du _Holal_ dit: pendant un mois; mais
comme on voulait affamer les assi�g�s, et que, jusqu'� un certain point,
on y r�ussit, le si�ge doit avoir dur� plus longtemps.

[312] Un r�cit tr�s-circonstanci� d'Ibn-Haiy�n (_apud_ Ibn-Bass�m, t. I,
fol. 47 r. et v.) d�montre que j'ai eu raison de dire (voyez mes
_Recherches_, t. I, Appendice, n� XVII) qu'il n'y a eu � Saragosse qu'un
seul roi de cette famille, � savoir Mondhir, et que c'est ce prince, et
non pas son fils, qui a �t� assassin� en 1039.

[313] J'ai cru devoir donner cette liste parce que j'ai cit� mes
documents d'une mani�re fort succincte et que plusieurs d'entre eux se
trouvent dans des collections. Je n'ai pas nomm� ici les livres que je
n'ai cit�s qu'une ou deux fois, car dans le cours de l'ouvrage j'ai eu
soin d'en indiquer l'�dition, ou le num�ro quand il s'agissait d'un
manuscrit.






End of the Project Gutenberg EBook of Histoire des Musulmans d'Espagne, v.
4/4, by Reinhart Pieter Anne Dozy

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HISTOIRE DES MUSULMANS (4/4) ***

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and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


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