The Project Gutenberg EBook of Le chef d'orchestre, by Hector Berlioz

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Title: Le chef d'orchestre
       th�orie de son art

Author: Hector Berlioz

Release Date: August 5, 2011 [EBook #36978]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

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LE
CHEF D'ORCHESTRE

TH�ORIE DE SON ART

EXTRAIT
DU GRAND TRAIT� D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES

PAR
HECTOR BERLIOZ

DEUXI�ME �DITION

PRIX NET: =2= FRANCS

HENRY LEMOINE & CIE

17, RUE PIGALLE, PARIS.--BRUXELLES, RUE DE L'H�PITAL, 44

_Reproduction et traduction r�serv�es_




LE CHEF D'ORCHESTRE

TH�ORIE DE SON ART

PARIS.--IMPRIMERIE GEORGES PETIT

12, RUE GODOT-DE-MAUROI, 12




LE
CHEF D'ORCHESTRE

TH�ORIE DE SON ART

EXTRAIT
DU GRAND TRAIT� D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES

PAR
HECTOR BERLIOZ

DEUXI�ME �DITION

PRIX NET: =2= FRANCS

HENRY LEMOINE & CIE
17, RUE PIGALLE, PARIS.--BRUXELLES, RUE DE L'H�PITAL, 44

_Reproduction et traduction r�serv�es_




LE CHEF D'ORCHESTRE

TH�ORIE DE SON ART

EXTRAIT

DU GRAND TRAIT� D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES

PAR

HECTOR BERLIOZ


La Musique para�t �tre le plus exigeant des arts, le plus difficile �
cultiver, et celui dont les productions sont le plus rarement pr�sent�es
dans les conditions qui permettent d'en appr�cier la valeur r�elle, d'en
voir clairement la physionomie, d'en d�couvrir le sens intime et le
v�ritable caract�re.

De tous les artistes producteurs, le compositeur est � peu pr�s le seul,
en effet, qui d�pende d'une foule d'interm�diaires, plac�s entre le
public et lui; interm�diaires intelligents ou stupides, d�vou�s ou
hostiles, actifs ou inertes, pouvant, depuis le premier jusqu'au
dernier, contribuer au rayonnement de son oeuvre ou la d�figurer, la
calomnier, la d�truire m�me compl�tement.

On a souvent accus� les chanteurs d'�tre les plus dangereux de ces
interm�diaires; c'est � tort, je le crois. Le plus redoutable, � mon
sens, c'est le chef d'orchestre. Un mauvais chanteur ne peut g�ter que
son propre r�le, le chef d'orchestre incapable ou malveillant ruine
tout. Heureux encore doit s'estimer le compositeur quand le chef
d'orchestre entre les mains duquel il est tomb� n'est pas � la fois
incapable et malveillant; car rien ne peut r�sister � la pernicieuse
influence de celui-ci. Le plus merveilleux orchestre est alors paralys�,
les plus excellents chanteurs sont g�n�s et engourdis, il n'y a plus ni
verve ni ensemble: sous une pareille direction, les plus nobles
hardiesses de l'auteur semblent des folies, l'enthousiasme voit son �lan
bris�, l'inspiration est violemment ramen�e � terre, l'ange n'a plus
d'ailes, l'homme de g�nie devient un extravagant ou un cr�tin, la divine
statue est pr�cipit�e de son pi�destal et tra�n�e dans la boue; et, qui
pis est, le public, et des auditeurs m�me dou�s de la plus haute
intelligence musicale, sont dans l'impossibilit�, s'il s'agit d'un
ouvrage nouveau qu'ils entendent pour la premi�re fois, de reconna�tre
les ravages exerc�s par le chef d'orchestre, de d�couvrir les sottises,
les fautes, les crimes qu'il commet.

Si l'on aper�oit clairement certains d�fauts de l'ex�cution, ce n'est
pas lui, ce sont ses victimes qu'on en rend en pareil cas responsables.
S'il a fait manquer l'entr�e des choristes dans un final, s'il a laiss�
s'�tablir un balancement discordant entre le choeur et l'orchestre, ou
entre les deux c�t�s extr�mes du groupe instrumental, s'il a pr�cipit�
follement un mouvement, s'il l'a laiss� s'alanguir outre mesure, s'il a
interrompu un chanteur avant la fin d'une p�riode, on dit: les choeurs
sont d�testables, l'orchestre n'a pas d'aplomb, les violons ont d�figur�
le dessin principal, tout le monde a manqu� de verve, le t�nor s'est
tromp�, il ne savait pas son r�le, l'harmonie est confuse, l'auteur
ignore l'art d'accompagner les voix, etc., etc.

Ce n'est gu�re qu'en �coutant les chefs-d'oeuvre d�j� connus et
consacr�s, que les auditeurs intelligents peuvent d�couvrir le vrai
coupable et faire la part de chacun; mais le nombre de ceux-ci encore
est si restreint, que leur jugement reste de peu de poids et que le
mauvais chef d'orchestre, en pr�sence du m�me public qui sifflerait
impitoyablement l'_accident de voix_ d'un bon chanteur, tr�ne, avec tout
le calme d'une mauvaise conscience, dans sa sc�l�ratesse et son ineptie.

Heureusement je m'attaque ici � une exception: le chef d'orchestre
capable ou non, mais malveillant, est assez rare.

Le chef d'orchestre plein de bon vouloir, mais incapable, est au
contraire fort commun. Sans parler des innombrables m�diocrit�s
dirigeant des artistes qui, bien souvent, leur sont sup�rieurs, un
auteur, par exemple, ne peut gu�re �tre accus� de conspirer contre son
propre ouvrage; combien y en a-t-il, pourtant, qui s'imaginant savoir
conduire, ab�ment innocemment leurs meilleures partitions.

Beethoven, dit-on, g�ta plus d'une fois l'ex�cution de ses Symphonies
qu'il voulait diriger, m�me � l'�poque o� sa surdit� �tait devenue
presque compl�te. Les musiciens, pour pouvoir marcher ensemble,
convinrent enfin de suivre de l�g�res indications de mouvement que leur
donnait le Concert-Meister (1er Violon-Leader) et de ne point
regarder le b�ton de Beethoven. Encore faut-il savoir que la direction
d'une symphonie, d'une ouverture ou de toute autre composition dont les
mouvements restent longtemps les m�mes, varient peu et sont rarement
nuanc�s, est un jeu en comparaison de celle d'un op�ra, ou d'une oeuvre
quelconque o� se trouvent des r�citatifs, des airs et de nombreux
dessins d'orchestre pr�c�d�s de silences non mesur�s. L'exemple de
Beethoven, que je viens de citer, m'am�ne � dire tout de suite que si la
direction d'un orchestre me para�t fort difficile pour un aveugle, elle
est sans contredit impossible pour un sourd, quelle qu'ait pu �tre
d'ailleurs son habilet� technique avant de perdre le sens de l'ou�e.

Le chef d'orchestre doit _voir_ et _entendre_, il doit �tre _agile_ et
_rigoureux_, conna�tre la _composition_, la _nature_ et l'_�tendue_ des
instruments, savoir lire la partition et poss�der, en outre du talent
sp�cial dont nous allons t�cher d'expliquer les qualit�s constitutives,
d'autres dons presque ind�finissables, sans lesquels un lien invisible
ne peut s'�tablir entre lui et ceux qu'il dirige, la facult� de leur
transmettre son sentiment lui est refus�e et, par suite, le pouvoir,
l'empire, l'action directrice lui �chappent compl�tement. Ce n'est plus
alors un chef, un directeur, mais un simple batteur de mesure, en
supposant qu'il sache la battre et la diviser r�guli�rement.

Il faut qu'on sente qu'il sent, qu'il comprend, qu'il est �mu; alors son
sentiment et son �motion se communiquent � ceux qu'il dirige, sa flamme
int�rieure les �chauffe, son �lectricit� les �lectrise, sa force
d'impulsion les entra�ne; il projette autour de lui les irradiations
vitales de l'art musical. S'il est inerte et glac�, au contraire, il
paralyse tout ce qui l'entoure; comme ces masses flottantes des mers
polaires, dont on devine l'approche au refroidissement subit de l'air.

Sa t�che est complexe. Il a non seulement � diriger, dans le sens des
intentions de l'auteur, une oeuvre dont la connaissance est d�j� acquise
aux ex�cutants, mais encore � donner � ceux-ci cette connaissance, quand
il s'agit d'un ouvrage nouveau pour eux. Il a � faire la critique des
erreurs et des d�fauts de chacun pendant les r�p�titions, et � organiser
les ressources dont il dispose, de fa�on � en tirer le meilleur parti le
plus promptement possible; car, dans la plupart des villes de l'Europe
aujourd'hui, l'art musical est si mal partag�, les ex�cutants sont si
mal pay�s, les n�cessit�s des �tudes sont si peu comprises, que
l'_emploi du temps_ doit �tre compt� parmi les exigences les plus
imp�rieuses de l'_art du chef d'orchestre_. Voyons en quoi consiste la
partie m�canique de cet art.

Le talent du _batteur de mesure_, sans demander de bien hautes qualit�s
musicales, est encore assez difficile � acqu�rir, et tr�s peu de gens le
poss�dent r�ellement. Les signes que le conducteur doit faire, bien
qu'assez simples en g�n�ral, se compliquent n�anmoins dans certains cas
par la division et m�me la _subdivision_ des temps de la mesure.

Le chef, avant tout, est tenu de poss�der une id�e nette des principaux
traits et du caract�re de l'oeuvre dont il va diriger l'ex�cution ou les
�tudes, pour pouvoir, sans h�sitation ni erreur, d�terminer d�s l'abord
les mouvements voulus par le compositeur. S'il n'a pas �t� � m�me de
recevoir directement de celui-ci ses instructions, ou si les mouvements
n'ont pu lui �tre transmis par la tradition, il doit recourir aux
indications du m�tronome et les bien �tudier, la plupart des ma�tres
ayant aujourd'hui le soin de les �crire en t�te et dans le courant de
leurs morceaux.

Je ne veux pas dire par l� qu'il faille imiter la r�gularit�
math�matique du m�tronome, toute musique ex�cut�e de la sorte serait
d'une raideur glaciale, et je doute m�me qu'on puisse parvenir �
observer pendant un certain nombre de mesures cette plate uniformit�.
Mais le m�tronome n'en est pas moins excellent � consulter pour
conna�tre le premier mouvement et ses alt�rations principales.

Si le chef d'orchestre ne poss�de ni les instructions de l'auteur, ni la
tradition, ni les indications m�tronomiques, ce qui arrive souvent pour
les anciens chefs-d'oeuvre �crits � une �poque o� le m�tronome n'�tait
pas invent�, il n'a plus d'autres guides que les termes vagues employ�s
pour d�signer les mouvements, et son propre instinct, et son sentiment
plus ou moins fin, plus ou moins juste du style de l'auteur. Nous sommes
forc� d'avouer que ces guides sont trop souvent insuffisants et
trompeurs. On peut s'en convaincre en voyant repr�senter aujourd'hui les
op�ras de l'ancien r�pertoire dans les villes o� la tradition de ces
ouvrages n'existe plus. Sur dix mouvements divers, il y en a toujours
alors au moins quatre pris � contre-sens. J'ai entendu un jour un choeur
d'Iphig�nie en Tauride, ex�cut� dans un th��tre d'Allemagne _Allegro
assa� � deux temps_, au lieu de _Allegro non troppo � quatre temps_,
c'est-�-dire pr�cis�ment le double trop vite. On pourrait multiplier
ind�finiment les exemples de d�sastres pareils amen�s, soit par
l'ignorance ou l'incurie des chefs d'orchestre, soit par la difficult�
r�elle qu'il y a pour les hommes m�me les mieux dou�s et les plus
soigneux, de d�couvrir le sens pr�cis des termes italiens indicateurs
des mouvements.

Sans doute personne ne sera embarrass� pour distinguer un Largo d'un
Presto. Si le Presto est � deux temps, un conducteur un peu sagace, �
l'inspection des traits et des dessins m�lodiques que le morceau
contient, arrivera m�me � trouver le degr� de vitesse que l'auteur a
voulu. Mais si le Largo est � quatre temps, d'un tissu m�lodique simple,
ne contenant qu'un petit nombre de notes dans chaque mesure, quel moyen
aura le malheureux conducteur pour d�couvrir le mouvement vrai? et de
combien de mani�res ne pourra-t-il pas se tromper? Les divers degr�s de
lenteur qu'on peut imprimer � l'ex�cution d'un pareil Largo sont tr�s
nombreux; le sentiment individuel du chef d'orchestre sera d�s lors le
moteur unique; et c'est du sentiment de l'auteur et non du sien qu'il
s'agit. Les compositeurs doivent donc, dans leur oeuvres, ne pas
n�gliger les indications m�tronomiques, et les chefs d'orchestre sont
tenus de les bien �tudier. N�gliger cette �tude est, de la part de ces
derniers, un acte d'improbit�.

Maintenant je suppose le conducteur parfaitement instruit des mouvements
de l'oeuvre dont il va diriger l'ex�cution ou les �tudes; il veut donner
aux musiciens plac�s sous ses ordres le sentiment rythmique qui est en
lui, d�terminer la dur�e de chaque mesure, et faire observer
uniform�ment cette dur�e par tous les ex�cutants. Or, cette pr�cision et
cette uniformit� ne s'�tabliront dans l'ensemble plus ou moins nombreux
de l'orchestre et du choeur, qu'au moyen de certains signes faits par le
chef.

Ces signes indiqueront les divisions principales, les _temps_ de la
mesure, et, dans beaucoup de cas, les subdivisions, les _demi-temps_. Je
n'ai pas � expliquer ici ce qu'on entend par les temps forts et les
temps faibles, je suppose que je parle � des musiciens.

Le chef d'orchestre se sert ordinairement d'un petit b�ton l�ger, d'un
demi-m�tre de longueur, et plut�t blanc que de couleur obscure (on le
voit mieux) qu'il tient � la main droite, pour rendre clairement
appr�ciable sa fa�on de marquer le commencement, la division int�rieure
et la fin de chaque mesure. L'archet, employ� par quelques chefs
violonistes, est moins convenable que le b�ton. Il est un peu flexible;
ce d�faut de rigidit� et la petite r�sistance qu'il offre en outre �
l'air � cause de sa garniture de crins, rendent ses indications moins
pr�cises.

La plus simple de toutes les mesures, la mesure � deux temps, se bat
tr�s simplement aussi.

Le bras et le b�ton du conducteur �tant �lev�s, de fa�on que sa main se
trouve au niveau de sa t�te, il marque le premier temps en abaissant la
pointe du b�ton perpendiculairement de haut en bas (_par la flexion du
poignet_, autant que possible et non en abaissant le bras dans son
entier), et le second temps en relevant perpendiculairement le b�ton par
le geste contraire.

[Illustration: _ainsi:_]

La mesure _� un temps_ n'�tant en r�alit�, pour le chef d'orchestre
surtout, qu'une mesure � deux temps extr�mement rapide, doit �tre battue
comme la pr�c�dente. L'obligation o� se trouve le chef de relever la
pointe de son b�ton apr�s l'avoir baiss�e, divise d'ailleurs
n�cessairement cette mesure en deux parties.

Dans la mesure � quatre temps, le premier geste fait de haut en bas
[fl�che] est adopt� partout pour marquer le premier temps
fort, le commencement de la mesure. Le deuxi�me mouvement, fait par le
b�ton conducteur de droite � gauche en se relevant [fl�che]
d�signe le second temps (premier temps faible). Un troisi�me,
transversal de gauche � droite [fl�che] d�signe le troisi�me temps
(second temps fort), et un quatri�me, oblique de bas en haut, indique le
quatri�me temps (second temps faible). L'ensemble de ces quatre gestes
peut �tre figur� de la sorte:

[Illustration:

             4
              \
               \
                \
                 \
             0    \
      2------------3
       \     |
        \    |
         \   |
          \  |
           \ |
             1
]

Il est important que le conducteur, en agissant ainsi dans ces diverses
directions, ne meuve pas beaucoup son bras et, par suite, ne fasse pas
parcourir au b�ton un trop grande espace, car chacun de ces gestes doit
s'op�rer � peu pr�s instantan�ment, ou du moins ne prendre qu'un instant
si court qu'il soit inappr�ciable. Si cet instant devient appr�ciable au
contraire, multipli� par le nombre de fois o� le geste se r�p�te, il
finit par mettre le chef d'orchestre en retard du mouvement qu'il veut
imprimer et par donner � sa direction une pesanteur des plus f�cheuses.
Ce d�faut a, de plus, pour r�sultat de fatiguer le chef inutilement et
de produire des �volutions exag�r�es, presque ridicules, qui attirent
sans motif l'attention des spectateurs et deviennent tr�s d�sagr�ables �
la vue.

Dans la mesure � trois temps le premier geste, fait de haut en bas, est
�galement adopt� partout pour marquer le premier temps, mais il y a deux
mani�res de marquer le second. La plupart des chefs d'orchestre
l'indiquent par un geste de gauche � droite.

[Illustration:


                               2
                        0     /
      _ainsi:_     |    /
                        |   /
                        |  /
                        | /
                        |/
                        1
]

Quelques ma�tres de chapelle allemands font le contraire et portent le
b�ton de droite � gauche.

[Illustration:


                      2
                       \     0
                        \    |
      _ainsi:_      \   |
                          \  |
                           \ |
                            \|
                             1
]

Cette mani�re a le d�savantage, quand le chef tourne le dos �
l'orchestre, ainsi qu'il arrive dans les th��tres, de ne permettre qu'�
un tr�s petit nombre de musiciens d'apercevoir l'indication si
importante du second temps, le corps du chef cachant alors le mouvement
de son bras. L'autre proc�d� est meilleur, puisque le chef d�ploie son
bras en _dehors_, en l'�loignant de sa poitrine, et que son b�ton, s'il
a soin de l'�lever un peu au-dessus du niveau de son �paule, reste
parfaitement visible � tous les yeux.

Quant le chef regarde en face les ex�cutants, il est indiff�rent qu'il
marque le second temps � droite ou � gauche.

En tout cas, le troisi�me temps de la mesure � trois est toujours
marqu� comme le dernier de la mesure � quatre, par un mouvement oblique
de bas en haut.

[Illustration:

                              3
                               \
                                \
                                 \
                                  \
    _Exemple:_          0     \ 2
                             |     /
                             |    /
                             |   /
                             |  /
                             | /
                             |/
                             1

_ou:_

             3
            /
           /
          /
         /
        /
      2/
       \      0
        \     |
         \    |
          \   |
           \  |
            \ |
             \|
              1
]

Les mesures � cinq et � sept temps seront plus compr�hensibles pour les
ex�cutants, si, au lieu de les dessiner par une s�rie sp�ciale de
gestes, on les traite, l'une comme un compos� des mesures � trois et �
deux, l'autre comme un compos� des mesures � quatre et � trois.

On en marquera donc les temps en cons�quence.

       *       *       *       *       *

[Illustration:

_Exemple_ � cinq temps:


       3   5
        \  |
        0\ |
        | \|
        |  |
        |  |\
        |  | \
        |  |  \
        |  |   \
     0  |  |    \
     |  |  |     \2
     |  |  |     /
     |  |  |    /
     |  |  |   /
     |  |  |  /
     |  |  | /
     |  |  0/
     |  |  /
     |  | /
     |  4/
     |  /
     | /
     |/
     1

]

[Illustration:

_Exemple_ � sept temps:

                    4 7
                     \ \
                      \ \
                       \ \
                    0   \ \
                    |    \ \
                    |     \ \
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                    |        \ \
                 0  |         \ \
    2------------|--|----------3 6
     \           |  |           /
      \          |  |          /
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           \     |  |     /
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               \ |  | /
                \|  |/
                 1  5

]

Ces diverses mesures, pour �tre divis�es de la sorte, sont sens�es
appartenir � des mouvements mod�r�s. Il n'en serait plus de m�me si leur
mouvement �tait ou tr�s rapide ou tr�s lent.

La mesure � deux temps, je l'ai d�j� fait comprendre, ne peut �tre
battue autrement que nous ne l'avons vu tout � l'heure, quelle que
puisse �tre sa rapidit�. Mais si, par exception, elle est tr�s lente, le
chef d'orchestre devra la subdiviser.

Une mesure � quatre temps tr�s rapide, au contraire, devra �tre battue �
deux temps; les quatre gestes usit�s dans le mouvement moderato,
devenant alors si pr�cipit�s qu'ils ne repr�sentent plus rien de pr�cis
� l'oeil, et troublent l'ex�cutant au lieu de lui donner de l'assurance.
En outre, et ceci est bien plus grave, le chef, en faisant inutilement
ces quatre gestes dans un mouvement pr�cipit�, rend l'allure du rhythme
p�nible, et perd la libert� de gestes que la simple division de la
mesure par sa moiti� lui laisserait.

En g�n�ral, les compositeurs ont tort d'�crire en pareil cas
l'indication de la mesure � quatre temps. Quand le mouvement est tr�s
vif, ils ne devraient jamais �crire que le signe [C] et
non celui-ci [C] qui peut induire le chef d'orchestre en
erreur.

Il en est absolument de m�me pour la mesure � trois tr�s rapides 3/4 ou
3/8. Il faut alors supprimer le geste du second temps, et restant un
temps de plus sur le frapp� du premier, ne relever le b�ton qu'au
troisi�me.

[Illustration:

                             3
                    0        |
                    |        |
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   _Exemple:_  |        |
                    |        |
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                    |        |
                    |        |
                  1 et 2     0
]

Il serait ridicule de vouloir marquer les trois temps d'un Scherzo de
Beethoven.

L'inverse a lieu pour ces deux mesures, comme pour celle � deux temps.
Si le mouvement est tr�s lent, il faut en diviser chaque temps, faire en
cons�quence huit gestes pour la mesure � quatre et six pour la mesure �
trois, en r�p�tant en raccourci chacun des gestes principaux que nous
avons indiqu�s tout � l'heure.

       *       *       *       *       *

[Illustration:

_Exemple_ � quatre temps tr�s lents:

                         \
                        4 \
                          /
                         /
                         \
                          \
                           \
                            \
                             \
                              \
                    0         /
                    |        /
                    |       /
                    |       \3
                    |        \
                    |         \
      --------------|----------
      \             |
     2 \            |
       /            |
      /             |
      \             |
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        \           |
         \          |
          \         |
           \        |
            \       |
             \      |
              \     |
               \    |
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                   \|/    \
                    |
                      1


]

[Illustration:

_Exemple_ � trois temps tr�s lents:

           \
          3 \
            /
           /
           \
            \
             \
              \
               \
                \
     0          /
     |         /
     |        /
     |        \2
     |         \
     |          \
     |          /
     |         /
     |        /
     |       /
     | /\   /
     |/  \ /
       1
]

Le bras doit rester absolument �tranger au petit geste suppl�mentaire
que nous indiquons pour la subdivision de la mesure, et le poignet seul
faire mouvoir le b�ton.

Cette division des temps a pour objet d'emp�cher les divergences
rhythmiques qui pourraient ais�ment s'�tablir parmi les ex�cutants,
pendant l'intervalle qui s�pare un temps de l'autre. Car le chef
n'indiquant rien pendant cette dur�e devenue assez consid�rable par
suite de l'extr�me lenteur du mouvement, les ex�cutants sont alors
enti�rement livr�s � eux-m�mes, _sans chef_, et comme le sentiment
rhythmique n'est point le m�me chez tous, il s'ensuit que les uns
pressent pendant que les autres retardent et que l'ensemble est bient�t
d�truit. Ou ne pourrait faire exception � cette r�gle qu'en dirigeant un
orchestre du premier ordre, compos� de virtuoses qui se connaissent
bien, ont l'habitude de jouer ensemble et poss�dent � peu pr�s par coeur
l'oeuvre qu'ils ex�cutent. Et encore, dans ces conditions, la
distraction d'un seul musicien peut amener un accident. Pourquoi s'y
exposer? Je sais que certains artistes se trouvent bless�s dans leur
amour-propre d'�tre ainsi tenus en lisi�res (_comme des enfants,
disent-ils_); mais aux yeux d'un chef qui n'a en vue que l'excellence du
r�sultat final, cette consid�ration n'a pas de valeur. M�me dans un
quatuor, il est rare que le sentiment individuel des ex�cutants soit
enti�rement libre de se donner carri�re; dans une symphonie, c'est de
celui du chef qu'il s'agit; c'est dans l'art de le comprendre et de le
reproduire avec ensemble que consiste la perfection de l'ex�cution, et
les vell�it�s individuelles, qui d'ailleurs ne peuvent s'accorder entre
elles, ne sauraient �tre admises � se manifester.

Ceci compris, on devine que la subdivision est encore bien plus
essentielle pour les mesures compos�es tr�s lentes; telles que celle �
6/4, � 6/8, � 9/8, � 12/8, etc.

Mais ces mesures, o� le rhythme ternaire joue un si grand r�le, peuvent
�tre d�compos�es de plusieurs fa�ons.

Si le mouvement est vif ou mod�r�, il ne faut gu�re indiquer que les
temps simples de ces mesures, d'apr�s le proc�d� adopt� pour les mesures
simples analogues.

Les mesures � 6/8 allegretto et � 6/4 allegro seront donc battues comme
celles � deux temps: [C] = ou 2 = ou 2/4: on marquera la
mesure � 9/8 allegro comme celle � 3/4 moderato, ou comme celle � 3/8
andantino; la mesure � 12/8 moderato ou allegro, comme on marque la
mesure � quatre temps simples. Mais si le mouvement est adagio et � plus
forte raison largo-assa�, andante-maestoso, on devra, selon la forme de
la m�lodie ou du dessin pr�dominant, marquer soit toutes les croches,
soit une noire suivie d'une croche chaque temps.

[Illustration: _Larghetto grazioso._ notation musicale]

Il n'est pas n�cessaire, dans cette mesure � trois temps, de marquer
toutes les croches; le rhythme d'une noire suivie d'une croche dans
chaque temps suffit.

On fera alors pour la subdivision le petit geste indiqu� pour les
mesures simples; seulement cette subdivision partagera chaque temps en
deux parties in�gales, puisqu'il s'agit d'indiquer aux yeux la valeur de
la noire et celle de la croche.

Si le mouvement est encore plus lent, il n'y a pas � h�siter, et l'on ne
sera ma�tre de l'ensemble de l'ex�cution qu'en marquant toutes les
croches, quelle que soit la nature de la mesure compos�e.

[Illustration: EXEMPLES:

_Adagio._

_Adagio sostenuto._

_Largo._ notation musicale]

Dans ces trois mesures, avec les mouvements indiqu�s, le chef
d'orchestre marquera trois croches par temps, trois en bas et trois en
haut pour la mesure � 6/8.

[Illustration:

      0             |\    |\    |
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      | /  | /  |   |
      |/   |/   |   0
]

Trois en bas, trois � droite et trois en haut, pour la mesure � 9/8.

[Illustration:


                \
                 \
                 /
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                \
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                  \
                   \
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      0               \
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      |                /
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      |               \
      |                \
      |                 \
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      |                 \
      |                  \
      |                  /
      |                 /
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      |  /\    /\    /
      | /  \  /  \  /
      |/    \/    \/

]

Trois en bas, trois � gauche, trois � droite et trois en haut, pour la
mesure � 12/8.

[Illustration:


                        \
                         \
                          \
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                         /
                        /
                        \
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                |             /
        --------|-------------
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                |/ \  \/    \

]

Une circonstance difficile se pr�sente quelquefois; c'est quand, dans
une partition, certaines parties sont, pour obtenir un contraste,
rhythm�es � trois pendant que les autres parties conservent le rhythme �
deux.

[Illustration: notation musical, _Andante._

INSTRUMENTS A VENT.

VIOLONS.]

Sans doute, si la partie des instruments � vent dans cet exemple est
confi�e � des musiciens _tr�s musiciens_, il n'y a pas de n�cessit� de
changer la mani�re de marquer la mesure, et le chef peut continuer � la
subdiviser par six ou � la diviser simplement par deux; mais la plupart
des ex�cutants paraissant h�siter au moment o�, par l'emploi de la forme
syncop�e, le rhythme ternaire intervient dans le rhythme binaire et s'y
m�le; voici le moyen de leur donner de l'assurance. L'inqui�tude que
leur cause la subite apparition de ce rhythme inattendu et que le reste
de l'orchestre contrarie, porte toujours instinctivement les ex�cutants
� jeter un coup d'oeil sur le chef, comme pour lui demander assistance.
Celui-ci doit alors les regarder aussi, se tourner un peu vers eux et
leur marquer par de tr�s petits gestes le rhythme ternaire, comme si la
mesure �tait � trois temps r�els, de telle fa�on que les violons et les
autres instruments jouant dans le rhythme binaire ne puissent remarquer
ce changement qui les d�rangerait tout � fait. Il r�sulte de ce
compromis que le rhythme nouveau � trois, �tant marqu� secr�tement par
le chef, s'ex�cute alors avec assurance, pendant que le rhythme � deux,
d�j� fermement �tabli, se continue sans peine, bien que le chef ne le
dessine plus.

D'un autre c�t�, rien, � mon avis, n'est plus bl�mable et plus contraire
au bon sens musical que l'application de ce proc�d� aux passages o� il
n'y a pas superposition de deux rhythmes de natures oppos�es, et o� se
rencontre seulement l'emploi des syncopes. Le chef, divisant la mesure
par _le nombre des accents qui s'y trouvent contenus_, d�truit alors
l'effet de la forme syncop�e, pour tous les auditeurs qui le voient, et
substitue un plat changement de mesure � un jeu de rhythme du plus
piquant int�r�t. C'est ce qui arrive si l'on marque les accents au lieu
des temps, dans ce passage de la symphonie Pastorale de Beethoven:

[Illustration: notation musical, _Andante._]

et si l'on fait les six gestes ci-dessus indiqu�s au lieu des quatre
�tablis auparavant, qui laissent apercevoir et font mieux sentir la
syncope:

[Illustration: notation musical, _Andante._]

Cette soumission volontaire � une forme rhythmique _que l'auteur a
destin�e � �tre contrari�e_ est une des plus �normes fautes de style
qu'un batteur de mesure puisse commettre.

Il est une autre difficult� tr�s inqui�tante pour le chef d'orchestre et
pour laquelle il a besoin de toute sa pr�sence d'esprit; c'est celle que
pr�sente la superposition de mesures diff�rentes. Il est ais� de
conduire une mesure � deux temps binaires plac�e au-dessus ou au-dessous
d'une autre mesure � deux temps ternaires, si l'une et l'autre sont dans
le m�me mouvement; elles sont alors �gales en dur�e, et il ne s'agit que
de les diviser par leur moiti� en marquant les deux temps principaux.

[Illustration: notation musical, EX.:

_Allegro._]

Mais si, au milieu d'un morceau d'un mouvement lent, est introduite une
forme nouvelle dont le mouvement est vif, et si le compositeur, soit
pour rendre plus facile l'ex�cution du mouvement vif, soit parce qu'il
�tait impossible d'�crire autrement, a adopt� pour ce nouveau mouvement
la mesure br�ve qui y correspond, il peut alors y avoir deux et m�me
trois mesures br�ves superpos�es � une mesure lente.

[Illustration: notation musical, EXEMPLE.

_Andante._

N� 1.

_Allegro._

_sempre andante._

N� 2.                     N� 3.
(Trois mesures contre une.)
]

La t�che du chef est de faire marcher et de maintenir ensemble ces
mesures diverses en nombre in�gal et ces mouvements dissemblables. Il y
parvient dans l'exemple pr�c�dent en commen�ant � diviser les temps d�s
la mesure Andante N� 1 qui pr�c�de l'entr�e de l'Allegro � 6/8, et en
continuant � les diviser ensuite, mais en ayant soin de marquer encore
davantage cette division. Les ex�cutants de l'Allegro � 6/8 comprennent
alors que les deux gestes du chef repr�sentent les deux temps de leur
petite mesure, et les ex�cutants de l'Andante que ces deux m�mes gestes
ne repr�sentent pour eux qu'un temps divis� de leur grande mesure.

       *       *       *       *       *

Mesure n� 1.

[Illustration:

           \
            \
            /
           /
           \
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             \
              \
               \
               /
     0        /
     |        \
     |         \
     |         /
     |        /
     |       /
     |      /
     | /\  /
     |/  \/
]

Mesures nos 2, 3 et suivantes.

[Illustration:

          ___
            /
           /
           \
            \
            /
           /
           \
            \
             \
              \
               \
               /
     0        /
     |        \
     |         \
     |         /
     |        /
     |       /
     |      /
     | /\  /
     |/  \/
]

Ceci, on le voit, est assez simple au fond, parce que la division de la
petite mesure et les subdivisions de la grande concordent entre elles.
L'exemple suivant o� une mesure lente est superpos�e � deux mesures
br�ves, sans que cette concordance existe, est plus scabreux.

[Illustration: notation musicale, _Allegro assai._

HAUTBOIS.

_Allegro assai._

ALTOS.

_Allegretto_, le double moins vite.

N� 1.                       N� 2.
conservez le m�me mouvement.

N� 3.]

Ici les trois mesures Allegro-assa� qui pr�c�dent l'Allegretto se
battent � deux temps simples comme � l'ordinaire. Au moment o� commence
l'Allegretto, dont la mesure est le double de la pr�c�dente et de celle
que conservent les Altos, le chef marque deux temps divis�s pour la
grande mesure, par deux gestes in�gaux en bas et par deux autres en
haut:

[Illustration:

     *      |\ |
     |      | \|
     |      |
     |      |
     |      |
     |      |
     | /|   |
     |/ |   *
]

Les deux grands gestes divisent par le milieu la grande mesure et en
font comprendre la valeur aux hautbois, sans contrarier les Altos qui
conservent le mouvement vif, � cause du petit geste qui divise aussi par
le milieu leur petite mesure. D�s la mesure N� 3, il cesse de diviser
ainsi la grande mesure par quatre, � cause du rhythme ternaire de la
m�lodie � 6/8 que cette division contrarie. Il se borne alors � marquer
les deux temps de la grande mesure, et les Altos d�j� lanc�s dans leur
rhythme rapide le continuent sans peine, comprenant bien que chaque
mouvement du b�ton conducteur marque seulement le commencement de leur
petite mesure.

Et cette derni�re observation fait voir avec quel soin il faut se garder
de diviser les temps d'une mesure, lorsqu'une partie des instruments ou
des voix vient � ex�cuter les triolets sur ces temps. Cette division,
coupant alors par le milieu la seconde note du triolet, en rendrait
l'ex�cution chancelante et pourrait l'emp�cher tout � fait. Il faut m�me
s'abstenir de cette division des temps de la mesure par deux, un peu
avant le moment o� le dessin rhythmique ou m�lodique va venir les
diviser par trois, afin de ne pas donner d'avance aux ex�cutants le
sentiment d'un rhythme contraire � celui qu'ils vont avoir � faire
entendre.

[Illustration: notation musicale, _Adagio._]

[Illustration:

          ___
            /
           /
           \
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     |        /
     |       /
     |      /
     | /\  /
     |/  \/
]

Dans cet exemple, la subdivision de la mesure par six, ou la division
des temps par deux, est utile et ne pr�sente aucun inconv�nient pendant
la mesure N� 1: on fait alors le geste, mais il faut s'en abstenir d�s
le d�but de la mesure N� 2 et se borner aux gestes simples � cause du
triolet plac� sur le troisi�me temps, et � cause du suivant que les
gestes doubles contrarieraient beaucoup.

[Illustration:


      3
       \
        \
         \
          \
     0     \ 2
     |     /
     |    /
     |   /
     |  /
     | /
     |/
     1
]

Dans la fameuse sc�ne du bal de _Don Giovanni_ de Mozart, la difficult�
de faire marcher ensemble les trois orchestres �crits dans trois mesures
diff�rentes est moindre qu'on ne croit. Il suffit de marquer toujours en
bas chaque temps du _tempo di minuetto_.

[Illustration: notation musicale]

Une fois entr� dans l'ensemble, le petit Allegretto � 3/8 dont une
mesure enti�re repr�sente un tiers ou un temps de celle du minuetto, et
l'autre Allegro � 3/4 dont une mesure enti�re en repr�sente deux tiers
ou deux temps, s'accordent parfaitement ensemble et avec le th�me
principal, et marchent sans le moindre embarras. Le tout est de les
faire entrer � propos.

Une faute grossi�re que j'ai vu commettre consiste � �largir la mesure
d'un morceau � deux temps, quand l'auteur y a introduit des triolets de
blanches:

[Illustration: notation musicale]

En pareils cas la troisi�me blanche n'ajoute rien � la dur�e de la
mesure, comme quelques chefs semblent le croire. On peut si l'on veut,
et si le mouvement est lent ou mod�r�, marquer ces passages en dessinant
la mesure � trois temps, mais la dur�e de la mesure enti�re doit rester
absolument la m�me. Dans le cas o� ces triolets se rencontreraient dans
une mesure tr�s br�ve � deux temps (Allegro assa�), les trois gestes
font alors confusion, et il faut absolument n'en faire que deux, un
frapp� sur la premi�re blanche et un lev� sur la troisi�me. Lesquels
gestes, � cause de la vitesse du mouvement, diff�rent peu � l'oeil des
deux de la mesure � deux temps �gaux, et n'emp�chent pas de marcher les
parties de l'orchestre qui ne contiennent pas de triolets.

[Illustration: notation musicale, _Allegro assai._

Deux temps        Deux temps         Deux temps
  �gaux.        un peu in�gaux.       �gaux.
]

Parlons � pr�sent de l'action du chef dans les r�citatifs. Ici le
chanteur ou l'instrumentiste r�citant n'�tant plus soumis � la division
r�guli�re de la mesure, il s'agit, en le suivant attentivement, de faire
attaquer par l'orchestre avec pr�cision et ensemble les accords ou les
dessins instrumentaux dont le r�citatif est entrem�l�, et de faire
changer � propos l'harmonie, quand le r�citatif est accompagn�, soit par
des tenues, soit par un tremolo � plusieurs parties, dont la plus
obscure parfois est celle dont le chef doit s'occuper davantage,
puisque c'est du mouvement de celle-l� que r�sulte le changement
d'accord.

[Illustration: notation musicale, Exemple non mesur�:

VIOLONS.

ALTOS
&
BASSES.
]

Dans cet exemple, le chef, tout en suivant la partie r�citante non
mesur�e, a surtout � se pr�occuper de la partie d'alto, et � la faire se
mouvoir � propos du premier temps sur le second, du Fa sur le Mi au
commencement de la deuxi�me mesure; sans quoi, comme cette partie est
ex�cut�e par plusieurs instrumentistes jouant � l'unisson, les uns
tiendront le Fa plus longtemps que les autres et une discordance
passag�re se produira.

Beaucoup de chefs ont l'habitude, en dirigeant l'orchestre des
r�citatifs, de ne tenir aucun compte de la division �crite de la mesure,
et de marquer un temps lev� avant celui o� se trouve un accord bref qui
doit frapper l'orchestre, lors m�me que cet accord est plac� sur un
temps faible.

[Illustration: notation musicale, R�citatif.

Par-lez!

(_Orchestre_)]

Dans un passage tel que celui-ci, ils l�vent le bras sur le soupir qui
commence la mesure et l'abaissent sur le temps de l'accord. Je ne
saurais approuver un tel usage que rien ne justifie et qui peut souvent
amener des accidents dans l'ex�cution. Je ne vois pas d'ailleurs
pourquoi on cesserait, dans les r�citatifs, de diviser la mesure
r�guli�rement et de marquer les temps r�els � leur place, comme dans la
musique mesur�e. Je conseille donc, pour l'exemple pr�c�dent, de frapper
le premier temps en bas comme � l'ordinaire, et de porter le b�ton �
gauche pour faire attaquer l'accord sur le second temps; et ainsi de
suite pour les cas analogues en divisant toujours la mesure
r�guli�rement. Il est tr�s important en outre de la diviser d'apr�s le
mouvement pr�c�demment indiqu� par l'auteur, et de ne pas oublier, si ce
mouvement est allegro ou maestoso, et si la partie r�citante a longtemps
r�cit� sans accompagnement, de donner � tous les temps, quand
l'orchestre rentre, la valeur de ceux d'un allegro ou d'un maestoso. Car
quand l'orchestre joue seul il est en g�n�ral mesur�; il ne joue sans
mesure que s'il accompagne la voix r�citante ou l'instrument r�citant.
Dans le cas exceptionnel o� le r�citatif est �crit pour l'orchestre
lui-m�me, ou pour le choeur, ou bien pour une partie de l'orchestre ou
du choeur, comme il s'agit de faire marcher ensemble, soit � l'unisson,
soit en harmonie, mais sans mesure exacte, un certain nombre
d'ex�cutants, _c'est alors le chef d'orchestre qui est le vrai r�citant_
et qui donne � chaque temps de la mesure la dur�e qu'il juge convenable.
Suivant la forme de la phrase, tant�t il divise et subdivise les temps,
tant�t il marque les accents, tant�t les doubles croches s'il y en a,
enfin il dessine avec son b�ton la forme m�lodique du r�citatif. Bien
entendu que les ex�cutants, sachant leurs notes � peu pr�s par coeur,
ont l'oeil constamment fix� sur lui, sans quoi on ne peut obtenir ni
assurance ni ensemble.

En g�n�ral, m�me pour la musique mesur�e, le chef d'orchestre doit
exiger que les musiciens qu'il dirige le regardent le plus souvent
possible. _Pour un orchestre qui ne regarde pas le b�ton conducteur, il
n'y a pas de chef._ Souvent, apr�s un point d'orgue, par exemple, le
chef est oblig� de s'abstenir de faire le geste d�cisif qui va
d�terminer l'attaque de l'orchestre, jusqu'� ce qu'il voie les veux de
tous les musiciens fix�s sur lui. C'est au chef, pendant les
r�p�titions, de les accoutumer � le regarder simultan�ment au moment
important.

[Illustration: notation musicale,_Allegretto._]

Si, dans la mesure ci-jointe, dont le premier temps portant un point
d'orgue peut �tre prolong� ind�finiment, on n'observait pas la r�gle que
je viens d'indiquer, le trait

[Illustration: notation musicale]

ne pourrait �tre lanc� avec aplomb et ensemble, les musiciens qui ne
regardent pas le b�ton conducteur ne pouvant savoir quand le chef
d�termine le second temps et reprend le mouvement suspendu par le point
d'orgue.

Cette obligation pour les ex�cutants de regarder leur chef implique
n�cessairement pour celui-ci l'obligation de se laisser bien voir par
eux. Il doit, quelle que soit la disposition de l'orchestre, sur des
gradins ou sur un plan horizontal, s'arranger de fa�on � �tre le centre
de tous les rayons visuels.

Il faut au chef d'orchestre, pour l'exhausser et le mettre bien en vue,
une estrade sp�ciale, d'autant plus �lev�e que le nombre des ex�cutants
est plus grand et occupe un plus vaste espace. Que son pupitre ne soit
pas assez haut pour que la planchette portant la partition cache sa
figure: car l'expression de son visage entre pour beaucoup dans
l'influence qu'il exerce, et si le chef n'existe pas pour un orchestre
qui ne sait ou ne veut pas le regarder, il n'existe gu�re davantage s'il
ne peut �tre bien vu.

Quant � l'emploi d'un bruit quelconque produit par des coups du b�ton
du chef sur son pupitre, ou de son pied sur son estrade, on ne peut que
le bl�mer sans r�serve. C'est plus qu'un mauvais moyen, c'est une
barbarie.

Seulement si, dans un th��tre, les �volutions de la mise en sc�ne
emp�chent les choristes de voir le b�ton conducteur, le chef est oblig�,
pour assurer apr�s un silence l'attaque du choeur, d'indiquer cette
attaque en marquant le temps qui la pr�c�de par un l�ger coup de b�ton
sur son pupitre. Cette circonstance exceptionnelle est la seule qui
puisse justifier l'emploi d'un _bruit indicateur_; encore est-il
regrettable qu'on soit oblig� d'y recourir.

A propos des choristes et de leur action dans les th��tres, il est bon
de dire ici que les directeurs du chant se permettent souvent de marquer
la mesure dans les coulisses, sans voir le b�ton du chef, souvent m�me
sans entendre l'orchestre. Il en r�sulte que cette mesure arbitraire,
battue plus ou moins mal, ne pouvant s'accorder avec celle du chef,
�tablit in�vitablement une discordance rhythmique entre les choeurs et
le groupe instrumental, et bouleverse l'ensemble au lieu de contribuer �
l'�tablir.

Autre barbarie traditionnelle que le chef d'orchestre intelligent et
�nergique a pour mission de d�truire. Si un choeur ou un morceau
instrumental est ex�cut� derri�re la sc�ne sans la participation de
l'orchestre principal, un autre chef est absolument n�cessaire pour le
conduire. Si l'orchestre accompagne ce groupe, le premier chef, qui
entend la musique lointaine, est alors rigoureusement tenu de _se
laisser conduire_ par le second et de suivre _de l'oreille_ ses
mouvements. Mais si, comme il arrive souvent dans la musique moderne, la
sonorit� du grand orchestre emp�che le premier chef d'entendre ce qui
s'ex�cute loin de lui, l'intervention d'un m�canisme sp�cial conducteur
du rhythme devient indispensable pour �tablir une communication
instantan�e entre lui et les ex�cutants �loign�s. On a fait en ce genre
des essais plus ou moins ing�nieux, dont le r�sultat n'a pas partout
r�pondu � ce qu'on en attendait. Celui du th��tre de Covent Garden, �
Londres, que le pied du chef d'orchestre fait mouvoir, fonctionne assez
bien. Seul le _M�tronome �lectrique_ �tabli par M. Verbrugghe au th��tre
de Bruxelles ne laisse rien � d�sirer. Il consiste en un appareil de
rubans de cuivre, partant d'une pile de Volta plac�e sous le th��tre,
venant s'attacher au pupitre-chef, et aboutissant � un b�ton mobile fix�
par un de ses bouts sur un pivot, devant une planche � _quelque distance
que ce soit_ du chef d'orchestre. Au pupitre de celui-ci est adapt�e une
touche en cuivre assez semblable � une touche de piano, �lastique et
arm�e � sa face inf�rieure d'une protub�rance de trois ou quatre lignes
de longueur. Imm�diatement au-dessous de la protub�rance se trouve un
petit godet en cuivre �galement et rempli de mercure. Au moment o� le
chef d'orchestre, voulant marquer un temps quelconque de la mesure,
presse avec l'index de sa main gauche (la droite �tant employ�e � tenir
comme � l'ordinaire le b�ton conducteur) la touche de cuivre, cette
touche s'abaisse, la protub�rance entre dans le godet plein de mercure,
une faible �tincelle �lectrique se d�gage, et le b�ton plac� � l'autre
extr�mit� du ruban de cuivre fait une oscillation devant sa planche.
Cette communication du fluide et ce mouvement sont tout � fait
instantan�s, quelle que soit la distance parcourue. Les ex�cutants �tant
group�s derri�re la sc�ne, les yeux fix�s sur le b�ton du m�tronome
�lectrique, subissent en cons�quence directement l'action du chef, qui
pourrait ainsi, s'il le fallait, diriger du milieu de l'orchestre de
l'op�ra de Paris un morceau de musique ex�cut� � Versailles. Il est
important seulement de convenir d'avance avec les choristes, ou avec
leur conducteur (si, par surcro�t de pr�caution, ils en ont un) de la
mani�re dont le chef marquera la mesure, s'il marquera tous les temps
principaux ou le premier temps seulement: les oscillations du b�ton m�
par l'�lectricit� �tant toujours d'arri�re en avant, n'indiquent rien de
pr�cis � cet �gard.

Lorsque je me suis servi pour la premi�re fois � Bruxelles du pr�cieux
instrument que j'essaie de d�crire, son emploi pr�sentait un
inconv�nient. Chaque fois que la touche de cuivre de mon pupitre
subissait la pression de l'index de ma main gauche, elle venait frapper
au dessous une autre plaque de cuivre; malgr� la d�licatesse de ce
contact, il en r�sultait un petit bruit sec qui, pendant les silences de
l'orchestre, finissait par attirer l'attention des auditeurs au
d�triment de l'effet musical. Je fis remarquer ce d�faut � M.
Verbrugghe, qui rempla�a la plaque de cuivre inf�rieure par le godet
plein de mercure dont j'ai parl� plus haut, et dans lequel la
protub�rance sup�rieure s'introduit pour �tablir le courant �lectrique,
sans produire le moindre bruit.

Il ne reste plus maintenant, inh�rente � l'emploi de ce m�canisme, que
la cr�pitation de l'�tincelle au moment o� elle se d�gage; cr�pitation
trop faible pour �tre entendue du public.

Ce m�tronome est peu dispendieux � �tablir; il co�te quatre cents francs
au plus. Les grands th��tres lyriques, les �glises et les salles de
concerts, devraient en �tre pourvus depuis longtemps. L'utilit� de cette
invention de M. Verbrugghe est devenue si manifeste aux grands concerts
que j'ai dirig�s en 1855 dans le Palais de l'Exposition universelle de
l'Industrie, concerts o� plus de mille musiciens ont ex�cut�, m�me des
morceaux d'un mouvement tr�s vif, avec une �tonnante pr�cision et un
ensemble irr�prochable, que trois des th��tres lyriques de Paris (le
Th��tre Italien, l'Op�ra-Comique et le Th��tre Lyrique) se sont
empress�s d'acqu�rir chacun un m�tronome �lectrique.

Je n'ai pas tout dit encore sur ces dangereux auxiliaires qu'on nomme
directeurs des choeurs. Il y en a tr�s peu d'assez r�ellement aptes �
conduire une ex�cution musicale pour que le chef d'orchestre puisse
compter sur eux. Il ne saurait donc les surveiller d'assez pr�s, quand
il est oblig� de subir leur collaboration. Les plus redoutables sont
ceux que l'�ge a d�pourvus d'agilit� et d'�nergie. Le maintien de tout
mouvement un peu vif leur est impossible, quel que soit le degr� de
rapidit� imprim� au d�but d'un morceau dont la direction leur est
confi�e, peu � peu ils en ralentissent l'allure, jusqu'� ce que le
rhythme soit r�duit � une certaine lenteur moyenne qui semble �tre en
harmonie avec le mouvement de leur sang et l'affaiblissement g�n�ral de
leur organisme. Il est vrai d'ajouter que les vieillards ne sont pas les
seuls qui fassent courir ce danger aux compositeurs. Il y a des hommes
dans la force de l'�ge, d'un temp�rament lymphatique, dont le sang
para�t circuler _Moderato_. S'il leur arrive de diriger un allegro
_assa�_, ils le ralentiront graduellement jusqu'au _Moderato_; si au
contraire c'est un Largo ou un Andante sostenuto, pour peu que le
morceau se prolonge, ils arriveront par une animation progressive,
longtemps avant la fin, au mouvement _Moderato_. Le _Moderato_ est leur
mouvement naturel, et ils y reviennent aussi infailliblement que
reviendrait au sien un pendule dont on aurait un instant press� ou
ralenti les oscillations.

Ces gens-l� sont les ennemis n�s de toute musique caract�ris�e et les
plus grands aplatisseurs du style. Que le chef d'orchestre se pr�serve �
tout prix de leur concours!

Un jour, dans une grande ville que je ne veux pas nommer, il s'agissait
d'ex�cuter derri�re la sc�ne un choeur tr�s simple �crit � 6/8 dans le
mouvement allegretto. L'intervention du ma�tre de chant devint
n�cessaire; c'�tait un vieillard... Le mouvement de ce choeur �tant
d'abord d�termin� par l'orchestre, notre Nestor le suivait tant bien que
mal pendant les premi�res mesures; mais bient�t apr�s, le ralentissement
devenait tel qu'il n'y avait plus moyen de continuer sans rendre le
morceau compl�tement ridicule. On recommen�a deux fois, trois fois,
quatre fois; on employa une grande demi-heure en efforts de plus en plus
irritants, et toujours avec le m�me r�sultat. La conservation du
mouvement allegretto �tait absolument impossible � ce brave homme. Enfin
le chef d'orchestre impatient� vint le prier de ne pas conduire du tout;
il avait trouv� un exp�dient: il fit simuler aux choristes un mouvement
de marche, en �levant tour � tour chaque pied sans changer de place. Ce
mouvement �tant en rapports exacts avec le rhythme binaire de la mesure
� 6/8 dans un allegretto, les choristes, qui n'�taient plus emp�ch�s par
leur directeur, ex�cut�rent aussit�t le morceau, comme s'ils eussent
chant� en marchant, avec autant d'ensemble que de r�gularit�, et sans
ralentir.

Je reconnais pourtant que plusieurs directeurs des choeurs ou sous-chefs
d'orchestre sont quelquefois d'une v�ritable utilit�, et m�me
indispensables pour maintenir l'ensemble des grandes masses
d'ex�cutants. Lorsque ces masses sont forc�ment dispos�es de mani�re �
ce qu'une partie des musiciens ou des choristes tournent le dos au chef,
celui-ci a besoin alors d'un certain nombre de sous-batteurs de mesure
plac�s devant ceux des ex�cutants qui ne voient pas le premier chef, et
charg�s de reproduire tous ses mouvements. Pour que cette reproduction
soit pr�cise, les sous-chefs devront se garder de quitter un seul
instant des yeux le b�ton du conducteur principal. Si, pour regarder
leur partition, ils cessent de le voir pendant la dur�e de trois mesures
seulement, aussit�t une discordance se d�clare entre leur mesure et la
sienne, et tout est perdu.

Dans un festival o� douze cents ex�cutants se trouvaient r�unis sous ma
direction � Paris, en 1844, je dus employer cinq directeurs du choeur
plac�s tout autour de la masse vocale, et deux sous-chefs d'orchestre
dont l'un dirigeait les instruments � vent et l'autre les instruments �
percussion. Je leur avais bien recommand� de me regarder sans cesse; ils
ne l'oubli�rent pas; et nos huit b�tons, s'�levant et s'abaissant sans
la plus l�g�re diff�rence de rhythme, �tablirent parmi nos douze cents
musiciens l'ensemble le plus parfait dont on ait jamais eu d'exemple.
Avec un ou plusieurs m�tronomes �lectriques maintenant, il ne semble
plus n�cessaire de recourir � ce moyen. On peut en effet diriger sans
peine de la sorte des choristes qui tournent le dos au chef
d'orchestre. Des sous-chefs attentifs et intelligents seront pourtant
toujours en ce cas pr�f�rables � une machine.

Ils ont non seulement � battre la mesure, comme la tige m�tronomique,
mais de plus � parler aux groupes qui les avoisinent pour appeler leur
attention sur les nuances et, apr�s les silences, les avertir du moment
de leur rentr�e.

Dans un local dispos� en amphith��tre demi-circulaire, le chef
d'orchestre peut conduire seul un nombre consid�rable d'ex�cutants, tous
les yeux pouvant alors sans peine se porter sur lui. N�anmoins l'emploi
d'un certain nombre de sous-chefs me para�t pr�f�rable � l'unit� de la
direction individuelle, � cause de la grande distance o� se trouvent du
chef les points extr�mes de la masse vocale et instrumentale. Plus le
chef d'orchestre s'�loigne des musiciens qu'il dirige, plus son action
sur eux s'affaiblit. Ce qu'il y aurait de mieux serait d'avoir plusieurs
sous-chefs, avec plusieurs m�tronomes �lectriques, battant devant leurs
yeux les grands temps de la mesure. C'est ainsi qu'en 1855 je dirigeais
les concerts du Palais de l'Industrie.

Maintenant, le chef doit-il conduire debout ou assis? Si dans les
th��tres, o� l'on ex�cute des partitions d'une dur�e �norme, il est bien
difficile de r�sister � la fatigue en restant debout toute la soir�e, il
n'en est pas moins vrai que le chef d'orchestre assis perd une partie de
sa puissance et ne peut donner libre carri�re � sa verve, s'il en a.
Dirigera-t-il en lisant sur une grande partition ou sur un premier
violon conducteur, comme cela se pratique dans quelques th��tres? Il
aura sous les yeux une grande partition �videmment. Conduire � l'aide
d'une partie contenant seulement les principales rentr�es
instrumentales, la basse et la m�lodie, impose inutilement un travail de
m�moire au chef qui n'a pas devant lui la partition compl�te, et
l'expose en outre, s'il s'avise de dire qu'il se trompe � l'un des
musiciens dont il ne peut contr�ler la partie, � ce que celui-ci lui
r�ponde: �Qu'en savez-vous?�

La disposition et le groupement des musiciens et des choristes rentrent
encore dans les attributions du chef d'orchestre, surtout pour les
concerts. Il est impossible d'indiquer d'une fa�on absolue le meilleur
groupement du personnel des ex�cutants dans un th��tre et dans une salle
de concerts, la forme et l'arrangement de l'int�rieur des salles
influant n�cessairement sur les d�terminations � prendre ou pareil cas.
Ajoutons qu'elles d�pendent en outre du nombre des ex�cutants qu'il
s'agit de grouper, et dans quelques occasions, du mode de composition
adopt� par l'auteur de l'oeuvre qu'on ex�cute. En g�n�ral, pour les
concerts, un amphith��tre de huit ou au moins de cinq gradins est
indispensable.

La forme demi-circulaire est la meilleure pour cet amphith��tre. S'il
est assez large pour contenir tout l'orchestre, la masse enti�re des
instrumentistes sera dispos�e sur les gradins; les premiers violons sur
le devant � droite, les seconds violons sur le devant � gauche, les
altos dans le milieu entre les deux groupes de violons, les fl�tes,
hautbois, clarinettes, cors et bassons derri�re les premiers violons, un
double rang de violoncelles et de contre-basses derri�re les seconds
violons; les trompettes, cornets, trombones et tubas derri�re les altos,
le reste des violoncelles et des contre-basses derri�re les instruments
� vent en bois, les harpes sur l'avant-sc�ne tout pr�s du chef
d'orchestre, les timbales et les autres instruments � percussion
derri�re les instruments de cuivre; le chef d'orchestre tournant le dos
au public, tout en bas de l'amphith��tre et pr�s des premiers pupitres
des premiers et des seconds violons.

Il devra y avoir un plancher horizontal, une sc�ne plus ou moins large,
s'�tendant au-devant du premier gradin de l'amphith��tre; sur ce
plancher les choristes seront plac�s en �ventail, tourn�s de trois
quarts vers le public et pouvant tous ais�ment voir les mouvements du
chef d'orchestre. Le groupement des choristes par cat�gories de voix
sera diff�rent selon que l'auteur a �crit � trois, � quatre ou � six
parties. En tous cas les femmes, soprani et contralti, seront devant,
assises; les t�nors debout derri�re les contralti, les basses debout
derri�re les soprani.

Les chanteurs et virtuoses solistes occuperont le centre et la partie
ant�rieure de l'avant-sc�ne, et se placeront toujours de mani�re �
pouvoir, en tournant un peu la t�te, voir le b�ton conducteur.

Au reste, je le r�p�te, ces indications ne sont qu'approximatives; elles
peuvent �tre par beaucoup de raisons modifi�es de diverses mani�res.

Au Conservatoire de Paris, o� l'amphith��tre ne se compose que de quatre
ou cinq gradins non circulaires, et ne peut en cons�quence contenir tout
l'orchestre, les violons et les altos sont sur la sc�ne, les basses et
les instruments � vent occupent seuls les gradins; le choeur est assis
sur l'avant-sc�ne, regardant en face le public, et le groupe entier des
femmes soprani et contralti, tournant directement le dos au chef
d'orchestre, est dans l'impossibilit� de jamais voir ses mouvements. Un
tel arrangement est tr�s incommode pour cette partie du choeur.

Il est partout de la plus haute importance que les choristes plac�s sur
l'avant-sc�ne occupent un plan un peu inf�rieur � celui des violons,
sans quoi ils en affaibliront �norm�ment la sonorit�. Par la m�me
raison, si, au devant de l'orchestre, il n'y a pas d'autres gradins pour
le choeur, il faut absolument que les femmes soient assises et que les
hommes restent debout, afin que les voix des t�nors et des basses,
parlant d'un point plus �lev� que celles des soprani et contralti,
puissent s'�mettre librement et ne soient ni �touff�es ni intercept�es.

Quand la pr�sence des choristes devant l'orchestre n'est pas n�cessaire,
le chef aura soin de les faire sortir, cette multitude de corps humains
nuisant � la sonorit� des instruments. Une symphonie ex�cut�e par un
orchestre ainsi plus ou moins �touff� a beaucoup � souffrir.

Il est encore des pr�cautions relatives � l'orchestre seulement, que le
chef peut prendre pour �viter certains d�fauts dans l'ex�cution.

Les instruments � percussion plac�s, ainsi que je l'ai indiqu�, sur l'un
des derniers gradins de l'amphith��tre, ont une tendance � ralentir le
rhythme, � retarder. Une s�rie de coups de grosse caisse frapp�s �
intervalles r�guliers dans un mouvement vif, comme la suivante:

[Illustration: notation musicale, _Allegro._]

am�ne quelquefois la destruction compl�te d'une belle progression
rhythmique, en brisant l'�lan du reste de l'orchestre et d�truisant
l'ensemble. Presque toujours le joueur de grosse caisse, faute de
regarder le premier temps marqu� par le chef, reste un peu en retard
pour frapper son premier coup. Ce retard, multipli� par le nombre des
coups qui succ�dent au premier, am�ne bien vite, cela se con�oit, une
discordance rhythmique du plus f�cheux effet.

Le chef, dont tous les efforts sont vains en pareils cas pour r�tablir
l'ensemble, n'a qu'une chose � faire, c'est d'exiger que le joueur de
grosse caisse compte d'avance le nombre de coups � donner dans le
passage en question, et que, le sachant, il ne regarde plus sa partie et
tienne constamment les yeux fix�s sur le b�ton conducteur; aussit�t il
pourra suivre le mouvement sans le moindre d�faut de pr�cision. Un autre
retard, produit par une cause diff�rente, se fait souvent remarquer dans
les parties de trompettes; c'est quand elles contiennent, dans un
mouvement vif, des passages tels que celui-ci:

[Illustration: notation musicale, _Allegro._]

Le joueur de trompette, au lieu de respirer _avant_ la premi�re de ces
trois mesures, respire au commencement, pendant _le demi-soupir_ A et,
ne tenant pas compte du petit temps qu'il a pris pour respirer, donne
n�anmoins toute sa valeur au demi-soupir qui se trouve ainsi surajout� �
la valeur de la premi�re mesure. Il en r�sulte l'effet suivant:

[Illustration: notation musicale, _Allegro._]

Effet d'autant plus mauvais que l'accent final, frapp� au commencement
de la troisi�me mesure par le reste de l'orchestre, arrive un tiers de
temps trop tard dans les trompettes et d�truit l'ensemble de l'attaque
du dernier accord.

Pour obvier � cela, le chef doit d'abord avertir � l'avance les
ex�cutants de cette inexactitude o� ils sont presque tous entra�n�s �
tomber sans s'en apercevoir, en conduisant, leur jeter un coup d'oeil au
moment d�cisif, et _anticiper un peu_ en frappant le premier temps de la
mesure dans laquelle ils entrent. On ne saurait croire combien il est
difficile d'emp�cher les joueurs de trompettes de doubler la valeur d'un
demi-soupir ainsi plac�.

Quand un long _accelerando a poco a poco_ est indiqu� par le compositeur
pour arriver de l'Allegro moderato � un Presto, la plupart des chefs
d'orchestre pressent le mouvement _par saccades_, au lieu de l'animer
toujours �galement par une progression insensible. C'est � �viter avec
soin. La m�me remarque est applicable � la proposition inverse. Il est
m�me plus difficile encore d'�largir doucement, sans secousses, un
mouvement vif pour le transformer peu � peu en un mouvement lent.

Souvent voulant faire preuve de z�le, ou par d�faut de d�licatesse dans
son sentiment musical, un chef exige de ses musiciens _l'exag�ration des
nuances_. Il ne comprend ni le caract�re ni le style du morceau. Les
nuances deviennent alors des taches, les accents des cris; les
intentions du pauvre compositeur sont totalement d�figur�es et
perverties, et celles du chef d'orchestre, si honn�tes qu'on les
suppose, n'en sont pas moins malencontreuses comme les tendresses de
l'�ne de la fable, qui assomme son ma�tre en le caressant.

Signalons � pr�sent plusieurs d�plorables abus constat�s dans presque
tous les orchestres de l'Europe; abus qui d�sesp�rent les compositeurs
et qu'il est du devoir des chefs de faire dispara�tre le plus t�t
possible.

Les artistes jouant des instruments � archet veulent rarement se donner
la peine de faire le tremolo; ils substituent � cette effet si
caract�ris� une plate r�p�tition de la note, de moiti�, souvent m�me des
trois quarts plus lente que celle d'o� r�sulte le tremolo; au lieu de
quadruples croches, ils en font de triples ou de doubles; au lieu de
produire soixante-quatre notes dans une mesure � quatre temps (Adagio)
ils n'en produisent que trente-deux ou m�me seize. Le fr�missement du
bras n�cessaire pour obtenir le vrai tremolo exige, sans doute, un trop
grand effort! Cette paresse est intol�rable. Bon nombre de
contrebassistes se permettent, par paresse encore, ou par crainte de ne
pouvoir vaincre certaines difficult�s, de simplifier leur partie. Cette
�cole de simplificateurs, en honneur il y a quarante ans, ne saurait
subsister davantage. Dans les oeuvres anciennes les parties de
contrebasse sont fort simples, il n'y a donc aucune raison de les
appauvrir encore; celles des partitions modernes sont un peu plus
difficiles, il est vrai, mais, � de tr�s rares exceptions pr�s, on n'y
trouve rien d'inex�cutable; les compositeurs ma�tres de leur art les
�crivent avec soin et telles qu'elles doivent �tre ex�cut�es. Si c'est
par paresse que les simplificateurs les d�naturent, le chef d'orchestre
�nergique est arm� de l'autorit� n�cessaire pour les obliger � faire
leur devoir. Si c'est par incapacit�, qu'il les cong�die. Il a tout
int�r�t � se d�barrasser d'instrumentistes qui ne savent pas jouer de
leur instrument.

Les joueurs de Fl�te, accoutum�s � dominer les autres instruments �
vent, et n'admettant pas que leur partie puisse �tre �crite au-dessous
de celles des Clarinettes ou des Hautbois, transposent fr�quemment des
passages entiers � l'octave sup�rieure. Le chef, s'il ne lit pas bien la
partition, s'il ne conna�t pas parfaitement l'ouvrage qu'il dirige, ou
si son oreille manque de finesse, ne s'apercevra pas de cette �trange
libert� prise par les Fl�tistes. Il s'en pr�sente maint exemple
cependant, et l'on doit veiller � ce que ces exemples disparaissent tout
� fait.

Il arrive partout (je ne dis pas dans quelques orchestres seulement), il
arrive partout, je le r�p�te, que les violonistes charg�s, on le sait,
d'ex�cuter � dix, � quinze, � vingt, la m�me partie � l'unisson, ne
comptent pas leur mesure de silence, par paresse toujours, et se
reposent de ce soin les uns sur les autres. D'o� il suit qu'il en rentre
� peine la moiti� au moment opportun, pendant que les autres tiennent
encore leur instrument sous le bras gauche et regardent en l'air; la
rentr�e est alors affaiblie, sinon totalement manqu�e. J'appelle sur
cette insupportable habitude l'attention et la s�v�rit� des chefs
d'orchestre. Elle est tellement enracin�e n�anmoins, qu'ils ne viendront
� bout de l'extirper qu'en rendant un grand nombre de violonistes
solidaires de la faute d'un seul; en mettant � l'amende, par exemple,
ceux de tout un rang, si l'un d'entre eux a manqu� son entr�e. Quand
cette amende ne serait que de trois francs, comme elle peut �tre
inflig�e cinq ou six fois aux m�mes individus dans une s�ance, je
r�ponds que chacun des violonistes comptera ses pauses et veillera � ce
que son voisin en fasse autant.

Un orchestre dont les instruments ne sont pas d'accord isol�ment et
entre eux est une monstruosit�; le chef mettra donc le plus grand soin �
ce que les musiciens s'accordent. Mais cette op�ration ne doit pas se
faire devant le public. De plus, toute rumeur instrumentale et tout
pr�lude pendant les entr'actes, constituent une offense r�elle faite aux
auditeurs civilis�s. On reconna�t la mauvaise �ducation d'un orchestre
et sa m�diocrit� musicale, aux bruits importuns qu'il fait entendre
pendant les moments de repos d'un op�ra ou d'un concert.

Il est encore imp�rieusement impos� au chef d'orchestre de ne pas
laisser les Clarinettistes se servir toujours du m�me instrument (de la
clarinette en Si [b�mol) sans �gard pour les indications de l'auteur;
comme si les diverses clarinettes, celles en R� et en La surtout,
n'avaient pas un caract�re sp�cial dont le compositeur instruit conna�t
tout le prix, et comme si la Clarinette en La n'avait pas d'ailleurs un
demi-ton au grave de plus que la Clarinette en Si [b�mol], l'Ut di�se
d'un excellent effet:

[Illustration: notation musicale]

produit par le Mi:

[Illustration: notation musicale]

lequel Mi ne donne que le R�:

[Illustration: notation musicale]

sur la Clarinette en Si [b�mol].

Une habitude aussi vicieuse et plus pernicieuse encore s'est introduite
� la suite des cors � cylindres et � pistons dans beaucoup d'orchestres:
celle de jouer _en sons ouverts_, au moyen du m�canisme nouveau adapt� �
l'instrument, les notes destin�es par le compositeur � �tre produites en
_sons bouch�s_ par l'emploi de la main droite dans le pavillon. En
outre les Cornistes maintenant, � cause de la facilit� que les Pistons
ou Cylindres leur donnent de mettre leur instrument dans divers tons, ne
se servent que du Cor en Fa, quel que soit le ton indiqu� par l'auteur.
Cet usage am�ne une foule d'inconv�nients dont le chef d'orchestre doit
mettre tous ses soins � pr�server les oeuvres des compositeurs _qui
savent �crire_; pour celles des autres, il faut l'avouer, le malheur est
beaucoup moins grand.

Il doit s'opposer encore � l'usage �conomique adopt� dans certains
th��tres dits Lyriques, de faire jouer les Cymbales et la grosse Caisse
� la fois par le m�me musicien. Le son des Cymbales attach�es sur la
grosse Caisse, comme il faut qu'elles le soient pour rendre cette
�conomie possible, est un bruit ignoble, bon seulement pour les
orchestres des bals de barri�re. Cet usage, en outre, entretient les
compositeurs m�diocres dans l'habitude de ne jamais employer isol�ment
l'un de ces deux instruments et de consid�rer leur emploi comme
uniquement propre � l'accentuation �nergique des temps forts de la
mesure. Id�e f�conde en bruyantes platitudes et qui nous a valu les
ridicules exc�s sous lesquels, si l'on n'y met un terme, la musique
dramatique succombera t�t ou tard.

Je finis en exprimant le regret de voir encore partout les �tudes du
choeur et de l'orchestre si mal organis�es. Partout, pour les grandes
compositions chorales et instrumentales, le syst�me des r�p�titions en
masse est conserv�. On fait �tudier � la fois, d'une part tous les
Choristes, de l'autre tous les instrumentistes.

De d�plorables erreurs, d'innombrables b�vues, sont alors commises, dans
les parties interm�diaires surtout, erreurs dont le ma�tre de chant et
le chef d'orchestre ne s'aper�oivent pas. Une fois �tablies, ces erreurs
d�g�n�rent en habitudes, s'introduisent et persistent dans l'ex�cution.

Les malheureux Choristes, d'ailleurs, pendant leurs �tudes telles
quelles, sont bien les plus mal trait�s des ex�cutants. Au lieu de leur
donner _un bon conducteur_ sachant les mouvements, instruit dans l'art
du chant, pour battre la mesure et faire les observations critiques--_un
bon pianiste_ jouant une _partition de piano bien faite_ sur un _bon
piano_--et _un violoniste_ pour jouer � l'unisson ou � l'octave des voix
chaque partie �tudi�e isol�ment; au lieu de ces trois _artistes
indispensables_, on les confie, dans les deux tiers des th��tres
lyriques de l'Europe, � un seul homme qui n'a pas plus d'id�e de l'art
de conduire que de celui de chanter, peu musicien en g�n�ral, choisi
parmi les plus mauvais pianistes qu'on a pu trouver, ou plut�t qui ne
joue pas du piano du tout, d�plorable invalide qui, assis devant un
instrument d�labr�, discordant, t�che de d�chiffrer une partition
disloqu�e qu'il ne conna�t pas, frappe des accords faux, majeurs quand
ils sont mineurs et r�ciproquement, et, sous pr�texte de conduire et
d'accompagner � lui tout seul, emploie sa main droite pour que les
Choristes se trompent de rhythme et sa main gauche pour qu'ils se
trompent d'intonations.

On se croirait au moyen �ge, quand on est t�moin de cette �conomique
barbarie.....

Une interpr�tation fid�le, color�e, inspir�e, d'une oeuvre moderne,
confi�e m�me � des artistes d'un ordre �lev�, ne se peut obtenir, je le
crois fermement, que par des r�p�titions partielles. Il faut faire
�tudier chaque partie d'un choeur isol�ment, jusqu'� ce qu'elle soit
bien sue, avant de l'admettre dans l'ensemble. La m�me marche est �
suivre pour l'orchestre d'une symphonie un peu compliqu�e. Les violons
doivent �tre exerc�s seuls d'abord; d'autre part les Altos et les
Basses, puis les instruments � vent en bois (avec un petit groupe
d'instruments � cordes pour remplir les silences et accoutumer les
instruments � vent aux rentr�es), les instruments en cuivre �galement;
tr�s souvent m�me il est n�cessaire d'exercer seuls les instruments �
percussion, et enfin les Harpes, s'il y en a une masse. Les �tudes
d'ensemble sont ensuite bien plus fructueuses et plus rapides, et l'on
peut se flatter d'arriver ainsi � une fid�lit� d'interpr�tation dont la
raret�, h�las! n'est que trop bien prouv�e.

Les ex�cutions obtenues par l'ancien proc�d� d'�tudes ne sont que des _�
peu pr�s_, sous lesquels tant et tant de chefs-d'oeuvre succombent. Le
conducteur organisateur, apr�s l'�gorgement d'un ma�tre, n'en d�pose pas
moins son b�ton avec un sourire satisfait; et s'il lui reste quelques
doutes sur la fa�on dont il a rempli sa t�che, comme, en derni�re
analyse, personne ne s'avise d'en contr�ler l'accomplissement, il
murmure � part lui: _Bah! malheur aux vaincus!_

H.  BERLIOZ.

Paris.--Imp. Georges Petit, 12, rue Godot-de-Mauroi.--12016-02.





End of the Project Gutenberg EBook of Le chef d'orchestre, by Hector Berlioz

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