The Project Gutenberg EBook of Le chef d'orchestre, by Hector Berlioz This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Le chef d'orchestre th�orie de son art Author: Hector Berlioz Release Date: August 5, 2011 [EBook #36978] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE CHEF D'ORCHESTRE *** Produced by Chuck Greif and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images available at the Biblioth�que nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) LE CHEF D'ORCHESTRE TH�ORIE DE SON ART EXTRAIT DU GRAND TRAIT� D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES PAR HECTOR BERLIOZ DEUXI�ME �DITION PRIX NET: =2= FRANCS HENRY LEMOINE & CIE 17, RUE PIGALLE, PARIS.--BRUXELLES, RUE DE L'H�PITAL, 44 _Reproduction et traduction r�serv�es_ LE CHEF D'ORCHESTRE TH�ORIE DE SON ART PARIS.--IMPRIMERIE GEORGES PETIT 12, RUE GODOT-DE-MAUROI, 12 LE CHEF D'ORCHESTRE TH�ORIE DE SON ART EXTRAIT DU GRAND TRAIT� D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES PAR HECTOR BERLIOZ DEUXI�ME �DITION PRIX NET: =2= FRANCS HENRY LEMOINE & CIE 17, RUE PIGALLE, PARIS.--BRUXELLES, RUE DE L'H�PITAL, 44 _Reproduction et traduction r�serv�es_ LE CHEF D'ORCHESTRE TH�ORIE DE SON ART EXTRAIT DU GRAND TRAIT� D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES PAR HECTOR BERLIOZ La Musique para�t �tre le plus exigeant des arts, le plus difficile � cultiver, et celui dont les productions sont le plus rarement pr�sent�es dans les conditions qui permettent d'en appr�cier la valeur r�elle, d'en voir clairement la physionomie, d'en d�couvrir le sens intime et le v�ritable caract�re. De tous les artistes producteurs, le compositeur est � peu pr�s le seul, en effet, qui d�pende d'une foule d'interm�diaires, plac�s entre le public et lui; interm�diaires intelligents ou stupides, d�vou�s ou hostiles, actifs ou inertes, pouvant, depuis le premier jusqu'au dernier, contribuer au rayonnement de son oeuvre ou la d�figurer, la calomnier, la d�truire m�me compl�tement. On a souvent accus� les chanteurs d'�tre les plus dangereux de ces interm�diaires; c'est � tort, je le crois. Le plus redoutable, � mon sens, c'est le chef d'orchestre. Un mauvais chanteur ne peut g�ter que son propre r�le, le chef d'orchestre incapable ou malveillant ruine tout. Heureux encore doit s'estimer le compositeur quand le chef d'orchestre entre les mains duquel il est tomb� n'est pas � la fois incapable et malveillant; car rien ne peut r�sister � la pernicieuse influence de celui-ci. Le plus merveilleux orchestre est alors paralys�, les plus excellents chanteurs sont g�n�s et engourdis, il n'y a plus ni verve ni ensemble: sous une pareille direction, les plus nobles hardiesses de l'auteur semblent des folies, l'enthousiasme voit son �lan bris�, l'inspiration est violemment ramen�e � terre, l'ange n'a plus d'ailes, l'homme de g�nie devient un extravagant ou un cr�tin, la divine statue est pr�cipit�e de son pi�destal et tra�n�e dans la boue; et, qui pis est, le public, et des auditeurs m�me dou�s de la plus haute intelligence musicale, sont dans l'impossibilit�, s'il s'agit d'un ouvrage nouveau qu'ils entendent pour la premi�re fois, de reconna�tre les ravages exerc�s par le chef d'orchestre, de d�couvrir les sottises, les fautes, les crimes qu'il commet. Si l'on aper�oit clairement certains d�fauts de l'ex�cution, ce n'est pas lui, ce sont ses victimes qu'on en rend en pareil cas responsables. S'il a fait manquer l'entr�e des choristes dans un final, s'il a laiss� s'�tablir un balancement discordant entre le choeur et l'orchestre, ou entre les deux c�t�s extr�mes du groupe instrumental, s'il a pr�cipit� follement un mouvement, s'il l'a laiss� s'alanguir outre mesure, s'il a interrompu un chanteur avant la fin d'une p�riode, on dit: les choeurs sont d�testables, l'orchestre n'a pas d'aplomb, les violons ont d�figur� le dessin principal, tout le monde a manqu� de verve, le t�nor s'est tromp�, il ne savait pas son r�le, l'harmonie est confuse, l'auteur ignore l'art d'accompagner les voix, etc., etc. Ce n'est gu�re qu'en �coutant les chefs-d'oeuvre d�j� connus et consacr�s, que les auditeurs intelligents peuvent d�couvrir le vrai coupable et faire la part de chacun; mais le nombre de ceux-ci encore est si restreint, que leur jugement reste de peu de poids et que le mauvais chef d'orchestre, en pr�sence du m�me public qui sifflerait impitoyablement l'_accident de voix_ d'un bon chanteur, tr�ne, avec tout le calme d'une mauvaise conscience, dans sa sc�l�ratesse et son ineptie. Heureusement je m'attaque ici � une exception: le chef d'orchestre capable ou non, mais malveillant, est assez rare. Le chef d'orchestre plein de bon vouloir, mais incapable, est au contraire fort commun. Sans parler des innombrables m�diocrit�s dirigeant des artistes qui, bien souvent, leur sont sup�rieurs, un auteur, par exemple, ne peut gu�re �tre accus� de conspirer contre son propre ouvrage; combien y en a-t-il, pourtant, qui s'imaginant savoir conduire, ab�ment innocemment leurs meilleures partitions. Beethoven, dit-on, g�ta plus d'une fois l'ex�cution de ses Symphonies qu'il voulait diriger, m�me � l'�poque o� sa surdit� �tait devenue presque compl�te. Les musiciens, pour pouvoir marcher ensemble, convinrent enfin de suivre de l�g�res indications de mouvement que leur donnait le Concert-Meister (1er Violon-Leader) et de ne point regarder le b�ton de Beethoven. Encore faut-il savoir que la direction d'une symphonie, d'une ouverture ou de toute autre composition dont les mouvements restent longtemps les m�mes, varient peu et sont rarement nuanc�s, est un jeu en comparaison de celle d'un op�ra, ou d'une oeuvre quelconque o� se trouvent des r�citatifs, des airs et de nombreux dessins d'orchestre pr�c�d�s de silences non mesur�s. L'exemple de Beethoven, que je viens de citer, m'am�ne � dire tout de suite que si la direction d'un orchestre me para�t fort difficile pour un aveugle, elle est sans contredit impossible pour un sourd, quelle qu'ait pu �tre d'ailleurs son habilet� technique avant de perdre le sens de l'ou�e. Le chef d'orchestre doit _voir_ et _entendre_, il doit �tre _agile_ et _rigoureux_, conna�tre la _composition_, la _nature_ et l'_�tendue_ des instruments, savoir lire la partition et poss�der, en outre du talent sp�cial dont nous allons t�cher d'expliquer les qualit�s constitutives, d'autres dons presque ind�finissables, sans lesquels un lien invisible ne peut s'�tablir entre lui et ceux qu'il dirige, la facult� de leur transmettre son sentiment lui est refus�e et, par suite, le pouvoir, l'empire, l'action directrice lui �chappent compl�tement. Ce n'est plus alors un chef, un directeur, mais un simple batteur de mesure, en supposant qu'il sache la battre et la diviser r�guli�rement. Il faut qu'on sente qu'il sent, qu'il comprend, qu'il est �mu; alors son sentiment et son �motion se communiquent � ceux qu'il dirige, sa flamme int�rieure les �chauffe, son �lectricit� les �lectrise, sa force d'impulsion les entra�ne; il projette autour de lui les irradiations vitales de l'art musical. S'il est inerte et glac�, au contraire, il paralyse tout ce qui l'entoure; comme ces masses flottantes des mers polaires, dont on devine l'approche au refroidissement subit de l'air. Sa t�che est complexe. Il a non seulement � diriger, dans le sens des intentions de l'auteur, une oeuvre dont la connaissance est d�j� acquise aux ex�cutants, mais encore � donner � ceux-ci cette connaissance, quand il s'agit d'un ouvrage nouveau pour eux. Il a � faire la critique des erreurs et des d�fauts de chacun pendant les r�p�titions, et � organiser les ressources dont il dispose, de fa�on � en tirer le meilleur parti le plus promptement possible; car, dans la plupart des villes de l'Europe aujourd'hui, l'art musical est si mal partag�, les ex�cutants sont si mal pay�s, les n�cessit�s des �tudes sont si peu comprises, que l'_emploi du temps_ doit �tre compt� parmi les exigences les plus imp�rieuses de l'_art du chef d'orchestre_. Voyons en quoi consiste la partie m�canique de cet art. Le talent du _batteur de mesure_, sans demander de bien hautes qualit�s musicales, est encore assez difficile � acqu�rir, et tr�s peu de gens le poss�dent r�ellement. Les signes que le conducteur doit faire, bien qu'assez simples en g�n�ral, se compliquent n�anmoins dans certains cas par la division et m�me la _subdivision_ des temps de la mesure. Le chef, avant tout, est tenu de poss�der une id�e nette des principaux traits et du caract�re de l'oeuvre dont il va diriger l'ex�cution ou les �tudes, pour pouvoir, sans h�sitation ni erreur, d�terminer d�s l'abord les mouvements voulus par le compositeur. S'il n'a pas �t� � m�me de recevoir directement de celui-ci ses instructions, ou si les mouvements n'ont pu lui �tre transmis par la tradition, il doit recourir aux indications du m�tronome et les bien �tudier, la plupart des ma�tres ayant aujourd'hui le soin de les �crire en t�te et dans le courant de leurs morceaux. Je ne veux pas dire par l� qu'il faille imiter la r�gularit� math�matique du m�tronome, toute musique ex�cut�e de la sorte serait d'une raideur glaciale, et je doute m�me qu'on puisse parvenir � observer pendant un certain nombre de mesures cette plate uniformit�. Mais le m�tronome n'en est pas moins excellent � consulter pour conna�tre le premier mouvement et ses alt�rations principales. Si le chef d'orchestre ne poss�de ni les instructions de l'auteur, ni la tradition, ni les indications m�tronomiques, ce qui arrive souvent pour les anciens chefs-d'oeuvre �crits � une �poque o� le m�tronome n'�tait pas invent�, il n'a plus d'autres guides que les termes vagues employ�s pour d�signer les mouvements, et son propre instinct, et son sentiment plus ou moins fin, plus ou moins juste du style de l'auteur. Nous sommes forc� d'avouer que ces guides sont trop souvent insuffisants et trompeurs. On peut s'en convaincre en voyant repr�senter aujourd'hui les op�ras de l'ancien r�pertoire dans les villes o� la tradition de ces ouvrages n'existe plus. Sur dix mouvements divers, il y en a toujours alors au moins quatre pris � contre-sens. J'ai entendu un jour un choeur d'Iphig�nie en Tauride, ex�cut� dans un th��tre d'Allemagne _Allegro assa� � deux temps_, au lieu de _Allegro non troppo � quatre temps_, c'est-�-dire pr�cis�ment le double trop vite. On pourrait multiplier ind�finiment les exemples de d�sastres pareils amen�s, soit par l'ignorance ou l'incurie des chefs d'orchestre, soit par la difficult� r�elle qu'il y a pour les hommes m�me les mieux dou�s et les plus soigneux, de d�couvrir le sens pr�cis des termes italiens indicateurs des mouvements. Sans doute personne ne sera embarrass� pour distinguer un Largo d'un Presto. Si le Presto est � deux temps, un conducteur un peu sagace, � l'inspection des traits et des dessins m�lodiques que le morceau contient, arrivera m�me � trouver le degr� de vitesse que l'auteur a voulu. Mais si le Largo est � quatre temps, d'un tissu m�lodique simple, ne contenant qu'un petit nombre de notes dans chaque mesure, quel moyen aura le malheureux conducteur pour d�couvrir le mouvement vrai? et de combien de mani�res ne pourra-t-il pas se tromper? Les divers degr�s de lenteur qu'on peut imprimer � l'ex�cution d'un pareil Largo sont tr�s nombreux; le sentiment individuel du chef d'orchestre sera d�s lors le moteur unique; et c'est du sentiment de l'auteur et non du sien qu'il s'agit. Les compositeurs doivent donc, dans leur oeuvres, ne pas n�gliger les indications m�tronomiques, et les chefs d'orchestre sont tenus de les bien �tudier. N�gliger cette �tude est, de la part de ces derniers, un acte d'improbit�. Maintenant je suppose le conducteur parfaitement instruit des mouvements de l'oeuvre dont il va diriger l'ex�cution ou les �tudes; il veut donner aux musiciens plac�s sous ses ordres le sentiment rythmique qui est en lui, d�terminer la dur�e de chaque mesure, et faire observer uniform�ment cette dur�e par tous les ex�cutants. Or, cette pr�cision et cette uniformit� ne s'�tabliront dans l'ensemble plus ou moins nombreux de l'orchestre et du choeur, qu'au moyen de certains signes faits par le chef. Ces signes indiqueront les divisions principales, les _temps_ de la mesure, et, dans beaucoup de cas, les subdivisions, les _demi-temps_. Je n'ai pas � expliquer ici ce qu'on entend par les temps forts et les temps faibles, je suppose que je parle � des musiciens. Le chef d'orchestre se sert ordinairement d'un petit b�ton l�ger, d'un demi-m�tre de longueur, et plut�t blanc que de couleur obscure (on le voit mieux) qu'il tient � la main droite, pour rendre clairement appr�ciable sa fa�on de marquer le commencement, la division int�rieure et la fin de chaque mesure. L'archet, employ� par quelques chefs violonistes, est moins convenable que le b�ton. Il est un peu flexible; ce d�faut de rigidit� et la petite r�sistance qu'il offre en outre � l'air � cause de sa garniture de crins, rendent ses indications moins pr�cises. La plus simple de toutes les mesures, la mesure � deux temps, se bat tr�s simplement aussi. Le bras et le b�ton du conducteur �tant �lev�s, de fa�on que sa main se trouve au niveau de sa t�te, il marque le premier temps en abaissant la pointe du b�ton perpendiculairement de haut en bas (_par la flexion du poignet_, autant que possible et non en abaissant le bras dans son entier), et le second temps en relevant perpendiculairement le b�ton par le geste contraire. [Illustration: _ainsi:_] La mesure _� un temps_ n'�tant en r�alit�, pour le chef d'orchestre surtout, qu'une mesure � deux temps extr�mement rapide, doit �tre battue comme la pr�c�dente. L'obligation o� se trouve le chef de relever la pointe de son b�ton apr�s l'avoir baiss�e, divise d'ailleurs n�cessairement cette mesure en deux parties. Dans la mesure � quatre temps, le premier geste fait de haut en bas [fl�che] est adopt� partout pour marquer le premier temps fort, le commencement de la mesure. Le deuxi�me mouvement, fait par le b�ton conducteur de droite � gauche en se relevant [fl�che] d�signe le second temps (premier temps faible). Un troisi�me, transversal de gauche � droite [fl�che] d�signe le troisi�me temps (second temps fort), et un quatri�me, oblique de bas en haut, indique le quatri�me temps (second temps faible). L'ensemble de ces quatre gestes peut �tre figur� de la sorte: [Illustration: 4 \ \ \ \ 0 \ 2------------3 \ | \ | \ | \ | \ | 1 ] Il est important que le conducteur, en agissant ainsi dans ces diverses directions, ne meuve pas beaucoup son bras et, par suite, ne fasse pas parcourir au b�ton un trop grande espace, car chacun de ces gestes doit s'op�rer � peu pr�s instantan�ment, ou du moins ne prendre qu'un instant si court qu'il soit inappr�ciable. Si cet instant devient appr�ciable au contraire, multipli� par le nombre de fois o� le geste se r�p�te, il finit par mettre le chef d'orchestre en retard du mouvement qu'il veut imprimer et par donner � sa direction une pesanteur des plus f�cheuses. Ce d�faut a, de plus, pour r�sultat de fatiguer le chef inutilement et de produire des �volutions exag�r�es, presque ridicules, qui attirent sans motif l'attention des spectateurs et deviennent tr�s d�sagr�ables � la vue. Dans la mesure � trois temps le premier geste, fait de haut en bas, est �galement adopt� partout pour marquer le premier temps, mais il y a deux mani�res de marquer le second. La plupart des chefs d'orchestre l'indiquent par un geste de gauche � droite. [Illustration: 2 0 / _ainsi:_ | / | / | / | / |/ 1 ] Quelques ma�tres de chapelle allemands font le contraire et portent le b�ton de droite � gauche. [Illustration: 2 \ 0 \ | _ainsi:_ \ | \ | \ | \| 1 ] Cette mani�re a le d�savantage, quand le chef tourne le dos � l'orchestre, ainsi qu'il arrive dans les th��tres, de ne permettre qu'� un tr�s petit nombre de musiciens d'apercevoir l'indication si importante du second temps, le corps du chef cachant alors le mouvement de son bras. L'autre proc�d� est meilleur, puisque le chef d�ploie son bras en _dehors_, en l'�loignant de sa poitrine, et que son b�ton, s'il a soin de l'�lever un peu au-dessus du niveau de son �paule, reste parfaitement visible � tous les yeux. Quant le chef regarde en face les ex�cutants, il est indiff�rent qu'il marque le second temps � droite ou � gauche. En tout cas, le troisi�me temps de la mesure � trois est toujours marqu� comme le dernier de la mesure � quatre, par un mouvement oblique de bas en haut. [Illustration: 3 \ \ \ \ _Exemple:_ 0 \ 2 | / | / | / | / | / |/ 1 _ou:_ 3 / / / / / 2/ \ 0 \ | \ | \ | \ | \ | \| 1 ] Les mesures � cinq et � sept temps seront plus compr�hensibles pour les ex�cutants, si, au lieu de les dessiner par une s�rie sp�ciale de gestes, on les traite, l'une comme un compos� des mesures � trois et � deux, l'autre comme un compos� des mesures � quatre et � trois. On en marquera donc les temps en cons�quence. * * * * * [Illustration: _Exemple_ � cinq temps: 3 5 \ | 0\ | | \| | | | |\ | | \ | | \ | | \ 0 | | \ | | | \2 | | | / | | | / | | | / | | | / | | | / | | 0/ | | / | | / | 4/ | / | / |/ 1 ] [Illustration: _Exemple_ � sept temps: 4 7 \ \ \ \ \ \ 0 \ \ | \ \ | \ \ | \ \ | \ \ | \ \ 0 | \ \ 2------------|--|----------3 6 \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \ | | / \| |/ 1 5 ] Ces diverses mesures, pour �tre divis�es de la sorte, sont sens�es appartenir � des mouvements mod�r�s. Il n'en serait plus de m�me si leur mouvement �tait ou tr�s rapide ou tr�s lent. La mesure � deux temps, je l'ai d�j� fait comprendre, ne peut �tre battue autrement que nous ne l'avons vu tout � l'heure, quelle que puisse �tre sa rapidit�. Mais si, par exception, elle est tr�s lente, le chef d'orchestre devra la subdiviser. Une mesure � quatre temps tr�s rapide, au contraire, devra �tre battue � deux temps; les quatre gestes usit�s dans le mouvement moderato, devenant alors si pr�cipit�s qu'ils ne repr�sentent plus rien de pr�cis � l'oeil, et troublent l'ex�cutant au lieu de lui donner de l'assurance. En outre, et ceci est bien plus grave, le chef, en faisant inutilement ces quatre gestes dans un mouvement pr�cipit�, rend l'allure du rhythme p�nible, et perd la libert� de gestes que la simple division de la mesure par sa moiti� lui laisserait. En g�n�ral, les compositeurs ont tort d'�crire en pareil cas l'indication de la mesure � quatre temps. Quand le mouvement est tr�s vif, ils ne devraient jamais �crire que le signe [C] et non celui-ci [C] qui peut induire le chef d'orchestre en erreur. Il en est absolument de m�me pour la mesure � trois tr�s rapides 3/4 ou 3/8. Il faut alors supprimer le geste du second temps, et restant un temps de plus sur le frapp� du premier, ne relever le b�ton qu'au troisi�me. [Illustration: 3 0 | | | | | | | | | _Exemple:_ | | | | | | | | | | | | | | 1 et 2 0 ] Il serait ridicule de vouloir marquer les trois temps d'un Scherzo de Beethoven. L'inverse a lieu pour ces deux mesures, comme pour celle � deux temps. Si le mouvement est tr�s lent, il faut en diviser chaque temps, faire en cons�quence huit gestes pour la mesure � quatre et six pour la mesure � trois, en r�p�tant en raccourci chacun des gestes principaux que nous avons indiqu�s tout � l'heure. * * * * * [Illustration: _Exemple_ � quatre temps tr�s lents: \ 4 \ / / \ \ \ \ \ \ 0 / | / | / | \3 | \ | \ --------------|---------- \ | 2 \ | / | / | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | /\ \ | / \ \|/ \ | 1 ] [Illustration: _Exemple_ � trois temps tr�s lents: \ 3 \ / / \ \ \ \ \ \ 0 / | / | / | \2 | \ | \ | / | / | / | / | /\ / |/ \ / 1 ] Le bras doit rester absolument �tranger au petit geste suppl�mentaire que nous indiquons pour la subdivision de la mesure, et le poignet seul faire mouvoir le b�ton. Cette division des temps a pour objet d'emp�cher les divergences rhythmiques qui pourraient ais�ment s'�tablir parmi les ex�cutants, pendant l'intervalle qui s�pare un temps de l'autre. Car le chef n'indiquant rien pendant cette dur�e devenue assez consid�rable par suite de l'extr�me lenteur du mouvement, les ex�cutants sont alors enti�rement livr�s � eux-m�mes, _sans chef_, et comme le sentiment rhythmique n'est point le m�me chez tous, il s'ensuit que les uns pressent pendant que les autres retardent et que l'ensemble est bient�t d�truit. Ou ne pourrait faire exception � cette r�gle qu'en dirigeant un orchestre du premier ordre, compos� de virtuoses qui se connaissent bien, ont l'habitude de jouer ensemble et poss�dent � peu pr�s par coeur l'oeuvre qu'ils ex�cutent. Et encore, dans ces conditions, la distraction d'un seul musicien peut amener un accident. Pourquoi s'y exposer? Je sais que certains artistes se trouvent bless�s dans leur amour-propre d'�tre ainsi tenus en lisi�res (_comme des enfants, disent-ils_); mais aux yeux d'un chef qui n'a en vue que l'excellence du r�sultat final, cette consid�ration n'a pas de valeur. M�me dans un quatuor, il est rare que le sentiment individuel des ex�cutants soit enti�rement libre de se donner carri�re; dans une symphonie, c'est de celui du chef qu'il s'agit; c'est dans l'art de le comprendre et de le reproduire avec ensemble que consiste la perfection de l'ex�cution, et les vell�it�s individuelles, qui d'ailleurs ne peuvent s'accorder entre elles, ne sauraient �tre admises � se manifester. Ceci compris, on devine que la subdivision est encore bien plus essentielle pour les mesures compos�es tr�s lentes; telles que celle � 6/4, � 6/8, � 9/8, � 12/8, etc. Mais ces mesures, o� le rhythme ternaire joue un si grand r�le, peuvent �tre d�compos�es de plusieurs fa�ons. Si le mouvement est vif ou mod�r�, il ne faut gu�re indiquer que les temps simples de ces mesures, d'apr�s le proc�d� adopt� pour les mesures simples analogues. Les mesures � 6/8 allegretto et � 6/4 allegro seront donc battues comme celles � deux temps: [C] = ou 2 = ou 2/4: on marquera la mesure � 9/8 allegro comme celle � 3/4 moderato, ou comme celle � 3/8 andantino; la mesure � 12/8 moderato ou allegro, comme on marque la mesure � quatre temps simples. Mais si le mouvement est adagio et � plus forte raison largo-assa�, andante-maestoso, on devra, selon la forme de la m�lodie ou du dessin pr�dominant, marquer soit toutes les croches, soit une noire suivie d'une croche chaque temps. [Illustration: _Larghetto grazioso._ notation musicale] Il n'est pas n�cessaire, dans cette mesure � trois temps, de marquer toutes les croches; le rhythme d'une noire suivie d'une croche dans chaque temps suffit. On fera alors pour la subdivision le petit geste indiqu� pour les mesures simples; seulement cette subdivision partagera chaque temps en deux parties in�gales, puisqu'il s'agit d'indiquer aux yeux la valeur de la noire et celle de la croche. Si le mouvement est encore plus lent, il n'y a pas � h�siter, et l'on ne sera ma�tre de l'ensemble de l'ex�cution qu'en marquant toutes les croches, quelle que soit la nature de la mesure compos�e. [Illustration: EXEMPLES: _Adagio._ _Adagio sostenuto._ _Largo._ notation musicale] Dans ces trois mesures, avec les mouvements indiqu�s, le chef d'orchestre marquera trois croches par temps, trois en bas et trois en haut pour la mesure � 6/8. [Illustration: 0 |\ |\ | | | \ | \ | | | \ | \ | | | \ | \ | | | | | | /| /| | | / | / | | | / | / | | |/ |/ | 0 ] Trois en bas, trois � droite et trois en haut, pour la mesure � 9/8. [Illustration: \ \ / / \ \ / / \ \ \ \ \ \ 0 \ | \ | / | / | \ | \ | \ | / | / | \ | \ | \ | / | / | / | / | /\ /\ / | / \ / \ / |/ \/ \/ ] Trois en bas, trois � gauche, trois � droite et trois en haut, pour la mesure � 12/8. [Illustration: \ \ \ / / / \ \ \ / / / \ \ \ \ \ \ \ \ \ / / / \ \ \ / / / 0 \ | \ | \ | / | / | / --------|------------- / | / | / | \ | \ | \ | / | / | / | \ | \ | \ | / | / | / | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \ | \| \ |\ /\ /\ | / \ / \ |/ \ \/ \ ] Une circonstance difficile se pr�sente quelquefois; c'est quand, dans une partition, certaines parties sont, pour obtenir un contraste, rhythm�es � trois pendant que les autres parties conservent le rhythme � deux. [Illustration: notation musical, _Andante._ INSTRUMENTS A VENT. VIOLONS.] Sans doute, si la partie des instruments � vent dans cet exemple est confi�e � des musiciens _tr�s musiciens_, il n'y a pas de n�cessit� de changer la mani�re de marquer la mesure, et le chef peut continuer � la subdiviser par six ou � la diviser simplement par deux; mais la plupart des ex�cutants paraissant h�siter au moment o�, par l'emploi de la forme syncop�e, le rhythme ternaire intervient dans le rhythme binaire et s'y m�le; voici le moyen de leur donner de l'assurance. L'inqui�tude que leur cause la subite apparition de ce rhythme inattendu et que le reste de l'orchestre contrarie, porte toujours instinctivement les ex�cutants � jeter un coup d'oeil sur le chef, comme pour lui demander assistance. Celui-ci doit alors les regarder aussi, se tourner un peu vers eux et leur marquer par de tr�s petits gestes le rhythme ternaire, comme si la mesure �tait � trois temps r�els, de telle fa�on que les violons et les autres instruments jouant dans le rhythme binaire ne puissent remarquer ce changement qui les d�rangerait tout � fait. Il r�sulte de ce compromis que le rhythme nouveau � trois, �tant marqu� secr�tement par le chef, s'ex�cute alors avec assurance, pendant que le rhythme � deux, d�j� fermement �tabli, se continue sans peine, bien que le chef ne le dessine plus. D'un autre c�t�, rien, � mon avis, n'est plus bl�mable et plus contraire au bon sens musical que l'application de ce proc�d� aux passages o� il n'y a pas superposition de deux rhythmes de natures oppos�es, et o� se rencontre seulement l'emploi des syncopes. Le chef, divisant la mesure par _le nombre des accents qui s'y trouvent contenus_, d�truit alors l'effet de la forme syncop�e, pour tous les auditeurs qui le voient, et substitue un plat changement de mesure � un jeu de rhythme du plus piquant int�r�t. C'est ce qui arrive si l'on marque les accents au lieu des temps, dans ce passage de la symphonie Pastorale de Beethoven: [Illustration: notation musical, _Andante._] et si l'on fait les six gestes ci-dessus indiqu�s au lieu des quatre �tablis auparavant, qui laissent apercevoir et font mieux sentir la syncope: [Illustration: notation musical, _Andante._] Cette soumission volontaire � une forme rhythmique _que l'auteur a destin�e � �tre contrari�e_ est une des plus �normes fautes de style qu'un batteur de mesure puisse commettre. Il est une autre difficult� tr�s inqui�tante pour le chef d'orchestre et pour laquelle il a besoin de toute sa pr�sence d'esprit; c'est celle que pr�sente la superposition de mesures diff�rentes. Il est ais� de conduire une mesure � deux temps binaires plac�e au-dessus ou au-dessous d'une autre mesure � deux temps ternaires, si l'une et l'autre sont dans le m�me mouvement; elles sont alors �gales en dur�e, et il ne s'agit que de les diviser par leur moiti� en marquant les deux temps principaux. [Illustration: notation musical, EX.: _Allegro._] Mais si, au milieu d'un morceau d'un mouvement lent, est introduite une forme nouvelle dont le mouvement est vif, et si le compositeur, soit pour rendre plus facile l'ex�cution du mouvement vif, soit parce qu'il �tait impossible d'�crire autrement, a adopt� pour ce nouveau mouvement la mesure br�ve qui y correspond, il peut alors y avoir deux et m�me trois mesures br�ves superpos�es � une mesure lente. [Illustration: notation musical, EXEMPLE. _Andante._ N� 1. _Allegro._ _sempre andante._ N� 2. N� 3. (Trois mesures contre une.) ] La t�che du chef est de faire marcher et de maintenir ensemble ces mesures diverses en nombre in�gal et ces mouvements dissemblables. Il y parvient dans l'exemple pr�c�dent en commen�ant � diviser les temps d�s la mesure Andante N� 1 qui pr�c�de l'entr�e de l'Allegro � 6/8, et en continuant � les diviser ensuite, mais en ayant soin de marquer encore davantage cette division. Les ex�cutants de l'Allegro � 6/8 comprennent alors que les deux gestes du chef repr�sentent les deux temps de leur petite mesure, et les ex�cutants de l'Andante que ces deux m�mes gestes ne repr�sentent pour eux qu'un temps divis� de leur grande mesure. * * * * * Mesure n� 1. [Illustration: \ \ / / \ \ \ \ \ / 0 / | \ | \ | / | / | / | / | /\ / |/ \/ ] Mesures nos 2, 3 et suivantes. [Illustration: ___ / / \ \ / / \ \ \ \ \ / 0 / | \ | \ | / | / | / | / | /\ / |/ \/ ] Ceci, on le voit, est assez simple au fond, parce que la division de la petite mesure et les subdivisions de la grande concordent entre elles. L'exemple suivant o� une mesure lente est superpos�e � deux mesures br�ves, sans que cette concordance existe, est plus scabreux. [Illustration: notation musicale, _Allegro assai._ HAUTBOIS. _Allegro assai._ ALTOS. _Allegretto_, le double moins vite. N� 1. N� 2. conservez le m�me mouvement. N� 3.] Ici les trois mesures Allegro-assa� qui pr�c�dent l'Allegretto se battent � deux temps simples comme � l'ordinaire. Au moment o� commence l'Allegretto, dont la mesure est le double de la pr�c�dente et de celle que conservent les Altos, le chef marque deux temps divis�s pour la grande mesure, par deux gestes in�gaux en bas et par deux autres en haut: [Illustration: * |\ | | | \| | | | | | | | | | /| | |/ | * ] Les deux grands gestes divisent par le milieu la grande mesure et en font comprendre la valeur aux hautbois, sans contrarier les Altos qui conservent le mouvement vif, � cause du petit geste qui divise aussi par le milieu leur petite mesure. D�s la mesure N� 3, il cesse de diviser ainsi la grande mesure par quatre, � cause du rhythme ternaire de la m�lodie � 6/8 que cette division contrarie. Il se borne alors � marquer les deux temps de la grande mesure, et les Altos d�j� lanc�s dans leur rhythme rapide le continuent sans peine, comprenant bien que chaque mouvement du b�ton conducteur marque seulement le commencement de leur petite mesure. Et cette derni�re observation fait voir avec quel soin il faut se garder de diviser les temps d'une mesure, lorsqu'une partie des instruments ou des voix vient � ex�cuter les triolets sur ces temps. Cette division, coupant alors par le milieu la seconde note du triolet, en rendrait l'ex�cution chancelante et pourrait l'emp�cher tout � fait. Il faut m�me s'abstenir de cette division des temps de la mesure par deux, un peu avant le moment o� le dessin rhythmique ou m�lodique va venir les diviser par trois, afin de ne pas donner d'avance aux ex�cutants le sentiment d'un rhythme contraire � celui qu'ils vont avoir � faire entendre. [Illustration: notation musicale, _Adagio._] [Illustration: ___ / / \ \ / / \ \ \ \ \ / 0 / | \ | \ | / | / | / | / | /\ / |/ \/ ] Dans cet exemple, la subdivision de la mesure par six, ou la division des temps par deux, est utile et ne pr�sente aucun inconv�nient pendant la mesure N� 1: on fait alors le geste, mais il faut s'en abstenir d�s le d�but de la mesure N� 2 et se borner aux gestes simples � cause du triolet plac� sur le troisi�me temps, et � cause du suivant que les gestes doubles contrarieraient beaucoup. [Illustration: 3 \ \ \ \ 0 \ 2 | / | / | / | / | / |/ 1 ] Dans la fameuse sc�ne du bal de _Don Giovanni_ de Mozart, la difficult� de faire marcher ensemble les trois orchestres �crits dans trois mesures diff�rentes est moindre qu'on ne croit. Il suffit de marquer toujours en bas chaque temps du _tempo di minuetto_. [Illustration: notation musicale] Une fois entr� dans l'ensemble, le petit Allegretto � 3/8 dont une mesure enti�re repr�sente un tiers ou un temps de celle du minuetto, et l'autre Allegro � 3/4 dont une mesure enti�re en repr�sente deux tiers ou deux temps, s'accordent parfaitement ensemble et avec le th�me principal, et marchent sans le moindre embarras. Le tout est de les faire entrer � propos. Une faute grossi�re que j'ai vu commettre consiste � �largir la mesure d'un morceau � deux temps, quand l'auteur y a introduit des triolets de blanches: [Illustration: notation musicale] En pareils cas la troisi�me blanche n'ajoute rien � la dur�e de la mesure, comme quelques chefs semblent le croire. On peut si l'on veut, et si le mouvement est lent ou mod�r�, marquer ces passages en dessinant la mesure � trois temps, mais la dur�e de la mesure enti�re doit rester absolument la m�me. Dans le cas o� ces triolets se rencontreraient dans une mesure tr�s br�ve � deux temps (Allegro assa�), les trois gestes font alors confusion, et il faut absolument n'en faire que deux, un frapp� sur la premi�re blanche et un lev� sur la troisi�me. Lesquels gestes, � cause de la vitesse du mouvement, diff�rent peu � l'oeil des deux de la mesure � deux temps �gaux, et n'emp�chent pas de marcher les parties de l'orchestre qui ne contiennent pas de triolets. [Illustration: notation musicale, _Allegro assai._ Deux temps Deux temps Deux temps �gaux. un peu in�gaux. �gaux. ] Parlons � pr�sent de l'action du chef dans les r�citatifs. Ici le chanteur ou l'instrumentiste r�citant n'�tant plus soumis � la division r�guli�re de la mesure, il s'agit, en le suivant attentivement, de faire attaquer par l'orchestre avec pr�cision et ensemble les accords ou les dessins instrumentaux dont le r�citatif est entrem�l�, et de faire changer � propos l'harmonie, quand le r�citatif est accompagn�, soit par des tenues, soit par un tremolo � plusieurs parties, dont la plus obscure parfois est celle dont le chef doit s'occuper davantage, puisque c'est du mouvement de celle-l� que r�sulte le changement d'accord. [Illustration: notation musicale, Exemple non mesur�: VIOLONS. ALTOS & BASSES. ] Dans cet exemple, le chef, tout en suivant la partie r�citante non mesur�e, a surtout � se pr�occuper de la partie d'alto, et � la faire se mouvoir � propos du premier temps sur le second, du Fa sur le Mi au commencement de la deuxi�me mesure; sans quoi, comme cette partie est ex�cut�e par plusieurs instrumentistes jouant � l'unisson, les uns tiendront le Fa plus longtemps que les autres et une discordance passag�re se produira. Beaucoup de chefs ont l'habitude, en dirigeant l'orchestre des r�citatifs, de ne tenir aucun compte de la division �crite de la mesure, et de marquer un temps lev� avant celui o� se trouve un accord bref qui doit frapper l'orchestre, lors m�me que cet accord est plac� sur un temps faible. [Illustration: notation musicale, R�citatif. Par-lez! (_Orchestre_)] Dans un passage tel que celui-ci, ils l�vent le bras sur le soupir qui commence la mesure et l'abaissent sur le temps de l'accord. Je ne saurais approuver un tel usage que rien ne justifie et qui peut souvent amener des accidents dans l'ex�cution. Je ne vois pas d'ailleurs pourquoi on cesserait, dans les r�citatifs, de diviser la mesure r�guli�rement et de marquer les temps r�els � leur place, comme dans la musique mesur�e. Je conseille donc, pour l'exemple pr�c�dent, de frapper le premier temps en bas comme � l'ordinaire, et de porter le b�ton � gauche pour faire attaquer l'accord sur le second temps; et ainsi de suite pour les cas analogues en divisant toujours la mesure r�guli�rement. Il est tr�s important en outre de la diviser d'apr�s le mouvement pr�c�demment indiqu� par l'auteur, et de ne pas oublier, si ce mouvement est allegro ou maestoso, et si la partie r�citante a longtemps r�cit� sans accompagnement, de donner � tous les temps, quand l'orchestre rentre, la valeur de ceux d'un allegro ou d'un maestoso. Car quand l'orchestre joue seul il est en g�n�ral mesur�; il ne joue sans mesure que s'il accompagne la voix r�citante ou l'instrument r�citant. Dans le cas exceptionnel o� le r�citatif est �crit pour l'orchestre lui-m�me, ou pour le choeur, ou bien pour une partie de l'orchestre ou du choeur, comme il s'agit de faire marcher ensemble, soit � l'unisson, soit en harmonie, mais sans mesure exacte, un certain nombre d'ex�cutants, _c'est alors le chef d'orchestre qui est le vrai r�citant_ et qui donne � chaque temps de la mesure la dur�e qu'il juge convenable. Suivant la forme de la phrase, tant�t il divise et subdivise les temps, tant�t il marque les accents, tant�t les doubles croches s'il y en a, enfin il dessine avec son b�ton la forme m�lodique du r�citatif. Bien entendu que les ex�cutants, sachant leurs notes � peu pr�s par coeur, ont l'oeil constamment fix� sur lui, sans quoi on ne peut obtenir ni assurance ni ensemble. En g�n�ral, m�me pour la musique mesur�e, le chef d'orchestre doit exiger que les musiciens qu'il dirige le regardent le plus souvent possible. _Pour un orchestre qui ne regarde pas le b�ton conducteur, il n'y a pas de chef._ Souvent, apr�s un point d'orgue, par exemple, le chef est oblig� de s'abstenir de faire le geste d�cisif qui va d�terminer l'attaque de l'orchestre, jusqu'� ce qu'il voie les veux de tous les musiciens fix�s sur lui. C'est au chef, pendant les r�p�titions, de les accoutumer � le regarder simultan�ment au moment important. [Illustration: notation musicale,_Allegretto._] Si, dans la mesure ci-jointe, dont le premier temps portant un point d'orgue peut �tre prolong� ind�finiment, on n'observait pas la r�gle que je viens d'indiquer, le trait [Illustration: notation musicale] ne pourrait �tre lanc� avec aplomb et ensemble, les musiciens qui ne regardent pas le b�ton conducteur ne pouvant savoir quand le chef d�termine le second temps et reprend le mouvement suspendu par le point d'orgue. Cette obligation pour les ex�cutants de regarder leur chef implique n�cessairement pour celui-ci l'obligation de se laisser bien voir par eux. Il doit, quelle que soit la disposition de l'orchestre, sur des gradins ou sur un plan horizontal, s'arranger de fa�on � �tre le centre de tous les rayons visuels. Il faut au chef d'orchestre, pour l'exhausser et le mettre bien en vue, une estrade sp�ciale, d'autant plus �lev�e que le nombre des ex�cutants est plus grand et occupe un plus vaste espace. Que son pupitre ne soit pas assez haut pour que la planchette portant la partition cache sa figure: car l'expression de son visage entre pour beaucoup dans l'influence qu'il exerce, et si le chef n'existe pas pour un orchestre qui ne sait ou ne veut pas le regarder, il n'existe gu�re davantage s'il ne peut �tre bien vu. Quant � l'emploi d'un bruit quelconque produit par des coups du b�ton du chef sur son pupitre, ou de son pied sur son estrade, on ne peut que le bl�mer sans r�serve. C'est plus qu'un mauvais moyen, c'est une barbarie. Seulement si, dans un th��tre, les �volutions de la mise en sc�ne emp�chent les choristes de voir le b�ton conducteur, le chef est oblig�, pour assurer apr�s un silence l'attaque du choeur, d'indiquer cette attaque en marquant le temps qui la pr�c�de par un l�ger coup de b�ton sur son pupitre. Cette circonstance exceptionnelle est la seule qui puisse justifier l'emploi d'un _bruit indicateur_; encore est-il regrettable qu'on soit oblig� d'y recourir. A propos des choristes et de leur action dans les th��tres, il est bon de dire ici que les directeurs du chant se permettent souvent de marquer la mesure dans les coulisses, sans voir le b�ton du chef, souvent m�me sans entendre l'orchestre. Il en r�sulte que cette mesure arbitraire, battue plus ou moins mal, ne pouvant s'accorder avec celle du chef, �tablit in�vitablement une discordance rhythmique entre les choeurs et le groupe instrumental, et bouleverse l'ensemble au lieu de contribuer � l'�tablir. Autre barbarie traditionnelle que le chef d'orchestre intelligent et �nergique a pour mission de d�truire. Si un choeur ou un morceau instrumental est ex�cut� derri�re la sc�ne sans la participation de l'orchestre principal, un autre chef est absolument n�cessaire pour le conduire. Si l'orchestre accompagne ce groupe, le premier chef, qui entend la musique lointaine, est alors rigoureusement tenu de _se laisser conduire_ par le second et de suivre _de l'oreille_ ses mouvements. Mais si, comme il arrive souvent dans la musique moderne, la sonorit� du grand orchestre emp�che le premier chef d'entendre ce qui s'ex�cute loin de lui, l'intervention d'un m�canisme sp�cial conducteur du rhythme devient indispensable pour �tablir une communication instantan�e entre lui et les ex�cutants �loign�s. On a fait en ce genre des essais plus ou moins ing�nieux, dont le r�sultat n'a pas partout r�pondu � ce qu'on en attendait. Celui du th��tre de Covent Garden, � Londres, que le pied du chef d'orchestre fait mouvoir, fonctionne assez bien. Seul le _M�tronome �lectrique_ �tabli par M. Verbrugghe au th��tre de Bruxelles ne laisse rien � d�sirer. Il consiste en un appareil de rubans de cuivre, partant d'une pile de Volta plac�e sous le th��tre, venant s'attacher au pupitre-chef, et aboutissant � un b�ton mobile fix� par un de ses bouts sur un pivot, devant une planche � _quelque distance que ce soit_ du chef d'orchestre. Au pupitre de celui-ci est adapt�e une touche en cuivre assez semblable � une touche de piano, �lastique et arm�e � sa face inf�rieure d'une protub�rance de trois ou quatre lignes de longueur. Imm�diatement au-dessous de la protub�rance se trouve un petit godet en cuivre �galement et rempli de mercure. Au moment o� le chef d'orchestre, voulant marquer un temps quelconque de la mesure, presse avec l'index de sa main gauche (la droite �tant employ�e � tenir comme � l'ordinaire le b�ton conducteur) la touche de cuivre, cette touche s'abaisse, la protub�rance entre dans le godet plein de mercure, une faible �tincelle �lectrique se d�gage, et le b�ton plac� � l'autre extr�mit� du ruban de cuivre fait une oscillation devant sa planche. Cette communication du fluide et ce mouvement sont tout � fait instantan�s, quelle que soit la distance parcourue. Les ex�cutants �tant group�s derri�re la sc�ne, les yeux fix�s sur le b�ton du m�tronome �lectrique, subissent en cons�quence directement l'action du chef, qui pourrait ainsi, s'il le fallait, diriger du milieu de l'orchestre de l'op�ra de Paris un morceau de musique ex�cut� � Versailles. Il est important seulement de convenir d'avance avec les choristes, ou avec leur conducteur (si, par surcro�t de pr�caution, ils en ont un) de la mani�re dont le chef marquera la mesure, s'il marquera tous les temps principaux ou le premier temps seulement: les oscillations du b�ton m� par l'�lectricit� �tant toujours d'arri�re en avant, n'indiquent rien de pr�cis � cet �gard. Lorsque je me suis servi pour la premi�re fois � Bruxelles du pr�cieux instrument que j'essaie de d�crire, son emploi pr�sentait un inconv�nient. Chaque fois que la touche de cuivre de mon pupitre subissait la pression de l'index de ma main gauche, elle venait frapper au dessous une autre plaque de cuivre; malgr� la d�licatesse de ce contact, il en r�sultait un petit bruit sec qui, pendant les silences de l'orchestre, finissait par attirer l'attention des auditeurs au d�triment de l'effet musical. Je fis remarquer ce d�faut � M. Verbrugghe, qui rempla�a la plaque de cuivre inf�rieure par le godet plein de mercure dont j'ai parl� plus haut, et dans lequel la protub�rance sup�rieure s'introduit pour �tablir le courant �lectrique, sans produire le moindre bruit. Il ne reste plus maintenant, inh�rente � l'emploi de ce m�canisme, que la cr�pitation de l'�tincelle au moment o� elle se d�gage; cr�pitation trop faible pour �tre entendue du public. Ce m�tronome est peu dispendieux � �tablir; il co�te quatre cents francs au plus. Les grands th��tres lyriques, les �glises et les salles de concerts, devraient en �tre pourvus depuis longtemps. L'utilit� de cette invention de M. Verbrugghe est devenue si manifeste aux grands concerts que j'ai dirig�s en 1855 dans le Palais de l'Exposition universelle de l'Industrie, concerts o� plus de mille musiciens ont ex�cut�, m�me des morceaux d'un mouvement tr�s vif, avec une �tonnante pr�cision et un ensemble irr�prochable, que trois des th��tres lyriques de Paris (le Th��tre Italien, l'Op�ra-Comique et le Th��tre Lyrique) se sont empress�s d'acqu�rir chacun un m�tronome �lectrique. Je n'ai pas tout dit encore sur ces dangereux auxiliaires qu'on nomme directeurs des choeurs. Il y en a tr�s peu d'assez r�ellement aptes � conduire une ex�cution musicale pour que le chef d'orchestre puisse compter sur eux. Il ne saurait donc les surveiller d'assez pr�s, quand il est oblig� de subir leur collaboration. Les plus redoutables sont ceux que l'�ge a d�pourvus d'agilit� et d'�nergie. Le maintien de tout mouvement un peu vif leur est impossible, quel que soit le degr� de rapidit� imprim� au d�but d'un morceau dont la direction leur est confi�e, peu � peu ils en ralentissent l'allure, jusqu'� ce que le rhythme soit r�duit � une certaine lenteur moyenne qui semble �tre en harmonie avec le mouvement de leur sang et l'affaiblissement g�n�ral de leur organisme. Il est vrai d'ajouter que les vieillards ne sont pas les seuls qui fassent courir ce danger aux compositeurs. Il y a des hommes dans la force de l'�ge, d'un temp�rament lymphatique, dont le sang para�t circuler _Moderato_. S'il leur arrive de diriger un allegro _assa�_, ils le ralentiront graduellement jusqu'au _Moderato_; si au contraire c'est un Largo ou un Andante sostenuto, pour peu que le morceau se prolonge, ils arriveront par une animation progressive, longtemps avant la fin, au mouvement _Moderato_. Le _Moderato_ est leur mouvement naturel, et ils y reviennent aussi infailliblement que reviendrait au sien un pendule dont on aurait un instant press� ou ralenti les oscillations. Ces gens-l� sont les ennemis n�s de toute musique caract�ris�e et les plus grands aplatisseurs du style. Que le chef d'orchestre se pr�serve � tout prix de leur concours! Un jour, dans une grande ville que je ne veux pas nommer, il s'agissait d'ex�cuter derri�re la sc�ne un choeur tr�s simple �crit � 6/8 dans le mouvement allegretto. L'intervention du ma�tre de chant devint n�cessaire; c'�tait un vieillard... Le mouvement de ce choeur �tant d'abord d�termin� par l'orchestre, notre Nestor le suivait tant bien que mal pendant les premi�res mesures; mais bient�t apr�s, le ralentissement devenait tel qu'il n'y avait plus moyen de continuer sans rendre le morceau compl�tement ridicule. On recommen�a deux fois, trois fois, quatre fois; on employa une grande demi-heure en efforts de plus en plus irritants, et toujours avec le m�me r�sultat. La conservation du mouvement allegretto �tait absolument impossible � ce brave homme. Enfin le chef d'orchestre impatient� vint le prier de ne pas conduire du tout; il avait trouv� un exp�dient: il fit simuler aux choristes un mouvement de marche, en �levant tour � tour chaque pied sans changer de place. Ce mouvement �tant en rapports exacts avec le rhythme binaire de la mesure � 6/8 dans un allegretto, les choristes, qui n'�taient plus emp�ch�s par leur directeur, ex�cut�rent aussit�t le morceau, comme s'ils eussent chant� en marchant, avec autant d'ensemble que de r�gularit�, et sans ralentir. Je reconnais pourtant que plusieurs directeurs des choeurs ou sous-chefs d'orchestre sont quelquefois d'une v�ritable utilit�, et m�me indispensables pour maintenir l'ensemble des grandes masses d'ex�cutants. Lorsque ces masses sont forc�ment dispos�es de mani�re � ce qu'une partie des musiciens ou des choristes tournent le dos au chef, celui-ci a besoin alors d'un certain nombre de sous-batteurs de mesure plac�s devant ceux des ex�cutants qui ne voient pas le premier chef, et charg�s de reproduire tous ses mouvements. Pour que cette reproduction soit pr�cise, les sous-chefs devront se garder de quitter un seul instant des yeux le b�ton du conducteur principal. Si, pour regarder leur partition, ils cessent de le voir pendant la dur�e de trois mesures seulement, aussit�t une discordance se d�clare entre leur mesure et la sienne, et tout est perdu. Dans un festival o� douze cents ex�cutants se trouvaient r�unis sous ma direction � Paris, en 1844, je dus employer cinq directeurs du choeur plac�s tout autour de la masse vocale, et deux sous-chefs d'orchestre dont l'un dirigeait les instruments � vent et l'autre les instruments � percussion. Je leur avais bien recommand� de me regarder sans cesse; ils ne l'oubli�rent pas; et nos huit b�tons, s'�levant et s'abaissant sans la plus l�g�re diff�rence de rhythme, �tablirent parmi nos douze cents musiciens l'ensemble le plus parfait dont on ait jamais eu d'exemple. Avec un ou plusieurs m�tronomes �lectriques maintenant, il ne semble plus n�cessaire de recourir � ce moyen. On peut en effet diriger sans peine de la sorte des choristes qui tournent le dos au chef d'orchestre. Des sous-chefs attentifs et intelligents seront pourtant toujours en ce cas pr�f�rables � une machine. Ils ont non seulement � battre la mesure, comme la tige m�tronomique, mais de plus � parler aux groupes qui les avoisinent pour appeler leur attention sur les nuances et, apr�s les silences, les avertir du moment de leur rentr�e. Dans un local dispos� en amphith��tre demi-circulaire, le chef d'orchestre peut conduire seul un nombre consid�rable d'ex�cutants, tous les yeux pouvant alors sans peine se porter sur lui. N�anmoins l'emploi d'un certain nombre de sous-chefs me para�t pr�f�rable � l'unit� de la direction individuelle, � cause de la grande distance o� se trouvent du chef les points extr�mes de la masse vocale et instrumentale. Plus le chef d'orchestre s'�loigne des musiciens qu'il dirige, plus son action sur eux s'affaiblit. Ce qu'il y aurait de mieux serait d'avoir plusieurs sous-chefs, avec plusieurs m�tronomes �lectriques, battant devant leurs yeux les grands temps de la mesure. C'est ainsi qu'en 1855 je dirigeais les concerts du Palais de l'Industrie. Maintenant, le chef doit-il conduire debout ou assis? Si dans les th��tres, o� l'on ex�cute des partitions d'une dur�e �norme, il est bien difficile de r�sister � la fatigue en restant debout toute la soir�e, il n'en est pas moins vrai que le chef d'orchestre assis perd une partie de sa puissance et ne peut donner libre carri�re � sa verve, s'il en a. Dirigera-t-il en lisant sur une grande partition ou sur un premier violon conducteur, comme cela se pratique dans quelques th��tres? Il aura sous les yeux une grande partition �videmment. Conduire � l'aide d'une partie contenant seulement les principales rentr�es instrumentales, la basse et la m�lodie, impose inutilement un travail de m�moire au chef qui n'a pas devant lui la partition compl�te, et l'expose en outre, s'il s'avise de dire qu'il se trompe � l'un des musiciens dont il ne peut contr�ler la partie, � ce que celui-ci lui r�ponde: �Qu'en savez-vous?� La disposition et le groupement des musiciens et des choristes rentrent encore dans les attributions du chef d'orchestre, surtout pour les concerts. Il est impossible d'indiquer d'une fa�on absolue le meilleur groupement du personnel des ex�cutants dans un th��tre et dans une salle de concerts, la forme et l'arrangement de l'int�rieur des salles influant n�cessairement sur les d�terminations � prendre ou pareil cas. Ajoutons qu'elles d�pendent en outre du nombre des ex�cutants qu'il s'agit de grouper, et dans quelques occasions, du mode de composition adopt� par l'auteur de l'oeuvre qu'on ex�cute. En g�n�ral, pour les concerts, un amphith��tre de huit ou au moins de cinq gradins est indispensable. La forme demi-circulaire est la meilleure pour cet amphith��tre. S'il est assez large pour contenir tout l'orchestre, la masse enti�re des instrumentistes sera dispos�e sur les gradins; les premiers violons sur le devant � droite, les seconds violons sur le devant � gauche, les altos dans le milieu entre les deux groupes de violons, les fl�tes, hautbois, clarinettes, cors et bassons derri�re les premiers violons, un double rang de violoncelles et de contre-basses derri�re les seconds violons; les trompettes, cornets, trombones et tubas derri�re les altos, le reste des violoncelles et des contre-basses derri�re les instruments � vent en bois, les harpes sur l'avant-sc�ne tout pr�s du chef d'orchestre, les timbales et les autres instruments � percussion derri�re les instruments de cuivre; le chef d'orchestre tournant le dos au public, tout en bas de l'amphith��tre et pr�s des premiers pupitres des premiers et des seconds violons. Il devra y avoir un plancher horizontal, une sc�ne plus ou moins large, s'�tendant au-devant du premier gradin de l'amphith��tre; sur ce plancher les choristes seront plac�s en �ventail, tourn�s de trois quarts vers le public et pouvant tous ais�ment voir les mouvements du chef d'orchestre. Le groupement des choristes par cat�gories de voix sera diff�rent selon que l'auteur a �crit � trois, � quatre ou � six parties. En tous cas les femmes, soprani et contralti, seront devant, assises; les t�nors debout derri�re les contralti, les basses debout derri�re les soprani. Les chanteurs et virtuoses solistes occuperont le centre et la partie ant�rieure de l'avant-sc�ne, et se placeront toujours de mani�re � pouvoir, en tournant un peu la t�te, voir le b�ton conducteur. Au reste, je le r�p�te, ces indications ne sont qu'approximatives; elles peuvent �tre par beaucoup de raisons modifi�es de diverses mani�res. Au Conservatoire de Paris, o� l'amphith��tre ne se compose que de quatre ou cinq gradins non circulaires, et ne peut en cons�quence contenir tout l'orchestre, les violons et les altos sont sur la sc�ne, les basses et les instruments � vent occupent seuls les gradins; le choeur est assis sur l'avant-sc�ne, regardant en face le public, et le groupe entier des femmes soprani et contralti, tournant directement le dos au chef d'orchestre, est dans l'impossibilit� de jamais voir ses mouvements. Un tel arrangement est tr�s incommode pour cette partie du choeur. Il est partout de la plus haute importance que les choristes plac�s sur l'avant-sc�ne occupent un plan un peu inf�rieur � celui des violons, sans quoi ils en affaibliront �norm�ment la sonorit�. Par la m�me raison, si, au devant de l'orchestre, il n'y a pas d'autres gradins pour le choeur, il faut absolument que les femmes soient assises et que les hommes restent debout, afin que les voix des t�nors et des basses, parlant d'un point plus �lev� que celles des soprani et contralti, puissent s'�mettre librement et ne soient ni �touff�es ni intercept�es. Quand la pr�sence des choristes devant l'orchestre n'est pas n�cessaire, le chef aura soin de les faire sortir, cette multitude de corps humains nuisant � la sonorit� des instruments. Une symphonie ex�cut�e par un orchestre ainsi plus ou moins �touff� a beaucoup � souffrir. Il est encore des pr�cautions relatives � l'orchestre seulement, que le chef peut prendre pour �viter certains d�fauts dans l'ex�cution. Les instruments � percussion plac�s, ainsi que je l'ai indiqu�, sur l'un des derniers gradins de l'amphith��tre, ont une tendance � ralentir le rhythme, � retarder. Une s�rie de coups de grosse caisse frapp�s � intervalles r�guliers dans un mouvement vif, comme la suivante: [Illustration: notation musicale, _Allegro._] am�ne quelquefois la destruction compl�te d'une belle progression rhythmique, en brisant l'�lan du reste de l'orchestre et d�truisant l'ensemble. Presque toujours le joueur de grosse caisse, faute de regarder le premier temps marqu� par le chef, reste un peu en retard pour frapper son premier coup. Ce retard, multipli� par le nombre des coups qui succ�dent au premier, am�ne bien vite, cela se con�oit, une discordance rhythmique du plus f�cheux effet. Le chef, dont tous les efforts sont vains en pareils cas pour r�tablir l'ensemble, n'a qu'une chose � faire, c'est d'exiger que le joueur de grosse caisse compte d'avance le nombre de coups � donner dans le passage en question, et que, le sachant, il ne regarde plus sa partie et tienne constamment les yeux fix�s sur le b�ton conducteur; aussit�t il pourra suivre le mouvement sans le moindre d�faut de pr�cision. Un autre retard, produit par une cause diff�rente, se fait souvent remarquer dans les parties de trompettes; c'est quand elles contiennent, dans un mouvement vif, des passages tels que celui-ci: [Illustration: notation musicale, _Allegro._] Le joueur de trompette, au lieu de respirer _avant_ la premi�re de ces trois mesures, respire au commencement, pendant _le demi-soupir_ A et, ne tenant pas compte du petit temps qu'il a pris pour respirer, donne n�anmoins toute sa valeur au demi-soupir qui se trouve ainsi surajout� � la valeur de la premi�re mesure. Il en r�sulte l'effet suivant: [Illustration: notation musicale, _Allegro._] Effet d'autant plus mauvais que l'accent final, frapp� au commencement de la troisi�me mesure par le reste de l'orchestre, arrive un tiers de temps trop tard dans les trompettes et d�truit l'ensemble de l'attaque du dernier accord. Pour obvier � cela, le chef doit d'abord avertir � l'avance les ex�cutants de cette inexactitude o� ils sont presque tous entra�n�s � tomber sans s'en apercevoir, en conduisant, leur jeter un coup d'oeil au moment d�cisif, et _anticiper un peu_ en frappant le premier temps de la mesure dans laquelle ils entrent. On ne saurait croire combien il est difficile d'emp�cher les joueurs de trompettes de doubler la valeur d'un demi-soupir ainsi plac�. Quand un long _accelerando a poco a poco_ est indiqu� par le compositeur pour arriver de l'Allegro moderato � un Presto, la plupart des chefs d'orchestre pressent le mouvement _par saccades_, au lieu de l'animer toujours �galement par une progression insensible. C'est � �viter avec soin. La m�me remarque est applicable � la proposition inverse. Il est m�me plus difficile encore d'�largir doucement, sans secousses, un mouvement vif pour le transformer peu � peu en un mouvement lent. Souvent voulant faire preuve de z�le, ou par d�faut de d�licatesse dans son sentiment musical, un chef exige de ses musiciens _l'exag�ration des nuances_. Il ne comprend ni le caract�re ni le style du morceau. Les nuances deviennent alors des taches, les accents des cris; les intentions du pauvre compositeur sont totalement d�figur�es et perverties, et celles du chef d'orchestre, si honn�tes qu'on les suppose, n'en sont pas moins malencontreuses comme les tendresses de l'�ne de la fable, qui assomme son ma�tre en le caressant. Signalons � pr�sent plusieurs d�plorables abus constat�s dans presque tous les orchestres de l'Europe; abus qui d�sesp�rent les compositeurs et qu'il est du devoir des chefs de faire dispara�tre le plus t�t possible. Les artistes jouant des instruments � archet veulent rarement se donner la peine de faire le tremolo; ils substituent � cette effet si caract�ris� une plate r�p�tition de la note, de moiti�, souvent m�me des trois quarts plus lente que celle d'o� r�sulte le tremolo; au lieu de quadruples croches, ils en font de triples ou de doubles; au lieu de produire soixante-quatre notes dans une mesure � quatre temps (Adagio) ils n'en produisent que trente-deux ou m�me seize. Le fr�missement du bras n�cessaire pour obtenir le vrai tremolo exige, sans doute, un trop grand effort! Cette paresse est intol�rable. Bon nombre de contrebassistes se permettent, par paresse encore, ou par crainte de ne pouvoir vaincre certaines difficult�s, de simplifier leur partie. Cette �cole de simplificateurs, en honneur il y a quarante ans, ne saurait subsister davantage. Dans les oeuvres anciennes les parties de contrebasse sont fort simples, il n'y a donc aucune raison de les appauvrir encore; celles des partitions modernes sont un peu plus difficiles, il est vrai, mais, � de tr�s rares exceptions pr�s, on n'y trouve rien d'inex�cutable; les compositeurs ma�tres de leur art les �crivent avec soin et telles qu'elles doivent �tre ex�cut�es. Si c'est par paresse que les simplificateurs les d�naturent, le chef d'orchestre �nergique est arm� de l'autorit� n�cessaire pour les obliger � faire leur devoir. Si c'est par incapacit�, qu'il les cong�die. Il a tout int�r�t � se d�barrasser d'instrumentistes qui ne savent pas jouer de leur instrument. Les joueurs de Fl�te, accoutum�s � dominer les autres instruments � vent, et n'admettant pas que leur partie puisse �tre �crite au-dessous de celles des Clarinettes ou des Hautbois, transposent fr�quemment des passages entiers � l'octave sup�rieure. Le chef, s'il ne lit pas bien la partition, s'il ne conna�t pas parfaitement l'ouvrage qu'il dirige, ou si son oreille manque de finesse, ne s'apercevra pas de cette �trange libert� prise par les Fl�tistes. Il s'en pr�sente maint exemple cependant, et l'on doit veiller � ce que ces exemples disparaissent tout � fait. Il arrive partout (je ne dis pas dans quelques orchestres seulement), il arrive partout, je le r�p�te, que les violonistes charg�s, on le sait, d'ex�cuter � dix, � quinze, � vingt, la m�me partie � l'unisson, ne comptent pas leur mesure de silence, par paresse toujours, et se reposent de ce soin les uns sur les autres. D'o� il suit qu'il en rentre � peine la moiti� au moment opportun, pendant que les autres tiennent encore leur instrument sous le bras gauche et regardent en l'air; la rentr�e est alors affaiblie, sinon totalement manqu�e. J'appelle sur cette insupportable habitude l'attention et la s�v�rit� des chefs d'orchestre. Elle est tellement enracin�e n�anmoins, qu'ils ne viendront � bout de l'extirper qu'en rendant un grand nombre de violonistes solidaires de la faute d'un seul; en mettant � l'amende, par exemple, ceux de tout un rang, si l'un d'entre eux a manqu� son entr�e. Quand cette amende ne serait que de trois francs, comme elle peut �tre inflig�e cinq ou six fois aux m�mes individus dans une s�ance, je r�ponds que chacun des violonistes comptera ses pauses et veillera � ce que son voisin en fasse autant. Un orchestre dont les instruments ne sont pas d'accord isol�ment et entre eux est une monstruosit�; le chef mettra donc le plus grand soin � ce que les musiciens s'accordent. Mais cette op�ration ne doit pas se faire devant le public. De plus, toute rumeur instrumentale et tout pr�lude pendant les entr'actes, constituent une offense r�elle faite aux auditeurs civilis�s. On reconna�t la mauvaise �ducation d'un orchestre et sa m�diocrit� musicale, aux bruits importuns qu'il fait entendre pendant les moments de repos d'un op�ra ou d'un concert. Il est encore imp�rieusement impos� au chef d'orchestre de ne pas laisser les Clarinettistes se servir toujours du m�me instrument (de la clarinette en Si [b�mol) sans �gard pour les indications de l'auteur; comme si les diverses clarinettes, celles en R� et en La surtout, n'avaient pas un caract�re sp�cial dont le compositeur instruit conna�t tout le prix, et comme si la Clarinette en La n'avait pas d'ailleurs un demi-ton au grave de plus que la Clarinette en Si [b�mol], l'Ut di�se d'un excellent effet: [Illustration: notation musicale] produit par le Mi: [Illustration: notation musicale] lequel Mi ne donne que le R�: [Illustration: notation musicale] sur la Clarinette en Si [b�mol]. Une habitude aussi vicieuse et plus pernicieuse encore s'est introduite � la suite des cors � cylindres et � pistons dans beaucoup d'orchestres: celle de jouer _en sons ouverts_, au moyen du m�canisme nouveau adapt� � l'instrument, les notes destin�es par le compositeur � �tre produites en _sons bouch�s_ par l'emploi de la main droite dans le pavillon. En outre les Cornistes maintenant, � cause de la facilit� que les Pistons ou Cylindres leur donnent de mettre leur instrument dans divers tons, ne se servent que du Cor en Fa, quel que soit le ton indiqu� par l'auteur. Cet usage am�ne une foule d'inconv�nients dont le chef d'orchestre doit mettre tous ses soins � pr�server les oeuvres des compositeurs _qui savent �crire_; pour celles des autres, il faut l'avouer, le malheur est beaucoup moins grand. Il doit s'opposer encore � l'usage �conomique adopt� dans certains th��tres dits Lyriques, de faire jouer les Cymbales et la grosse Caisse � la fois par le m�me musicien. Le son des Cymbales attach�es sur la grosse Caisse, comme il faut qu'elles le soient pour rendre cette �conomie possible, est un bruit ignoble, bon seulement pour les orchestres des bals de barri�re. Cet usage, en outre, entretient les compositeurs m�diocres dans l'habitude de ne jamais employer isol�ment l'un de ces deux instruments et de consid�rer leur emploi comme uniquement propre � l'accentuation �nergique des temps forts de la mesure. Id�e f�conde en bruyantes platitudes et qui nous a valu les ridicules exc�s sous lesquels, si l'on n'y met un terme, la musique dramatique succombera t�t ou tard. Je finis en exprimant le regret de voir encore partout les �tudes du choeur et de l'orchestre si mal organis�es. Partout, pour les grandes compositions chorales et instrumentales, le syst�me des r�p�titions en masse est conserv�. On fait �tudier � la fois, d'une part tous les Choristes, de l'autre tous les instrumentistes. De d�plorables erreurs, d'innombrables b�vues, sont alors commises, dans les parties interm�diaires surtout, erreurs dont le ma�tre de chant et le chef d'orchestre ne s'aper�oivent pas. Une fois �tablies, ces erreurs d�g�n�rent en habitudes, s'introduisent et persistent dans l'ex�cution. Les malheureux Choristes, d'ailleurs, pendant leurs �tudes telles quelles, sont bien les plus mal trait�s des ex�cutants. Au lieu de leur donner _un bon conducteur_ sachant les mouvements, instruit dans l'art du chant, pour battre la mesure et faire les observations critiques--_un bon pianiste_ jouant une _partition de piano bien faite_ sur un _bon piano_--et _un violoniste_ pour jouer � l'unisson ou � l'octave des voix chaque partie �tudi�e isol�ment; au lieu de ces trois _artistes indispensables_, on les confie, dans les deux tiers des th��tres lyriques de l'Europe, � un seul homme qui n'a pas plus d'id�e de l'art de conduire que de celui de chanter, peu musicien en g�n�ral, choisi parmi les plus mauvais pianistes qu'on a pu trouver, ou plut�t qui ne joue pas du piano du tout, d�plorable invalide qui, assis devant un instrument d�labr�, discordant, t�che de d�chiffrer une partition disloqu�e qu'il ne conna�t pas, frappe des accords faux, majeurs quand ils sont mineurs et r�ciproquement, et, sous pr�texte de conduire et d'accompagner � lui tout seul, emploie sa main droite pour que les Choristes se trompent de rhythme et sa main gauche pour qu'ils se trompent d'intonations. On se croirait au moyen �ge, quand on est t�moin de cette �conomique barbarie..... Une interpr�tation fid�le, color�e, inspir�e, d'une oeuvre moderne, confi�e m�me � des artistes d'un ordre �lev�, ne se peut obtenir, je le crois fermement, que par des r�p�titions partielles. Il faut faire �tudier chaque partie d'un choeur isol�ment, jusqu'� ce qu'elle soit bien sue, avant de l'admettre dans l'ensemble. La m�me marche est � suivre pour l'orchestre d'une symphonie un peu compliqu�e. Les violons doivent �tre exerc�s seuls d'abord; d'autre part les Altos et les Basses, puis les instruments � vent en bois (avec un petit groupe d'instruments � cordes pour remplir les silences et accoutumer les instruments � vent aux rentr�es), les instruments en cuivre �galement; tr�s souvent m�me il est n�cessaire d'exercer seuls les instruments � percussion, et enfin les Harpes, s'il y en a une masse. Les �tudes d'ensemble sont ensuite bien plus fructueuses et plus rapides, et l'on peut se flatter d'arriver ainsi � une fid�lit� d'interpr�tation dont la raret�, h�las! n'est que trop bien prouv�e. Les ex�cutions obtenues par l'ancien proc�d� d'�tudes ne sont que des _� peu pr�s_, sous lesquels tant et tant de chefs-d'oeuvre succombent. Le conducteur organisateur, apr�s l'�gorgement d'un ma�tre, n'en d�pose pas moins son b�ton avec un sourire satisfait; et s'il lui reste quelques doutes sur la fa�on dont il a rempli sa t�che, comme, en derni�re analyse, personne ne s'avise d'en contr�ler l'accomplissement, il murmure � part lui: _Bah! malheur aux vaincus!_ H. BERLIOZ. Paris.--Imp. Georges Petit, 12, rue Godot-de-Mauroi.--12016-02. End of the Project Gutenberg EBook of Le chef d'orchestre, by Hector Berlioz *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE CHEF D'ORCHESTRE *** ***** This file should be named 36978-8.txt or 36978-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/3/6/9/7/36978/ Produced by Chuck Greif and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images available at the Biblioth�que nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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