The Project Gutenberg EBook of Le Tour du Monde; Mont C�leste, by Various

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Title: Le Tour du Monde; Mont C�leste
       Journal des voyages et des voyageurs; 2e Sem. 1905

Author: Various

Editor: �douard Charton

Release Date: November 21, 2009 [EBook #30518]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE TOUR DU MONDE; MONT C�LESTE ***




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                    LE TOUR DU MONDE




                         PARIS
                IMPRIMERIE FERNAND SCHMIDT
                  20, rue du Dragon, 20




                NOUVELLE S�RIE--11e ANN�E
                       2e SEMESTRE




                    LE TOUR DU MONDE

                         JOURNAL
              DES VOYAGES ET DES VOYAGEURS




                     Le Tour du Monde
             a �t� fond� par �douard Charton
                         en 1860




                         PARIS
              LIBRAIRIE DE HACHETTE ET Cie
             79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
         LONDRES, 18, KING WILLIAM STREET, STRAND
                          1905

Droits de traduction et de reproduction r�serv�s.




TABLE DES MATI�RES


L'�T� AU KACHMIR

Par _Mme F. MICHEL_

  I. De Paris � Sr�nagar. -- Un guide pratique. -- De Bombay �
     Lahore. -- Premiers pr�paratifs. -- En _tonga_ de
     Rawal-Pindi � Sr�nagar. -- Les Kachmiris et les ma�tres du
     Kachmir. -- Retour � la vie nomade.                             1

  II. La �Vall�e heureuse� en _dounga_. -- Bateliers et
     bateli�res. -- De Baramoula � Sr�nagar. -- La capitale du
     Kachmir. -- Un peu d'�conomie politique. -- En amont de
     Sr�nagar.                                                      13

  III. Sous la tente. -- Les petites vall�es du Sud-Est. --
     Histoires de voleurs et contes de f�es. -- Les ruines de
     Martand. -- De Brahmanes en Moullas.                           25

     IV. Le p�lerinage d'Amarn�th. -- La vall�e du Lidar. -- Les
     p�lerins de l'Inde. -- Vers les cimes. -- La grotte sacr�e.
     -- En _dholi_. -- Les Goudjars, pasteurs de buffles.           37

  V. Le p�lerinage de l'Haramouk. -- Alpinisme fun�bre et
     hydroth�rapie religieuse. -- Les temples de Vang�th. --
     Frissons d'automne. -- Les adieux � Sr�nagar.                  49


SOUVENIRS DE LA COTE D'IVOIRE

Par _le docteur LAMY_

_M�decin-major des troupes coloniales_.

  I. Voyage dans la brousse. -- En file indienne. -- Mot�so.
     -- La route dans un ruisseau. -- Dengu�ra. -- Kodioso. --
     Villes et villages abandonn�s. -- O� est donc Betti�? --
     Arriv�e � Dioubasso.                                           61

  II. Dans le territoire de Mop�. -- Coutumes du pays. -- La
     mort d'un prince h�ritier. -- L'�preuve du poison. -- De
     Mop� � Betti�. -- B�nie, roi de Betti�, et sa capitale. --
     Retour � Petit-Al�p�.                                          73

  III. Rapports et r�sultats de la mission. -- Valeur
     �conomique de la c�te d'Ivoire. -- Richesse de la flore. --
     Sup�riorit� de la faune.                                       85

  IV. La fi�vre jaune � Grand-Bassam. -- Deuils nombreux. --
     Retour en France.                                              90


L'�LE D'ELBE

Par _M. PAUL GRUYER_

  I. L'�le d'Elbe et le �canal� de Piombino. -- Deux mots
     d'histoire. -- D�barquement � Porto-Ferraio. -- Une ville
     d'op�ra. -- La �teste di Napoleone� et le Palais imp�rial.
     -- La banni�re de l'ancien roi de l'�le d'Elbe. -- Offre �
     Napol�on III, apr�s Sedan. -- La biblioth�que de l'Empereur.
     -- Souvenir de Victor Hugo. Le premier mot du po�te. -- Un
     enterrement aux flambeaux. Cagoules noires et cagoules
     blanches. Dans la paix des limbes. -- Les diff�rentes routes
     de l'�le.                                                      97

  II. Le golfe de Procchio et la montagne de Jupiter. -- Soir
     temp�tueux et morne tristesse. -- L'ascension du Monte
     Giove. -- Un village dans les nu�es. -- L'Ermitage de la
     Madone et la �Sedia di Napoleone�. -- Le vieux gardien de
     l'infini. �Bastia, Signor!�. Vision sublime. -- La c�te
     orientale de l'�le. Capoliveri et Porto-Longone. -- La gorge
     de Monserrat. -- Rio 1 Marina et le monde du fer.             109

  III. Napol�on, roi de l'�le d'Elbe. -- Installation aux
     Mulini. -- L'Empereur � la gorge de Monserrat. -- San
     Martino Saint-Cloud. La salle des Pyramides et le plafond
     aux deux colombes. Le lit de Bertrand. La salle de bain et
     le miroir de la V�rit�. -- L'Empereur transporte ses p�nates
     sur le Monte Giove. -- Elbe perdue pour la France. --
     L'ancien Mus�e de San Martino. Essai de reconstitution par
     le propri�taire actuel. Le lit de Madame M�re. -- O� il faut
     chercher � Elbe les vraies reliques imp�riales. �Apollon
     gardant ses troupeaux.� �ventail et bijoux de la princesse
     Pauline. Les clefs de Porto-Ferraio. Autographes. La robe de
     la signorina Squarci. -- L'�glise de l'archiconfr�rie du
     Tr�s-Saint-Sacrement. La �Pieta� de l'Empereur. Les
     broderies de soie des Mulini. -- Le vieil aveugle de
     Porto-Ferraio.                                                121


D'ALEXANDRETTE AU COUDE DE L'EUPHRATE

Par _M. VICTOR CHAPOT_

_membre de l'�cole fran�aise d'Ath�nes._

  I. -- Alexandrette et la mont�e de Be�lan. -- Antioche et
     l'Oronte; excursions � Daphn� et � Soueidieh. -- La route
     d'Alep par le Kasr-el-Benat et Dana. -- Premier aper�u
     d'Alep.                                                       133

  II. -- Ma caravane. -- Village d'Yazides. -- Nisib. --
     Premi�re rencontre avec l'Euphrate. -- Biredjik. --
     Souvenirs des H�t�ens. -- Excursion � Resapha. -- Comment
     atteindre Ras-el-A�n? Comment le quitter? -- Enfin � Orfa!    145

  III. -- S�jour � Orfa. -- Samosate. -- Vall�e accident�e de
     l'Euphrate. -- Roum-Kaleh et A�ntab. -- Court repos � Alep.
     -- Saint-Sym�on et l'Alma-Dagh. -- Huit jours trappiste! --
     Conclusion pessimiste.                                        157


LA FRANCE AUX NOUVELLES-H�BRIDES

Par _M. RAYMOND BEL_

     � qui les Nouvelles-H�brides: France, Angleterre ou
     Australie? Le condominium anglo-fran�ais de 1887. --
     L'oeuvre de M. Higginson. -- Situation actuelle des �les. --
     L'influence anglo-australienne. -- Les ressources des
     Nouvelles-H�brides. -- Leur avenir.                           169


LA RUSSIE, RACE COLONISATRICE

Par _M. ALBERT THOMAS_

  I. -- Moscou. -- Une d�ception. -- Le Kreml, acropole
     sacr�e. -- Les �glises, les palais: deux �poques.             182

  II. -- Moscou, la ville et les faubourgs. -- La bourgeoisie
     moscovite. -- Changement de paysage; Nijni-Novgorod: le
     Kreml et la ville.                                            193

  III. -- La foire de Nijni: marchandises et marchands. --
     L'oeuvre du commerce. -- Sur la Volga. -- � bord du
     _Sviatoslav_. -- Une visite � Kazan. -- La �sainte m�re
     Volga�.                                                       205

  IV. -- De Samara � Tomsk. -- La vie du train. -- Les
     passagers et l'�quipage: les soir�es. -- Dans le steppe:
     l'effort des hommes. -- Les �migrants.                        217

  V. -- Tomsk. -- La m�l�e des races. -- Anciens et nouveaux
     fonctionnaires. -- L'Universit� de Tomsk. -- Le r�le de
     l'�tat dans l'oeuvre de colonisation.                         229

  VI. -- Heures de retour. -- Dans l'Oural. -- La
     Grande-Russie. -- Conclusion.                                 241


LUGANO, LA VILLE DES FRESQUES

Par _M. GERSPACH_

     La petite ville de Lugano; ses charmes; son lac. -- Un peu
     d'histoire et de g�ographie. -- La cath�drale de
     Saint-Laurent. -- L'�glise Sainte-Marie-des-Anges. --
     Lugano, la ville des fresques. -- L'oeuvre du Luini. --
     Proc�d�s employ�s pour le transfert des fresques.             253


SHANGHA�, LA M�TROPOLE CHINOISE

Par _M. �MILE DESCHAMPS_

  I. -- Woo-Sung. -- Au d�barcad�re. -- La Concession
     fran�aise. -- La Cit� chinoise. -- Retour � notre
     concession. -- La police municipale et la prison. -- La
     cangue et le bambou. -- Les ex�cutions. -- Le corps de
     volontaires. -- �meutes. -- Les conseils municipaux.          265

  II. -- L'�tablissement des j�suites de Zi-ka-oue�. --
     Pharmacie chinoise. -- Le camp de Kou-ka-za. -- La fumerie
     d'opium. -- Le charnier des enfants trouv�s. -- Le
     fournisseur des ombres. -- La concession internationale. --
     Jardin chinois. -- Le Bund. -- La pagode de Long-hoa. --
     Fou-tch�ou-road. -- Statistique.                              277


L'�DUCATION DES N�GRES AUX �TATS-UNIS

Par _M. BARGY_

     Le probl�me de la civilisation des n�gres. -- L'Institut
     Hampton, en Virginie. -- La vie de Booker T. Washington. --
     L'�cole professionnelle de Tuskegee, en Alabama. --
     Conciliateurs et agitateurs. -- Le vote des n�gres et la
     casuistique de la Constitution.                               289


� TRAVERS LA PERSE ORIENTALE

Par _le Major PERCY MOLESWORTH SYKES_

_Consul g�n�ral de S. M. Britannique au Khorassan_.

  I. -- Arriv�e � Astrabad. -- Ancienne importance de la
     ville. -- Le pays des Turkomans: � travers le steppe et les
     Collines Noires. -- Le Khorassan. -- Mechhed: sa mosqu�e;
     son commerce. -- Le d�sert de Lout. -- Sur la route de
     Kirman.                                                       301

  II. -- La province de Kirman. -- G�ographie: la flore, la
     faune; l'administration, l'arm�e. -- Histoire: invasions et
     d�vastations. -- La ville de Kirman, capitale de la
     province. -- Une saison sur le plateau de Sardou.             313

  III. -- En Baloutchistan. -- Le Makran: la c�te du golfe
     Arabique. -- Histoire et g�ographie du Makran. -- Le Sarhad.  325

  IV. -- D�limitation � la fronti�re perso-baloutche. -- De
     Kirman � la ville-fronti�re de Kouak. -- La Commission de
     d�limitation. -- Question de pr�s�ance. -- L'oeuvre de la
     Commission. -- De Kouak � K�lat.                              337

  V. -- Le Seistan: son histoire. -- Le delta du Helmand. --
     Comparaison du Seistan et de l'�gypte. -- Excursions dans le
     Helmand. -- Retour par Yezd � Kirman.                         349


AUX RUINES D'ANGKOR

Par _M. le Vicomte DE MIRAMON-FARGUES_

     De Sa�gon � Pn�m-penh et � Compong-Chuang. -- � la rame sur
     le Grand-Lac. -- Les charrettes cambodgiennes. -- Siem-R�ap.
     -- Le temple d'Angkor. -- Angkor-Tom -- D�cadence de la
     civilisation khmer. -- Rencontre du second roi du Cambodge.
     -- Oudong-la-Superbe, capitale du p�re de Norodom. -- Le
     palais de Norodom � Pn�m-penh. -- Pourquoi la France ne
     devrait pas abandonner au Siam le territoire d'Angkor.        361


EN ROUMANIE

Par _M. Th. HEBBELYNCK_

  I. -- De Budapest � Petrozeny. -- Un mot d'histoire. -- La
     vall�e du Jiul. -- Les Boyards et les Tziganes. -- Le march�
     de Targu Jiul. -- Le monast�re de Tismana.                    373

  II. -- Le monast�re d'Horezu. -- Excursion � Bistritza. --
     Romnicu et le d�fil� de la Tour-Rouge. -- De Curtea de Arges
     � Campolung. -- D�fil� de Dimboviciora.                       385

  III. -- Bucarest, aspect de la ville. -- Les mines de sel de
     Slanic. -- Les sources de p�trole de Doftana. -- Sina�a,
     promenade dans la for�t. -- Busteni et le domaine de la
     Couronne.                                                     397


CROQUIS HOLLANDAIS

Par _M. Lud. GEORGES HAM�N_

_Photographies de l'auteur._

  I. -- Une ville hollandaise. -- Middelburg. -- Les nuages.
     -- Les _boerin_. -- La maison. -- L'�clusier. -- Le march�.
     -- Le village hollandais. -- Zoutelande. -- Les bons
     aubergistes. -- Une soir�e locale. -- Les sabots des petits
     enfants. -- La kermesse. -- La pi�t� du Hollandais.           410

  II. -- Rencontre sur la route. -- Le beau cavalier. -- Un
     d�jeuner d�cevant. -- Le p�re Kick.                           421

  III. -- La terre hollandaise. -- L'eau. -- Les moulins. --
     La culture. -- Les polders. -- Les digues. -- Origine de la
     Hollande. -- Une nuit � Veere. -- Wemeldingen. -- Les cinq
     jeunes filles. -- Flirt muet. -- Le pochard. -- La vie sur
     l'eau.                                                        423

  IV. -- Le p�cheur hollandais. -- Volendam. -- La lessive. --
     Les marmots. -- Les canards. -- La p�che au hareng. -- Le
     fils du p�cheur. -- Une �le singuli�re: Marken. -- Au milieu
     des eaux. -- Les maisons. -- Les moeurs. -- Les jeunes
     filles. -- Perspective. -- La tourbe et les tourbi�res. --
     Produit national. -- Les tourbi�res hautes et basses. --
     Houille locale.                                               433


ABYDOS

dans les temps anciens et dans les temps modernes

Par _M. E. AMELINEAU_

     L�gende d'Osiris. -- Histoire d'Abydos � travers les
     dynasties, � l'�poque chr�tienne. -- Ses monuments et leur
     spoliation. -- Ses habitants actuels et leurs moeurs.         445


VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES

Par _M. JULES BROCHEREL_

  I. -- De Tachkent � Prjevalsk. -- La ville de Tachkent. --
     En tarentass. -- Tchimkent. -- Aouli�-Ata. -- Tokmak. -- Les
     gorges de Bouam. -- Le lac Issik-Koul. -- Prjevalsk. -- Un
     chef kirghize.                                                457

  II. -- La vall�e de Tomghent. -- Un aoul kirghize. -- La
     travers�e du col de Tomghent. -- Chevaux alpinistes. -- Une
     vall�e d�serte. -- Le Kizil-tao. -- Le Saridjass. --
     Troupeaux de chevaux. -- La vall�e de Kachkateur. -- En vue
     du Khan-Tengri.                                               469

  III. -- Sur le col de Tuz. -- Rencontre d'antilopes. -- La
     vall�e d'Inghiltchik. -- Le �tchiou mouz�. -- Un chef
     kirghize. -- Les gorges d'Attia�lo. -- L'aoul d'Oustchiar.
     -- Arr�t�s par les rochers.                                   481

  IV. -- Vers l'aiguille d'Oustchiar. -- L'aoul de Kaende. --
     En vue du Khan-Tengri. -- Le glacier de Kaende. -- Bloqu�s
     par la neige. -- Nous songeons au retour. -- Dans la vall�e
     de l'Irtach. -- Chez le kaltch�. -- Cuisine de Kirghize. --
     Fin des travaux topographiques. -- Un enterrement kirghize.   493

  V. -- L'heure du retour. -- La vall�e d'Irtach. -- Nous
     retrouvons la douane. -- Arriv�e � Prjevalsk. -- La
     dispersion.                                                   505

  VI. -- Les Khirghizes. -- L'origine de la race. -- Kazaks et
     Khirghizes. -- Le classement des Bourouts. -- Le costume
     khirghize. -- La yourte. -- Moeurs et coutumes khirghizes.
     -- Mariages khirghizes. -- Conclusion.                        507


L'ARCHIPEL DES FERO�

Par _Mlle ANNA SEE_

     Premi�re escale: Trangisvaag. -- Thorshavn, capitale de
     l'Archipel; le port, la ville. -- Un peu d'histoire. -- La
     vie v�g�tative des Fero�ens. -- La p�che aux dauphins. -- La
     p�che aux baleines. -- Excursions diverses � travers
     l'Archipel.                                                   517


PONDICH�RY

chef-lieu de l'Inde fran�aise

Par _M. G. VERSCHUUR_

     Acc�s difficile de Pondich�ry par mer. -- Ville blanche et
     ville indienne. -- Le palais du Gouvernement. -- Les h�tels
     de nos colonies. -- Enclaves anglaises. -- La population;
     les enfants. -- Architecture et religion. -- Commerce. --
     L'avenir de Pondich�ry. -- Le march�. -- Les �coles. -- La
     fi�vre de la politique.                                       529


UNE PEUPLADE MALGACHE LES TANALA DE L'IKONGO

Par _M. le Lieutenant ARDANT DU PICQ_

  I. -- G�ographie et histoire de l'Ikongo. -- Les Tanala. --
     Organisation sociale. Tribu, clan, famille. -- Les lois.      541

  II. -- Religion et superstitions. -- Culte des morts. --
     Devins et sorciers. -- Le Sikidy. -- La science. --
     Astrologie. -- L'�criture. -- L'art. -- Le v�tement et la
     parure. -- L'habitation. -- La danse. -- La musique. -- La
     po�sie.                                                       553


LA R�GION DU BOU HEDMA

(sud tunisien)

Par _M. Ch. MAUMEN�_

     Le chemin de fer Sfax-Gafsa. -- Maharess. -- Lella Mazouna.
     -- La for�t de gommiers. -- La source des Trois Palmiers. --
     Le Bou Hedma. -- Un groupe m�galithique. -- Renseignements
     indig�nes. -- L'oued Hadedj et ses sources chaudes. -- La
     plaine des Ouled bou Saad et Sidi haoua el oued. -- Bir
     Saad. -- Manoubia. -- Khrangat Touninn. -- Sakket. -- Sened.
     -- Ogla Zagoufta. -- La plaine et le village de Mech. --
     Sidi Abd el-Aziz.                                             565


DE TOL�DE � GRENADE

Par _Mme JANE DIEULAFOY_

  I. -- L'aspect de la Castille. -- Les troupeaux en
     _transhumance_. -- La Mesta. -- Le Tage et ses po�tes. -- La
     Cuesta del Carmel. -- Le Cristo de la Luz. -- La machine
     hydraulique de Jualino Turriano. -- Le Zocodover. -- Vieux
     palais et anciennes synagogues. -- Les Juifs de Tol�de. --
     Un souvenir de l'inondation du Tage.                          577

  II. -- Le Taller del Moro et le Salon de la Casa de Mesa. --
     Les pupilles de l'�v�que Siliceo. -- Santo Tom� et l'oeuvre
     du Greco. -- La mosqu�e de Tol�de et la reine Constance. --
     Juan Guaz, premier architecte de la Cath�drale. -- Ses
     transformations et adjonctions. -- Souvenirs de las Navas.
     -- Le tombeau du cardinal de Mendoza. Isabelle la Catholique
     est son ex�cutrice testamentaire. -- Xim�n�s. -- Le rite
     mozarabe. -- Alvaro de Luda. -- Le porte-banni�re d'Isabelle
     � la bataille de Toro.                                        589

  III. -- Entr�e d'Isabelle et de Ferdinand, d'apr�s les
     chroniques. -- San Juan de los Reyes. -- L'h�pital de Santa
     Cruz. -- Les Soeurs de Saint-Vincent de Paul. -- Les
     portraits fameux de l'Universit�. -- L'ange et la peste. --
     Sainte-L�ocadie. -- El Cristo de la Vega. -- Le soleil
     couchant sur les pinacles de San Juan de los Reyes.           601

  IV. -- Les �cigarrales�. -- Le pont San Martino et son
     architecte. -- D�vouement conjugal. -- L'inscription de
     l'H�tel de Ville. -- Cordoue, l'Ath�nes de l'Occident. -- Sa
     mosqu�e. -- Ses fils les plus illustres. -- Gonzalve de
     Cordoue. -- Les comptes du _Gran Capitan_. -- Juan de Mena.
     -- Do�a Maria de Par�des. -- L'industrie des cuirs repouss�s
     et dor�s.                                                     613




  TOME XI, NOUVELLE S�RIE.--39e LIV.         N� 39.--30 Septembre 1905.


[Illustration: Le bazar de Tachkent s'�tale dans un quartier vieux et
f�tide (page 458).--D'apr�s une photographie.]




VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES

PAR M. JULES BROCHEREL.

     I. -- De Tachkent � Prjevalsk. -- La ville de Tachkent. -- En
     tarentass. -- Tchimkent. -- Aouli�-Ata. -- Tokmak. -- Les gorges
     de Bouam. -- Le lac Issik-Koul. -- Prjevalsk. -- Un chef
     kirghize.


[Illustration: Un kozaque de Djarghess (page 468).--D'apr�s une
photographie.]

Le 28 juin, apr�s trente-quatre jours de voyage, j'arrivais �
Tachkent, capitale du Turkestan russe. En m'embarquant � G�nes, je
pensais pouvoir franchir cette distance en moins de trois semaines.
Mais, en Orient, le temps ne fait pas monnaie, et on le d�pense sans
compter. Quand on part on ne sait jamais quand on arrive, et quand on
arrive on ignore � quel moment on se remettra en route. Le chemin est
jalonn� de menus incidents et de petites m�saventures qui, tout en
�prouvant la patience et le caract�re, n'en demeurent pas moins des
contre-temps toujours f�cheux pour un voyageur press�. Hommes et
choses semblent fig�s dans une fatidique immobilit�, contre laquelle
on ne peut rien.

Aussi, ce n'est pas sans un vif soulagement que j'aper�us sur le quai
de la gare de Tachkent la haute stature de don Scipion Borgh�se, et la
face barbue du guide Zurbriggen, qui me souhait�rent la bienvenue par
de cordiales et chaleureuses poign�es de main. Pensez donc! Ils
m'attendaient depuis quinze jours.

Nous d�cid�mes de partir le surlendemain, car la saison �tait d�j�
avanc�e et nous risquions fort de compromettre la campagne d'alpinisme
que nous allions entreprendre. Les deux journ�es qui nous restaient,
nous les employ�mes � visiter la ville, et � r�gler nos instruments �
l'Observatoire m�t�orologique.

Presque toutes les villes asiatiques ont des r�serves d'impr�vu pour
le nouveau d�barqu�, et poss�dent je ne sais quelle charmante
originalit� qui le captive de prime abord. Il n'en est point ainsi de
Tachkent. Cette ville n'a jamais �t�, dans les temps pass�s, qu'un
petit centre de commerce et un entrep�t de marchandises. Elle n'a,
pour ainsi dire, pas subi l'influence de l'�pop�e timourienne, et n'a
pas, par cons�quent, re�u l'empreinte de l'art iranien, qui laissa de
si belles traces dans la ville de Samarkand. Les ruines grandioses,
que les arch�ologues recherchent avec avidit�, y font compl�tement
d�faut.

Tachkent, comme �tendue, est aussi grande que Paris, mais ne compte
que 300�000 habitants. Sauf les quartiers indig�nes, refoul�s dans les
faubourgs, la ville pr�sente un aspect moderne, presque am�ricain. On
s'aper�oit imm�diatement que c'est une cit� toute jeune, cr��e sur un
plan d�termin�. Ses larges avenues qui s'entre-croisent et s'allongent
pendant plusieurs verstes, sont r�guli�rement plant�es d'une double
rang�e d'arbres, arros�s par des ruisseaux qui coulent abondamment des
deux c�t�s de la chauss�e.

Les maisons russes sont confortables, quoique tr�s basses, compos�es
d'un seul rez-de-chauss�e, � cause des fr�quents tremblements de
terre. Invariablement, un porche en bois y donne acc�s, et une vaste
cour ombrag�e les entoure de trois c�t�s.

Dans les rues, on trouve un peu partout des magasins de nouveaut�s,
des clubs, des biblioth�ques, des caf�s, tout le confort de la vie
moderne, avec ses d�fauts et sa corruption. Certes, si Tachkent ne
peut �tre consid�r�e comme une ville tr�s attrayante, elle ne doit pas
non plus �tre trait�e de lieu d'exil, comme de complaisants voyageurs
l'ont avanc�. Le nombre des �trangers qui l'habitent va toujours en
augmentant; il n'est pas rare que quelques-uns d'entre eux la quittent
apr�s fortune faite.

L'emplacement de la ville est bien choisi pour devenir un des plus
grands centres commerciaux de l'Asie. Situ�e au carrefour des routes
de la Sib�rie, de la Chine, de l'Afghanistan et de la Perse, reli�e �
l'Europe par une ligne de chemin de fer, environn�e de cultures
superbes qui ne font que s'�tendre, son avenir est des plus assur�s.
Et si la ligne projet�e qui doit passer par la S�miretchi� et aboutir,
� Ta�ga, au Transsib�rien s'effectue, son d�veloppement ne peut que
s'accentuer encore, car elle �changera ses produits avec les pays du
Nord, et deviendra un comptoir de premier ordre en Asie centrale.

Le bazar de Tachkent ne ressemble gu�re � ceux de Bokhara, de T�h�ran
ou de Tiflis. C'est un quartier � part, dont l'�l�ment tatar a �t�
modifi� par les races qui se sont tour � tour succ�d� dans le
Turkestan: quartier vieux et f�tide, dont la lumi�re et l'eau semblent
� jamais bannies.

Ce qui caract�rise le bazar de Tachkent, plus que les ruelles obscures
et fangeuses, recouvertes de loques invraisemblables et de nattes
�raill�es, plus que les �choppes encombr�es de marchandises bizarres,
et plus que la foule bigarr�e qui s'y presse, ou y caracole, c'est la
distribution des m�tiers en trente-deux groupes, et de chacun de ces
groupes en trente-deux sp�cialit�s. Quelle complication pour le
moindre achat qu'on y peut faire!

[Illustration: Itin�raire de Tachkent � Prjevalsk.]

Tachkent est une vraie p�pini�re de races, ayant chacune son quartier,
son temple, sa langue, son costume et ses traditions, anim�es les unes
� l'�gard des autres de rancunes et de haines que les si�cles n'ont
pas �touff�es. Au-dessus de ces races diverses, il existe un �l�ment
hybride, composite qui constitue le fond de la population de la ville,
et forme, pour ainsi dire, un trait d'union entre les naturels et les
exotiques: ce sont les Sartes. D'aucuns ont voulu croire que les
Sartes �taient un produit du m�lange d'Ouzbegs et de Tadjiks. C'est
une erreur. Leur tige g�n�alogique s'est greff�e aux plus disparates
tron�ons turco-mongoliques. Ce qui est certain, c'est qu'ils forment
une caste privil�gi�e. Le Sarte est plus instruit, plus souple et plus
entreprenant que tout autre de ses coreligionnaires.

L'habitation des indig�nes est plut�t mis�rable, et d'une solidit�
assez probl�matique. Les maisons, toujours tr�s basses, divis�es au
plus en deux ou trois compartiments, sont construites quelquefois en
trav�es de bois, mais le plus souvent elles se composent exclusivement
de murs en pis�. Les toits ne sont que des treillis de branchages,
consolid�s par une �paisse couche de terre, o� ne tardent pas � se
former des plants de coquelicots et de capucines. Tant que dure la
belle saison, tout va bien. Pendant les grandes chaleurs, une agr�able
fra�cheur r�gne � l'int�rieur de ces demeures, et en hiver l'�paisseur
de la couche d'argile est tr�s efficace � conserver le peu de chaleur
entretenue � grand'peine par la petite quantit� de combustible dont
on dispose. Mais, dans les fortes pluies, la terre se gonfle, craque,
et la fr�le charpente s'effondre tout � coup, surprenant quelquefois
la famille au milieu de la nuit. Aussi a-t-on soin de maintenir la
toiture en bon �tat, afin d'�viter autant que possible ces sortes
d'accidents.

[Illustration: Les marchands de pain de Prjevalsk (page 466).--D'apr�s
une photographie.]

Le 30 juin, � cinq heures du matin, nous quittons Tachkent. Les
tarentass, qu'on a lou�s la veille, nous attendent dans la cour de
l'h�tel. Les bagages, plut�t encombrants, sont charg�s, et nous
prenons place � l'int�rieur, o� nous nous am�nageons une petite
couchette sur une brass�e de paille.

Nous sommes dirig�s sur Prjevalsk, pr�s du lac Issik-Koul, au coeur
m�me des Monts C�lestes. La distance qui nous en s�pare est d'environ
900 kilom�tres, que nous comptons pouvoir franchir en une semaine.
Naturellement nous voyagerons jour et nuit, autant que nous le
permettront l'�tat de la route, la solidit� de nos �quipages et la
qualit� des chevaux que nous relayerons le long du chemin.

Au moment du d�part, tout va bien: le yemtchik fait claquer son fouet,
les grelots de la dounga tintent joyeusement, et l'air du matin chasse
les derniers vestiges d'un sommeil opini�tre.

La route, en sortant des faubourgs, d�bouche dans la rase campagne et
remonte lentement un long plateau, d'une triste sauvagerie. La teinte
br�l�e du gazon, macul�e �a et l� de flaques saum�tres, s'�tend �
l'infini et s'estompe dans la ligne de l'horizon. Le terrain, sur
lequel nous roulons � toute allure, s'enchev�tre peu � peu de bosses
et de fondri�res. Le tarentass se fait alors conna�tre pour ce qu'il
vaut. Nous avons beau nous cramponner aux rebords de la capote et
appuyer �nergiquement les pieds sous le si�ge du cocher, impossible
d'�viter les chocs et les heurts de la course folle. Deux mouvements
contraires secouent avec rage nos v�hicules: un mouvement d'avant en
arri�re et d'arri�re en avant et un mouvement de gauche � droite et de
droite � gauche, le tangage et le roulis! On saute, on danse, on
rebondit, on se cogne contre les ferrures, on est projet� contre son
voisin et on retombe d'une hauteur de plusieurs pieds sur les valises
qui servent de si�ges.

Le soleil, qui s'est lev�, br�le d�j� nos visages. Les chevaux, quand
ils ne s'embourbent pas dans la terre molle, soul�vent des nuages de
poussi�re, qui nous recouvrent enti�rement, bien que nos �quipages se
tiennent � une discr�te distance l'un de l'autre, afin d'amoindrir cet
ennui. Le prince et moi, nous jetons quelquefois un coup d'oeil en
arri�re, afin de constater si Zurbriggen et Abbas nous suivent. Nous
n'apercevons ni chevaux ni voiture, mais une v�ritable nu�e qui fonce
sur nous � une vitesse effr�n�e. De temps � autre, nous rencontrons
d'interminables th�ories de chariots, tra�n�s par des chevaux ou par
des buffles, attach�s au v�hicule qui les pr�c�de. Plus loin, ce sont
de longues caravanes de chameaux qui s'�cartent sur le bord de la
route, avec de grotesques balancements de t�tes et de lasses
courbatures de corps, comme s'ils marchaient sur une surface mouvante.
Ces convois, s'avan�ant d'un pas rythm�, m�canique, hommes, b�tes et
choses de la m�me teinte, ressemblent � des processions de revenants
condamn�s par la fatalit� � errer sans cesse sur la terre.

Vers midi, le chemin se d�roule, en de brefs lacets, sur la pente
d'une c�te o� court un filet d'eau encadr� de verdure. Sur les bords
du ruisseau quelques _yourtes_ (maisonnettes) sont diss�min�es parmi
les saules. Une modeste maison de poste nous invite � un sommaire
d�jeuner pendant qu'on relaye les chevaux. Dans les environs, quelques
champs d'orge rev�tent d'une blonde toison les mouvements du terrain.
Des cavaliers s'y rendent, la faux sur l'�paule; d'autres en
reviennent portant d'�normes faix d'herbes sur le devant de la selle.
Des chiens hargneux jappent aux jambes de nos chevaux et ne cessent
d'aboyer que lorsque nous sommes d�j� loin, dans les steppes.

Toute l'apr�s-midi s'�coule en plein d�sert. Les _stantzias_ ne sont
pas toutes situ�es au milieu d'un bouquet d'arbres. Quelques-unes
d'entre elles doivent se contenter d'eau de pluie qu'on recueille dans
des citernes, creus�es dans le sol. Aussi, malgr� la soif qui nous
d�vore, nous nous abstenons de boire quoi que ce soit.

Peu avant Tchimkent, nous devons traverser une s�rie de petits foss�s,
dont l'eau, en se faufilant dans les orni�res trac�es par les roues, a
converti la couche de poussi�re en une boue tenace et profonde d'o�
nos attelages ont mille peines � se d�p�trer. On cherche � �viter
cette fondri�re en prenant � c�t�, mais c'est quelquefois pire.

Nous traversons une rivi�re et nous p�n�trons peu apr�s dans la ville
de Tchimkent. Il est dix heures du soir. Sauf quelques rares lumi�res,
c'est l'obscurit� la plus compl�te, et de toute la �cit� verte� nous
ne voyons que le bouge qui sert de maison de poste, et o� nous devons
attendre deux heures avant de pouvoir repartir.

[Illustration: Un des trente-deux quartiers du bazar de Tachkent (page
458).--D'apr�s une photographie.]

Il y a l� un g�n�ral qui doit se rendre � Viernyi, et il va sans dire
que les chevaux disponibles sont pour lui. C'est un contre-temps qui
ne laisse pas de nous aigrir....

� minuit nous repartons, et nous regagnons bient�t le steppe. La route
para�t bonne, et nous cherchons � nous assoupir. L'air est
relativement frais, et surtout il n'y a pas de poussi�re.

Fatigu�s par un cahotement de vingt-quatre heures, les muscles
d�tendus, nous finissons par sommeiller autant que nous le permettent
le roulement de la voiture, le carillon de la dounga, et les cris, les
sifflements dont le cocher se sert pour encourager ses chevaux.

Mais le soleil ne tarde pas � nous frapper en plein visage; en m�me
temps nous �prouvons des secousses si violentes et si continues, que
nos yeux s'ouvrent: impossible de dormir. Nous descendons un couloir
d'�rosion, o� les galets d�tach�s des terrains sup�rieurs se sont
donn� rendez-vous sur la route m�me. Quant � les entasser sur les
bords, ou � les transporter ailleurs, personne n'y songe.

[Illustration: Un contrefort montagneux borde la rive droite du Tchou
(page 462).--D'apr�s une photographie.]

N'allez pas croire que le yemtchick ait mod�r� l'allure endiabl�e de
ses chevaux: sauf l� o� la pente est trop raide, et o� forc�ment il
doit ralentir son train, c'est comme s'il roulait sur une pelouse.

� Vannovsk, petit poste de Kozaques, perdu dans le steppe, nous devons
attendre de dix heures du matin jusqu'� trois heures de l'apr�s-midi.
Ici, ce n'est plus le g�n�ral qui a de l'avance sur nous, mais le
courrier. On ne conna�t pas l'heure de son passage, mais on a �t�
inform� qu'il arrivera et repartira dans la journ�e. Cela suff�t au
_smotrissiel_ pour nous refuser les chevaux pendant un temps
ind�termin�.

Fortement intrigu�s de cet �tat de choses insolite, nous demandons des
explications sur le fonctionnement �trange de la poste. Le smotrissiel
nous dit que notre _podoroyn�_ (feuille de route) n'est que de
troisi�me classe, et que par cons�quent il ne nous conf�re aucun
privil�ge. Il ne nous donne droit d'avoir des chevaux que quand le
courrier et les fonctionnaires auront �t� servis.

Heureusement, dans l'apr�s-midi, nous apprenons que des moujiks du
village nous loueraient volontiers des chevaux jusqu'� la prochaine
station. Nous d�battons les prix, et nous obtenons deux _tro�kas_ pour
quatre roubles. Nous faisons de m�me pour les relais suivants, car la
poste n'a pas l'air de se presser, et nous ne pouvons attendre son bon
plaisir.

Vers le soir, nous atteignons le col de Tchak-pak, large d�pression
qui s'ouvre dans la cha�ne du Karataou, se d�tachant des monts
Alexandre, et s'avan�ant, comme une jet�e cyclop�enne, dans l'espace
plat et d�sert. Au del�, nous nous engageons dans une petite gorge
boursoufl�e de rochers, et parsem�e de broussailles blanch�tres. Comme
la route est en pente raide, le cocher a attach� les roues du
tarentass, afin que son poids n'entra�n�t pas les chevaux. Ayant mis
pied � terre, pour nous d�gourdir un peu, nous d�couvrons une source
d'eau fra�che qui jaillit de la f�lure d'un rocher. C'est une aubaine
inattendue, qui nous permet de nous rafra�chir le gosier, br�l� par la
chaleur et la poussi�re.

� la tomb�e de la nuit, nous passons � Aouli�-Ata, village
insignifiant, qui doit sa petite c�l�brit� au tombeau d'un khan v�n�r�
par les Kirghizes. Son nom lui vient de l�: _Saint-P�re_.

La r�gion qui se prolonge au del� d'Aouli�-Ata, c'est le
_Tegherek-minn_ des nomades, le pays des �mille torrents� dont parle
le p�lerin chinois Hiouen-Tsang, et o� s'�tablit, selon la tradition,
le premier royaume des _Kara-Kita�s_, les Chinois noirs. C'est le
bassin sup�rieur du Tchou, dont les nombreux affluents, descendant des
monts Alexandre, arrosant la zone qui s'�tend � leurs pieds,
facilitent la culture. Graphiquement, ce faisceau de rivi�res a
quelque analogie avec un pin-parasol, dont les racines dispara�traient
dans le steppe. En effet, le Tchou, apr�s �tre devenu un fleuve
respectable, finit on ne sait o�, absorb� par les sables du d�sert.

Ce pays a �t� la voie historique des migrations, de la guerre, et du
commerce entre la Chine du nord et l'Asie occidentale. Mais les villes
que b�tissait un conqu�rant, un autre les renversait, et l'on n'y voit
plus que des ruines. Il en est ainsi de Merke et de Pichpek, que nous
rencontrons sur notre chemin, et o� de nombreuses colonies russes
cherchent � redonner l'ancienne fertilit� � ce sol st�rilis� par le
d�peuplement.

La fatigante monotonie des plaines du steppe est ici fr�quemment
rompue par le cours des rivi�res, sur la berge desquelles des fouillis
de joncs gigantesques �mettent une odeur de fourr�s de fauves. Les
tigres y apparaissent quelquefois pour donner la chasse aux sangliers
et aux antilopes qui y pullulent.

� Pichpek, nous laissons � gauche le grand _track_, qui continue sur
Viernyi, en �vitant, par un grand lacet, le contrefort qui se
prolonge et borde la rive droite du Tchou. Ceux qui veulent esquiver
ce fastidieux d�tour, prennent par Tokmak, o� un sentier m�ne
rapidement � la capitale de la S�miretchi�, en escaladant le col de
Kastek.

Enfin, nous approchons des montagnes, qui, depuis plusieurs jours, se
d�roulaient sans fin sur notre droite, et qui, avec leur dentelle de
neige, ne faisaient qu'augmenter notre impatience. Le paysage a chang�
d'aspect, et le regard peut se rafra�chir en se reposant sur la
verdure des prairies. Mais pas la moindre trace d'un bois, d'une for�t
quelconque. Allons-nous en �tre priv�s pendant toute la dur�e du
voyage? Au moment o� nous formulons cette question, nous voyons venir
au-devant de nous une file de chariots charg�s de troncs de sapins.
C'est d'un heureux pr�sage.

Vers le milieu de la troisi�me nuit, nos voitures s'arr�tent � la
station de Tjillaryk, isol�e compl�tement, et accot�e � l'escarpement
d'un promontoire, � l'entr�e des gorges de Bouam.

Ici, un incident se produit. � la merci d'un vent furieux et glac�,
nous frappons � la maison de poste, mais inutilement. On explore les
environs; pas le moindre signe de vie. Tandis que quelques-uns de
nous, d�courag�s, vont s'enfouir dans le tarentass, Zurbriggen revient
� la charge.

�J'enfoncerai la porte, dit-il, mais je veux savoir quelque chose.� Et
il cogne dur sur le panneau. Enfin, on entend craquer le plancher, et
la porte s'ouvre. Un tout jeune homme � moiti� d�shabill� se pr�sente,
une bougie � la main. Nous n'attendons pas qu'il nous invite �
p�n�trer dans son logis, bien que son accueil ne soit pas pour nous y
convier. Un rapide coup d'oeil, jet� � l'int�rieur de la poste, suffit
� nous faire rebrousser chemin!

Nous apprenons qu'il n'y a pas un seul cheval libre, et que,
d'ailleurs, la route �tant mauvaise, il est prudent d'attendre
jusqu'au lendemain. De bonne heure, on pourra aller chercher les
b�tes, qui ne sont pas rentr�es du p�turage. Nous profitons de ce
sursis pour faire un petit somme, blottis sous les couvertures. � la
premi�re lueur du jour on attelle les chevaux, et on repart.

Cette fois, les voitures ont chang� leur train enrag�, et c'est �
petits pas que nous grimpons un raidillon, surplombant un affreux
pr�cipice. La route est trac�e sur de nombreux mamelons qu'on remonte
et redescend, tel un ruban qu'on laisserait choir sur une surface
ondul�e.

Les parois du d�fil� sont d�chir�es �a et l�, montrant la nudit� de
leur structure. Ce sont d'�normes d�p�ts de calcaires rouge�tres,
entrem�l�s de couches de schistes moir�s. Dans la partie sup�rieure,
il y a de curieuses formations de _pouddingues_, qu'on prendrait pour
des coul�es de lave, n'�taient leurs �raflures grenues provoqu�es par
la corrosion des eaux.

En somme, c'est une gorge tr�s int�ressante pour le g�ologue, mais
ennuyeuse pour le simple voyageur qui doit � chaque instant mettre
pied � terre, et n'a pas m�me la compensation d'une �chapp�e
pittoresque. Apr�s deux relais, pendant lesquels nous repassons sur la
rive droite du Tchou, nous apercevons devant nous une nappe d'eau
bleu�tre qui s'�tend � perte de vue. Au del�, une muraille cr�nel�e,
s'estompant dans la brume, nous annonce l'approche de la haute
montagne. C'est le lac Issik-Koul et la cha�ne du Terske� Ala-taou.

[Illustration: Le bazar de Prjevalsk, principale �tape des caravaniers
de Viernyi et de Kachgar (page 466).--D'apr�s une photographie.]

Le tableau est admirable de couleur et de ligne. Au premier plan, la
d�clivit� fauve du talus de la montagne s'�vase lentement vers le
lac, o� de minuscules falaises abritent des colonies de cygnes
sauvages, de p�licans, de toute une tribu vari�e d'oiseaux aquatiques.
La gr�ve, d'un rouge dor�, borde la chatoyante surface de l'eau, d'une
polychromie sans cesse changeante. Tout au fond, au-dessus d'une
couche ouat�e de vapeurs violettes, le Terske� Ala-taou dresse son
rempart de roches, avec les arabesques lumineuses de ses reliefs et le
fouillis cendr� de ses ombres. Le tout est si t�nu, si effac� et si
dilu�, que l'�loignement semble beaucoup plus grand qu'il ne l'est en
r�alit�.

[Illustration: Couple russe de Prjevalsk.--D'apr�s une photographie.]

Pendant les premi�res cent verstes, la campagne est absolument inculte
et inhabit�e. La route traverse de nombreux c�nes de d�jection,
encombr�s de d�bris de la montagne, et bossel�s de petits tertres de
terre, portant chacun une touffe de gramin�es. Notre passage met en
�moi des milliers de li�vres, qui se sauvent de chaque c�t� du chemin,
tandis que de grands vautours les guettent, perch�s sur un tombeau
kirghize, ou planant au-dessus de nos t�tes.

Mais � mesure que nous avan�ons, le paysage s'anime de quelques
troupeaux de b�tail; nous voyons des aouls kirghizes, et des villages
de Kozaques; deux de ces derniers sont m�me de petits bourgs tr�s
florissants, gr�ce � des torrents qui arrosent les environs.

Le long de la route d�filent d'innombrables tombeaux kirghizes group�s
en n�cropoles, ou isol�s dans le steppe. Les bords du lac Issik-Koul
sont r�put�s comme sacr�s par les nomades, et les gens ais�s s'y font
construire des monuments fun�raires. Tous ces tombeaux sont en terre
glaise battue, et affectent presque toujours la forme d'une pyramide
tronqu�e s'�levant en menus gradins. Quelques-uns sont m�me tr�s
somptueux par rapport aux mat�riaux employ�s et � l'endroit d�sol� o�
ils se trouvent. Leur construction se compose de quatre murs en
argile, supportant un d�me, sur le haut duquel sont fix�s diff�rents
attributs, comme cr�nes d'animaux, verroteries et queues de cheval
flottant au bout d'une perche. La fa�ade est agr�ment�e d'ouvertures
ogivales, ouvrag�es de motifs et inscriptions en relief, le tout
fa�onn� dans un style incertain et avec des sym�tries enfantines.

� l'extr�mit� orientale du lac, le Kounghe� Ala-taou court tout pr�s
du lac, et le chemin est taill� quelquefois dans le roc. Les flancs de
la montagne sont tr�s tourment�s, et se h�rissent de quelques sombres
sapini�res. � droite, dans un endroit d�sert et sauvage, le monast�re
de Tro�tsky mire ses b�tisses dans les eaux du lac. Il para�t que ce
couvent est une prison, un refuge, un lieu d'exil, et un cottage en
m�me temps.

[Illustration: Arriv�e d'une caravane � Prjevalsk.--D'apr�s une
photographie.]

� dix heures, le 6 juillet, nous passons par Preobrajensk, qui
�chelonne ses maisons sur le dos d'une falaise. Nous ne sommes plus
qu'� 30 verstes de Prjevalsk. Le plateau qui s�pare les deux villes,
s'�tage en plusieurs terrasses successives, entrecoup�es par les eaux
du Tioum et du Djargalan qui ont creus� des lits profonds dans cet
instable terrain d'alluvions. Sauf au bord de l'eau, le sol est
partout d�pourvu de v�g�tation.

Enfin nous atteignons le dernier repli, et nous entrevoyons l'ancienne
Karakol, assise pittoresquement au milieu d'une verte frondaison et
appuy�e au pied d'un amphith��tre de hautes montagnes neigeuses. De
prime abord, elle ressemble � une bourgade des Alpes, avec ses
clochers, ses vergers, ses bois et ses glaciers, s'�tageant sur les
hauteurs. Seulement, autour d'elle, le steppe la cerne, inculte et
comme br�l� par le feu. Cette grande tache de vert tendre, perc�e de
points blancs et dor�s, r�jouit nos yeux. M�me de loin on sent la
bienfaisante influence de cette v�g�tation inopin�e, et la vue seule
de la neige nous rafra�chit le visage.

Aux abords de la ville, la route est flanqu�e de peupliers, au del�
desquels s'�tendent des champs de c�r�ales et de pavots multicolores.
Un cimeti�re s'allonge � la droite du chemin, avec ses tumulus et ses
sarcophages en terre glaise.

[Illustration: Le chef des kirghizes de Prjevalsk et sa petite
famille.--D'apr�s une photographie.]

Il est deux heures de l'apr�s-midi quand nous p�n�trons dans la cour
de la maison de poste de Prjevalsk. Nous quittons nos tarentass. Ce
n'est pas trop t�t! Nous sommes tous meurtris, et comme d�sarticul�s.
Zurbriggen ne peut s'emp�cher d'exprimer sa satisfaction. Il nous
assure que jamais, dans ses voyages aux Indes, en Australie et dans
l'Argentine, il n'a rencontr� d'aussi malencontreux v�hicules.

Le smotrissiel, tr�s obligeamment, nous offre les deux pi�ces qu'on
destine habituellement aux voyageurs. Les meubles n'existent pas, mais
nous coucherons par terre. Ce sera toujours mieux que sur le
tarentass. En attendant, une foule de gamins et de badauds ont envahi
la cour, attir�s par l'�tranget� de notre accoutrement. Peu apr�s
arrive un gendarme colossal, qui requiert nos papiers. Apprenant qui
nous sommes, il s'en va incontinent en r�f�rer au gouverneur qui
vient, accompagn� d'un interpr�te, nous pr�senter ses compliments
protocolaires.

Nous d�sirerions que ces messieurs nous donnassent, au moins, quelques
utiles indications sur le massif du Khan Tengri et les vall�es qui y
aboutissent, mais ils ne peuvent rien nous apprendre que nous ne
sachions d�j�. Cependant, le Gouverneur nous promet un garde pour nous
accompagner, et M. Kross, l'interpr�te-pharmacien de la ville, fera de
son mieux pour nous aider dans nos recherches.

Le lendemain, il nous conduit chez un chef kirghize, duquel nous
esp�rions avoir des renseignements et surtout un guide attitr� des
montagnes. C'�tait un vieux renard que ce chef, borgne, � la barbe de
fleuve, et drap� dans une ample houppelande en soie de couleur. En
entrant dans son logis--une masure en d�cr�pitude,--nous aper��mes une
couv�e de marmots, qui jouaient dans la cour avec les oies et les
poules qui s'�chapp�rent en tout sens, par des issues invisibles. Le
personnage nous re�oit dans une pi�ce qui, pour �tre le home d'un
chef, n'en demeure pas moins un trou malpropre, o� il y a pour tous
meubles un tapis et deux ou trois coffres pouss�s dans les coins. Nous
nous asseyons � la turque autour de lui et nous l'�coutons
attentivement afin de d�chiffrer quelque chose du charabia qu'il
d�bite avec une volubilit� d�bordante. Notre interpr�te officieux n'a
pas l'air de se d�ranger trop souvent pour nous traduire en allemand
le discours du chef. � force d'attention, nous p�n�trons le
raisonnement de notre h�te, qui n'est autre qu'une violente diatribe
contre les nouveaux ma�tres du pays, qui l'ont d�poss�d� de ses
privil�ges d'antan. Cette franchise est imprudente de sa part. Il ne
se g�ne pas pour souligner ses phrases, en nous tapant sur l'�paule,
ou en nous pressant famili�rement les genoux. Il nous prend la main,
dont il �carte les doigts s'il veut �num�rer quelque chose. Il nous
promet tout ce que nous voulons avec des _da, da, da_ pleins
d'excuses. Avant de se s�parer de nous, il nous offre le _tchia�_, que
sert une de ses ni�ces, une superbe jeune fille de seize ans, dans un
n�glig� par trop indiscret. Il faut croire que ce rus� personnage
n'�tait pas tr�s vers� dans les us et coutumes des Occidentaux: il
cassait le sucre avec une brosse quelconque sur le plancher, et nous
jetait n�gligemment les morceaux en prenant nos tasses pour cibles.

Dans la soir�e nous allons visiter le �boulevard�. C'est ainsi que les
Russes d'Asie appellent les parcs qu'ils entretiennent avec de grands
soins dans toute ville qui se respecte. L'�glise, le parc et le club,
ce sont les trois �l�ments _sine qua non_ de l'existence dans ces
pays. Le parc de Prjevalsk est surtout int�ressant pour nous avec son
jardinet de plantes locales, et les quelques grosses pierres blanches
qui surgissent dans le feuillage des buissons. De loin, ces pierres ne
nous disent pas grand'chose; mais, en approchant, on distingue des
formes r�guli�res, quelque chose comme des t�tes humaines,
grossi�rement sculpt�es. Ces pierres sont d'anciens monuments
fun�raires des Nestoriens, qui � une �poque ind�termin�e ont d�
habiter le pays. Il serait tr�s int�ressant pour l'histoire de ce
peuple, de recueillir et d'analyser tous les documents que leur
passage a jalonn�s en Asie centrale. M. Gourdet, un ing�nieur fran�ais
�tabli � Viernyi, qui nous fit l'honneur d'un entretien, avait d�j�
retrouv� maintes �paves des doctrinaires de Nestorius, qui jadis
�tendaient leurs colonies jusque sur les confins de la Mongolie.

� Prjevalsk nous devions nous procurer des chevaux, acheter les
grosses provisions de bouche, et recruter des indig�nes pour la
conduite des b�tes de somme.

[Illustration: Notre djighite, sorte de garde et de policier (page
467).--D'apr�s une photographie.]

Les chevaux valent une trentaine de roubles environ; les juments �
lait jusqu'� quarante et cinquante. Mais les maquignons auxquels nous
nous adress�mes, nous en demand�rent tout de suite le double, nous
traitant en �trangers. Nous les d�rout�mes bient�t par un petit
stratag�me. Nous f�mes r�pandre le bruit que nous allions nous rendre
ailleurs, et, pour donner plus de cr�ance � ce bruit, nous appr�t�mes
les voitures. Cela fit son effet. Depuis lors, pendant toute la
journ�e, et plusieurs jours de suite, tous les chevaux de la ville et
des environs d�fil�rent devant nos yeux, dans la cour de la maison.
Nous n'avions qu'� choisir. Nous en pr�mes douze: six pour la selle,
et six pour le b�t.

On ne peut imaginer les ennuis de toutes sortes que demande
l'organisation d'une petite caravane dans un pays o� l'on ne peut se
faire comprendre que par l'interm�diaire de tierces personnes.
Heureusement pour nous, Abbas se multipliait avec une abn�gation et
une honn�tet� extraordinaires, et M. Kross nous pilotait dans les
magasins de la ville.

Le bazar de Prjevalsk est tr�s fr�quent� par les Kirghizes et par les
caravaniers qui font la navette entre Viernyi et Kachgar, en passant
par les cols de Djououka et de Bedel. En dehors de ce peu de commerce,
la ville est sans importance.

Les environs sont tr�s fertiles, riches en p�turages, en c�r�ales et
en arbres � fruits; seulement, on ne cultive que pour la consommation
locale. On n'exporte gu�re que de l'opium, de la laine et quelques
fourrures. Avec le chemin de fer Transasiatique, le bassin de
l'Issik-Koul acquerra un d�veloppement consid�rable, car le terrain,
form� d'alluvions, est des plus productifs. L'eau est plus que
suffisante, les vall�es foisonnent de gibier, et les montagnes
rec�lent de vastes gisements miniers. En dehors de ces ressources, le
pays est tr�s sain, d'une captivante beaut�, tout en ayant un climat
temp�r�.

[Illustration: Le monument de Prjevalsky, � Prjevalsk.--D'apr�s une
photographie.]

Avant de quitter la ville, nous all�mes d�poser une gerbe de fleurs
sur la tombe du grand explorateur Prjevalsky, qu'un modeste monument
rappelle � la post�rit� � l'endroit m�me o� il succomba. Il se trouve
tout pr�s du lac, sur le haut d'une falaise, isol� au bord du steppe.
L'emplacement ne pouvait �tre mieux choisi pour recevoir le corps de
celui qui passa la moiti� de sa vie � errer dans les solitudes de
l'Asie centrale. Une pyramide en rocaille supporte un aigle aux ailes
�ploy�es, tenant dans ses serres une croix orthodoxe et une cha�ne
bris�e, pour indiquer que la civilisation russe a supprim� l'aveugle
fatalisme qui retenait les populations dans la barbarie. Vers la
moiti� du socle �merge le m�daillon du c�l�bre savant, avec des
inscriptions rappelant ses exploits. � c�t� du monument, la pierre
tombale est entour�e d'un parterre de fleurs, qu'un jardinier
entretient constamment.

Le 11 juillet, � deux heures de l'apr�s-midi, nous partons de
Prjevalsk. Notre caravane se compose de sept hommes et de treize
chevaux. Le chef kirghize nous avait bien promis un de ses administr�s
pour nous guider dans les montagnes de sa juridiction, mais nous
l'attend�mes en vain. Nous appr�mes plus tard que ce bonhomme n'avait
jamais �t� chef de tribu, mais qu'il �tait r�put� par les nomades
comme un puits de science, une esp�ce de Salomon, tranchant les
questions les plus ardues. Aussi les Kirghizes viennent-ils le
consulter souvent; et, pour cet effet, ils n'h�sitent pas � faire des
centaines de verstes.

[Illustration: Des t�tes humaines, grossi�rement sculpt�es, monuments
fun�raires des nestoriens... (page 466).--D'apr�s une photographie.]

Notre personnel se compose d'Abbas, d'un _djighite_, d'un jeune colon
russe, Piotra, et d'un nomade, chasseur de profession. Ces quatre
individus de races si diff�rentes, ont toutes les peines du monde �
s'accorder. Le nomm� Abbas est un irani authentique d�racin� du
Farsistan, dont l'accoutrement est une singuli�re r�miniscence des
milieux dans lesquels il a pass�. Imaginez un homme plut�t malingre,
d'une taille moyenne, � la figure quelconque, � la barbe cr�pue et �
la chevelure d'�b�ne ruisselant en boucles sur le revers du veston.
Car il porte un veston, un pantalon et des bottines jaunes �
l'europ�enne, tandis que, en dessous et en dessus, il s'affuble de
nippes persanes, pliss�es et serr�es � la taille par une ceinture avec
boucle de fantaisie. � son c�t�, pend l'ins�parable yatagan, et sur
son chef s'�l�ve un magistral bonnet en toison d'agneau. De loin, il a
plut�t un air r�barbatif et des allures d'�gorgeur. Au fond, c'est un
brave homme, honn�te jusqu'au scrupule, et qui avec ses aptitudes
multiples et le z�le consid�rable qu'il d�ploie, peut devenir, suivant
les occurrences, un drogman, un cuisinier, un caravanier et autre
chose encore.

Le djighite est une sorte de garde et de policier aux ordres du
Gouvernement russe. Bien qu'il soit aussi kirghize que les nomades
auxquels il a affaire, il se pr�tend sup�rieur � eux et les traite
avec la derni�re brutalit�. Il va sans dire que quand il accomplit une
tourn�e pour faire rentrer les tributs, une bonne part du produit
entre dans sa poche, l'employ� des finances n'ayant qu'une vague id�e
de la statistique de ses contribuables. Le n�tre �tait porteur d'une
lettre autographe en langues russe et kirghize, munie du sceau du
gouverneur, dans laquelle il �tait ordonn� de nous recevoir en amis et
de nous offrir tout ce dont nous pourrions avoir besoin. Ce papier
�tait pour nous comme un talisman qui nous rendait presque
intangibles. Nous sachant des prot�g�s de la Russie, les nomades se
seraient bien gard�s de nous molester en quoi que ce soit, car la
moindre transgression au devoir d'hospitalit� leur aurait peut-�tre
co�t� cher. Le djighite, pour faire conna�tre sa qualit�, porte une
plaque en t�le sur son _tchiapann_ et est arm� d'un sabre et d'un
revolver. Notre djighite a l'air tr�s malin, tout en �tant un d�vou�
serviteur, bien qu'il ne soit pas pay� par nous. Cependant on lui a
promis un cadeau s'il fait bien son service.

Piotra et le �chasseur� sont des personnages de moindre importance. Le
premier est fils d'un Kozaque, cantonn� � Prjevalsk; il nous sert de
sommelier. Le deuxi�me, un Kirghize de corps et d'�me, est le meilleur
caravanier qu'on puisse rencontrer; il conduit bien ses chevaux et
�vite avec soin les accidents de la route, mais une fois arriv� �
l'�tape il devient de plomb, et il est impossible de le faire bouger.

En sortant de Prjevalsk nous prenons la route qui, passant par le col
de Santach, contourne les deux cha�nes de l'Ala-taou transilien et du
Kounghe� Ala-taou et aboutit � Viernyi. Elle se d�roule au milieu
d'une campagne fertile, mais peu cultiv�e, � l'escarpe des derniers
contreforts du kirghize Ala-taou.

Apr�s une dizaine de verstes, nous touchons Aksou�skijie, une
mis�rable colonie de Kozaques. Toute la population se range sur le
chemin; les hommes aux lourdes bottes et � la chemise �carlate tombant
sur le pantalon, nous saluent respectueusement. Les femmes, aux formes
rebondies, et couvertes de haillons aux couleurs �clatantes, se
tiennent dans l'embrasure des portes, les poings sur les hanches.

Vers sept heures, nous nous arr�tons pr�s d'un ruisseau, pour camper.
Un peu plus bas, une vingtaine de masures se cachent derri�re une haie
de saules: c'est Djarghess, autre colonie de Kozaques.

Notre arriv�e et notre installation n'ont pas manqu� d'attirer des
curieux; ce sont presque tous des Kozaques du village voisin, qui
viennent famili�rement s'accroupir autour du feu. Une bonne femme
pousse m�me la gracieuset� jusqu'� nous offrir un vase de lait. Nous
lui distribuons de gros morceaux de sucre, dont elle est tr�s friande.

En attendant le d�ner, nous fl�nons autour des tentes tout en admirant
un inoubliable coucher de soleil. En aval, la petite rivi�re de
Djargalan serpente au milieu d'une plaine bleu�tre, agr�ment�e de
quelques arbres solitaires, dont les sombres silhouettes se d�tachent
sur les lointains lumineux. Suivant les sinuosit�s du ruisseau, les
yourtes ou tentes des nomades s'�gr�nent pr�s de la berge dans une
b�ate qui�tude, avec des panaches de fum�e s'envolant au-dessus de
leur d�me en feutre. � notre gauche, � plus de deux cents verstes, les
monts Alexandre, d'un lilas cendr�, l�vent leurs t�tes neigeuses. �
droite l'Ala-taou s'avance insensiblement de notre c�t�, accentuant
ses d�tails, et fon�ant sa teinte � mesure qu'il s'approche de nous,
gouach� �a et l� par les derniers �panouissements du soleil. Le lac
reste masqu� par l'�paisse couche de vapeurs que la subite fra�cheur
de la nuit a condens�es.

Mais Piotra, le Russe, nous a pr�par� le d�ner sur un tapis de feutre,
devant la tente du prince. Nous nous asseyons gaiement par terre,
appuy�s sur un coude, autour d'une serviette o� est plac� le modeste
et frugal repas. Dans le menu figure encore un poulet r�ti. Seulement,
il est d'une r�sistance in�branlable.

Enfin, � dix heures, nous nous glissons dans nos sacs, et nous
cherchons � nous endormir. C'est la premi�re nuit de campement. Notre
corps a d�j� subi maintes �preuves; notre �piderme s'est pour ainsi
dire insensibilis� sur le tarentass, ce qui n'emp�che pas que nous
sentions encore quelques menus cailloux nous agacer insolemment les
c�tes. Mais la fatigue ne tarde pas � nous plonger dans les bras de
Morph�e.

  (_� suivre._)                         JULES BROCHEREL.

[Illustration: Enfants kozaques sur des boeufs.--D'apr�s une
photographie.]

Droits de traduction et de reproduction r�serv�s.




  TOME XI, NOUVELLE S�RIE.--40e LIV.         N� 40.--7 Octobre 1905.


[Illustration: Un de nos campements dans la montagne.--D'apr�s une
photographie.]




VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES[1]

         [Note 1: _Suite. Voyez page 457._]

PAR M. JULES BROCHEREL.

     II. -- La vall�e de Tomghent. -- Un aoul kirghize. -- La
     travers�e du col de Tomghent. -- Chevaux alpinistes. -- Une
     vall�e d�serte -- Le Kizil-tao. -- Le Saridjass. -- Troupeaux de
     chevaux. -- La vall�e de Kachkateur. -- En vue du Khan Tengri.


[Illustration: Mont�e du col de Tomghent.--D'apr�s une photographie.]

Le 12 juillet nous sommes debout d�s cinq heures. Mais il faut faire
et prendre le th�, assembler les chevaux, trier les bagages et les
charger; il est bien sept heures quand nous levons le camp pour
quitter la pauvre bourgade kozaque d'Aksou�skijie.

Pendant qu'on d�marre, nous croisons d'innombrables caravanes de
Kirghizes, qui �migrent vers les monts Alexandre, � la recherche de
nouveaux p�turages. Ces longues files d'hommes, de femmes et
d'enfants, mont�s sur des chevaux, des chameaux ou des boeufs; ces
milliers de brebis s'avan�ant comme une mar�e vivante; ces centaines
de chevaux aux robes multicolores, de tous les �ges et de toutes
tailles; ces bandes de chameaux attach�s les uns aux autres,
disparaissant sous les objets les plus divers, et proc�dant d'un pas
uniforme; enfin ce confus clapotement des sabots sur le gravier de la
route, m�l� aux hennissements des poulains appelant leurs m�res, aux
b�lements des agneaux, aux cris d�chirants des dromadaires, aux
sifflements et aux appels des bergers,... tout cela forme un spectacle
unique: c'est un d�fil� f�erique, propre � frapper et � �mouvoir les
gens les plus blas�s.

Peu apr�s Djarghess, la route effleure un mamelon rocheux, et continue
� gravir lentement la pente de gauche de la vall�e de Djargalan. En
aval, toute une ville de yourtes se r�veille pr�s de la rivi�re; de
nombreux troupeaux, partent en tout sens, tandis qu'autour des tentes
errent des personnages microscopiques. Nous suivons un sentier qui
nous conduit � l'entr�e de la vall�e de Tomghent, dont les lianes sont
presque enti�rement recouverts par une �paisse sapini�re. Le chemin
longe la rive gauche du torrent, au milieu d'un chaotique
amoncellement de pierres et d'un enchev�trement de branches qui sont
loin de faciliter la circulation. Pourtant, la route est assez
fr�quent�e par les Kirghizes qui habitent de l'autre c�t� de la
montagne, mais aucun ne s'est avis� de frayer un passage convenable
au milieu de ce dangereux fouillis de ronces. Dans certains endroits,
on est oblig� de se coucher sur le cou du cheval pour �viter une
branche qui empi�te sur le chemin; ailleurs il faut se livrer � de
vrais tours d'acrobate pour contourner un gros bloc roul� sur le
sentier. Il en est ainsi depuis des si�cles, et cela continuera encore
longtemps.

[Illustration: Dans la vall�e de Kizil-tao (page 473).--D'apr�s une
photographie.]

Nous admirons l'habilet� avec laquelle nos montures triomphent des
mille et un obstacles de ce terrain tourment�, le flair et l'adresse
avec lesquels elles savent �viter les passages dangereux. Seulement,
il faut se tenir sur le qui-vive, car le moindre faux mouvement de la
b�te nous lancerait vite dans le torrent qui gronde � c�t�.

Un pont primitif, fait avec des troncs d'arbres jet�s transversalement
sur deux poutres, nous m�ne sur l'autre rive. Ici, il faut gravir une
s�rie de raidillons jonch�s de cailloux qui s'�boulent en avalanches
sous les pieds des chevaux. Arriv�s � un certain point, un �croulement
de monolites semble nous barrer le chemin. Eh bien, non: nos chevaux
passent par dessus les rocs avec une agilit� de ch�vre, ou posent
adroitement leurs sabots dans les interstices des blocs, sans que
leurs jarrets en re�oivent la moindre �gratignure.

[Illustration: Itin�raire du voyage aux Monts C�lestes.]

Mais la for�t devient clairsem�e, la vall�e se d�couvre et un superbe
cirque de p�turages d�cline moelleusement vers la rivi�re. Nous
longeons le gravier du torrent. Au del� nous rencontrons un aoul
kirghize, compos� de quelques yourtes �gren�es le long d'un ruisseau.
� notre approche toute la tribu sort des tentes et nous regarde
anxieusement, presque affol�e de notre brusque apparition. Le fusil
que Zurbriggen porte en bandouli�re n'est peut-�tre pas fait pour leur
donner une opinion trop bienveillante sur nos intentions. Cependant un
homme, qui a reconnu le djighite, se d�tache du groupe, et lui demande
ce que nous voulons. Nous nous arr�tons en face d'eux, dans une
d�pression de la colline. Pendant que nous hissons nos tentes,
quelques membres de la colonie nous apportent de la cr�me, du lait et
des borsaks, biscuits faits avec de la farine d'orge frite dans de la
graisse de mouton. En �change, nous donnons aux femmes des bagues et
des peignes en aluminium, ce qui les met au comble du bonheur.

[Illustration: La carabine de Zurbriggen intriguait fort les indig�nes
(page 472).--D'apr�s une photographie.]

Je remarque une jeune fille, rouge comme une pivoine, aux traits
r�guliers, coiff�e d'un bonnet en poil de renard, sous lequel descend
une multitude de petites nattes de cheveux couleur jais. Sous son
tchiapann entre-b�ill� on entrevoit une charpente rudement taill�e. En
s'en allant toute joyeuse du modeste cadeau re�u, elle ne trouve rien
de mieux que d'administrer de formidables coups de poing � son petit
fr�re, l'envoyant � maintes reprises rouler sur le gazon. C'est une
fa�on � elle de le taquiner.

L'endroit o� nous sommes s'appelle Bak-hali-koul. Nous n'avons jamais
su pourquoi; les nomades n'en savent rien; pourtant, la vall�e est
toujours la m�me.

_13 juillet._--Plus haut, la vall�e se bifurque. Nous nous engageons
dans le vallon de gauche, qui se dirige vers le Levant. Deux cavaliers
nous ont aper�us d'en haut, et descendent � notre rencontre. Ils
s'enqui�rent aupr�s du djighite, lequel pour toute r�ponse exhibe le
papier dont il est muni. Ne sachant le d�chiffrer, ils appellent un
jeune homme qui se trouve �tre l'unique lettr� de la tribu. En
apprenant qui nous sommes, on fait avertir le boloch ou chef, de notre
arriv�e.

Quand nous atteignons la premi�re cabane, nous nous voyons cern�s par
une foule de personnages aux longues robes et coiff�s invariablement
d'un bonnet en peau d'agneau. Au premier rang se tiennent les anciens
de la tribu, parmi lesquels le boloch, qui, s'avan�ant de notre c�t�,
nous souhaite la bienvenue dans un incompr�hensible charabia, tout en
nous faisant une s�rie de courbettes, les mains soigneusement crois�es
sur le ventre.

Un tapis est �tendu sur l'herbe, o� l'on nous invite � nous reposer un
instant. Pendant que nous vidons les �triers, des hommes tiennent la
bride de nos chevaux. Tout le monde prend place autour de nous, en
cercles concentriques; on apporte une outre de _koumiss_, et des bols
de fa�ence. Ces �cuelles sont pour les naturels du pays un luxe
exceptionnel, une vaisselle r�serv�e exclusivement pour les grandes
occasions. Aussi les renferme-t-on avec soin dans des �tuis _ad hoc_,
bien capitonn�s, appel�s _tchiennegat_.

Toute la caravane fait honneur au koumiss du boloch, sauf Zurbriggen
et moi. Acquies�ant aux incitations r�it�r�es du chef, j'essaie
pourtant d'approcher le bol de mes l�vres; mais, � l'instant m�me, je
sens une telle puanteur se d�gager du liquide, que je dois d�tourner
la t�te pour ne pas avoir la naus�e. On dit que le koumiss est une
boisson capiteuse, tr�s rafra�chissante et d'un go�t agr�able;
peut-�tre, mais toujours est-il qu'on le pr�pare dans des vases en
peau qui ont plusieurs centim�tres de crasse, et en outre le lait
contient un tas de malpropret�s qui ne vous engagent pas � le boire.

Ce qui excita le plus la curiosit� des nomades, ce furent nos
chaussures clout�es et la carabine de Zurbriggen. On se la passait de
main en main, pendant que d'autres examinaient nos brodequins, en
palpant la semelle et en comptant un � un les clous qui en sortaient.

Comme il est un peu tard, nous croyons prudent de nous remettre
imm�diatement en route. Des cavaliers kirghizes s'offrent pour nous
accompagner jusque sur le col de Tomghent.

Dans la mont�e nous rencontrons de nombreuses yourtes, autour
desquelles des femmes sont occup�es � tanner des peaux de mouton, et �
tresser des bandes d'�toffe. Les peaux sont tendues au moyen de
piquets enfonc�s dans le sol, et recouvertes d'un m�lange de lait
caill� et de terre argileuse, qu'on renouvelle tous les deux jours;
apr�s quoi, on les racle avec un couteau.

Des troupeaux de brebis, de ch�vres, de chameaux sont dispers�s un peu
partout sur les deux flancs de la vall�e, jusqu'� la limite des
neiges.

Le chemin devient tr�s escarp�; il faut le chercher au milieu d'une
vaste zone d'�boulis qui s'�paississent � mesure que nous montons. �
midi nous nous trouvons tous r�unis au bas du col. Un glacier, d�blay�
de neige, ray� en diagonale par une bande obscure, descend jusqu'�
nous. En temps ordinaire, c'est-�-dire quand il y a beaucoup de neige,
on monte en suivant cette ligne, qui n'est autre que de la fiente de
moutons, d�pos�e au fur et � mesure par les caravanes. Mais ce chemin
nous est absolument interdit dans l'�tat o� se trouve la glace. Les
sabots des chevaux n'auraient aucune prise et les b�tes glisseraient
in�vitablement avec charges et cavaliers. Nous croyons pr�f�rable
d'attaquer le glacier de front au lieu de le prendre de biais. La
distance qui nous s�parera du sommet sera moindre; puis les chevaux,
en gravissant ainsi la pente, se trouveront avoir plus d'adh�rence sur
la surface gel�e.

Pendant qu'on d�charge les chevaux, Zurbriggen taille des marches avec
son piolet, afin de faciliter l'ascension. Je lui embo�te le pas,
tenant mon cheval par la bride. Apr�s une cinquantaine de m�tres, je
m'aper�ois que celui-ci, au lieu de mettre ses pieds dans les creux,
pr�f�re marcher � c�t�, o� ses sabots peuvent entamer une l�g�re
cro�te de neige durcie. Enchant� des aptitudes alpinistes de mon
coursier, je le laisse faire, et continuant ainsi je parviens sans
encombre au sommet du col.

[Illustration: Au sud du col, s'�levait une blanche pyramide de glace
(page 478).--D'apr�s une photographie.]

Profitant de cette le�on, nous conduis�mes en tr�s peu de temps toutes
les b�tes sur le haut du glacier. Puis on transporta les bagages. Les
Kirghizes, malgr� leurs chaussures rudimentaires, se mirent � la
besogne avec beaucoup de courage et de d�vouement.

Quand tout fut termin�, et pendant que nous �tions en train de nous
restaurer un peu, survint une bourrasque de gr�le qui eut vite fait de
transpercer nos v�tements. Il fallait transiger avec l'estomac et
d�m�nager s�ance tenante de cette altitude de 3�545 m�tres, d'autant
plus qu'il soufflait un vent glacial, qui risquait d'�tre dangereux.

Nous d�val�mes lentement sur l'autre versant, et, apr�s quelques
rapides d�gringolades, nous atteign�mes le thalweg de la vall�e de
Kizil-tao. Nous camp�mes sur la berge, � l'herbe drue et haute, o� les
chevaux s'en donn�rent � belles dents.

Mais si le site �tait charmant, il manquait compl�tement de
combustible. On avait beau interroger du regard tous les replis de la
vall�e: pas l'ombre d'un arbuste. En outre, elle paraissait inhabit�e,
manquait par cons�quent de bois, de lait et de viande. Nous n'avions
certainement pas compt� l�-dessus, et le djighite, qui devait �tre
pourtant au courant des lieux, ne nous en avait souffl� mot. Il est
vrai que nous ne risquions pas encore de mourir de faim, avec notre
r�serve de provisions; mais nous tenions � les m�nager pour la haute
montagne. Et comme nous nous trouvions encore assez pr�s d'une tribu
de Kirghizes, et pas tr�s �loign�s d'une for�t, nous d�cid�mes
d'envoyer d�s le lendemain ma�tre Abbas et le djighite chez le boloch,
pour acheter un troupeau de moutons et des charges de bois.

[Illustration: La vall�e de Kizil-tao.--D'apr�s une photographie.]

En attendant nous nous m�mes � la recherche d'herbes et de racines
s�ches, avec lesquelles nous parv�nmes, non sans beaucoup de peine, �
faire un peu de feu. Il nous fallut presque deux heures, avant de
pouvoir d�guster une tasse de th�, et le d�ner, tr�s long � pr�parer,
n'avait pas pr�cis�ment le meilleur parfum; mais ces bagatelles
n'�taient rien en comparaison du bien-�tre que quelques aliments
chauds caus�rent � nos estomacs ext�nu�s.

_14 juillet._--Pendant qu'Abbas et le djighite rebroussent chemin, en
qu�te de moutons et de bois, nous faisons une reconnaissance dans la
partie sup�rieure de la vall�e. Un bel amphith��tre de pics, coup�s de
glaciers, domine le fond du bassin, travers� par une quantit� de
ruisseaux arrosant les molles ondulations du gazon. Deux cols
s'ouvrent au nord et au sud: le premier dit de Karaguer communique
avec l'embranchement ouest de la vall�e de Tomghent; l'autre, plus
�lev� et aussi moins fr�quent� � cause des difficult�s qu'il pr�sente,
est celui d'Otrouk, donnant sur l'autre vallon.

Le soir, arriv�rent nos deux hommes avec tout un troupeau de moutons
et de ch�vres et deux boeufs encombr�s de troncs d'arbres. Le boloch
les accompagnait, avec quelques membres de sa tribu. Nous ret�nmes
deux jeunes gens pour la conduite des b�tes. Notre caravane comptait
d�sormais, en personnes et animaux, soixante-trois t�tes.

La vall�e de Kizil-tao est ainsi appel�e � cause de la profusion de
d�p�ts d'oligistes plus ou moins rouge�tres qu'on y rencontre.
_Kizil_, en kirghize, signifie rouge, et _tao_, pierre, c'est donc la
�vall�e aux pierres rouges�. Les vall�es, les monts et les cols du
Thian-chan empruntent leur nom � la couleur ou � la forme de certains
objets, dont la bizarrerie a frapp� l'imagination des nomades. Deux
vallons d�bouchent dans la vall�e de Kizil-tao, pour la plupart du
temps inhabit�e: � droite celui d'Otrouk, et � gauche celui du
Berkout, ce dernier communiquant avec le plateau de Saridjass.

Dans le contrefort qui la s�pare de la vall�e de Keou-eou-leou s'ouvre
le col de Torpeu, haut de 3�066 m�tres, duquel on embrasse une vaste
�tendue de montagnes. Ce passage, non mentionn� sur les cartes russes,
est tr�s fr�quent� par les nomades qui transitent par la vall�e de
Kizil-tao.

Celle-ci, jusque-l� �panouie largement, se r�tr�cit tout � coup, et ce
n'est plus qu'une �troite gorge o� le torrent se fraye � grand'peine
une issue. Le sentier court au ras de l'eau, dont tant�t il longe le
courant et tant�t il coupe les d�tours. Nous devons alors traverser en
choisissant les endroits o� le lit s'�tale, afin que le courant ne
nous emporte pas. Mais il ne nous est pas toujours donn� de trouver un
point gu�able, et force nous est alors de franchir le fleuve o� nous
pouvons. On est oblig� de jeter un � un les moutons dans l'eau, et de
les laisser se d�brouiller tout seuls.

C'�tait vraiment piti� de voir ces pauvres b�tes, jet�es brutalement �
l'eau, dont elles avaient une instinctive r�pulsion, ballott�es par le
courant, lanc�es contre les rochers, englouties momentan�ment dans un
creux, puis finalement, apr�s une lutte h�ro�que contre l'inexorable
�l�ment, atterrir tremblantes sur le gravier de la rive. Aussi, quand
elles le pouvaient, pr�f�raient-elles s'�vader sur les escarpements de
la montagne, ce qui obligeait le berger � une gymnastique dont il se
serait dispens� volontiers.

Peu � peu nous atteignons la vall�e du Saridjass qui n'est autre
qu'une tranch�e effroyable, tranch�e de roches boulevers�es, au milieu
desquelles serpente un fleuve �norme aux eaux fangeuses. Mais ce qui
nous inqui�te, c'est de savoir par o� cette masse d'eau va s'�chapper,
la montagne s'�levant d'un seul bloc et bornant partout le regard.
Existerait-il une myst�rieuse issue par quelques antres souterrains?
Pour le moment, il ne nous est pas possible d'�lucider ce probl�me.
Les topographes russes n'�taient pas plus avanc�s, puisque sur la
carte que nous avions ils ne savaient par o� faire sortir cette
rivi�re, la laissant se perdre au sein du Keou-eou-leou.

Le chemin escalade les parois de la tranch�e, souvent d�chir�es par
des �boulements, puis redescend � m�me le niveau du fleuve, pour
franchir aussit�t un autre pr�cipice. Dans les anfractuosit�s sont
tapis quelques rares arbrisseaux, et sur les ar�tes des sapins
rabougris profilent leurs branches ajour�es.

Un peu plus loin, un gros bloc semble plac� � dessein au milieu du
fleuve. � son sommet s'�l�ve un petit �cairn�, amas de pierres
maintenant une petite perche au bout de laquelle est fix� un cr�ne de
cheval. Ce singulier monument rappelle, para�t-il, le souvenir d'un
fait dramatique survenu en cet endroit. Ce cr�ne est celui du coursier
d'un chef kirghize, d'un _torgoi_, qui p�rit en voulant traverser la
rivi�re, au temps de la conqu�te russe.

_17 juillet._--De loin, la vall�e du Saridjass appara�t comme une
immense plaine limit�e par une bordure de pics neigeux. Mais, en
l'abordant, on est surpris de l'�tranget� de sa configuration qui est
loin d'�tre celle qu'on s'�tait imagin�e. Si ce n'est l'�tendue
d�mesur�e, il n'y a l� aucun simulacre de plaine. C'est une succession
de mamelons, de promontoires et de collines, une s�rie de couloirs, de
vallons et de conques, le tout recouvert par un manteau de gazon
�ventr�, �a et l�, par des �raflures de terre jaun�tre, trou� par des
�cueils de rochers aux reflets m�talliques, et bris� par de profondes
coupures, au fond desquelles bouillonnent les eaux bourbeuses des
torrents.

[Illustration: Le col de Karaguer, vall�e de Tomghent (page
473).--D'apr�s une photographie.]

Il est impossible, par un examen superficiel du terrain, de trouver
l'explication ou la cause de cette perturbation. Des surprises de
toutes sortes attendent le voyageur � chaque tournant du sentier, et
d�routeraient la perspicacit� du g�ologue le plus �clair�. Certes,
l'�poque glaciaire a d� �tre l'un des principaux agents de
transformation, pour laisser des traces si manifestes d'un gigantesque
travail.

� partir de notre camp, la vall�e s'ouvre peu � peu avec des couloirs
qui d�bouchent de chaque c�t�. Les ph�nom�nes glaciaires commencent �
devenir tr�s visibles. Les �minences et les ar�tes s'arrondissent et
s'adoucissent de plus en plus, par suite du frottement de l'ancien
glacier, tandis que la paroi de gauche de la vall�e conserve encore
pour longtemps son aspect tourment�.

Notre caravane avance toujours du m�me pas, silencieusement, comme un
convoi fun�bre. C'est que la chaleur est devenue insupportable; le
paysage est toujours de la m�me teinte et de la m�me monotonie. On
traverse un ruisseau, on remonte sur la berge, on longe une terrasse,
on p�n�tre dans un couloir pour redescendre dans un torrent, et ainsi
de suite sans discontinuer.

[Illustration: Sur le col de Tomghent.--D'apr�s une photographie.]

De temps � autre, le cri aigu d'une marmotte nous donne un moment
d'�motion. On galope de ce c�t�, Zurbriggen met pied � terre, �paule
son fusil et attend patiemment que le rongeur sorte de son terrier.
Puis un coup part, et la pauvre victime de la civilisation vient
augmenter le troph�e accroch� � la selle du guide.

[Illustration: J'�tais enchant� des aptitudes alpinistes de nos
coursiers (page 472).--D'apr�s une photographie.]

Ne sachant que faire, j'observe notre troupeau de moutons qu'un
gar�onnet kirghize chasse devant lui. Comme on devient parfois
terre-�-terre, en un tel voyage! Une des plus grandes consolations,
c'est trop souvent de penser qu'on aura quelque chose � se mettre sous
la dent. Ce n'est pas la perspective d'un mets d�licat qui nous tente.
L'art culinaire n'a rien � voir ici. � force de caracoler, de suer et
de respirer � pleins poumons l'air vivifiant de la montagne, on
aiguise un app�tit formidable, et, � l'heure du repas, on est bien
aise de faire bonne ch�re et d'absorber les plats que ma�tre Abbas
nous pr�pare. Pourvu qu'on mange, et le plus possible, cela suff�t. On
devient d'une voracit� pantagru�lique.

Les pauvres petits agneaux, avec l'�trange sac de graisse qui se
dandine sur leur post�rieur, tondus � grands coups de ciseaux,
n'avaient gu�re le temps de mordre les brins d'herbe, l'inexorable
berger ne leur laissait pas un moment de r�pit. Il fallait que leurs
jambes fissent un triple travail, pour suivre l'allure des chevaux.
Quand, par malheur, ils rencontraient un ruisseau, c'�tait un b�lement
� vous fendre le coeur, car ils n'avaient que fort peu de go�t pour
l'eau, bien qu'ils nageassent � merveille. Mais souvent l'eau �tait
profonde et le courant tr�s prononc�, et alors c'�tait un naufrage
g�n�ral, une �mouvante noyade, o� les pauvres petits animaux �taient
entra�n�s bien loin � la d�rive. Aussi, le soir, quand elles
arrivaient � l'�tape et qu'on ne s'occupait plus d'elles, ces pauvres
b�tes, au lieu d'aller chercher le peu de nourriture dont elles
avaient besoin, s'accroupissaient, ext�nu�es, sur le sol.

Les deux boeufs, par exemple, �taient d'un grotesque achev� avec leur
anneau en bois pass� au museau, leur carcasse anguleuse, et surtout
leur charge de troncs d'arbres attach�s � l'une de leurs extr�mit�s
sur une sorte de b�t rudimentaire, et tra�nant de l'autre par terre,
en d�crivant sur le sable de menus zigzags � chaque pas qu'ils
faisaient. Quand ils devaient traverser un terrain en pente, c'�tait
un mauvais quart d'heure pour eux. Pensez donc! le tronc qui se
trouvait en amont les poussait en aval, tandis que l'autre, suspendu
dans le vide, les y entra�nait. Au passage d'une rivi�re, ils ne
trouvaient quelquefois rien de mieux que de s'arr�ter tout � coup au
beau milieu de l'eau, narguant l'impatience des conducteurs qui ne
savaient comment s'y prendre pour les faire sortir de leur stupide
immobilit�.

Le soir, faute de trouver un endroit propice, nous camp�mes tout pr�s
d'un mar�cage. L'eau de celui-ci, qu'on nous servit pendant le d�ner,
nous octroya certaines coliques, qui nous tinrent �veill�s pendant
toute la nuit.

[Illustration: Le plateau de Saridjass, peu tourment�, est pourvu
d'une herbe suffisante pour les chevaux (page 477).--D'apr�s une
photographie.]

Peu apr�s notre d�part du camp, nous laissons � gauche le vallon du
Berkout, dont le col donne dans la vall�e de Kizil-tao. Le contrefort
qui la s�pare du Saridjass semble une gigantesque moraine, enti�rement
recouverte de p�turages crev�s par quelques �lots de roches, qui
rompent un peu la maussade uniformit� de cet interminable dos d'�ne.

� un certain moment, nous remarquons un groupe d'_ovispoli_ de l'autre
c�t� du fleuve, paissant tranquillement dans une combe. Ces animaux
sont de la taille d'un veau, mais d'une carrure plus accentu�e, avec
un manteau aux poils touffus et blonds, et portent sur le cr�ne une
paire d'�normes cornes en spirales. Les Kirghizes les appellent:
_koudja_. Ce mouton sauvage se tient de pr�f�rence sur les hauts
plateaux du Pamir et du Tian-Chan. Il est inutile de le chercher sur
les pentes abruptes des montagnes, o� il ne peut circuler, vu que ses
cornes, qui sortent lat�ralement de la t�te, se heurteraient contre
les rochers. En automne, les m�les se livrent des batailles acharn�es.
Le plus souvent, � force de se choquer le cr�ne, un des combattants
tombe assomm� sur le terrain, et son cadavre ne reste pas longtemps
avant d'�tre �cartel� et d�pec� par les oiseaux de proie et les
fauves des environs. Les cornes seules demeurent sur place,
recueillies quelquefois par les nomades qui les �talent sur des
rochers dont les formes �tranges attirent leur attention.

[Illustration: Nous passons � gu� le Kizil-sou.--D'apr�s des
photographies.]

Le plateau du Saridjass est surtout peupl� de milliers de chevaux,
partag�s en plusieurs troupeaux, et diss�min�s un peu partout dans la
haute vall�e. C'est un endroit tr�s favorable � l'�levage hippique. Le
terrain est peu tourment�, et si l'herbe n'est pas tr�s fournie, elle
est suffisante cependant pour nourrir quelques centaines de milliers
de b�tes.

Pour surveiller autant de chevaux, il y a relativement peu de
gardiens. � vrai dire, leur t�che se r�sume � bien peu de chose: elle
consiste � ne pas perdre de vue les b�tes pendant le jour et � les
rassembler le soir autour de leurs tentes. Mais, s'ils n'ont rien �
faire, ces pauvres diables de bergers ne jouissent pas d'une vie tr�s
enviable. Ils logent, soit sous un rocher, soit sous un feutre jet� en
forme de tente, rarement dans une yourte. Leur nourriture n'est autre
que le koumiss. Ils n'ont pas autre chose. Tous ces chevaux
appartiennent � des Kozaques de la S�miretchi� et de la Dzoungarie.
Deux fois par an, ils viennent faire un choix et conduisent des
troupes de chevaux aux foires de Kouldja, d'Ak-sou ou de Kachgar, o�
ils les vendent de 30 � 60 francs la t�te.

Le sol sur lequel nous marchons est sillonn� d'une multitude
d'orni�res trac�es parall�lement, comme si le terrain avait �t�
labour� par une charrue. Ce sont les chevaux qui ont cannel� ainsi le
gazon, parce que, comme les chameaux, ils aiment � marcher c�te �
c�te; de cette mani�re, ils creusent autant de sentiers r�guliers
qu'il y a d'espace disponible.

Le torrent a tout � coup disparu de notre vue et il semble que la
toison v�g�tale ne doive pas discontinuer d'un c�t� � l'autre de la
vall�e. Le fleuve est dissimul� dans un foss� profond, coup� � pic. Un
peu plus haut, il r�appara�t, et partage ses eaux en de nombreux
canaux.

Mais le plateau, ou ce qui de loin nous parut comme tel, a pris fin,
et nous nous trouvons bient�t dans la r�gion de la haute montagne.
L'air m�me est devenu tr�s vif et nous annonce le voisinage des
glaciers. En effet, sur notre droite, le flanc gauche de la vall�e se
dresse brusquement et se brise en plusieurs conques, o� des glaciers
montrent leur t�te crevass�e au-dessus de leurs moraines frontales.
Vers le soir, nous sommes au d�bouch� de la vall�e de Kachkateur, qui
s'ouvre � droite du Saridjass, et m�ne par deux cols dans les vall�es
de Kokdjart et de Kapkak, dans le bassin de l'Ili.

_19 juillet._--Le Khan Tengri, le �prince des cieux�, comme le
d�signent les Mongols dans leur langue imag�e, est le pic g�ant de
toute la cha�ne des monts C�lestes. Cette d�nomination pompeuse n'a
rien de d�plac�, si l'on consid�re sa position exceptionnelle et
surtout son �l�vation consid�rable, qui, selon quelques voyageurs,
d�passe 7�200 m�tres d'altitude.

Presque tous les peuples barbares vivant en contact continuel avec la
nature sauvage sont enclins � glorifier des choses inanim�es, � donner
un sens, une signification � des objets dont la singularit� d�passe
les bornes de leur compr�hension. Pour ne parler ici que de l'Asie
centrale, on peut dire que le nom des villes, des fleuves, des lacs et
des montagnes se rapporte le plus souvent � une impression que
l'habitant de ces contr�es a re�ue au moment o� il en a aper�u le
site. Nous avons d�j� eu l'occasion de relever ce fait dont
l'exactitude ne saurait �tre mise en doute. Il serait d�sirable que
les explorateurs eussent le tact de respecter ces r�gles de
nomenclature g�ographique d'un cachet beaucoup plus original, en
�vitant de la remplacer par les noms de savants, qui n'ont quelquefois
aucun rapport avec les localit�s ou les objets qu'il s'agit de
d�signer.

La situation du Khan Tengri n'a jamais �t� exactement �tablie. Les
g�ographes l'ont cas� un peu partout, sauf � sa vraie place. Les rares
voyageurs qui l'approch�rent ne sont m�me pas tous d'accord; cela
provient sans doute de ce qu'on n'a fait que l'entrevoir d'une
certaine distance, et presque toujours du fond d'une des vall�es qui
rayonnent autour de sa base.

Tandis qu'il est visible des plaines du Tek�s, � plus de 200 verstes
au nord, et m�me de la route de Kachgar � Koutcha, il demeure partout
ailleurs masqu� par les contreforts qui constituent sa vaste assise.
Sur quelques-unes des cartes que nous avions sous les yeux, le Khan
Tengri semblait s'�lever isol�ment au nord de la petite ville de Ba�,
sur le chemin d'Ak-sou.

Suivant l'enqu�te que nous avions faite � Prjevalsk et selon les
indications de la carte russe dont nous �tions nantis, le 18 juillet
nous devions �tre tout pr�s du pic, nous trouvant � une vingtaine de
verstes du point terminus de la vall�e du Saridjass, o� il �tait
plac�. Nous br�lions de le voir et de l'�tudier, m�me d'une certaine
distance, impatients de pr�senter nos hommages � cette myst�rieuse
souverainet�, qui, depuis des mois, hantait notre esprit.

Nous d�cid�mes donc d'escalader un pic quelconque de la vall�e de
Kachkateur, mais dont l'�l�vation f�t assez consid�rable pour jouir
d'une vaste �tendue de montagnes. � dix heures, nous arrivons sur le
col de Kachkateur, passage tr�s fr�quent� par les nomades qui
s'adonnent � l'�levage des chevaux sur le plateau du Saridjass. De ce
col, en suivant la vall�e de Kokdjart, on arrive aux villages de
Tald-boulak, de Dgilkarkara et de Kheghen.

Au sud du col, s'�levait une blanche pyramide de glace, dont les
angles se h�rissaient de rochers. C'est par l� que nous dirige�mes nos
pas, et au bout de deux heures nous atteign�mes sans difficult� aucune
le sommet, form� par une calotte de neige surplombant en une
gigantesque corniche la vall�e de Kapkak.

[Illustration: Panorama du massif du Khan Tengri.--D'apr�s une
photographie.]

En �tant nos lunettes � neige pour mieux voir, nous �prouv�mes un
douloureux �blouissement qui nous contraignit � fermer instinctivement
les yeux. Jamais, jusqu'alors, nous ne nous �tions trouv�s au milieu
d'un pareil scintillement de neige, d'une fulguration de glaces aussi
intense. Partout o� le regard pouvait plonger ou s'arr�ter, il ne
distinguait qu'une succession chaotique de pics, d'ar�tes, de d�mes,
d'aiguilles, un moutonnement infini de montagnes recouvertes de neiges,
enchev�tr�es les unes dans les autres et se dirigeant en tous sens.

[Illustration: Entr�e de la vall�e de Kachkateur.--D'apr�s une
photographie.]

[Illustration: Nous baptis�mes Kachkateur-tao, la pointe de 4�250
m�tres que nous avions escalad�e.--D'apr�s une photographie.]

On a souvent compar� l'aspect d'une vaste �tendue de montagnes aux
vagues de la mer, qui se seraient subitement solidifi�es par un coup
de baguette magique. Sur les Alpes cette comparaison est exacte, car
le d�ploiement des contreforts imite parfaitement, � peu de chose
pr�s, la formation des ondes de la mer. Mais ici le bouleversement
�tait tel, l'asym�trie si frappante, que cette similitude nous
semblait trop modeste. C'�tait plut�t un oc�an agit� par un
cataclysme, aux prises avec une temp�te effr�n�e. Les roches m�mes qui
cr�nelaient les cr�tes de leurs �tranges silhouettes, pr�sentaient des
reflets de poteries, des �clats de verre de Venise, avec des effets
d'ombres qui faisaient qu'� grand'peine on les discernait de la neige
qui les saupoudrait.

Le Khan Tengri dominait de sa haute pyramide de granit cette arm�e de
colosses qui semblaient former comme une garde d'honneur et interdire
l'approche aux profanes. Il se trouvait � une quarantaine de verstes
au sud de nous, formant le centre, d'o� rayonnaient et divergeaient de
tous c�t�s les contreforts et les vall�es.

D'apr�s notre carte, le Khan Tengri aurait d� �tre � l'est du col de
Kachkateur, � moins d'une vingtaine de verstes de l'endroit o� nous
�tions. Nous n'e�mes pas de difficult� � constater que cette carte
�tait tout � fait erron�e sur ce point, et que si nous voulions
aboutir � quelque r�sultat, nous devions nous en m�fier. Nous faisions
fausse route, car par la vall�e du Saridjass, jamais nous n'aurions
abord� le colosse. Il fallait tourner bride et nous en approcher par
un autre c�t�. Apr�s quelques observations sur le massif, nous
baptis�mes Kachkateur-tao, la pointe que nous venions d'escalader.
Elle mesurait 4�250 m�tres d'altitude.

Une heure apr�s nous �tions sur le col, o� le pauvre Kirghize qui
gardait nos chevaux, � la merci d'un vent glacial, battait la semelle
depuis longtemps, prenant force chiques de _nass_, pour combattre la
faim, ne se doutant pas qu'il avait les vivres sur le dos!

En descendant rejoindre le camp, nous trouv�mes une paire d'�normes
cornes de cerf, � 3�000 m�tres, gisant l�, qui sait depuis combien de
temps, rougies par les intemp�ries, et calcin�es par le soleil.

_20 juillet._--Au del� du Saridjass-tao s'�tend la vall�e
d'Inghiltchik, qui, selon toute probabilit�, doit prendre naissance au
pied du Khan Tengri. Mais le contrefort qui les divise est tr�s �lev�
et encombr� dans sa majeure partie par des neiges �ternelles. Pour des
alpinistes, ces entraves �taient moins que rien, car, avec un guide
comme Zurbriggen, les difficult�s s'aplanissent et deviennent des jeux
d'enfants. Mais nous n'�tions pas seuls et il fallait aussi
transporter tous les bagages de la caravane, car arriv�s de l'autre
c�t�, nous n'aurions rien trouv� ni pour nous abriter ni pour nous
sustenter. Nos chevaux ne craignaient gu�re le vertige, et leurs
aptitudes de grimpeurs nous faisaient esp�rer que m�me dans un passage
un peu laborieux ils se comporteraient bien. Seulement, il fallait
trouver ce passage, ce qui n'�tait pas tr�s facile avec l'ignorance
des lieux et l'impatience qui nous agitait, et qui �cartait toute
vell�it� d'un long t�tonnement. Cependant le djighite nous fit
comprendre que, peut-�tre, en interrogeant les gardiens des chevaux,
il trouverait notre affaire. De l'endroit o� nous �tions il ne fallait
pas compter pouvoir franchir la montagne. On devait d�valer jusqu'� la
rencontre d'un vallon dont le col n'�tait pas trop dur pour nos
montures.

En attendant, nous nous r�veillons avec 20 centim�tres de neige sur
nos tentes. Et ce n'est que tr�s tard que nous pouvons partir.

Le passage � gu� du Saridjass-sou n'�tait pas sans offrir quelques
dangers; n�anmoins nous arriv�mes sains et saufs sur l'autre rive,
apr�s avoir �prouv� dans maintes baignades des �motions assez vives.

Sur l'autre versant, nous ne f�mes pas peu d�concert�s de trouver, au
lieu de la plaine que nous attendions, un terrain ondoyant de
collines, creus� de r�servoirs d'eau bourbeuse et sillonn� de
ruisseaux qui disparaissaient dans les d�chirures du sol. Le terrain
�tait morainique par excellence, par cons�quent tr�s poreux, et
surtout d'une uniformit� sans pareille. Il n'�tait pas prudent de
s'�loigner trop de la caravane, car on aurait eu vite fait de
s'�garer. Aussi, nous ne nous perdions jamais de vue et marchions en
file indienne tr�s serr�e.

Le soir, on campa en face de la vall�e d'Adeurteur, dont le glacier
s'appelle de Mouchktoff, en l'honneur d'un officier russe du m�me nom,
qui, le premier, entrevit le plateau du Saridjass.

Le lendemain matin, m�me surprise que la veille. Pendant la nuit, la
neige �tait tomb�e drue sur nos tentes. � la premi�re heure, des
hennissements d�chirants et un pi�tinement acc�l�r� de sabots nous
firent sursauter dans nos sacs. C'�tait une avalanche effr�n�e de
chevaux, descendant des coteaux sup�rieurs chass�s par une tourmente
de neige.

� midi, nous nous acheminons, toujours sur le m�me versant, qui
augmente peu � peu sa d�clivit� et s'approche de plus en plus de la
ligne des vraies montagnes. Nous longeons plusieurs mares d'eau
peupl�es par des colonies de canards sauvages. Piotra, notre jeune
colon russe, se met en devoir d'attraper quelques-uns de ces
volatiles; d�pouill� de v�tements, il se dissimule enti�rement dans
l'eau, et saisit par les pattes les pauvres b�tes qui, ne se doutant
pas de sa pr�sence, passaient � la port�e de sa main. Entre temps, le
djighite s'est inform� aupr�s des bergers, et d�couvre finalement un
passage pour franchir la montagne. C'est le col de Tuz. En h�tant un
peu le pas, nous arrivons le soir, � l'embouchure de la vall�e du m�me
nom.

  (_� suivre._)                         JULES BROCHEREL.

[Illustration: La vall�e de Tomghent.--D'apr�s une photographie.]

Droits de traduction et de reproduction r�serv�s.




  TOME XI, NOUVELLE S�RIE.--41e LIV.         N� 41.--14 Octobre 1905.


[Illustration: Des kirghizes d'Oustchiar �taient venus � notre
rencontre (page 489).--D'apr�s une photographie.]




VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES[2]

         [Note 2: _Suite. Voyez pages 457 et 469._]

PAR M. JULES BROCHEREL.

     III. -- Sur le col de Tuz. -- Rencontre d'antilopes. -- La vall�e
     d'Inghiltchik. -- Le �tchiou mouz�. -- Un chef kirghize. -- Les
     gorges d'Attia�lo. -- L'aoul d'Oustchiar. -- Arr�t�s par les
     rochers.


[Illustration: Kirghize joueur de fl�te.--D'apr�s une photographie.]

Le passage du col de Tuz est une �tape importante dans l'excursion aux
Monts C�lestes; le vallon qui le pr�c�de ne s'aper�oit pas depuis le
thalweg du Saridjass-sou; il reste masqu� par une moraine s'avan�ant
comme une sorte de digue entre les deux fleuves, qui, avant de se
r�unir, roulent longtemps presque parall�lement l'un � l'autre.

Le 22, en quittant notre camp, nous sommes assaillis par des nu�es de
moustiques qui s'abattent sur nous avec une voracit� cruelle. Nous
avons beau couper l'air de nos cravaches pour �loigner ces aga�ants
insectes, notre �piderme devient leur proie et nous en souffrons
beaucoup.

Vers dix heures, nous rencontrons un groupe de trois _arkars_, esp�ce
d'antilope du genre du chamois, qui paissaient tranquillement sur une
pente gazonn�e. Ils ne semblent gu�re surpris de notre pr�sence, et au
lieu de d�taler � notre approche ils continuent � tondre les bouquets
d'herbes, en s'arr�tant de temps � autre pour nous regarder. De la
taille d'un petit chamois, ils sont tr�s fr�les, avec un pelage ras,
d'un blond d'ocre, qui se confond facilement avec la teinte du
terrain. Ils portent une paire de petites cornes droites, l�g�rement
divergentes. C'est l'_antilope argalis_, commune dans la cha�ne du
Tien Chan.

Le vallon de Tuz se divise en trois combes. Nous prenons par celle de
droite; les autres sont impraticables. Des traces de sentier nous
conduisent rapidement aux premiers �boulis, au bas d'un �norme bastion
de roches caverneuses. Il y a bien un semblant de chemin qui c�toie en
rampant les escarpements boulevers�s de la montagne, qu'on distingue
de loin aux pierres remu�es par les fr�quentes travers�es des
caravanes, et qui se d�tache comme une longue bande claire sur la
teinte ferrugineuse du sol. En r�alit�, c'est une parodie de sentier,
car nous avan�ons avec beaucoup de peine, les cailloux qui jonchent le
sol roulant avec une facilit� extraordinaire.

Zurbriggen, qui nous a devanc�s, s'est plac� en statue �questre sur le
haut du bastion. Quand nous parvenons � lui, il secoue tristement sa
barbe rousse, malmenant la pipe �teinte au coin de sa bouche. C'est un
mauvais pr�sage.

[Illustration: Le massif du Kizil-tao (page 486).--D'apr�s une
photographie.]

�Par o� passerons-nous?� nous dit-il en promenant son regard sur
l'amphith��tre de rochers et de glaces qui nous fait face � quelques
centaines de m�tres.

Nous appelons le djighite. Celui-ci nous indique une raie fonc�e qui
traverse le glacier du milieu.

�_Vot doroga!_--Voil� le chemin--nous r�pond-il en russe. _Djol
dj�man!_--C'est tr�s mauvais�, ajoute-t-il dans son dialecte.

Pr�s de nous, un petit lac recueille les eaux de trois glaciers, qui,
bien que de petites dimensions, sont presque tous d�couverts, et d'une
inclinaison assez alarmante. Mais �le chasseur�, prenant par la bride
deux chevaux, a d�j� escalad� la moraine frontale. Nous le suivons
sans savoir au juste ce que nous allons faire. Avec un courage un peu
t�m�raire, nous hissons toutes les b�tes sur le sommet du pierrier, o�
elles ont bien de la peine � se tenir debout, tant la place est exigu�
et le sol glissant, � cause du suintement du glacier.

[Illustration: R�gion des Monts C�lestes.]

Zurbriggen, tenant sa b�te par les r�nes, s'aventure audacieusement
sur la pente glac�e. D'abord il monte droit devant lui, puis un
brusque renflement le contraint d'obliquer � droite, en prenant le
glacier en �charpe.

Nous tentons d'en faire autant, en suivant les fissures o� un petit
relief permet de poser les pieds, et cherchons les endroits rugueux et
granul�s. D�pourvus de piolet, nous sommes forc�s de nous servir des
mains, afin de ne pas tomber. Mais quand il nous faut tourner �
droite, pour traverser diagonalement le glacier, nous jugeons que le
jeu est d�cid�ment trop dangereux. Les chevaux auraient toutes les
chances de verser les charges, en m�me temps qu'ils d�gringoleraient
in�vitablement jusqu'aux abrupts rochers d'en bas.

Le guide, parvenu miraculeusement en lieu s�r, nous crie de toutes ses
forces de ne pas avancer, car il avait failli tomber, et son cheval en
tremblait encore d'�pouvante.

Tout � coup un cheval charg� roula comme une pierre contre la moraine,
o� stationnait le restant de la caravane. Abbas jeta un cri de
douleur, se ramassant sur lui-m�me, sous les pieds du cheval. On le
d�gagea. Il avait une jambe bless�e.

[Illustration: Les kirghizes m�nent au village une vie peu
occup�e.--D'apr�s une photographie.]

Continuer dans de pareilles conditions, c'�tait de la folie. Nous
d�cid�mes donc de camper tout pr�s du lac, afin de pouvoir chercher
pendant le reste de la journ�e une route meilleure.

Abandonnant nos chevaux � leur sort, nous rejoign�mes le guide, et en
quelques minutes nous parv�nmes au sommet du col. Nous �tions � 3�450
m�tres d'altitude. � nos pieds s'�tendait la vall�e d'Inghiltchik sur
une longueur de cent verstes, flanqu�e au sud par une paroi
vertigineuse qui s'�levait � plus de 6�000 m�tres.

Mais le temps pressait, et pour l'instant il convenait de d�couvrir un
passage s�r, plut�t que de nous d�lecter du spectacle de la nature. �
droite du col, au del� d'une ar�te de rocher, descendait un glacier
avec une pente tr�s douce et des moraines lat�rales peu escarp�es.
C'�tait par l� que nous devions passer.

En arrivant au campement, nous trouv�mes deux malades, Abbas et
Piotra. Celui-ci se roulait par terre en se tenant le ventre dans des
contorsions atroces. L'autre se plaignait de souffrir de la jambe. On
les frictionna avec un antiseptique, et on administra un purgatif au
jeune Russe. La confiance aveugle que ces hommes simples avaient en
notre toute-puissance, aid�rent � l'efficacit� des rem�des. Nous e�mes
plus tard occasion de nous servir de notre pharmacie aupr�s des
Kirghizes. Bien qu'ils soient des hommes tr�s endurcis, ce sont
toujours des malades plus imaginaires que r�els. Il suffit alors d'un
rien pour les gu�rir incontinent. Ils professent � l'�gard de la
m�decine des civilis�s une confiance illimit�e.

Le lendemain, au bout de trois heures, nous parvenons jusqu'au col de
Tuz num�ro deux. En r�alit� ce sont deux cols que fr�quentent les
nomades, selon que l'un des deux est plus ou moins praticable. Nous ne
faisons donc que suivre l'exemple des Kirghizes.

Tandis que la caravane marchait vers la vall�e d'Inghiltchik, je
grimpai sur une petite �minence pour proc�der � mes travaux. La vall�e
se d�veloppait en forme de croissant, � la p�riph�rie duquel je me
trouvais. De la sorte, mon regard pouvait plonger en amont et en aval
dans presque toute la longueur de ce gigantesque sillon.

Au premier coup d'oeil, on peut facilement distinguer dans ce massif,
trois sections. La partie sup�rieure, longue de 50 verstes environ,
est occup�e enti�rement par un glacier colossal, ayant la forme d'un
tronc d'arbre dont les embranchements se perdent dans des gorges. La
partie moyenne de la vall�e, presque plate, est constitu�e par le
thalweg m�me du fleuve, qui s'�tend sur une largeur de 2 � 3 verstes.
Apr�s une vingtaine de verstes d'un amoncellement de pierres, et d'un
fouillis de canaux, une �cluse naturelle de rochers r�unit tous les
ruisseaux en un unique faisceau. C'est l� que la vall�e inf�rieure
commence, rev�tue de maigres p�turages.

Le versant qui tombe du fa�te du Saridjass-tao, est recouvert jusqu'�
mi-hauteur d'une forte couche de d�p�ts morainiques, marquant par une
ligne nettement trac�e le niveau de l'ancien glacier. Le terrain est
br�l� par le soleil, et sa couleur jaun�tre ne fait que rehausser
l'�blouissement des neiges sup�rieures.

Mais la paroi de roches qui fait vis-�-vis est tout ce qu'on peut
imaginer de plus terrible, de plus convuls�, de plus disloqu� dans la
nature. Des aiguilles s'�lancent avec une sveltesse �tonnante,
s'alignent en de multiples rang�es au-dessus du contrefort qui est
labour� par des fentes, et tourment� en tout sens par une force
diabolique.

Ce bloc incommensurable de granit et de gneiss est taillad� de
gradins, fendu de fissures qui stup�fient parfois par leur tranchante
nettet�. Un talus de d�bris s'adosse � la base des rochers,
dissimulant les anfractuosit�s. Des filets d'eau gazouillent en des
f�lures t�n�breuses, dont les parois tiennent en suspension d'�normes
rochers, pris entre les bords de la crevasse.

Pour descendre le col de Tuz, il s'agit de faire un saut de 2�000
m�tres. Ne croyez pas qu'un sentier facilite la besogne et qu'on n'ait
qu'� se laisser glisser. Il faut s'ouvrir une route. Quand je parvins
aux premiers gazons, mon cheval saignait de ses quatre pieds, et ne
paraissait pas tr�s enthousiasm� de ce divertissement.

Vers trois heures nous arrivons tous au bas du coteau, dont la bordure
s'�tait �croul�e par suite de l'�rosion du torrent. Le paysage manque
toujours de charme, bien qu'il s'�gaye de quelques arbrisseaux blottis
dans les anses de la berge. Des bouquets de crucif�res, couleur
safran, des chardons, des centaur�es rouges et des an�mones jaunes
fol�trant en de longues tra�n�es sur les buissons, se disputent une
pi�tre existence dans le maigre terrain du talus. Quelquefois un
ruisseau jaillit on ne sait comment de ce roc torr�fi� et arrose des
parterres de gramin�es, formant de v�ritables oasis, dans le pierrier
interrompu.

Sur une petite terrasse du rivage, quelque chose d'insolite attire
notre attention. C'est un tombeau kirghize form� par des troncs
d'arbres entrecrois�s, au centre duquel s'�l�ve une pyramide de
cailloux.

[Illustration: Notre petite troupe s'aventure audacieusement sur la
pente glac�e (page 482).--D'apr�s une photographie.]

Peu de temps apr�s, nous atteignons un _a�l_ abandonn� de nomades.
C'est l� qu'ils viennent s'�tablir pendant la mauvaise saison, car il
para�t qu'alors, le versant que nous venons d'arpenter dans sa
hauteur, expos� comme il est aux rayons du soleil, se d�barrasse vite
de la neige, et se recouvre d'herbes. Autour d'un gros bloc de granit,
on voit distinctement les cercles trac�s par les _keregas_,
c'est-�-dire les treillis de bois qui forment la carcasse de la
yourte. Au milieu, les trois pierres calcin�es de l'�tre, sont encore
debout. L'herbe a pouss�, drue et haute, l� o� le stationnement
prolong� des animaux a engraiss� le sol.

Mais, au lieu de nous installer dans cet emplacement, nous pr�f�rons
nous cacher � l'abri d'un mamelon, afin de prot�ger notre camp de
l'haleine par trop r�frig�rante du glacier qui, tout pr�s de nous,
vomit par mille bouches des torrents d'eau bourbeuse. En face, la
masse �crasante du Kizil-tao, voil�e de nuages, nous menace
incessamment de tonnantes avalanches, dont la chute nous amuse plut�t
qu'elle ne nous effraie, car nous sommes hors de leur port�e. En
amont, une mignonne cascade appara�t parmi les broussailles.

[Illustration: Vall�e sup�rieure d'Inghiltchik.--D'apr�s une
photographie.]

Les Kirghizes y r�unissent habituellement leurs troupeaux de moutons,
le site se trouvant clos naturellement.

_24 juillet._--Nous allons faire une reconnaissance sur le glacier
d'Inghiltchik, afin de chercher un endroit par o� faire passer les
chevaux. Si nous avons cette chance, nous nous transporterons le plus
haut possible, de mani�re � pouvoir �tablir notre quartier g�n�ral
tout pr�s de la base du Khan Tengri. Il doit �tre, certainement, au
point terminus de cette gigantesque coul�e de glace, que les nomades
appellent le �tchiou mouz�, le grand glacier.

La surface est tr�s mouvement�e: c'est tout un syst�me de lacs et de
torrents, de combes et de monticules, litt�ralement encombr�s de
pierres qui, suivant leur provenance et la plasticit� du glacier,
s'accumulent en stries longitudinales et transversales, de couleurs
vari�es. Vu d'en haut, le glacier ressemble � la carapace d'un
reptile.

Nous n'attendons pas longtemps pour nous apercevoir de l'impossibilit�
absolue d'y amener nos b�tes, � cause du manque de p�turages et de
l'impraticabilit� du terrain. Pour remonter le glacier d'Inghiltchik
jusqu'� ses origines et y s�journer pendant quelques semaines, il e�t
fallu avoir sous la main une �quipe de porteurs solides et chauss�s
_ad hoc_; ce qui n'�tait pas le cas des hommes dont nous disposions,
ni de ceux que nous aurions pu trouver dans les vall�es voisines. Ils
sont d'abord mal habill�s, et puis on ne peut leur faire porter quoi
que ce soit sur les �paules. Nous nous r�sign�mes donc � chercher
ailleurs le point d'attaque du Khan Tengri. Nous d�cid�mes de
l'aborder depuis le col du Mouj-art, en passant sur le territoire
chinois.

En levant le camp, nous ne f�mes pas peu surpris de voir le djighite
nous amener un vieux Kirghize qui vint, sur-le-champ, se prosterner
devant nous comme s'il implorait une gr�ce. Ce n'�tait rien moins que
le chef, le _chirta�_, de toute la vall�e de Ka�nde, venu expr�s pour
offrir ses bons offices. La veille, pendant que nous d�ambulions sur
le glacier d'Inghiltchik, le djighite avait tout � coup disparu sans
crier gare et, pour qu�rir son homme, il avait parcouru tout
simplement 150 verstes et accompli le voyage en vingt-quatre heures.

Ma�tre Abbas, abandonnant pour un moment ses casseroles, remplit
gravement les fonctions de ma�tre des c�r�monies et d'interpr�te.
D'une flegmatique imperturbabilit�, il envisagea la chose avec son
tact habituel, c'est-�-dire en traitant son h�te comme une vieille
connaissance � lui. Il faut dire qu'il n'aimait gu�re les Kirghizes,
il les consid�rait comme des quantit�s n�gligeables. En parlant d'eux
et de leurs femmes, il avait coutume de dire que c'�taient des
chiens.... capables de manger jusqu'� des charognes.

Ce _chirta�_ ne paraissait pas, � vrai dire, d'une tr�s haute
distinction. Sauf quelques paroles de convenance, qu'Abbas nous
traduisait dans son fran�ais de T�h�ran, il ne savait gu�re s'exprimer
qu'� force de courbettes et de salamalecs, qu'il ex�cutait
automatiquement � tout propos, en fermant les yeux et en pressant les
mains sur la poitrine.

� peine �tions-nous en route que deux nouveaux cavaliers vinrent �
notre rencontre et se joignirent � nous. C'�taient deux sujets de
notre autocrate en raccourci, mand�s par lui pour venir en aide �
notre caravane. Comme on le voit, si ce chef n'�tait pas tr�s avenant,
il connaissait au moins les r�gles �l�mentaires de l'hospitalit�.

Ces hommes nous furent d'une grande utilit� pour passer � gu� le
fleuve qui, en certains endroits, mesurait pr�s de 200 m�tres de
largeur. Nous atterr�mes sur l'autre rive, � l'entr�e du vallon
d'Attia�lo, le seul passage communiquant avec la vall�e de Ka�nde qui
longe, au sud, celle d'Inghiltchik.

Le contrefort qui les s�pare se pr�sente, au point de vue g�ologique,
comme le noyau central du groupe du Khan Tengri. C'est un syst�me
ayant des caract�res propres, tant par son aspect ext�rieur que par la
nature de ses roches. � son profil anguleux et � la disposition en
�ventail des couches granitiques, on reconna�t ais�ment l'origine
plutonique de sa formation. Ce qui est surprenant dans la constitution
de ce massif, c'est qu'� un moment donn� il cesse inopin�ment, coup�
en biais, du sud-ouest au nord-est, par l'entaille des gorges
d'Attia�lo. De loin, on ne s'attendrait pas � cette surprise, parce
que la cha�ne ne semble gu�re interrompue et para�t continuer sous la
forme att�nu�e d'un contrefort servant d'appui gigantesque � la masse
imposante du Kizil-tao. Mais, de pr�s, comme nous le constatons en
remontant le vallon d'Attia�lo, on d�couvre que cet appendice montueux
est d'une origine et d'une structure toutes diff�rentes.

[Illustration: Vall�e de Ka�nde: l'eau d'un lac s'�coulait au milieu
d'une prairie �maill�e de fleurs.--D'apr�s une photographie.]

Apr�s deux ou trois verstes, le vallon se partage en deux: � gauche,
une effroyable tranch�e para�t contourner le bastion de granit, comme
pour l'isoler. Nous prenons par celui de droite. Apr�s quelques heures
de rapide mont�e, la pluie nous surprend et nous oblige de nous
arr�ter au pied d'une paroi de rochers, coiff�e de glaces. Il y a bien
des pierres qui d�gringolent de temps � autre et voltigent autour de
notre camp, mais, habitu�s comme nous sommes � ces bagatelles, nous
n'y faisons m�me plus attention.

C'est le chapeau rabattu, le col relev� et le plaid sur les �paules,
que nous partons de notre bivouac de 3�000 m�tres, sans savoir au
juste o� nous coucherons le soir. Lentement, fouett�s par la pluie que
le vent chasse contre nous, nous gravissons l'�chelonnement des
terrasses �ventr�es par les �boulements, contournant de temps � autre
quelques moraines, dont les glaciers s'enfuient dans des gouffres
envelopp�s de brouillard, � notre gauche.

Au sommet du col, les nuages se d�chirent un instant, et nous nous
apercevons que nous fr�lons un lac, dont l'eau s'�coule en serpentant
au milieu d'une prairie �maill�e de fleurs. Dans notre singulier �tat
d'�me, voisin de l'indolence maussade, cette esquisse de paysage, aux
lignes estomp�es et noy�es dans un flottement de vapeurs, nous est
comme un soulagement. La lourdeur apathique dans laquelle sommeillait
notre esprit, dispara�t tout � coup, et c'est presque avec
enthousiasme que nous saluons ce lambeau de gazon ensoleill�, qui nous
rappelle un petit coin des Alpes, un fragment de la patrie lointaine.

Mais cet attendrissement nostalgique n'est pas de longue dur�e. Apr�s
cette oasis alpestre, nous nous engageons, sans transition aucune,
dans un affreux d�fil�, qui nous fait l'effet de quelque tunnel.

[Illustration: Les femmes kirghizes d'Oustchiar se rang�rent, avec
leurs enfants, sur notre passage (page 489).--D'apr�s une
photographie.]

Le temps s'obscurcit et la pluie recommence de plus belle. Le torrent
s'est grossi d�mesur�ment. Il nous faut quand m�me le traverser et le
longer � plusieurs reprises, avec la menace continuelle des pierres
qui se d�tachent des pentes sup�rieures et d�gringolent avec une
rapidit� extraordinaire. Pour �viter des accidents, nous sommes
contraints � de p�rilleuses galopades sur le terrain tremp� et
glissant au plus haut degr�.

Soudain, le djighite s'arr�te tout court et nous fait signe d'en faire
autant. Il nous dit alors, qu'un peu plus loin il y a un pr�cipice
tr�s dangereux, et qu'il serait de la derni�re imprudence de s'y
aventurer. Nous nous regardons interloqu�s. Que faire? Pourquoi ne
nous avait-il pas avertis plut�t? Devrons-nous camper en cet endroit?
Nous nous trouvons sur une bande de gravois charri�s par la rivi�re,
dont l'eau tourbillonne � c�t�, entra�nant, dans sa course, de gros
blocs qui, en formant un barrage, auraient pu enlever notre camp et
nous avec lui.

Mais � la seule pens�e de retourner en arri�re et de refaire la route
de tout � l'heure, nous nous r�signons � accepter notre triste sort.
Ce soir-l�, nous ne nous attard�mes pas � fl�ner, comme d'habitude,
autour des tentes, pour faire la causette, et nous ne d�n�mes pas non
plus sur le tchiamkerr �tendu � l'entr�e de nos demeures. Apr�s une
courte inspection sur la solidit� de celles-ci et une enqu�te sur leur
imperm�abilit�, nous enfil�mes nos sacs-lits et nous attend�mes que le
Dieu du sommeil m�t un terme � notre surexcitation.

[Illustration: Le chirta� de Ka�nde (page 485).--D'apr�s une
photographie.]

Pendant la nuit, les cauchemars les plus insens�s nous faisaient
sursauter � chaque instant, avec la hantise s'attachant � notre esprit
qu'� tout moment nous allions �tre an�antis. La pluie qui cr�pitait
avec une intensit� toujours croissante sur la toile, nous faisait
penser au torrent, dont le volume d'eau avait d� augmenter encore et
dans lequel on entendait s'entrechoquer sourdement les pierres que le
courant d�sagr�geait des berges. Et les all�es et venues des chevaux
qui r�daient autour du camp, fr�lant les tentes, buttant contre les
piquets et les cordes tendues, n'�taient pas sans nous donner de
s�rieuses appr�hensions sur la solidit� de notre logis.

Vers le matin cependant, les nuages se dissip�rent, et un splendide
soleil s�cha vite nos bagages tremp�s.

Le pr�cipice, dont le djighite nous avait entretenus la veille, �tait
une �norme crevasse s'ouvrant dans la montagne dans le sens de la
pente. Nous d�mes le remonter et le contourner avec mille pr�cautions,
� cause de l'humidit� du sol. Avant de quitter les gorges d'Attia�l�,
nous refaisons instinctivement le geste fameux du Dante. Arriv�s en
lieu s�r, nous contemplons la beaut� farouche de ce gouffre, o� le
torrent se d�bat furieusement entre les parois exigu�s qui
l'emprisonnent, disparaissant de temps en temps dans des antres
invisibles.

Le versant que nous venons de c�toyer pr�sente � d�couvert sa rude
charpente en gneiss micaschiste, ravag�e �a et l� par les
effondrements des assises rocheuses, dont les d�bris se sont entass�s
les uns sur les autres, formant une mosa�que accident�e de pierres de
toutes couleurs et de toutes tailles. Mais de l'autre c�t�, la nature
plus solide de la roche a conserv� aux escarpements leur structure
primitive; ce sont des parois verticales, s'�tageant en gradins, et
d�chiquet�es au fa�te par des blocs isol�s, qui donnent l'illusion
d'un formidable castel du Moyen �ge. La couleur ferrugineuse des
roches, stri�es verticalement de bandes bleu�tres, brunies par
l'�coulement des eaux, et une multitude de trous �vas�s produits par
je ne sais quel agent, donnaient � cette assise de calcaire
dolomitique une v�tust� d'un pittoresque charmant.

Apr�s quelques d�tours, nous descendons dans la vall�e de Ka�nde, o�
le chirta� nous attendait avec deux hommes de sa tribu. Il nous
apportait une outre pleine de koumiss, qu'il nous offrit tr�s
obligeamment. Puis, prenant la t�te de la caravane, il nous guida �
travers le d�dale de canaux qui sillonnent les pierres du thalweg et
nous amena, apr�s force baignades, sur un tertre gazonn�, � la lisi�re
d'un bois de sapins.

[Illustration: Nous salu�mes la vall�e de Ka�nde comme un coin de la
terre des alpes (page 480).--D'apr�s une photographie.]

L�, le chef nous invite � pousser jusqu'� son aoul, qui se trouve �
environ une demi-journ�e de marche, en amont. Mais press�s comme nous
sommes d'atteindre le but de nos p�r�grinations, nous d�clinons ses
avances, en lui laissant esp�rer que plus tard peut-�tre nous serions
� m�me d'acquiescer � son d�sir.

Pour franchir le contrefort qui flanque au sud la vall�e de Ka�nde, il
nous faut redescendre celle-ci pendant trois heures environ, apr�s
quoi nous serpentons � travers de beaux p�turages, jusqu'au col
d'Oustchiar, que nous touchons vers deux heures de l'apr�s-midi. L�
encore, deux Kirghizes aux visages inconnus, nous attendent avec la
provision traditionnelle de koumiss. Leur pr�sence nous �tonne
profond�ment. Comment ces hommes savaient-ils notre venue, puisqu'ils
habitent l'autre versant? Myst�re! Escort�s par ces deux cavaliers
d'honneur, nous arriv�mes une heure apr�s � leur aoul, �tabli pr�s
d'un torrent dans le creux de la courbe.

Tous les hommes pr�sents s'en vinrent incontinent � notre rencontre,
pendant que les enfants se sauvaient �pouvant�s et que les femmes nous
guettaient anxieusement � travers les fissures des yourtes. C'�tait,
pour tout ce monde, un �v�nement incompr�hensible, que notre visite
dans leur pays.

Aussi le djighite et Abbas avaient-ils grand'peine � leur expliquer le
but de notre voyage et � les convaincre qu'aucune id�e hostile ne nous
animait.

Pendant toute l'apr�s-midi notre camp se trouva envahi par l'�l�ment
m�le de la colonie, qui fraternisait avec nous comme avec de vieux
amis. Les Kirghizes ont ceci de particulier, qu'ils deviennent d'une
effronterie extraordinaire une fois qu'ils vous savent inoffensifs. Le
koumiss coula � flots, �chang� par Abbas contre de copieuses libations
de th�, pr�par� d'avance dans une grande marmite.

Dans la soir�e, nous f�mes un petit tour au milieu des yourtes, au
grand ahurissement des femmes, qui se cachaient � notre approche. Mais
les maris qui nous accompagnaient les firent sortir et ranger sur
notre passage; elles s'ex�cut�rent avec assez de bonne gr�ce. Si leur
accoutrement �tait pittoresque, leurs personnes n'avaient rien de bien
app�tissant, et, il fallait quelque attention pour les distinguer des
hommes, tellement leur charpente �tait disgracieuse et leurs traits
durs et repoussants.

Invit�s par un Kirghize, nous p�n�tr�mes dans une yourte. Deux femmes
se tenaient dissimul�es derri�re un rideau; sur notre demande, le mari
le fit glisser sur la tringle. Une d'elles �tait occup�e aupr�s d'un
b�b� de quelques mois, qu'elle emmaillottait avec des peaux d'agneaux.
Elle lui tendit bient�t un biberon fait d'une corne de boeuf �vid�e,
avec au bout une ventouse de parchemin en guise de su�on. L'autre
femme �tait en train de broder pour son �poux une calotte. Pour ce
faire, elle avait tendu l'�toffe sur un cercle en bois, qu'elle tenait
entre ses genoux, et passait � travers le tissu un fil de laine, au
moyen d'une pointe d'os. Le dessin n'�tait gu�re sym�trique, mais les
couleurs, bien que trop vives, �taient savamment combin�es, et le tout
formait un ensemble harmonieux de teintes et de lignes.

Sur ces entrefaites, le b�tail rentra. Ce fut un spectacle saisissant,
que cette avalanche d'animaux, descendant des pentes de la montagne,
refoul�s par les p�tres jusque dans l'emplacement exigu o� on les
parque pendant la nuit. Un affolement g�n�ral r�gne dans l'aoul, �
l'arriv�e des troupeaux. Toutes les femmes sortent des yourtes;
chacune cherche � reconna�tre son b�tail, l'appelle et s'efforce de le
r�unir. � cet effet, on tend par terre une longue corde, o� l'on
attache les brebis, les ch�vres, les vaches et les juments.

Les jeunes gens aident leurs m�res � trier les b�tes. Mais les hommes
se gardent bien de faire quoi que ce soit; ils se contentent
d'observer et, le cas �ch�ant, de gronder les femmes, si elles se
trompent. De gros marmots joufflus, �g�s de deux ou trois ans � peine,
� la peau tann�e par l'air, aux formes rebondies, laids �comme des
Kirghizes�, petits monstres de sant�, se m�lent � la bagarre, se
roulent, courent nus comme des b�tes, en voulant imiter leurs a�n�s.

_29 juillet._--Avant de quitter l'aoul d'Oustchiar, comme un de nos
chevaux boitait s�rieusement, nous l'�change�mes moyennant quelques
roubles contre un autre appartenant aux nomades. � ce petit march�
assista naturellement toute la tribu, et Dieu sait combien il aurait
dur� si nous n'avions pas ordonn� � Abbas d'envoyer se promener tous
ces faiseurs d'embarras.

� dix heures, nous atteignons le col d'Artchiar qui s'ouvre dans le
petit contrefort qui s�pare les vallons d'Oustchiar et d'Artchiar.
Depuis le sommet on jouit d'une belle vue sur le pic d'Oustchiar,
s'�levant au del� de l'aoul, rev�tu d'une cuirasse de glace, et coiff�
d'une toque de neige. De l'autre c�t� du col, quatre ou cinq rang�es
de montagnes se superposent et s'entre-croisent, nous cachant
compl�tement l'issue de la conque qui d�cline � nos pieds. Cependant
nous suivons l'encoignure de la combe qui nous m�ne en quelques heures
dans un �tranglement du vallon, o� le torrent dispara�t tout � coup
dans un pr�cipice, dont les parois se rapprochent pour nous barrer la
route.

Mais une esp�ce de sentier escalade une coul�e d'�boulis et c�toie une
suite de promontoires et d'�perons qui s'�lancent audacieusement dans
le vide. Nous nous trouvons environn�s par une affreuse tomb�e de
roches disloqu�es et tourment�es en tout sens, s'�croulant
vertigineusement � des profondeurs insondables. Il nous semble �tre
enserr�s dans un �tau d'o� nous chercherions vainement � nous d�gager.

[Illustration: Femmes mari�es de la vall�e de Ka�nde avec leur
prog�niture.--D'apr�s une photographie.]

Pourtant les chevaux avancent toujours du m�me pas alerte, se plient
avec une souplesse f�line contre les grumeaux qui empi�tent sur le
sentier, �vitent les pierres roulantes, contournent les craquelures,
traversent un avalement, enjambent un r�cif; et ainsi de suite pendant
deux heures.

Cramponn�s �nergiquement au pommeau de la selle, nous nous laissons
conduire, presque inconsciemment. Ce n'est pas le moment de mettre en
relief notre virtuosit� hippique, et de faire de la haute �cole. Le
moindre faux pas du cheval nous enverrait vite dans le n�ant. De temps
en temps nous nous assurons, du haut d'une �minence, que toute la
caravane est au complet. Apr�s le dernier mamelon, nous descendons par
des fondri�res creus�es dans des bancs de terre glaise, au fond du
vallon, � l'endroit o� il se partage en deux embranchements.

La v�g�tation a tout � fait chang� son caract�re alpestre, et devient
d'une singuli�re �tranget�. Des herbes �pineuses, coriaces,
mouchet�es de fleurs multicolores, pars�ment le terrain d'un roux
fauve; des halliers � l'odeur naus�abonde, des tamaris, des ails, des
thyms, toute une l�gion de plantes inconnues simulent des gestes
convulsifs d'agonie et ont des exhalations f�tides qui vous prennent �
la gorge. Puis un saule solitaire au beau milieu du torrent, tordu,
mutil� par la violence des crues. Tout cet amoncellement de pr�cipices
et toute cette flore inaccoutum�e vous frappent d'�tonnement et vous
font sentir que vous �tes dans une ambiance insolite, o� tout est
myst�re, o� le moindre objet vous saisit par sa bizarrerie.

[Illustration: L'�l�ment m�le de la colonie vint tout l'apr�s-midi
voisiner dans notre campement (page 489).--D'apr�s une photographie.]

L'unique chemin qui se pr�sente devant nous, c'est le lit du torrent,
large de quelques m�tres seulement, dont l'eau s'�vertue � trouver un
passage au milieu d'un amoncellement de blocs de toutes sortes et
entre deux hautes murailles qui s'�l�vent toutes droites vers le ciel.
Avec sa teinte sombre de cachot macul�e des taches sanglantes de
lichens, cette saign�e de la montagne est d'un aspect vraiment
terrifiant. Mais, en songeant que depuis des si�cles ces rochers
menacent ainsi les voyageurs, nous franchissons sans crainte l'entr�e
de cet enfer et nous p�n�trons dans la p�nombre de la gorge.

Apr�s quelques pas, le couloir formant un coude brusque, le torrent se
jette violemment contre la paroi de rochers, nous coupant la route.
Force nous est alors de faire un plongeon dans l'eau, et d'y patauger
avec l'al�a d'une noyade. Ce jeu p�rilleux se renouvelle maintes fois,
au grand m�contentement de Zurbriggen qui ne semble pas avoir des
sympathies tr�s prononc�es pour ces manoeuvres nautiques. Aussi met-il
prudemment sa pipe ins�parable dans la poche, pour avoir les mains
plus libres et parer aux chutes.

Les gorges d'Artchiar se greffent directement sur la vall�e de Ko�kab,
vers laquelle nous nous dirigions. Nous nous arr�t�mes sur une langue
de terre s'enfon�ant entre les deux fleuves. Cette digue, form�e par
le hasard des alluvions, �tait une sorte de pr�au dans la claustrale
s�v�rit� de ces montagnes d�nud�es. Partout, les flancs de la vall�e
descendaient � pic dans le foss� du fleuve, d�labr�s, labour�s et
lav�s par le branle-bas des averses.

Le soir, nous allumons de grands feux pour faire peur aux fauves, qui,
au dire des Kirghizes, abondent dans les environs.

Notre intention �tant de descendre sur le territoire chinois, afin
d'aborder le Khan Tengri par la vall�e du Mouj-art, nous comptions
suivre le cours du Ko�kab-sou, pensant qu'il nous aurait conduits en
amont d'Ak-sou. Mais nous faisions notre projet sans conna�tre le
terrain sur lequel nous allions �voluer.

En touchant la vall�e de Ko�kab nous constatons de suite
l'impossibilit� absolue de continuer notre chemin de ce c�t�. Une
tranch�e de pr�s de mille m�tres de profondeur, et dans l'�troit
encaissement un courant imp�tueux qui tourbillonnait avec une
v�h�mence effr�n�e, soulevant des nuages de vapeurs, voil� ce dont
nous disposons pour tout chemin. Il ne fallait pas y songer.

En amont, la vall�e para�t plus accessible, et un adoucissement de la
c�te nous invite � en tenter la mont�e. Cependant, apr�s avoir suivi
pendant quelque temps le talus de la montagne, apr�s avoir pass� � gu�
le fleuve, nous nous trouvons tout � coup dans la position
d�savantageuse d'avoir � combattre de front le courant. L'eau �tait
profonde de 3 � 4 m�tres. � peine les chevaux s'y plongent qu'ils sont
entra�n�s comme des plumes. Et encore si, cet obstacle franchi, la
route �tait libre! Autant que le regard peut fouiller, il ne voit que
pr�cipices sur pr�cipices.

Nous sommes tout � fait constern�s. �tre venus de si loin pour butter
contre des rochers, c'�tait bien la peine! Mais que faire? Nous ne
pouvions gu�re admettre de poursuivre notre voyage � pied. Bon gr�,
mal gr�, il nous fallait battre en retraite.

En attendant, comme nous ne nous sentons pas le courage de recommencer
les baignades de tout � l'heure, nous campons o� nous nous trouvons.
Avec un peu de bonne volont� nous d�blayons le terrain des pierres,
tandis que les chevaux s'en vont brouter les ramilles des buissons de
la berge.

Nous ne voulons pourtant pas quitter la vall�e de Ko�kab avant d'�tre
fix�s sur sa physionomie. Le lendemain, nous escaladons la montagne �
laquelle nous sommes adoss�s.

C'est une ascension p�nible et longue � la fois, pendant laquelle nous
rencontrons de nombreux troupeaux de bouquetins, aux cornes �normes,
appel�s par les savants _ovis argalis_.

� quatre heures, nous atteignons 3�850 m�tres. Nous ne sommes pas
encore arriv�s sur le plus haut sommet du contrefort; mais, comme il
est tard, il faut aussi que nous m�nagions du temps pour la descente.

De notre belv�d�re nous n'apercevions, malheureusement, que les bosses
des cha�nons convergeant vers l'axe de la vall�e de Ko�kab. � l'est et
au sud, des pics de 5�000 � 6�000 m�tres dressent leurs masses de
granit recouvertes de glaciers et de neiges �ternelles. � l'extr�mit�
du Kok-Chaal-tao, s'ouvre une large baie, d'o� nous entrevoyons une
plaine vaporeuse, probablement le d�sert de Taclamakan.

Mais le soleil d�cline � l'horizon. � 2�000 m�tres de profondeur, on
voit distinctement nos hommes et nos b�tes fourmillant autour des
tentes, dress�es sur l'emplacement de l'avant-veille. Le chemin pour y
arriver semble tout indiqu� par une tomb�e d'�boulis, s'engouffrant
dans un couloir. En quelques bonds nous y arrivons. Mais l� commence
la s�rie de nos malheurs. Il nous faut franchir des sauts de rochers,
nous laisser glisser sur des pierres suintantes, marcher � petits pas
dans des goutti�res, faire en somme des tours d'acrobates, recevoir
m�me le corpulent Zurbriggen sur les �paules. Et quand nous croyons
avoir termin� la s�rie des m�saventures, nous nous trouvons tout juste
au commencement des gorges d'Artchiar!

Voil� qui est vexant! Comme bien vous pensez, nous n'avions aucunement
envie de nous accommoder pendant toute la nuit de ce cachot, avec la
perspective d'une pneumonie. Prenant philosophiquement ce f�cheux
contre-temps, nous d�cidons co�te que co�te d'atteindre au plus vite
notre camp. Mais c'est � grand-peine. Pourtant, attach�s tous les
trois � la m�me corde, en sondant l'eau avec les pieds, en t�tant le
vide avec le piolet ou les mains, � minuit nous parvenons au camp. Il
est vrai que nous avions les chaussures bourr�es de gravier, que nos
sacs �taient remplis d'eau, et que nous-m�mes nous �tions tremp�s
jusqu'aux os. Un bon feu, une bonne soupe et un somme prolong� eurent
vite raison des souffrances endur�es pendant cette malencontreuse
nuit.

  (_� suivre._)                         JULES BROCHEREL.

[Illustration: Un �aoul� kirghize.]

Droits de traduction et de reproductions r�serv�s.




  TOME IX, NOUVELLE S�RIE.--42e LIV.         N� 42.--21 Octobre 1905.


[Illustration: Yeux brid�s, pommettes saillantes, nez �pat�, les
femmes de Ka�nde sont de vilaines kirghizes (page 496).--D'apr�s une
photographie.]




VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES[3]

         [Note 3: _Suite. Voyez pages 457, 469 et 481._]

PAR M. JULES BROCHEREL.

     IV. -- Vers l'aiguille d'Oustchiar. -- L'aoul de Ka�nde. -- En
     vue du Khan Tengri. -- Le glacier de Ka�nde. -- Bloqu�s par la
     neige. -- Nous songeons au retour. -- Dans la vall�e de l'Irtach.
     -- Chez le kaltch�. -- Cuisine de Kirghize. -- Fin des travaux
     topographiques. -- Un enterrement kirghize.


[Illustration: Enfant kirghize.--D'apr�s une photographie.]

_1er ao�t._--Journ�e de repos aux gorges d'Artchiar. On prend force
bains d'eau et de soleil. On herborise dans les environs; des plantes
rares enrichissent notre collection. Dans l'apr�s-midi, une bande de
loups traverse les coteaux. Nous leur envoyons quelques balles; ils se
sauvent en hurlant.

Pendant la nuit s'est abattue une pluie torrentielle, et vingt-quatre
heures durant c'est une cataracte du ciel, une avalanche de boue et de
pierres qui nous tiennent confin�s sous nos tentes. La montagne semble
prise d'une attaque de nerfs. Le Ko�kab-sou, formant la goutti�re des
deux versants, recueille l'apport de milliers de torrents, qui se
pr�cipitent des hauteurs, entra�nant tout sur leur passage. La
montagne ressemble � une �norme �ponge, vomissant de toutes parts des
flots de liquide.

Les deux fleuves varient � tout moment la direction de leur courant,
et viennent menacer le soubassement de notre logis.

Le 3 ao�t, en sortant des tentes, nous retrouvons un ciel limpide
comme une glace, et un soleil flamboyant. La montagne s'est tue, et de
l'emportement de la veille il ne subsiste que de tardifs larmoiements
qui ruissellent dans les rainures, et impr�gnent l'air d'une agr�able
fra�cheur.

Nous pouvons donc, sans trop de dangers, affronter le d�fil�
d'Artchiar, remonter au col, recommencer en somme le chemin que nous
avions fait cinq jours auparavant.

Le soir, quand, apr�s avoir rencontr� en route un berger et son
troupeau nous arrivons � Oustchiar, les nomades se montrent enchant�s
de nous revoir. Nous y trouvons un courrier mand� expr�s par le
gouverneur de Prjevalsk. Il nous pr�sente une lettre par laquelle nous
apprenons la guerre qui vient d'�clater en Chine. Ce fonctionnaire
nous conseille fort d'�viter ce territoire volcanique, pour nous
�pargner des d�sagr�ments.

[Illustration: Kirghize dressant un aigle.--D'apr�s une photographie.]

Dans la matin�e du jour suivant, nous nous m�lons aux Kirghizes,
visitant leurs tentes, nous int�ressant � leurs travaux (l'un d'eux
dressait un aigle), observant les femmes dans leurs occupations, et
leur offrant des bijoux en aluminium. Tr�s touch�es, elles nous
sourient gracieusement, et, si elles le pouvaient, elles entameraient
bien une causette avec nous. Elles ne semblent plus effarouch�es; au
contraire.

� trois heures de l'apr�s-midi, le prince, Zurbriggen et moi,
accompagn�s d'un cavalier kirghize, nous partons pour une excursion.
C'est vers l'�l�gante aiguille d'Oustchiar que nous dirigeons nos pas.
� la tomb�e de la nuit, nous bivouaquons � 3�850 m�tres, � la base de
la pyramide terminale.

Zurbriggen nous assure en partant que nous d�jeunerons au camp.
Seulement, il ne pr�voit pas la chemin�e de glaces, qui nous attend,
et o�, � la merci des avalanches de pierres, nous restons quatre
heures pour gagner quelques centaines de m�tres. Glace d�couverte,
verglas sur les rochers, attaches s'enlevant au moindre effort,
c'�tait plus qu'il ne fallait pour nous d�courager.

Mais avec de la patience et de la prudence on arrive � bout de tout:
nous atteignons l'ar�te sud; suivant son tranchant puis le dos d'un
n�v�, � une heure de l'apr�s-midi nous posons le pied sur l'extr�me
calotte de l'aiguille d'Oustchiar. On proc�de imm�diatement � son
bapt�me; apr�s quoi, nous donnons satisfaction � nos estomacs.

[Illustration: Itin�raire du voyage aux Monts C�lestes.]

C'est 4�500 m�tres d'altitude que mesure ce clocheton de granit et de
glace. Notre premier souci, c'est de regarder si nous apercevons le
fameux Khan Tengri. Nous n'avons pas de peine � le discerner, car il
se d�tache au fond de la vall�e de Ka�nde, pos� sur un socle de
glaciers qui divergent de tous les c�t�s. Les deux vall�es de Ka�nde
et de Ko�kab s'allongent au couchant et au sud, se tournant le dos.

Mais cette surface mouvement�e de roches est d'un aspect triste et
d'une sauvagerie sans �gale. Pas la moindre tache de vert ne trouble
la teinte terreuse de cette r�gion torr�fi�e par la chaleur du soleil.
Si ce n'�tait la dentelle de neige qui frange les c�nes h�rissant la
croupe des contreforts, on dirait un relief p�tri dans de la terre
glaise.

[Illustration: Nous rencontr�mes sur la route d'Oustchiar un berger et
son troupeau (page 493).--D'apr�s une photographie.]

Au sud, deux pics, l'Ak-sou-tao et le Djannart-tao, post�s en
sentinelles � l'entr�e de deux vall�es, paraissent �tre plac�s pour
veiller � l'approche d'un ennemi imaginaire. Entre eux deux s'ouvre la
baie, par o� s'�chappent les eaux du Djannart-sou, que nous voyons
serpenter au loin, comme un ruban d'argent, dans les plaines bleu�tres
de la Kachgarie. Au-dessus, une raie ind�cise nous indique la position
des collines de Bittama-tao, cernant au sud le plateau d'Outch
Tourfan. Plus loin, c'est le Gobi fabuleux, qu'on devine plut�t qu'on
ne le voit dans les lignes de l'horizon.

Nous sommes admirablement plac�s pour embrasser, d'un seul coup
d'oeil, la vasque immense qui recueille les eaux de centaines de
glaciers, et est bord�e tout autour par un cercle de montagnes hautes
de 5�000 m�tres. Nous constatons que l'art�re principale de ce syst�me
hydrographique est le Saridjass-sou, qui, sauf aux d�bouch�s des
vall�es, est enfoui dans un foss� �troit et profond, long de pr�s de
300 verstes. C'est un spectacle curieux et imposant � la fois, que de
voir ce fleuve majestueux, blanc comme du lait, circuler dans les
m�andres des montagnes, dispara�tre soudain au tournant d'un mamelon,
pour se montrer plus loin comme s'il sortait des entrailles de la
terre.

Au couchant, deux vall�es nous font vis-�-vis: � gauche, celle de
Djannart, avec les vallons du Ka�tch�, de Bichirtik et d'Archiriak
creus�s dans la masse du Kook-chaal-tao. Au fond, l'�chancrure
d'Ichtik nous laisse apercevoir les moutonnements du plateau de
Karagan, o� prend naissance le Naryn, qui devient plus bas le
Syr-Daria. � droite, la vall�e d'Irtach, apr�s un parcours d'une
trentaine de verstes, tourne brusquement au nord, derri�re les massifs
de Terekty-tao et de Keou-eou-leou-tao.

Nous nous arr�tons encore un instant pour admirer les trois pics qui
tiennent compagnie � l'Aiguille d'Oustchiar, �troitement group�s les
uns pr�s des autres. Celui du milieu, surtout, conquiert de suite
notre attention. Son air r�barbatif n'est pas pour inviter � en tenter
l'escalade. Nous le nommons: _Kargan-tach_, �l'aigle de pierre�.

La descente au camp s'effectue d'une haleine. Et quand nous nous
retrouvons sous nos tentes spacieuses, autour de la nappe charg�e de
confitures, et que nous savourons le th� au lait, il nous semble �tre
dans un palais. Coucher sur le gazon apr�s une nuit pass�e sur des
pierres et une journ�e sur la glace, c'est tout ce qu'on peut r�ver de
plus confortable, dans ces contr�es.

[Illustration: Je photographiai les kirghizes de Ka�nde qui s'�taient,
pour nous recevoir, assembl�s sur une �minence.--D'apr�s une
photographie.]

_6 ao�t._--La vue du Khan-Tengri nous donne un regain d'enthousiasme.
Il nous semble m�me que son ascension n'est aucunement dangereuse. Il
suffirait d'aller camper � sa base et d'attendre le moment propice
pour en effectuer l'escalade. Seulement, il faut que le temps se mette
au beau, sans quoi on ne pourrait y arriver.

Aujourd'hui on fl�ne tout comme les Kirghizes, et, pareils � des
enfants, nous nous roulons sur le gazon. Apr�s un surmenage physique
et une longue tension de nerfs, on aime � s'allonger parmi les herbes,
et � regarder courir les nuages pendant que les muscles se d�tendent
et que le sang reprend son rythme habituel. C'est d'une hygi�ne bien
entendue.

Le lendemain nous partons pour l'aoul de Ka�nde. Les Kirghizes
viennent nous accompagner jusque sur le col d'Oustchiar. Nous
refaisons le chemin du 28 juillet; puis nous suivons le flanc gauche
de la vall�e, en douce d�clivit� et recouvert de p�turages, entrem�l�s
de bois de sapins.

Au soleil couchant nous atteignons le campement des nomades. Ceux-ci,
assembl�s sur une �minence, nous accueillent avec des _salams_ et des
_ba�s_ qui n'en finissent plus. Le _chirta�_ nous fait dire que lui,
sa famille et sa tribu sont tr�s heureux de nous avoir pour h�tes. Il
nous prie de rester pendant quelques jours, ce que nous acceptons de
bon coeur.

L'aoul de Ka�nde compte environ cent cinquante individus, partag�s en
une vingtaine de tentes.

Abbas nous ayant dit que le _chirta�_ avait sa fille fianc�e, nous
faisons tant et si bien, qu'on nous la laisse voir et portraiturer.
Mais, avant de se pr�senter, elle se fait une toilette en r�gle,
endossant ses plus beaux atours. Elle est toute jeune, et tr�s grande
pour son �ge. Mais, bien qu'elle soit habill�e en soie, chamarr�e de
bijoux aux doigts, aux poignets et aux oreilles; qu'elle porte des
bottines richement travaill�es et qu'elle se coiffe d'une toque en
fourrure avec une aigrette de plumes blanches, elle reste toujours une
vilaine Kirghize, avec des yeux brid�s, des pommettes saillantes et un
nez �pat�. Il s'en faut de beaucoup que cette jeune personne excite
notre admiration.

Elle est promise au _kaltch�_--ou chef--de la vall�e d'Irtach, un des
plus riches nomades de la contr�e. Mais, avant de prendre possession
de ce tr�sor, celui-ci devra soustraire pas mal d'unit�s du nombre de
ses troupeaux. Le chirta�, appuy� par ses deux fils c�libataires,
avait �t� d'une exigence extr�me: le jour du mariage, l'�poux devra
lui amener 40 chameaux, 400 chevaux et 5�000 moutons, sans compter une
foule d'autres petits cadeaux secondaires. Ce que c'est que d'�tre la
fille d'un chef, et d'avoir treize ans!

_9 ao�t._--Apr�s quelques heures de marche nous arrivons au glacier de
Ka�nde et nous prenons par la moraine de gauche pendant deux ou trois
verstes. Le chaos de blocs s'�paississant de plus en plus, nous ne
croyons pas devoir pousser plus loin et nous cherchons un emplacement
pour notre camp. Nous le trouvons dans une ride de la c�te de la
montagne, entre deux torrents d�valant des glaciers sup�rieurs.

L'endroit est pourvu de tout le n�cessaire pour un s�jour prolong�.
Les buissons de _t�o-go�rouks_ abondent, une source d'eau gazouille �
c�t�, et les chevaux ont de quoi satisfaire leur app�tit.

Le jour suivant, nous grimpons jusqu'� 4�000 m�tres, au-dessus de
notre camp, pour faire une reconnaissance et nous assurer si nous ne
pourrions pas aller un peu plus haut avec les chevaux.

[Illustration: Le glacier de Ka�nde.--D'apr�s une photographie.]

Le glacier de Ka�nde est encaiss� tr�s �troitement entre deux hautes
parois de rochers, et s'avance, ou plut�t coule lentement, sans que sa
surface accuse un obstacle trop violent. � droite et � gauche, il s'en
racine au sein m�me de la montagne, par une multitude de glaciers
secondaires qui se dessinent nettement � leur jonction par des
�panchements blanch�tres, quasi-s�par�s par des chapelets de
pierrailles.

Une double rang�e de pics, sombres clochetons de pierre ou
�tincelantes pyramides de glace, se dressent de chaque c�t�, semblant
lui faire une escorte d'honneur. Au fond, dominant tous les autres, se
l�ve le Khan Tengri, qui appara�t comme un globe �norme de cristal,
comme le d�me d'une mosqu�e colossale. Il n'a rien de rebutant et se
pr�sente plut�t comme un souverain oriental, qui, du haut de sa
ventripotence accueille ses courtisans avec un sourire b�at.

Comme nous apercevons des bandes de gazon qui rev�tent les d�pendances
du glacier, et que celui-ci est plat et presque pas accident�, nous
croyons pouvoir y conduire nos chevaux et camper � quelques verstes
plus haut.

Laissant une partie de notre bagage, de nos provisions, des chevaux et
des moutons, � la garde du djighite, le lendemain nous nous acheminons
sur le glacier de Ka�nde. Pendant la journ�e, nous gagnons � peine 15
kilom�tres. Mais avec combien de peines, d'ennuis et de cruaut� �
l'�gard de nos pauvres b�tes! Celles-ci sont tout � fait �reint�es. La
plupart ont les pieds qui saignent et les jarrets �corch�s. Un cheval,
dans une chute, s'est m�me bless� � une cuisse, et le sang coule en
abondance. Le soir, on les ram�ne � un p�turage qui se trouve en aval
de notre camp, pour y rester jusqu'� notre retour.

Nous sommes � 3�296 m�tres d'altitude. Nous campons sur le glacier
m�me, ou plut�t sur la cro�te de pierre qui le recouvre. Abbas se
trouve un peu d�pays�, et il nous fait observer que de sa vie il n'a
jamais vu de neige. Pensez donc! il vient des bords du Chatt el-arab!
Et il a toujours ses babouches aux pieds!

_12 ao�t._--Nous essuyons une temp�te de neige, qui nous emprisonne
pendant toute la journ�e. Les ch�vres et les moutons ne font que b�ler
du matin au soir, et pour apaiser leur faim enrag�e ils m�chent notre
bois de chauffage!

Nous sommes noy�s dans une masse de brouillards. Des confettis
unicolores voltigent incessamment et nous ensevelissent sous leurs
amoncellements. Si ce temps continue, nous allons �tre enferm�s
pendant quelques jours, et mis � la di�te.

Le temps, apr�s deux jours, s'est enfin remis au beau, et nous en
profitons pour une excursion au fond du glacier. Trois Kirghizes,
chauss�s sommairement de pantoufles en peau de cheval, nous
accompagnent comme porteurs. Ne sachant pas combien de temps nous
resterons partis, nous for�ons la dose de nos provisions de bouche, et
nous emportons deux tentes.

Pour commencer, tout va bien. Nous marchons sur le gravier qui couvre
le glacier, puis sur la glace m�me; la petite couche de neige ne nous
g�ne pas. Mais, � mesure que nous avan�ons, la neige devient de plus
en plus �paisse et molle; et force nous est de nous attacher � la
corde. Le glacier se fend en des crevasses transversales, se creuse en
des avalements et se troue de moulins d'eau, o� nous marchons avec
beaucoup de circonspection. Malgr� toute la ma�stria de Zurbriggen,
qui nous guide, il nous arriverait que, la neige c�dant tout � coup
sous le poids de notre corps, nous dispara�trions dans des oubliettes,
si la providentielle corde ne nous retenait pas.

Vers la partie sup�rieure, le glacier pr�sente une petite cascade de
s�racs. La chute n'est gu�re comparable � celle de la Mer de Glace,
mais les f�lures sont si serr�es les unes contre les autres, et si
longues, qu'elles ressemblent aux feuillets d'un livre entr'ouvert.
Pour cheminer l�-dessus, il faut �tre des �quilibristes de premier
ordre; et encore, c'est tellement fragile, que tout semble devoir
s'effondrer au moindre choc des piolets.

[Illustration: L'aiguille d'Oustchiar vue de Ka�nde (page 494).]

Nous croyons donc qu'il vaut mieux l'�viter et prendre par la pente de
neige qui descend � notre gauche, et sur laquelle d�gringolent les
avalanches d'un glacier sup�rieur. L�, nous sommes rassur�s sur la
solidit� non �quivoque du sol sur lequel nous marchons, mais la menace
d'une vol�e de blocs de gla�ons nous met des ailes aux pieds, et,
profitant d'une accalmie, en quelques bonds nous atterrissons sur une
moraine.

[Illustration: Notre cabane au pied de l'aiguille d'Oustchiar (page
494).--D'apr�s des photographies.]

Bien qu'il soit assez raide et entrem�l� de n�v�s, l'endroit, � d�faut
de mieux, se pr�te � un bivouac. Nous creusons un trou dans les
�boulis, pour nous y coucher pendant la nuit; mais, en enlevant les
pierres, l'excavation se remplit d'eau, qui filtre � travers les
d�tritus. Zurbriggen pr�f�re se loger dans la fente d'un rocher.

Les Kirghizes, ext�nu�s de fatigue, refusent tout aliment; ils
souffrent horriblement des yeux, car, n'ayant pas de lunettes, la
r�verb�ration de la neige les a afflig�s d'ophtalmie. Nous les
soignons de notre mieux, et leur recommandons de se tenir bien
chauff�s sous leurs tentes.

La nuit n'est pas tr�s gaie. Avec les remous d'eau sous nos
imperm�ables et les cailloux qui en sortent, avec 16 degr�s de froid
et une couche de 20 centim�tres de neige sur la toile de notre tente,
vous pouvez vous figurer ce que peut �tre le sommeil!

Cependant, � 5 heures, Zurbriggen nous r�veille,--mani�re de parler,
car notre sommeil n'avait rien de tr�s profond. Tant bien que mal,
nous rev�tons nos effets, raides comme du bois, et nous chaussons les
brodequins, devenus de bronze. Tout �tait gel�, hommes et choses.
Apr�s nous �tre frott�s des pieds � la t�te pour nous d�gourdir, nous
nous encordons, Zurbriggen en t�te, moi en queue, et le prince au
milieu.

[Illustration: Kirghizes de Ka�nde.--D'apr�s une photographie.]

Nous nous dirigeons vers le col qui nous fait face, dans le but de
voir si, de ce c�t�, l'ascension du pic de Ka�nde, que nous croyons
�tre le Khan Tengri, est possible.

Notre bivouac se trouve � 4�040 m�tres; le pic doit bien mesurer plus
de 6�000 m�tres. Entre celui-ci et une aiguille � notre gauche,
s'encaisse un glacier, se d�coupant en quelques crevasses.

Les premiers rayons du soleil frappent en plein la paroi de rochers
qui se dresse � droite du glacier, couverte d'un capuchon de glace
dont les bords penchent dans le vide avec une quantit� de stalactites
qui paraissent attendre notre passage pour s'abattre sur nous.
Heureusement, ces dents de requins sont trop impatientes, et des tic
tac nous avertissent qu'il faut nous m�fier de ces croquemitaines.

Nous nous engageons dans la zone des crevasses et commen�ons �
zigzaguer � droite et � gauche, en avant et en arri�re, en avan�ant de
deux ou trois m�tres chaque quart d'heure. Mais � un certain moment,
nous nous trouvons perch�s sur le haut d'un monolithe de glace, avec
un gouffre qui nous cerne de toutes parts. Il y a bien une
pseudo-passerelle de neige qui franchit, tel un pont suspendu, une
trou�e b�ante, mais le guide, qui l'a sond�e avec son piolet, n'ose
pas la prendre. Cependant, comme nous n'avons pas d'autres moyens pour
nous d�gager de cette impasse, elle nous appara�t comme notre unique
planche de salut. Tandis que le guide se tra�ne doucement � quatre
pattes, nous tenons la corde solidement enroul�e au manche du piolet,
enfonc� dans la neige. Un � un, nous rampons le plus l�g�rement
possible, en �vitant de faire un choc quelconque ou d'�lever la voix,
car la moindre vibration de l'air pourrait amener un effondrement de
neige.

Au del�, le glacier s'aplanit. En quelques minutes, nous atteignons la
base du col, que nous gagnons en creusant force marches, dans la neige
durcie.

Le col d'_Ak-Mo�nok_--c'est ainsi que nous le baptisons--atteint 4�560
m�tres, et s'ouvre � l'extr�mit� est du contrefort qui s�pare les deux
vall�es d'Inghiltchik et de Ka�nde. Il est inutile de dire que nous
avons �t� les premiers � le franchir; nous serons peut-�tre aussi les
derniers.

Cette petite excursion a �t� la plus fructueuse entreprise de
l'exp�dition; gr�ce � elle, nous avons �t� � m�me de conna�tre la
vraie topographie du Khan Tengri. Celui-ci n'�tait aucunement le pic
que nous avions aper�u depuis Oustchiar et qui s'�levait au fond du
glacier de Ka�nde. Il se trouve plus au nord, � vingt verstes du col
d'Ak-Mo�nok.

[Illustration: Le pic de Ka�nde s'�l�ve � 6�000 m�tres.--D'apr�s une
photographie.]

Le glacier d'Inghiltchik se divise plus haut en deux grandes branches,
partag�es par un contrefort au sommet duquel se d�gage la pyramide du
Khan Tengri. Ce pic se trouve, par cons�quent, isol�, et n'a aucune
attache directe avec les nombreuses cha�nes qui rayonnent autour de
lui. Il est certain, cependant, que l'ossature granitique de ce
syst�me de montagnes doit n�cessairement former un ensemble homog�ne,
et que le massif, au centre duquel surgit le Khan Tengri, comprend les
contreforts du Saridjass-taou, d'Inghiltchik-tao, de Ka�nde-tao et de
Mouj-art-tao, pour ne parler que des principaux, et dont nous avons
constat� l'existence.

Nous profit�mes des avantages exceptionnels que nous offrait le col
d'Ak-Mo�nok, pour faire des observations avec les instruments que nous
avions apport�s.

La descente se fit rapide, et en une heure nous arriv�mes au bivouac.
Nous juge�mes qu'il �tait d�sormais inutile de tenter l'ascension du
pic de Ka�nde, celui que nous pr�tendions �tre le Khan Tengri. Si le
temps n'avait pas �t� aussi inconstant, et si nos Kirghizes avaient pu
faire la navette entre le bivouac et le camp, nous y serions rest�s
pendant quelques jours encore. Nous aurions voulu savoir comment le
Khan Tengri �tait fait de l'autre c�t�, et il nous aurait �t� possible
de lier convenablement, � des points de rep�re ant�rieurement d�finis,
la trame de notre trigonom�trie.

Le lendemain, les chevaux sont amen�s de tr�s bonne heure � notre
camp, du milieu du glacier de Ka�nde. Mais � quel �tat piteux �taient
r�duites ces pauvres b�tes; elles se tenaient � peine debout! Ayant
enfourch� mon coursier, il se refuse � faire un pas. Il semble avoir
des jambes de bois. Je dois recourir � l'amabilit� d'un Kirghize, qui
me c�de sa monture.

[Illustration: La fille du chirta� (chef) de Ka�nde, fianc�e au
kaltch� de la vall�e d'Irtach (page 496).--D'apr�s une photographie.]

Cahin-caha, clopin-clopant, nous arrivons � l'endroit o� nous avons
laiss� le djighite. Il est en faction, mais par hasard. Nous pensons
bien, comme du reste il nous l'a avou� plus tard, qu'il n'est pas
rest� une minute � la garde de nos bagages. Il a pass� son temps �
consoler les femmes d�laiss�es de Ka�nde. Cependant, sa pr�sence dans
le pays a suffi pour �viter l'envie de nous enlever notre mat�riel.

Pendant deux jours de suite, nous sommes clou�s sous les tentes, la
pluie ne cessant un instant de tomber. Il est inutile que nous
cherchions � nous d�raidir les membres. Le terrain est impr�gn� d'eau,
et on enfonce jusqu'� la cheville, sans compter que si nous nous
�cartions de quelques m�tres nous servirions vite de cible � la
mitraille que la montagne nous lance sans cesse d'en haut.

Les chevaux, quand ils ne s'engouffrent pas dans des trous que leur
poids ouvre tout � coup, glissent de leurs quatre pieds jusqu'� la
rencontre d'un rocher. Aussi ont-ils pris le parti de se tenir tous
assembl�s autour de nos tentes.

Toutefois, � force d'attendre, les nuages se dissipent, et nous
pouvons, sans trop de risques, nous d�gager de ces lieux si
inhospitaliers. En quelques heures nous atteignons le campement des
nomades, qui, pendant notre absence, se sont transport�s plus en bas
dans la vall�e.

Les Kirghizes sont des gens tr�s serviables; ils guettent la moindre
occasion de se rendre utiles. Je ne comprends pas pourquoi des
voyageurs ont os� les calomnier. S'ils sont rustres, ce n'est pas leur
faute; mais sous cette �corce rude on retrouve quelquefois des
sentiments, qui, pour �maner de barbares, ne sont pas moins tr�s
appr�ciables.

Nous comptions retourner � Prjevalsk en �vitant de repasser sur le
chemin que nous avions pris en venant. Tout en h�tant les �tapes nous
pensions visiter la vall�e d'Irtach, o� nous songions �tre en mesure
de clore notre lev� topographique qui, de la sorte, aurait embrass�
tout le bassin du Djannart-sou.

Nos chevaux �taient tous plus ou moins fourbus; nous devions en outre
traverser de grands cours d'eau, o� ces pauvres b�tes, an�mi�es par le
surmenage, n'auraient peut-�tre pas eu la force de sauver nos bagages.
Devinant notre perplexit�, le chirta� nous offrit tr�s obligeamment
trois chameaux pour le transport des colis, et des chevaux de selle
pour tous les membres de la caravane. � l'aoul d'Irtach on les
remplacerait par des animaux du kaltch�, son futur gendre, auquel il
envoyait imm�diatement une estafette pour le pr�venir.

Tant d'amabilit� ne pouvait nous laisser insensibles: nous prom�mes de
le r�compenser en payant largement les hommes qui nous accompagneraient,
et de le recommander aupr�s du Gouverneur de Prjevalsk, et on partit. En
quittant l'aoul nous d�mes distribuer des _shake-hands_ � tous les
membres de la tribu, tandis que les femmes se pressaient sur notre
passage, nous pr�sentant leurs nourrissons et nous criant � tue-t�te:
_Koch! koch!_ �Adieu! adieu!�

On ne pourrait imaginer une vall�e aussi singuli�re que celle de
Ka�nde. Longue de 60 verstes environ, elle se d�veloppe en serpentant
irr�guli�rement, s'enflant d'un c�t� pour se r�tr�cir de l'autre, ici
coup�e � pic, l� s'�vasant en de molles ondulations. La partie la plus
caract�ristique, sous le point de vue g�ologique, est celle qui vient
apr�s le col d'Oustchiar. Il semble que la d�pression de celui-ci soit
la r�sultante d'un affaissement subit de la montagne, et que les
mat�riaux qui devaient s'y entasser jadis aient �t� entra�n�s au
thalweg de la vall�e. En bordure du fleuve s'�l�vent, en effet, de
fantastiques falaises, tranch�es verticalement par l'affouillement des
eaux, et taillad�es, sillonn�es, rong�es par les ruissellements des
pluies. Ces emp�tements s�dimenteux, d�pos�s en couches successives,
montrent � nu leur composition, qui rappelle vaguement une
construction de l'�poque romaine.

Chemin faisant, nous fr�lons une n�cropole kirghize. Le sol est
�ventr� de trous, bossel� de buttes fun�raires en argile battue, ou
d'entassements de pierres. Les Kirghizes v�n�rent leurs tr�pass�s.
Quand ils passent pr�s d'un cimeti�re, ils ne manquent jamais de
visiter les tombes de la famille, et d'y faire leurs pri�res. Si
besoin est, ils s'arr�tent pour restaurer la s�pulture. C'est pourquoi
on voit celles-ci presque toujours en bon �tat.

En atteignant la limite inf�rieure de la vall�e, nous sommes arr�t�s
par le Saridjass-sou, dont les eaux roulent avec fracas, bouillonnant
entre des berges escarp�es. En face de nous d�bouche la vall�e
d'Irtach, mais nous ne savons comment nous y prendre pour y arriver,
car le gu� de ce courant imp�tueux est absolument impraticable. Il ne
nous reste d'autre moyen que de le remonter jusqu'� ce que nous
trouvions un endroit o� nous pourrons le traverser.

Nous suivons un sentier qui longe la rive gauche du Saridjass-sou, et
nous finissons apr�s mille difficult�s par passer la rivi�re � gu�.

[Illustration: Le kaltch� (chef) de la vall�e d'Irtach, l'heureux
fianc� de la fille du chirta� de Ka�nde (page 496).--D'apr�s une
photographie.]

La vall�e de Keou-eou-leou, que nous remontons ensuite pendant toute
la journ�e, est assez quelconque, et aucun incident ne rompt la
monotonie du chemin.

Au fond de la vall�e, les Kirghizes qui nous accompagnaient depuis
Oustchiar nous quittent, pour suivre la route qui, passant par le col
de Karakol, m�ne directement sur Prjevalsk o� ils sont dirig�s.

L'ascension du col de Keou-eou-leou, haut de 4�160 m�tres, est tr�s
lente; les chameaux, �prouv�s par la rar�faction de l'air, s'arr�tent
� chaque instant, afin de reprendre haleine.

C'est par une chaleur insupportable, que le jour suivant nous d�valons
la grande orni�re d'Irtach. Le terrain est jaune, les pentes des
montagnes sont rouges, et le ciel est d'un bleu intense. Il nous semble
voyager dans les _ambas_ du centre africain. De temps � autre, des
glaciers lointains se montrent discr�tement dans l'entre-b�illement des
gouffres qui fuient � droite et � gauche de la vall�e. Soudain, celle-ci
tourne brusquement au levant, flanqu�e au sud par une bizarre muraille
de roches basaltiques, dont l'uniformit� au fa�te para�t trop �trange
pour �tre naturelle.

Et nous descendons toujours, courb�s sur nos montures, les yeux
souffrants et le visage pel� par la r�verb�ration du soleil. � la
douzi�me heure de marche, comme nous ne rencontrons pas encore de
nomades, nous nous arr�tons pour camper, malgr� la r�sistance
opini�tre des Kirghizes qui veulent arriver le soir m�me chez le
kaltch�.

Celui-ci, qui a �t� pr�venu, vient nous rendre visite. Il sait d�j�
qui nous sommes, et ce que nous voulons de lui. Il nous donnera
chameaux et chevaux � discr�tion. Cependant, il se montre quelque peu
froid et r�serv�, et ne semble pas tr�s enthousiaste de notre
pr�sence, comme l'avait �t� le chirta�.

Le prince et moi, nous profitons d'une journ�e de repos, pour rendre
visite au chef. Il nous re�oit dans une yourte luxueuse, richement
d�cor�e pour l'occasion. Nous prenons place sur un tapis de fourrures
et nous nous accroupissons � la mode kirghize. Autour des parois on a
accroch� des tapis authentiques de Kachgar, entrem�l�s de festons
d'�toffes voyantes.

[Illustration: Le glacier de Ka�nde.]

[Illustration: Cheval kirghize au repos sur les flancs du
Ka�nde.--D'apr�s des photographies.]

Tout de suite le kaltch� introduit ses femmes qui, apr�s une
r�v�rence, se ratatinent en demi-cercle en face de nous. Au milieu on
�tend une toile, sur laquelle, apport�s par des domestiques,
s'amoncellent des plats de viandes fumantes, puis des vases de lait,
du th�, du sucre et des borsaks. Tout cela est bien embarrassant pour
nous, qui venons de faire notre d�jeuner au camp.

Malgr� nos d�n�gations, le kaltch� nous force � accepter une c�te de
mouton qu'il nous tend avec le bout de ses doigts. Il a eu soin de
choisir des morceaux bien gras, ce qui fait qu'il nous est impossible
de les avaler. Notre geste n'a pas �t� inaper�u par le chef, qui
ordonne de pr�parer un autre mets. Mais, h�las! en le voyant pr�parer,
il nous enl�ve toute envie de l'ingurgiter. Voici la recette: on r�pe
de la viande dans des bols de bouillon, on la p�trit avec les mains en
ayant soin que la p�te jaillisse entre les doigts; puis on saupoudre
d'herbes et de sel, et on sert.

Nous acceptons cependant, pour lui faire plaisir, quelques bols de th�
et de lait. Avant de nous les offrir, un Kirghize chasse soigneusement
avec une paille les corps �trangers qui flottent sur le liquide; apr�s
que nous les avons vid�s, les bols sont l�ch�s avec plaisir par les
femmes, qui ne laissent pas perdre une goutte du liquide. Ces deux
petits traits d�montrent le sans-g�ne vraiment na�f qui r�gne encore
dans les moeurs kirghizes.

Nous allons ensuite faire une excursion dans les trois vallons qui
prennent le nom collectif de _Outch-koul_, les trois lacs. En r�alit�,
il n'en existe qu'un seul, dans la combe qui se montre la premi�re, et
qui, pour ce fait, est appel�e _Bach-koul_. C'est un endroit tr�s
propice pour l'hivernage.

_29 ao�t._--Afin de coordonner et clore notre lev� topographique,
Zurbriggen et moi nous grimpons sur la pointe qui se dresse au sud de
notre camp. C'est le point le plus �lev� de l'Ichigart-tao, qui s�pare
les deux vall�es d'Irtach et de Djannart.

Nous �vitons les coul�es d'�boulis, en suivant l'ar�te nord, h�riss�e
de clochetons dolomitiques qui nous donnent pas mal de fil � retordre.
Nous croyions le chemin facile et nous avions oubli� de nous pourvoir
d'une corde, ce qui nous oblige � des tours de force de gymnastique,
o� Zurbriggen fait des miracles d'�quilibre. Et dire que, par l'autre
versant, un cheval aurait pu arriver sur le sommet! Tandis que nous
risquions inutilement notre peau, que nous suions sang et eau, que
nous nous arrachions les ongles, nous aurions pu ailleurs avoir le
m�me r�sultat en nous promenant les mains dans les poches!

Cependant, nos peines sont bien r�compens�es par le panorama splendide
dont nous jouissons depuis le sommet du _Karahoum_, qui mesure 4�150
m�tres d'altitude. C'est surtout vers le myst�rieux plateau du
Djannart que nous jetons notre d�volu, et nous y braquons nos
appareils.

Nous ne croyons pas qu'on puisse rencontrer aussi facilement ailleurs
des contrastes et des surprises aussi inexplicables que dans les
monts C�lestes. Nous e�mes d�j� maintes fois l'occasion de signaler ce
fait. La nature semble ici avoir ob�i � des lois particuli�res, dont
le dispositif est et demeure tr�s complexe et difficile � �tudier.
Comment se sont-elles form�es et par quelle suite de m�tamorphoses
ont-elles pass�, ces bizarres montagnes, pour se manifester en un si
complet d�saccord avec l'id�e que nous nous sommes forg�e d'un
soul�vement terrestre?

En attendant que des voyageurs plus perspicaces tranchent cette
obscure question, contentons-nous de relever l'anatomie de cette vaste
cuve, dont l'ensemble constitue la vall�e de Djannart. Longue
d'environ 150 verstes, large de 100, elle se d�ploie comme une immense
ar�ne, presque plate au milieu, et s'�vasant tout autour par une haute
muraille de montagnes.

Au sud, se d�veloppent les cr�nelures neigeuses du Kook-chaal-tao,
d�masquant la fronti�re russo-chinoise. De nombreux glaciers
s'alignent et se pressent les uns contre les autres, escaladent les
roches, ou s'�panchent lentement dans les courbes comme des coul�es de
cristal. Dans ce contrefort, nous distinguons les vall�es de Djannart,
qui donne le nom � tout le bassin, du Ka�tch� et de Bichirtik; puis,
au fond, celle d'Ichtik, qui aboutit au plateau de Karagan. Vient
ensuite la vall�e d'Akchirak, qui prend origine au col du m�me nom,
point de d�part du cha�non sur lequel nous nous trouvons.

De notre belv�d�re, nous revoyons avec plaisir des pics connus: la
pointe d'Oustchiar, le Ka�nde-tao, le Khan Tengri, le Kizil-tao, puis
les groupes de Terekty et de Keou-eou-leou, d'o� �merge un _horn_ tout
saupoudr� de neige, qui nous rappelle involontairement le Cervin. Au
couchant, jaillissent les d�mes qui couronnent le glacier de Pr�tovsk,
la source pr�tendue du Syr-Daria.

� notre d�part du camp, nous assistons � un enterrement kirghize. Il y
a quelques jours, les bergers d'Irtach ont d�couvert un cadavre dans
le torrent. Le kaltch�, ne pouvant le reconna�tre, a fait de suite
colporter la nouvelle, qui est parvenue jusqu'� Prjevalsk, o� se
trouvaient les parents du d�funt. Pendant ce temps, on a immerg� le
cadavre dans l'eau, en l'y maintenant par des pierres et des cordes.
C'est un syst�me frigorifique usit� par les nomades.

� l'arriv�e des parents, on a transport� le cadavre sur une civi�re
improvis�e, jusqu'� l'endroit destin� � l'inhumation. C'est ici qu'a
lieu la c�r�monie, � laquelle nous sommes pr�sents. Elle est tr�s
sommaire. Le kaltch� demande aux parents s'ils reconnaissent bien le
mort pour un des leurs; � leur r�ponse affirmative, il fait r�p�ter �
haute voix, par tous les assistants, que le tel des tels est tr�pass�
par suite d'un accident. Puis on enveloppe le cadavre dans des
feutres, on le ficelle avec des cordes, et on le descend dans la
fosse, pendant que les parents font mine de larmoyer. On tourne
ensuite autour du trou en y jetant � chaque pas une poign�e de terre,
jusqu'� ce qu'il soit combl�; apr�s quoi on y amoncelle un tas de
pierres. C'est une s�pulture tr�s exp�ditive et pas beaucoup
compliqu�e; au surplus elle ne co�te pas grand'chose.

Le soir, en campant sur le haut de la vall�e d'Irtach, nous apprenons
pourquoi elle s'appelle ainsi. C'est � cause d'une pierre qui pr�sente
vaguement la forme d'une selle de cheval. Ce _ph�nom�ne_ est connu �
cent lieues � la ronde; tous les nomades qui ont occasion de passer
par l�, ne manquent pas d'aller la voir et d'y apporter un tribut de
cr�nes d'animaux. La pierre est plac�e sur un gros bloc erratique,
autour duquel s'amoncellent les cornes de toutes esp�ces de b�tes.

  (_� suivre._)                         JULES BROCHEREL.

[Illustration: Retour des champs.--D'apr�s une photographie.]

Droits de traduction et de reproduction r�serv�s.




  TOME XI, NOUVELLE S�RIE.--43e LIV.         N� 43.--28 Octobre 1905.


[Illustration: Femmes kirghizes de la vall�e d'Irtach.--D'apr�s une
photographie.]




VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES[4]

         [Note 4: _Suite. Voyez pages 457, 469, 481 et 493._]

PAR M. JULES BROCHEREL.

     V. -- L'heure du retour. -- La vall�e d'Irtach. -- Nous
     retrouvons la douane. -- Arriv�e � Prjevalsk. -- La dispersion.


[Illustration: Un chef de district dans la vall�e d'Irtach.]

La vall�e d'Irtach, longue de pr�s de 100 verstes, pr�sente la forme
d'un Z tr�s ouvert; le trait sup�rieur s'appuie au Terske�-ala-tao,
qui ferme au sud le bassin du lac Issik-koul. � l'extr�mit� du trait,
� la place du petit croc descendant, s'ouvre le col de Djoukoutchiak,
tr�s fr�quent� par les nomades qui se rendent au march� de Prjevalsk.
C'est le chemin que nous prenons pour notre retour.

En face du col, du c�t� sud, circule une belle rang�e de pr�s
entrem�l�s de glaciers, dont les torrents sillonnent un vaste plateau
et se recueillent dans une multitude de petits lacs mar�cageux.

Ce col, haut de 3�850 m�tres, est tr�s p�rilleux pour les chevaux;
aussi les deux versants sont-ils jalonn�s de cadavres en putr�faction
ou de squelettes d�charn�s par les vautours, qui s'envolent en avant,
sur notre passage. Il faut d'abord s'ouvrir une route au milieu des
pierres, puis on escalade une �paule de glace, au del� de laquelle on
suit le dos des moraines jusqu'� la rencontre des premiers p�turages.

Peu � peu nous quittons la r�gion de la haute montagne pour celle des
for�ts. Le versant nord du Terske�-ala-tao est tr�s bois� et habit�
par une telle profusion d'animaux, qu'on ne peut faire un pas sans que
des quadrup�des se faufilent sous les vo�tes des buissons, ou que de
ceux-ci s'�chappent des nu�es d'oiseaux.

Le vallon se joint � la vall�e de Zououka, par laquelle transitent
habituellement les caravaniers qui font le service des transports
entre Viernyi et Kachgar. Ce service est entre les mains d'une tribu
de Sartes qui en ont le monopole, et se le passent de p�re en fils.
Tout en voyageant, ils trouvent encore le moyen de marauder chez les
nomades en leur �changeant des pelleteries de prix pour des toiles de
coton ou de la quincaillerie russe. Ces caravaniers passent leur vie �
travers les monts C�lestes, en toute saison. Leur famille les suit
toujours; les femmes montent � califourchon sur des ballots de coton
ou des cylindres de toile, et les enfants sont emprisonn�s dans des
cages en bois plac�es lat�ralement au b�t du cheval.

En arrivant � la douane de Zououka, �tablie � l'embranchement de la
vall�e, nous assistons � la visite des marchandises. Elles sont
�tal�es sur l'herbe dans un pittoresque p�le-m�le, avec les chiens et
moutons qui passent dessus. Les douaniers enregistrent, sans se
presser, les articles tax�s, fouillent avec un cruel acharnement les
moindres colis, jusqu'� faire d�shabiller les femmes pour v�rifier si
elles n'ont rien de prohib� sous leurs dessous. Bien entendu ces
fonctionnaires ont toujours raison; la r�sistance des femmes ou les
invectives et les apostrophes des maris ne les �meuvent gu�re.
Quelquefois, pour aplanir les difficult�s et trancher les diff�rends,
les gabelous ont recours � quelques coups de trique.

Ces femmes sont habill�es luxueusement, pour des voyageuses. Elles
portent de gros bracelets en argent au cou, et aux oreilles leur
pendent de longues cha�nettes qui battent sur les �paules, et
s'embrouillent � chaque instant aux boutons de la veste.

� partir de Zououka, la vall�e s'ouvre largement; ses deux flancs
d�clinent � vue d'oeil et deviennent deux longues collines, semblables
� deux murailles en briques. En effet, d'�normes d�p�ts de roches
s�dimentaires, de couleur rouge, stri�es horizontalement de profonds
sillons et taillad�es de petits coups tranchants, vous donnent
l'illusion frappante de deux immenses digues, �lev�es pour contenir un
torrent imaginaire. Le sol sur lequel nous marchons est partout de la
m�me teinte, ce qui fait qu'� la moindre pluie, la rivi�re prend
l'aspect d'un courant de sang, sortant d'un abattoir cyclop�en.

� mesure que nous descendons et que la montagne s'�carte, nous
entrevoyons vaguement, comme dans un r�ve, une blanche dentelle qui
barre tout au fond l'horizon, comme un brise-bise suspendu dans le
ciel. C'est le Kounghe�-ala-tao, s'�levant au del� du lac Issik-koul,
dont la nappe d'eau, d'un bleu tendre, se dilue � droite et � gauche,
� perte de vue, dans la bu�e d'or qui se d�gage du sol.

Le bassin du lac Issik-koul, en quelque endroit qu'on se trouve, est
vraiment enchanteur. Le paysage accuse des teintes si vari�es et si
l�g�res, et les lignes du tableau sont si ind�cises et si vastes,
qu'en les admirant vous restez �merveill� et �bloui de cette gr�ce
inattendue et de cette grandeur un peu factice, qui vous semble
incommensurable.

Mais nous arrivons bient�t � Slifkina, un village de Kozaques qui est
� l'avant-garde du r�gne de la civilisation, du c�t� des monts
C�lestes. C'est la derni�re agglom�ration de Russes, dans la limite du
sud et de l'ouest du lac Issik-koul. Au del�, le Terske�-ala-tao tombe
par endroits � pic dans les eaux du lac, et les rivages, quand ils se
pr�sentent plats, sont toujours inhabit�s, m�me par les nomades.

[Illustration: Le pic du Kara-tach, vu d'Irtach, prend vaguement
l'aspect d'une pyramide.--D'apr�s une photographie.]

On ne saurait redire la joie que nous �prouvons en revoyant des �tres
humains qui ne sont plus des Kirghizes, et des habitations autres que
des yourtes. On se croit presque dans une grande ville.

Les chevelures d'�toupe et les costumes �carlates des Kozaques ne nous
choquent plus; et la face joufflue et rubiconde des femmes russes
para�t s'�tre id�alis�e pendant notre absence. Nous arrivons jusqu'�
les trouver belles.

Nous nous rattrapons de notre longue abstinence, en faisant bombance
pendant tout le restant de la journ�e. Nous nous bourrons de _pivo_ et
de grosses pommes dor�es. Le soir, nous faisons un d�ner plantureux:
des oeufs, un poulet, des pommes de terre, du riz et du dessert.

[Illustration: Les caravaniers passent leur vie dans les Monts
C�lestes, emmenant leur famille avec leurs marchandises (page
506).--D'apr�s une photographie.]

Slifkina ou _Kizil-sou_, comme l'appellent les Kirghizes, se trouve �
trente verstes au couchant de Prjevalsk. Ce n'est plus sur les
glaciers, au bord des pr�cipices, ou entre des pierres, que nous
caracolons, mais sur une belle route toute blanche, qui se d�ploie
comme une �charpe � travers un tapis de verdure. Nous ne sommes plus
d�sormais inqui�t�s par la travers�e des fleuves: les rivi�res que
nous rencontrons, nous les passons sur des ponts solides, o� ga�ment
retentissent les sabots des chevaux.

Pourtant, malgr� cette tranquillit� et cette s�ret� d'�me, apr�s une
vingtaine de verstes de ce paysage plat et uniforme, nous trouvons que
le d�cor devient monotone, et que nous nous y fatiguons presque plus
que sur les montagnes. Et puis une poussi�re!... et un soleil!

Peu apr�s, nous �tions � Prjevalsk. Au lieu de nous r�installer � la
maison de poste, pour ne pas en perdre l'habitude nous campons dans un
verger.

Le surlendemain, 4 septembre, tout le monde rentre dans ses foyers;
Zurbriggen et Abbas partent pour Tachkent, et le Prince et moi nous
prenons la route des �coliers, du c�t� de la Sib�rie.


     VI. -- Les Khirghizes. -- L'origine de la race. -- Kazaks et
     Khirgizes. -- Le classement des Bourouts. -- Le costume
     khirghize. La yourte. -- Moeurs et coutumes khirghizes. --
     Mariages khirghizes. -- Conclusion.

La science n'a pas encore dit son dernier mot sur les tribus
composites qui se disputent les pi�tres ressources de la portion de
l'Asie centrale que nous venions de parcourir. Bien des voyageurs
croient pourtant avoir tranch� cette question ardue d'une fa�on
d�finitive. Quand les recherches du savant peuvent s'appuyer sur
l'histoire et que des documents positifs d�montrent la connexit� de
certains �v�nements, on peut toujours �chafauder un raisonnement qui
ne s'�carte pas trop de la v�rit�. Mais les peuples ne sont pas cens�s
avoir tous une histoire, ne poss�dent pas tous des preuves mat�rielles
de leur anciennet� et des monuments qui rappellent leurs ant�c�dents.
Isol�s par des montagnes ou des d�serts, n'ayant jamais subi
l'influence d'une civilisation ou l'ayant �vit�e, pour conserver leur
libert�, ces peuples sont rest�s � l'�tat primitif. Vivants avec les
animaux et comme des animaux, ils n'ont jamais �prouv� le besoin de
secouer leur somnolence.

Les Kirghizes sont de ceux-l�. Ils n'ont presque pas chang� depuis
deux mille ans. Et pendant cette longue s�rie de si�cles, ils n'ont
rien fait qui puisse �clairer l'�rudit sur l'arbre g�n�alogique de
leur race et les vicissitudes de leur existence.

On se perd encore en conjectures sur la provenance du mot _Kirghize_.
En turc, il semble que ce serait quelque chose comme: coureurs de
champs. Dans l'idiome des nomades ce mot signifie �quarante filles�:
_Karr-Keuz_. � notre avis, il faut recourir au chinois pour en avoir
l'�tymologie exacte.

Depuis le Xe si�cle de notre �re, les livres chinois mentionnent
l'existence d'un peuple dans le Tien-Chan-Nan-Sou, la route
m�ridionale des monts C�lestes. Plus tard, vers la fin du XIIIe
si�cle, le c�l�bre missionnaire Hiouen Tsang, qui, le premier,
traversa le continent asiatique, parle des _Ki-zi-li-tz�_, dont il
avait pu, en passant, �tudier les moeurs. Il nous dit avoir rencontr�
les Kirghizes dans les vall�es de la Dzoungarie. Ces vall�es
n'auraient �t� que leur patrie d'adoption, car, d'apr�s les l�gendes,
ils avaient d� habiter auparavant l'Alta� oriental. Pourchass�s
continuellement par les Mongols au sud, et par les Tatars au nord, ils
se virent forc�s de se transporter dans le Tabargata�, et, de l�,
quelques si�cles apr�s, dans les monts C�lestes. Le nom primitif de
_Ki-zi-li-tz�_, se serait transform�, plus tard, en celui de
Kirr-ki-tz�, quand le peuple embrassa la foi mahom�tane.

M. Ujfalvy de Mez�-Kovesd, pendant sa mission dans le Turkestan, a cru
entrevoir des affinit�s de races entre les habitants du steppe et ceux
de la montagne. Selon lui et plusieurs autres voyageurs, il
n'existerait aucune diff�rence entre les Kara-Kirghizes et les
Kirghizes-Kazaks, les nomades de la plaine. Si ces deux peuples m�nent
le m�me genre de vie et s'habillent d'une fa�on presque identique,
leur langue n'en est pas moins tr�s diff�rente. Et puis, ils sont
anim�s les uns � l'�gard des autres d'une haine si f�roce, qu'il
semble impossible de concevoir qu'ils soient du m�me sang.

Si l'on envisage la question au point de vue anthropologique, on peut
constater aussi des dissemblances tr�s prononc�es entre les deux
types. La constitution de leur corps, la t�te, la nuance de leur
teint, la couleur et la forme des cheveux, n'ont presque pas
d'analogie. Il est donc imprudent de vouloir certifier que les Kazaks
soient des Kirghizes. Il faudrait, pour �lucider ce probl�me, des
donn�es probantes, recueillies pendant un long s�jour dans les lieux
m�mes.

Il n'y a pour nous, que les Kirghizes--ou Bourouts,--peuplade qui
habite exclusivement dans les vall�es du Tien Chan, du Pamir � la
Dzoungarie, du lac Issik-koul � Ak-sou.

Il serait impossible de faire une �valuation, m�me approximative, de
la quantit� d'individus qui composent le peuple kirghize. On parle de
400 ou 500�000; mais ils sont certainement deux fois plus nombreux.
Lorsqu'on demande � un chef de dire combien de t�tes compte son aoul,
il ne le saura pas; en revanche, il vous dira le chiffre exact de ses
chevaux et de ses moutons.

On ne peut gu�re classer les Kirghizes dans un ordre quelconque. Leur
pays n'est pas connu dans son entier, et par cons�quent il serait
pu�ril de d�nommer des tribus qui n'ont pas encore �t� en contact avec
les voyageurs. Les renseignements que les nomades vous donnent
quelquefois, doivent toujours �tre contr�l�s, avant d'�tre accept�s.
Cependant, jusqu'ici, on partage le peuple kirghize en deux grandes
branches: celle de _gauche_ et celle de _droite_. La premi�re
cat�gorie s'appelle sol et comprend tout le bassin du Naryn, du haut
Oxus et du Kook-chal-daria. Elle se divise en quatre tribus:
_Koutchi_, _Sorou_, _Moundouz_ et _Kita�s_. Cette derni�re
d�nomination s'applique sp�cialement aux habitants du territoire
chinois.

[Illustration: La vall�e de Zououka, par o� transitent les caravaniers
de Viernyi � Kachgar (page 505).--D'apr�s une photographie.]

La branche de droite, appel�e _on_, r�side dans le bassin du lac
Issik-koul et dans les vall�es attenantes au massif du Khan-tengri.
Elle est divis�e en sept tribus: _Bogon_, _Sary-Baghichtch_,
_Son-Baghichtch_, _Soulton_, _Ech�rik_, _Sagaz_ et _Bassindz_.

Le Gouvernement russe les a class�s autrement. Partant de ce principe
que l'habitant d'un aoul, quand il parle de celui d'une autre vall�e,
dit simplement: _celui_ ou _ceux_ de tel village, il les appelle selon
le lieu o� ils campent habituellement. Ainsi les _Tourghensky_ sont
ceux qui hantent le vallon de Tourghent, et ainsi de suite. Il va sans
dire que les Russes ne connaissent pas le nombre exact de leurs sujets
kirghizes. La plupart de ceux-ci �chappent encore actuellement � la
d�me, pourtant modique, de un rouble et demi par yourte ou famille. Ce
tribut, c'est l'unique lien qui les tienne attach�s � la Russie, car
tels ils �taient avant l'occupation du Turkestan, tels ils sont encore
aujourd'hui, c'est-�-dire des gens libres et ind�pendants.

[Illustration: Le massif du Djoukoutchiak; au pied, le dangereux col
du m�me nom fr�quent� par les nomades qui se rendent � Prjevalsk (page
505).--D'apr�s une photographie.]

Le Kirghize est g�n�ralement bien b�ti, et tr�s fort. Il a le nez
�pat�, rarement aquilin, l'angle facial un peu fuyant, les zygomas
tr�s saillants, et les yeux noirs, petits et un peu obliques, qui
rappellent ceux des Chinois. La barbe et la moustache sont tr�s peu
fournies. Les villosit�s sont presque toujours noires et lisses.
Souvent on aper�oit parmi eux des types purement mongols. On en
rencontre quelquefois des blonds, mais c'est l'exception. Les hommes
sont relativement bien taill�s et d'un aspect agr�able.

En revanche, il est rare de trouver des femmes un peu avenantes. Les
jeunes filles ont des traits r�guliers et sont en g�n�ral potel�es,
mais les lignes sont trop accus�es. Elles ont seulement de tr�s beaux
yeux noirs et des dents superbes. Le costume qu'elles portent ne
contribue certes pas � rehausser leur physique.

L'accoutrement du Kirghize est tr�s �l�mentaire. Par-dessus une
chemise en cotonnade imprim�e, aux manches d�mesur�ment longues, et un
large pantalon �galement en toile, serr� � la ceinture par une
coulisse, le Kirghize, homme ou femme, endosse toujours une veste en
cretonne capitonn�e de laine ou d'ouate qui s'agrafe sur la poitrine
par des boutons en bois et se serre � la taille au moyen d'une �charpe
enroul�e et nou�e sur le devant. Les manches en sont tr�s courtes;
elles n'arrivent m�me pas au coude, en sorte que la chemise tombe sur
la main, et doit �tre � chaque instant rejet�e par un mouvement vif du
poignet. Il y a des si�cles que les Kirghizes font ce geste.

Ce rudimentaire habillement constitue la toilette d'int�rieur, ou, si
l'on pr�f�re, celle que l'on porte g�n�ralement dans le village, en
�t�. Ajoutez � cela une esp�ce de botte arrivant jusqu'au genou, avec
un talon haut de 10 centim�tres au moins, et une calotte crasseuse
cachant la nudit� du cr�ne soigneusement ras�, et vous conna�trez tout
l'�quipement du Kirghize.

Par les temps froids et en voyage, le Kirghize se prot�ge cependant
contre les intemp�ries par un ample _tchiapann_, sorte de grand
pardessus matelass�, qui cache toute sa personne. Selon la
temp�rature, il en porte un, deux ou trois, et m�me davantage, s'il le
faut. Il coiffe alors son chef d'un chapeau rond en feutre blanc, avec
les ailes bord�es d'une large tresse noire, s'abaissant sur le devant
et relev�es par derri�re. Ce couvre-chef est une r�miniscence
chinoise, et, comme il n'est pas toujours facile de se le procurer, on
le remplace par un bonnet en feutre grossier doubl� de peau d'agneau,
avec le poil en dedans. Cette coiffure n'est pas disgracieuse du tout,
et compl�te admirablement le costume. Elle a surtout l'avantage tr�s
pr�cieux, sur les montagnes, qu'elle permet de prot�ger les oreilles;
elle peut se porter la peau en dehors en cas de pluie.

Les femmes sont v�tues exactement comme les hommes: les d�tails seuls
varient. Ainsi les bottes sont plus �l�gantes, bord�es de soie, orn�es
de gaufrages en cuir de couleur, et, � la semelle et au talon, de
pointes en cuivre. Les pantalons sont plus larges et plus longs; le
tchiapann est d'une �toffe plus voyante et riche, souvent en soie de
Bokhara ou de Kachgar.

Ce qui distingue surtout les femmes kirghizes, c'est la blanche
cornette qui les coiffe, en leur donnant un air monacal. Imaginez un
cylindre, haut de 30 centim�tres, form� d'une bande de toile empes�e,
s'enroulant autour du cr�ne, et dont les deux bouts flottent sur le
dos. Les cheveux sont soigneusement relev�s et emprisonn�s dans cette
bo�te, qui sert, en outre, de poche pour y d�poser temporairement les
menus objets dont la femme a besoin � chaque instant. Comme vous
voyez, c'est tr�s pratique. Les cheveux sont r�unis en deux ou trois
tresses, dont quelques-unes descendent sur le dos et portent attach�e
une cha�nette ou boucle. � l'extr�mit� inf�rieure de celle-ci pend un
trousseau de clefs et de plaques en cuivre, qui tombe sur les talons,
de telle sorte qu'au moindre mouvement on entend un bruit de ferraille
semblable � celui que produit un for�at en marchant.

Ce turban ou ��letchik�, est l'uniforme des femmes mari�es. Les jeunes
filles sont plus coquettes. Elles s'ornent la t�te d'une toque de
fourrure de renard, avec un petit panache de plumes d'aigle, en guise
d'aigrette. Les cheveux sont partag�s en plusieurs nattes, qui tombent
de chaque c�t� des tempes et sur le dos, ces derni�res retenues par
une pi�ce d'�toffe agr�ment�e de verroteries et de coraux. La jeune
fille en qu�te d'un mari est chamarr�e de bijoux, et richement v�tue.
Mais cette coquetterie, elle devra la payer bien cher plus tard, car
elle deviendra l'esclave d'un homme souvent brutal, toujours
autoritaire.

La yourte kirghize n'est pas aussi spacieuse que celle des Kazaks et
que la _kibitka_ des Turkomans. Elle est de proportions plus modestes
et d'un aspect moins luxueux. Les Kirghizes sont contraints � de
fr�quents d�placements, � cause de la pauvret� des p�turages. D'un
autre c�t�, la rigueur et la dur�e de la mauvaise saison les obligent
� r�duire les dimensions de leur _home_, afin de condenser le maximum
de chaleur avec le minimum de combustible, celui-ci �tant tr�s rare.

[Illustration: Le chaos des pics dans le Kara-tao.--D'apr�s une
photographie.]

La tente kirghize se compose d'un treillis en bois flexible, fix� au
sol par des piquets et entre-crois� au moyen de lani�res en peaux.
Cette charpente s'�l�ve sur une hauteur de 2 � 3 m�tres sur autant de
largeur. Le plafond est soutenu par des tringles en bois, convergeant
en rayons au milieu du d�me, o� est pratiqu�e une ouverture
circulaire, qui sert en m�me temps de chemin�e et de fen�tre.
Au-dessus de cette fr�le carcasse, on adapte de grands feutres tenus
adh�rents par un syst�me de cordes. Le tout se dresse et se d�monte en
quelques minutes. L'ensemble forme la charge de deux chameaux.
L'int�rieur est fort simple, m�me chez les riches. Les piles de
feutres servant de matelas pendant la nuit, des coffres en bois, des
outres, des harnais et d'autres objets de moindre importance, tra�nent
un peu partout, accroch�s aux parois, ou jonchant le sol. Au milieu de
la yourte, pos�e sur trois pierres verticales ou sur un pi�destal en
fer, tr�ne une �norme marmite--le _kazan_--qui constitue l'unique
r�cipient que les nomades emploient pour popoter leur cuisine. Le
mat�riel dont les Kirghizes disposent pour leurs diff�rentes
occupations journali�res, n'est pas tr�s compliqu�. En dehors du
kazan, ils poss�dent une sorte d'aigui�re en cuivre cisel�, et deux ou
trois bols en bois; comme fourchette, ils se servent de leurs doigts.
Pour les manipulations du lait, ils n'ont que des seaux en peau brute
pour le traire et des outres pour le conserver.

[Illustration: �talon kirghize de la vall�e d'Irtach, et son
cavalier.--D'apr�s une photographie.]

Les Kirghizes ne connaissent pas l'emploi des allumettes: chacun d'eux
est arm� d'une petite sacoche en cuir contenant une pierre, un
fragment de fer et de l'amadou. Cette pochette et un petit couteau �
lame fixe ne les quittent jamais; il les tiennent en permanence
attach�s � leur ceinture. Le couteau s'emploie aux usages les plus
divers: � abattre les animaux, � racler les peaux, � se raser la t�te,
� tailler le bois, etc.; c'est, en somme, l'unique instrument
tranchant que connaissent les nomades.

[Illustration: V�hicule kirghize employ� dans la vall�e
d'Irtach.--D'apr�s une photographie.]

Tous les travaux sont � la charge des femmes. Elles ont de quoi
s'occuper pendant toute la journ�e. Le matin, une fois le b�tail rendu
aux p�turages, elles fabriquent le koumiss avec le lait de la veille;
elles tannent des peaux, battent des feutres, tissent des tresses,
confectionnent des v�tements, et, si le temps le permet, elles brodent
des morceaux d'�toffe avec de la laine. Le soir � l'arriv�e des
troupeaux, aid�es par les jeunes filles et les gar�onnets, elles
trient les animaux, et les attachent � de longues cordes fix�es au
sol. Malgr� ce dur labeur, qui ne leur laisse pas un moment de r�pit,
les femmes kirghizes ne semblent pas trop se plaindre de leur sort.
Elles sont tr�s gaies; elles jasent et chantent tout le temps.

Les hommes passent leurs journ�es � surveiller leurs femmes, tout en
se racontant r�ciproquement des histoires, et tiennent des
conciliabules sur les coups � faire. Leurs discours roulent presque
toujours sur les chevaux. La langue kirghize, peu d�velopp�e en
g�n�ral, abonde en expressions qui ont trait aux chevaux; ceux-ci
re�oivent pour chaque ann�e d'�ge un nom particulier. Ils ne leur ont
pas vou� de culte comme l'Arabe, ils n'ont pas su �lever et ennoblir
leur nature, mais ils s'en servent constamment, et ne sauraient
presque vivre sans leurs coursiers qui remplissent une partie de leur
existence.

Si le monde antique pla�ait le Tatar dans ces contr�es inconnues et
croyait reconna�tre dans ces hommes sauvages la figure d'un centaure,
demi-homme et demi-cheval, il faut convenir que le Kirghize r�pond
aujourd'hui encore � l'id�e du centaure. Il faut le voir � cheval:
agile et droit, il ne semble faire qu'un avec la selle, et, bien que
celle-ci soit plus que rudimentaire--elle est en bois,--il accomplit
sans la moindre fatigue les plus longs voyages, et par des sentiers
presque toujours dangereux.

[Illustration: Les roches pliss�es des environs de Slifkina, sur la
route de Prjevalsk.--D'apr�s une photographie.]

En revanche, le Kirghize d�teste les courses � pied, et il �vite, m�me
quand il le peut, une centaine de pas. Il se fatigue vite. Ainsi, pour
se rendre d'une yourte � l'autre, il tient en permanence une monture
devant sa tente. Il est vrai qu'il est paresseux au plus haut degr�,
et que la plupart du temps il sommeille comme un rongeur. Il ne peut
se tenir debout pendant plus de quelques minutes. On ne saurait
imaginer deux Kirghizes causant dans la position verticale. Quand ils
ont quelque chose � se dire, ils s'accroupissent sur leurs talons, et,
se prenant mutuellement par la main, ils d�bitent leurs nouvelles.
Dans cette posture g�nante ils sont capables de demeurer une
demi-journ�e.

Le Kirghize �l�ve des chevaux non seulement pour les monter, mais
aussi pour en tirer le koumiss. En g�n�ral, tous les Orientaux
raffolent de ce nectar, mais aucun n'en est aussi friand que le
Kirghize. Il ne vit que de lui et que pour lui. Vouloir l'en priver,
c'est comme lui �ter l'air qu'il respire. S'il n'en est pas repu, rien
ne l'arr�tera: il l�chera votre caravane pour explorer les replis de
la montagne, afin de d�couvrir un aoul o� il puisse se rassasier.

[Illustration: Campement kirghize, pr�s de Slifkina.--D'apr�s une
photographie.]

L'outre du koumiss est � la disposition des passants. On ne la refuse
jamais aux voyageurs. Aussi quand il se met en route, le Kirghize
n'a-t-il aucune envie de prendre de quoi se sustenter pendant le
voyage. Il compte toujours sur les aouls qui s'�gr�nent le long du
chemin.

En dehors du koumiss, dont il fait usage � tout moment, le Kirghize ne
prend qu'un repas par jour. Assembl�es dans la yourte, dix, quinze,
vingt personnes se renouvellent autour du kazan, contenant un mouton
tout entier. Chacune d'elles sort son _pitchiak_ de sa gaine, empoigne
un os quelconque, et puis, allons-y! tant que �a dure on fait agir les
m�choires. Et l'on puise � tour de r�le dans le bouillon. Ensuite on
trinque avec le koumiss, qu'on a eu soin d'agiter pr�alablement dans
son outre pour lui donner de l'effervescence.

Aussi, apr�s s'�tre repu de la sorte, le Kirghize perd sa r�sistance
et se laisse volontiers entra�ner par la somnolence in�vitable d'une
digestion laborieuse.

Les gens riches font usage de th� et de pain. Celui-ci est fabriqu�
sur place, avec de la farine d'orge, qu'on roule en boulettes et qu'on
grille dans de la graisse de mouton.

Le combustible employ� par les Kirghizes consiste presque uniquement
en tiges et en racines de _teo-go�rouk_--queues de chameaux,--ainsi
appel� � cause de la ressemblance des branches avec l'appendice de cet
animal. C'est un buisson, du genre du rhododendron, qui s'enfonce
profond�ment dans le sol et s'�panouit en un bouquet de ramilles
�pineuses, hautes d'un demi-m�tre environ. Cette plante pousse jusqu'�
3�000 m�tres d'altitude, toujours sur les versants tourn�s au nord.

C'est gr�ce � cet arbuste providentiel que les nomades peuvent
s�journer dans les hautes vall�es du Tien-Chan, qui, se trouvant pr�s
des glaciers, conservent longtemps leurs herbages verdoyants en d�pit
de la chaleur estivale.

Mais lorsque, � cent lieues � la ronde, il lui est impossible de
rencontrer du bois, le Kirghize a recours � la fiente des animaux,
pour entretenir son feu. Un brasero semblable ne produit pas,
pr�cis�ment, une atmosph�re tr�s respirable dans l'int�rieur de la
yourte, mais heureusement le Kirghize ne poss�de pas un odorat tr�s
subtil.

� temps perdu, le Kirghize se fait braconnier. Il dresse des aigles
pour la chasse des renards et des b�tes � fourrure. Il assomme les
loups � coups de matraque; pour les gros animaux, comme les ours et
les _ovis poli_, il s'arme d'un fusil � silex, portant attach� � un
tiers du f�t un chevalet mobile, qui sert d'appui pour le tir.
Cependant, ce Nemrod n'est pas tr�s dangereux pour les animaux de
toutes sortes qui pullulent dans les vall�es des monts C�lestes. Il ne
chasse que pour ses besoins; rarement il fait commerce de pelleteries.

On a souvent dit que les Kirghizes �taient farouches et indomptables.
Nous les trouv�mes, au contraire, tr�s soumis et d�bonnaires. En cela
ils diff�rent des Kazaks, qui sont pillards et tra�tres. Les Kirghizes
n'ont pas l'esprit belliqueux des Turkomans ou des Afghans; ils sont
avant tout et surtout poltrons. Quand ils n'ont rien � risquer, ils ne
ratent pas le coup. Le vol, chez eux, est un d�lit � l'ordre du jour.
Aussi ont-ils la pr�caution de tenir sous l'oeil leurs troupeaux, qui,
pendant la nuit, sont assembl�s pr�s de l'aoul et gard�s par des
chiens.

Les Kirghizes sont d'une bonhomie et d'une na�vet� vraiment
extraordinaires. Cette simplicit� de caract�re provient peut-�tre du
genre de vie qu'ils m�nent et de l'isolement dans lequel ils passent
leur existence. Ils sont fatalistes en toutes circonstances. Tout leur
est pr�sage, bon ou mauvais: la chute d'un fil sur une pierre blanche,
la nuance de la flamme, la couleur ou la forme d'un nuage, la
rencontre de tel animal, ou la vue de telle fleur, tout cela a une
signification pour eux, et sur ces riens ils r�glent souvent les actes
de leur vie.

Pour conjurer les mauvais esprits ils recourent � toutes sortes
d'exp�dients. Leur pu�rilit� ne conna�t pas de limite. Ainsi une
pierre un peu bizarre, la pr�sence d'un arbuste dans la f�lure d'une
roche, la chute d'un a�rolithe ou une source d'eau thermale, prennent
pour eux les proportions d'un miracle, et ils ne s'approchent de ces
objets qu'apr�s des tours de bras et des g�nuflexions r�it�r�es.

Ils se disent mahom�tans sunnites, mais en r�alit� ils ne le sont
point. Ils ne font ni les ablutions, ni les pri�res prescrites par le
Coran; ils n'ont ni mosqu�es ni mollahs, et ils ne connaissent
aucunement les p�lerinages au tombeau du Proph�te. Ils ont bien
conserv� de l'islamisme certaines pratiques et coutumes qui les
assimilent � la religion de Mahomet, mais il ne faut voir dans cela
que des simagr�es que les Kirghizes �talent devant les �trangers. En
fait, ils ne professent aucune croyance bien d�termin�e; ils rel�vent
plut�t un peu de toutes les sectes qui jadis foisonnaient dans l'Asie
du nord. Cependant, s'il y a un pr�cepte du Coran qu'ils suivent � la
lettre, c'est bien celui qui conseille la pluralit� des femmes. Autant
que cela lui est possible, le Kirghize �pousera une, deux, trois
femmes, et m�me davantage.

Le contingent des femmes est en rapport avec la quantit� des troupeaux
que le Kirghize poss�de. C'est avec cette valeur marchande qu'il
ach�te ses �pouses.

[Illustration: Femme kirghize tannant une peau (page 512).--D'apr�s
une photographie.]

Accompagn� de quelques parents et amis, il parcourt monts et vaux,
fouille tous les aouls, sonde par-ci par-l�, use de toutes sortes de
subterfuges pour d�nicher les _kez_, qui demeurent presque toujours
invisibles. Une fois qu'il a fait son choix, il s'entend avec les
parents sur la dot � payer, apr�s marchandage de part et d'autre.
Enfin, apr�s s'�tre chamaill�s pendant des semaines et des mois, on
tombe d'accord, et la jeune fille est d�sormais pass�e � l'�tat
d'objet quelconque. Apr�s le contrat, pendant une ann�e, d�fense lui
est faite de parler � des hommes autres que ceux de sa famille; elle
doit rester dans l'int�rieur de la yourte, o� les comm�res viennent la
visiter, passer d'innombrables heures � bavarder avec elle, et l'aider
� pr�parer son trousseau.

La c�r�monie du mariage, pr�sid�e par le chef de la tribu, consiste en
un �change d'accolades entre �poux et parents; apr�s quoi, tous les
assistants communient dans une agape pantagru�lique, o� le koumiss
coule � flots, o� les borsaks et les quartiers de moutons jouent des
r�les pr�pond�rants. Le fianc� pr�sente alors les troupeaux � son
beau-p�re. Celui-ci v�rifie l'�tat des b�tes, et les compte pour
s'assurer qu'on ne l'a pas vol�. Puis, en �change, il fait pr�sent �
son gendre de quelques chameaux et chevaux. Ce pr�sent forme la dot de
la jeune fille, elle lui appartient sa vie durant. Le mari en g�re et
en conserve la propri�t� aussi longtemps qu'il retiendra l'�pouse sous
le toit conjugal; s'il la r�pudie, il doit rendre son bien, � moins
qu'elle ne soit fautive.

[Illustration: Les glaciers du Djoukoutchiak-tao.--D'apr�s une
photographie.]

Les Kirghizes ne prennent pas plusieurs femmes � la fois, comme le
font en g�n�ral les musulmans. Ils n'en �pousent qu'une seule; apr�s
quelque temps, quand elle commence � d�plaire, ils en �pousent une
autre toute jeune, et ainsi de suite, autant que le leur permettent
les richesses dont ils disposent. La nouvelle arriv�e est toujours la
favorite du mari. Les autres ne comptent plus. Tandis que la fra�che
�pous�e se dorlotera dans la yourte, choy�e et gard�e jalousement par
son ma�tre, les autres travailleront dehors, et coucheront � l'�cart.

Avant l'arriv�e des Russes, les Kirghizes ne connaissaient gu�re
l'usage des monnaies; ils �changeaient leurs marchandises contre des
t�tes de b�tail. Encore maintenant, ils n'ont pas d'id�es bien
pr�cises sur la mesure du temps, ils ne savent pas leur �ge, ni
l'ann�e de l'�re musulmane. L'an se divise d'apr�s les lunes, et les
mois selon les quartiers de celle-ci. Pour compter le temps, ils
disent: une journ�e, une demi-journ�e, un quart de journ�e. Cette
m�thode sert aussi � mesurer les distances; ainsi, ils diront que tel
aoul se trouve � une demi-journ�e de marche, ou plus ou moins. Pour
les petites mesures, ils emploient les bras, les pieds, ou la main.

Il est difficile de rencontrer parmi les nomades du Tien-Chan, des
individus lettr�s ou un peu distingu�s. Ceux qui savent lire ou �crire
se comptent sur les doigts. La plupart se pr�lassent dans une
inconsciente ignorance, et ils ne font rien pour se d�gager de
l'avilissement qui les abrutit depuis un temps imm�morial. Cette
abjecte barbarie les a toujours emp�ch�s de se grouper en soci�t�
polic�e, et de former une nation homog�ne. Chaque tribu vit dans son
domaine, �vitant le voisinage des autres. On campe dans des endroits
d�termin�s, o� chaque yourte r�occupe le m�me emplacement que l'ann�e
pr�c�dente. C'est une routine plut�t qu'une coutume, � laquelle,
cependant, le Kirghize, comme dans tous les actes de sa vie, est li�
corps et �me.

Les individus qui composent un aoul, vivant dans une communaut�
patriarcale, sont solidaires des droits que leur ont l�gu�s les
anc�tres. Ainsi ils veillent � ce que les aouls avoisinants ne
viennent pas empi�ter sur leurs p�turages, ce qui cr�erait des droits
pour plus tard. Il arrive, en effet, qu'une tribu tr�s peupl�e cherche
� s'�tendre sur le territoire d'une autre dont le nombre des membres
est moindre. Souvent, elles se confondent ensemble.

Les Kirghizes sont rest�s comme ils �taient du temps o� ils vinrent
�tablir leurs p�nates dans les vall�es sauvages des monts C�lestes. La
vie des Kirghizes consiste � r��diter en tout point ce que firent et
ce que furent leurs devanciers. Et �a n'est pas pr�s de changer.

Le sentiment chez les Kirghizes est tr�s born�. Ils ne s'attachent pas
ou peu aux hommes et aux choses. S'ils sont capables d'aimer leurs
femmes, ce n'est pas par tendresse ou par sympathie, mais parce
qu'ils sont anim�s par l'instinct de la brute. Pour leurs enfants,
ils nourrissent une affection bien superficielle. S'ils aiment leurs
montagnes, c'est uniquement parce qu'ils y sont habitu�s, et
qu'ailleurs il ne leur serait pas si facile de conserver leur libert�
vagabonde. Ils n'ont aucune id�e de patrie.

Les manifestations de leur intelligence n'ont pas des envol�es d'une
tr�s grande envergure. Ils ne poss�dent aucun sens artistique. Ils
ornementent bien leurs feutres d'arabesques, les cuirs de gaufrages,
les harnais de placages d'argent, mais ces vell�it�s sont tellement
primitives, qu'on ne peut en tenir compte. D'ailleurs, ces objets,
quand ils ne sont pas copi�s, proviennent des Sartes ou des
Kachgariens.

Par contre les Kirghizes sont des troubadours inlassables. Presque
tous, hommes et femmes, dans un moment de d�lassement, fredonnent un
refrain, ou geignent une complainte. Ils l'accompagnent quelquefois
avec une esp�ce de luth creus� d'une seule pi�ce dans un morceau de
bois, sur lequel ils pincent des cordes en boyau. Un autre instrument
de musique plus commun, est un fifre fait d'une branche d'arbre,
fendue et creus�e, qui produit un son rauque, cacophonique. Pour en
jouer, on appuie son extr�mit� sup�rieure contre une dent, et on ouvre
ou on ferme alternativement l'ouverture inf�rieure avec le doigt.

Le peuple kirghize est encore � l'�tat d'enfance. � c�t� de d�fauts
ataviques propres � la race et enracin�s dans des coutumes surann�es,
il pr�sente des dispositions qui ne demandent qu'� �tre cultiv�es et
exploit�es. Mais tant que leurs montagnes resteront leur domaine
exclusif et que des barri�res de granit les s�pareront du reste du
monde, les Kirghizes continueront � demeurer tels qu'ils sont.

Il faut qu'une s�ve nouvelle et puissante vienne aviver leurs forces
endormies, et qu'une race jeune et entreprenante les entra�ne dans la
sph�re de la productivit� consciente de l'humanit�.

Mais ce n'est pas de sit�t que cela arrivera. Et les Kirghizes
pourront encore longtemps jouir de la qui�tude de leur vie solitaire,
et narguer la servitude que toute civilisation entra�ne avec elle.

Il ne faudrait maintenant pas se m�prendre sur la port�e d'un voyage
au Tien-Chan. Sa raison d'�tre r�side uniquement dans un but
scientifique. Il n'y a rien � y d�couvrir, sinon des glaciers et des
torrents. On n'y rencontre pas de cit�s tumultueuses ou de ruines
historiques; on ne risque pas non plus d'�tre d�vor� par des
cannibales, et les explorateurs qui ambitionnent les aventures
fantastiques n'y trouvent pas leur compte. Cependant, pour celui qui
sait se contenter de la nature, brutale et vierge; pour celui qui
affectionne les sveltes �l�gances des pics et les sinuosit�s
immacul�es des glaciers; pour celui qui s'extasie devant une fleur,
qui s'int�resse � un fragment de roche, et qui se r�jouit de la vue
d'un humble insecte; pour cet homme-l�, ces montagnes mornes et
d�sertes, et ces vall�es immenses qui semblent � jamais condamn�es �
la st�rilit�, s'animent, s'�gayent et lui parlent de choses inconnues,
excitent sa naturelle curiosit� de tout savoir, et l'incitent � la
conqu�te de nouveaux probl�mes, � la d�couverte et � la solution de
nouvelles hypoth�ses et questions.

Notre petit voyage aux monts C�lestes, s'il n'a pas �t� tr�s gai, ni
tr�s mouvement�, nous a toutefois mis dans les conditions de pouvoir
d�terminer exactement la physionomie d'un vaste soul�vement terrestre
et surtout l'aspect d'une r�gion jusque-l� inexplor�e.

Ces r�sultats, qui ne sont pas � d�daigner pour la science
g�ographique, suffisent � r�compenser nos exploits d'alpinistes.

                                        JULES BROCHEREL.

[Illustration: Tombeau kirghize.--D'apr�s une photographie.]

Droits de traduction et de reproduction r�serv�s.


       *       *       *       *       *


TABLE DES GRAVURES ET CARTES


L'�T� AU KACHMIR

Par _Mme F. MICHEL_


  En �rickshaw� sur la route du mont Abou.
    (D'apr�s une photographie.)                                      1

  L'�l�phant du touriste � Dja�pour.                                 1

  Petit sanctuaire lat�ral dans l'un des temples dja�ns du mont Abou.
    (D'apr�s une photographie.)                                      2

  Pont de cordes sur le Djhilam, pr�s de Garhi. (Dessin de Massias,
    d'apr�s une photographie.)                                       3

  Les �Kar�vas� ou plateaux alluviaux form�s par les �rosions du
    Djhilam. (D'apr�s une photographie.)                             4

  �Ekkas� et �Tongas� sur la route du Kachmir: vue prise au relais
    de Rampour. (D'apr�s une photographie Jadu Kissen, � Delhi.)     5

  Le vieux fort Sikh et les gorges du Djhilam � Ouri. (D'apr�s une
    photographie.)                                                   6

  Sh�r-Garhi ou la �Maison du Lion�, palais du Mah�r�dja � Sr�nagar.
    (Photographie Bourne et Sheperd, � Calcutta.)                    7

  L'entr�e du Tchinar-B�gh, ou Bois des Platanes, au-dessus de
    Sr�nagar; au premier plan une �dounga�, au fond le sommet du
    Takht-i-Souleiman. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)          7

  Ruines du temple de Brankoutri. (D'apr�s une photographie.)        8

  Types de Pandis ou Brahmanes Kachmirs. (Photographie Jadu Kissen,
    � Delhi.)                                                        9

  Le quai de la R�sidence; au fond, le sommet du Takht-i-Souleiman.
    (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)                            10

  La porte du Kachmir et la sortie du Djhilam � Baramoula.
    (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)                            11

  Nos tentes � Lahore. (D'apr�s une photographie.)                  12

  �Dounga� ou bateau de passagers au Kachmir. (Photographie Bourne
    et Shepherd, � Calcutta.)                                       13

  Vichnou port� par Garouda, idole v�n�r�e pr�s du temple de
    Vidja-Broer (hauteur 1m 40.)                                    13

  Enfants de bateliers jouant � cache-cache dans le creux d'un
    vieux platane. (D'apr�s une photographie.)                      14

  Bateli�res du Kachmir d�cortiquant du riz, pr�s d'une rang�e de
    peupliers. (Photographie Bourne et Shepherd, � Calcutta.)       15

  Campement pr�s de Palhallan: tentes et doungas. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  16

  Troisi�me pont de Sr�nagar et mosqu�e de Shah Hamadan; au fond,
    le fort de Hari-Paryat. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)    17

  Le temple inond� de Pandrethan. (D'apr�s une photographie.)       18

  Femme musulmane du Kachmir. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)  19

  Pandit Narayan assis sur le seuil du temple de Narasth�n.
    (D'apr�s une photographie.)                                     20

  Pont et bourg de Vidjabroer. (Photographie Jadu Kissen, �
    Delhi.)                                                         21

  Ziarat de Cheik Nasr-oud-Din, � Vidjabroer. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  22

  Le temple de Panyech: � gauche, un brahmane; � droite, un
    musulman. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)                  23

  Temple hindou moderne � Vidjabroer. (D'apr�s une photographie.)   24

  Brahmanes en visite au Naga ou source sacr�e de Valtongou.
    (D'apr�s une photographie.)                                     25

  Gargouille ancienne, de style hindou, dans le mur d'une mosqu�e,
    � Houtamourou, pr�s de Bhavan.                                  25

  Temple ruin�, � Khotair. (D'apr�s une photographie.)              26

  Naga ou source sacr�e de Kothair. (D'apr�s une photographie.)     27

  Ver-N�g: le bungalow au-dessus de la source. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  28

  Temple rustique de Voutan�r. (D'apr�s une photographie.)          29

  Autel du temple de Voutan�r et accessoires du culte. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  30

  Noce musulmane, � Rozlou: les musiciens et le fianc�. (D'apr�s
    une photographie.)                                              31

  Sacrifice bhramanique, � Bhavan. (D'apr�s une photographie.)      31

  Int�rieur de temple de Martand: le repos des coolies employ�s au
    d�blaiement. (D'apr�s une photographie.)                        32

  Ruines de Martand: fa�ade post�rieure et vue lat�rale du temple.
    (D'apr�s des photographies.)                                    33

  Place du campement sous les platanes, � Bhavan. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  34

  La Ziarat de Za�n-oud-Din, � Eichmakam. (Photographie Bourne et
    Shepherd, � Calcutta.)                                          35

  Naga ou source sacr�e de Brar, entre Bhavan et Eichmakar.
    (D'apr�s une photographie.)                                     36

  Maisons de bois, � Palg�m. (Photographie Bourne et Shepherd, �
    Calcutta.)                                                      37

  Palanquin et porteurs.                                            37

  Ganech-Bal sur le Lidar: le village hindou et la roche
    miraculeuse. (D'apr�s une photographie.)                        38

  Le massif du Kolahoi et la bifurcation de la vall�e du Lidar
    au-dessus de Palg�m, vue prise de Ganeth-Bal. (Photographie
    Jadu Kissen, � Delhi.)                                          39

  Vall�e d'Amarn�th: vue prise de la grotte. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  40

  Pondjtarni et le camp des p�lerins: au fond, la passe du
    Mah�gounas. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)                41

  Cascade sortant de dessous un pont de neige entre Tannin et
    Zodji-P�l. (D'apr�s une photographie.)                          42

  Le Koh-i-Nour et les glaciers au-dessus du lac �ecra-Nag.
    (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)                            43

  Grotte d'Amarn�th. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)           43

  Astan-Marg: la prairie et les bouleaux. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  44

  Campement de Goudjars � Astan-Marg. (D'apr�s une photographie.)   45

  Le bain des p�lerins � Amarnath. (D'apr�s une photographie.)      46

  P�lerins d'Amarn�th: le S�dhou de Patiala; par derri�re, des
    brahmanes, et � droite, des musulmans du Kachmir. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  47

  Mosqu�e de village au Kachmir. (D'apr�s une photographie.)        48

  Brodeurs Kachmiris sur toile. (Photographie Bourne et Shepherd,
    � Calcutta.)                                                    49

  Mendiant musulman. (D'apr�s une photographie.)                    49

  Le Brahma S�r et le camp des p�lerins au pied de l'Haramouk.
    (D'apr�s une photographie.)                                     50

  Lac Gang�bal au pied du massif de l'Haramouk. (Photographie Jadu
    Kissen, � Delhi.)                                               51

  Le Noun-K�l, au pied de l'Haramouk, et le bain des p�lerins.
    (D'apr�s une photographie.)                                     52

  Femmes musulmanes du Kachmir avec leurs �houkas� (pipes) et leur
    �hangri� (chaufferette). (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)   53

  Temples ruin�s � Vang�th. (D'apr�s une photographie.)             54

  �M�la� ou foire religieuse � Hazarat-Bal. (En haut, photographie
    par l'auteur; en bas, photographie Jadu Kissen, � Delhi.)       55

  La villa de Cheik Safai-Bagh, au sud du lac de Sr�nagar. (D'apr�s
    une photographie.)                                              56

  Nishat-B�gh et le bord oriental du lac de Sr�nagar. (Photographie
    Jadu Kissen, � Delhi.)                                          57

  Le canal de Mar � Sridagar. (Photographie Jadu Kissen, � Delhi.)  58

  La mosqu�e de Shah Hamadan � Sr�nagar (rive droite). (Photographie
    Jadu Kissen, � Delhi.)                                          59

  Sp�cimens de l'art du Kachmir. (D'apr�s une photographie.)        60


SOUVENIRS DE LA COTE D'IVOIRE

Par _le docteur LAMY_

_M�decin-major des troupes coloniales_.


  La barre de Grand-Bassam n�cessite un grand d�ploiement de force
    pour la mise � l'eau d'une pirogue. (D'apr�s une photographie.) 61

  Le f�minisme � Adoko�: un m�decin concurrent de l'auteur.
    (D'apr�s une photographie.)                                     61

  �Travail et Maternit� ou �Comment vivent les femmes de
    Petit-Al�p�. (D'apr�s une photographie.)                       62

  � Mot�so: soins maternels. (D'apr�s une photographie.)            63

  Installation de notre campement dans une clairi�re d�broussaill�e.
    (D'apr�s une photographie.)                                     64

  Environs de Grand-Al�p�: des hangars dans une palmeraie, et une
    douzaine de grands mortiers destin�s � la pr�paration de l'huile
    de palme. (D'apr�s une photographie.)                           65

  Dans le sentier �troit, montant, il faut marcher en file indienne.
    (D'apr�s une photographie.)                                     66

  Nous utilisons le f�t renvers� d'un arbre pour traverser la M�.
    (D'apr�s une photographie.)                                     67

  La popote dans un admirable champ de bananiers. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  68

  Indig�nes coupant un acajou. (D'apr�s une photographie.)          69

  La c�te d'Ivoire.--Le pays Atti�.                                 70

  Ce fut un sauve-qui-peut g�n�ral quand je braquai sur les
    indig�nes mon appareil photographique. (Dessin de J. Lav�e,
    d'apr�s une photographie.)                                      71

  La rue principale de Grand-Al�p�. (D'apr�s une photographie.)     72

  Les Trois Graces de Mop� (pays Atti�). (D'apr�s une
    photographie.)                                                  73

  Femme du pays Atti� portant son enfant en groupe. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  73

  Une clairi�re pr�s de Mop�. (D'apr�s une photographie.)           74

  La garnison de Mop� se porte � notre rencontre. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  75

  Femme de Mop� fabriquant son savon � base d'huile de palme et de
    cendres de peaux de bananes. (D'apr�s une photographie.)        76

  Danse ex�cut�e aux fun�railles du prince h�ritier de Mop�.
    (D'apr�s une photographie.)                                     77

  Toilette et embaumement du d�funt. (D'apr�s une photographie.)    78

  Jeune femme et jeune fille de Mop�. (D'apr�s une photographie.)   79

  Route, dans la for�t tropicale, de Malamalasso � Daboissu�.
    (D'apr�s une photographie.)                                     80

  Beni� Coam�, roi de Betti� et autres lieux, entour� de ses femmes
    et de ses hauts dignitaires. (D'apr�s une photographie.)        81

  Chute du Mala-Mala, affluent du Como�, � Malamalasso. (D'apr�s
    une photographie.)                                              82

  La vall�e du Como� � Malamalasso. (D'apr�s une photographie.)     83

  Tam-tam de guerre � Mop�. (D'apr�s une photographie.)             84

  Piroguiers de la c�te d'Ivoire pagayant. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  85

  Allou, le boy du docteur Lamy. (D'apr�s une photographie.)        85

  La for�t tropicale � la c�te d'Ivoire. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  86

  Le d�bitage des arbres. (D'apr�s une photographie.)               87

  Les lianes sur la rive du Como�. (D'apr�s une photographie.)      88

  Les occupations les plus fr�quentes au village: discussions et
    farniente Atti�. (D'apr�s une photographie.)                    89

  Un incendie � Grand-Bassam. (D'apr�s une photographie.)           90

  La danse indig�ne est caract�ris�e par des poses et des gestes
    qui rappellent une pantomime. (D'apr�s une photographie.)       91

  Une inondation � Grand-Bassam. (D'apr�s une photographie.)        92

  Un campement sanitaire � Abidjean. (D'apr�s une photographie.)    93

  Une rue de Jackville, sur le golfe de Guin�e. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  94

  Grand-Bassam: cases d�truites apr�s une �pid�mie de fi�vre jaune.
    (D'apr�s une photographie.)                                     95

  Grand-Bassam: le boulevard Treich-Lapl�ne. (D'apr�s une
    photographie.)                                                  96


L'�LE D'ELBE

Par _M. PAUL GRUYER_


  L'�le d'Elbe se d�coupe sur l'horizon, abrupte, montagneuse et
    viol�tre.                                                       97

  Une jeune fille elboise, au regard �nergique, � la peau d'une
    blancheur de lait et aux beaux cheveux noirs.                   97

  Les rues de Porto-Ferraio sont toutes un escalier (page 100).     98

  Porto-Ferraio: � l'entr�e du port, une vieille tour g�noise,
    trapue, bizarre de forme, se mire dans les flots.               99

  Porto-Ferraio: la porte de terre, par laquelle sortait Napol�on
    pour se rendre � sa maison de campagne de San Martino.         100

  Porto-Ferraio: la porte de mer, o� aborda Napol�on.              101

  La �teste� de Napol�on (page 100).                               102

  Porto-Ferraio s'�chelonne avec ses toits plats et ses fa�ades
    scintillantes de clart� (page 99).                             103

  Porto-Ferraio: les remparts d�coupent sur le ciel d'un bleu
    sombre leur profil anguleux (page 99).                         103

  La fa�ade ext�rieure du �Palais� des Mulini o� habitait Napol�on
    � Porto-Ferraio (page 101).                                    104

  Le jardin imp�rial et la terrasse de la maison des Mulini
    (page 102).                                                    105

  La Via Napoleone, qui monte au �Palais� des Mulini.              106

  La salle du conseil � Porto-Ferraio, avec le portrait de la
    derni�re grande-duchesse de Toscane et celui de Napol�on,
    d'apr�s le tableau de G�rard.                                  107

  La grande salle des Mulini aujourd'hui abandonn�e, avec ses
    volets clos et les peintures d�coratives qu'y fit faire
    l'empereur (page 101).                                         107

  Une paysanne elboise avec son vaste chapeau qui la prot�ge du
    soleil.                                                        108

  Les mille m�tres du Monte Capanna et de son voisin, le Monte
    Giove, d�valent dans les flots de toute leur hauteur.          109

  Un enfant elbois.                                                109

  Marciana Alta et ses ruelles �troites.                           110

  Marciana Marina avec ses maisons rang�es autour du rivage et
    ses embarcations tir�es sur la gr�ve.                          111

  Les ch�taigniers dans le brouillard, sur le faite du Monte
    Giove.                                                         112

  ... Et voici au-dessus de moi Marciana Alta surgir des nu�es
    (page 111).                                                    113

  La �Seda di Napoleone� sur le Monte Giove o� l'empereur
    s'asseyait pour d�couvrir la Corse.                            114

  La blanche chapelle de Monserrat au centre d'un amphith��tre de
    rochers est entour�e de sveltes cypr�s (page 117).             115

  Voici Rio Montagne dont les maisons r�guli�res et cubiques ont
    l'air de dominos empil�s... (page 118).                        115

  J'aper�ois Poggio, un autre village perdu aussi dans les nu�es.  116

  Une des trois chambres de l'ermitage.                            117

  L'ermitage du Marciana o� l'empereur re�ut la visite de la
    comtesse Walewska, le 3 Septembre 1814.                        117

  Le petit port de Porto-Longone domin� par la vieille citadelle
    espagnole (page 117).                                          118

  La maison de Madame M�re � Marciana Alta.--�Bastia, signor!�--La
    chapelle de la Madone sur le Monte Giove.                      119

  Le coucher du soleil sur le Monte Giove.                         120

  Porto-Ferraio et son golfe vus des jardins de San Martino.       121

  L'arriv�e de Napol�on � l'�le d'Elbe. (D'apr�s une caricature du
    temps.)                                                        121

  Le drapeau de Napol�on roi de l'�le d'Elbe: fond blanc, bande
    orang�-rouge et trois abeilles jadis dor�es.                   122

  La salle de bains de San Martino a conserv� sa baignoire de
    pierre.                                                        123

  La chambre de Napol�on � San Martino.                            123

  La cour de Napol�on � l'�le d'Elbe. (D'apr�s une caricature du
    temps.)                                                        124

  Une femme du village de Marciana Alta.                           125

  Le plafond de San Martino et les deux colombes symboliques
    repr�sentant Napol�on et Marie-Louise.                         126

  San Martino rappelle par son aspect une de ces maisonnettes �
    la Jean-Jacques Rousseau, agrestes et paisibles (page 123).    126

  Rideau du th��tre de Porto-Ferraio repr�sentant Napol�on sous la
    figure d'Apollon gardant ses troupeaux chez Adm�te.            127

  La salle �gyptienne de San Martino est demeur�e intacte avec ses
    peintures murales et son bassin � sec.                         127

  Broderies de soie du couvre-lit et du baldaquin du lit de Napol�on
    aux Mulini, dont on a fait le tr�ne �piscopal de l'�v�que
    d'Ajaccio.                                                     128

  La signorina Squarci dans la robe de satin blanc que son a�eule
    portait � la cour des Mulini.                                  129

  �ventail de Pauline Borgh�se, en ivoire sculpt�, envoy� en
    souvenir d'elle � la signora Traditi, femme du maire de
    Porto-Ferraio.                                                 130

  Le lit de Madame M�re, qu'elle s'�tait fait envoyer de Paris �
    l'�le d'Elbe.                                                  130

  Le vieil aveugle Soldani, fils d'un soldat de Waterloo,
    chauffait, � un petit brasero de terre jaune, ses mains
    osseuses.                                                      131

  L'entr�e du goulet de Porto-Ferraio par o� sortit la flottille
    imp�riale, le 26 f�vrier 1815.                                 132


D'ALEXANDRETTE AU COUDE DE L'EUPHRATE

Par _M. VICTOR CHAPOT_

_membre de l'�cole fran�aise d'Ath�nes_.


  Dans une sorte de cirque se dressent les pans de muraille du
    Ksar-el-Benat (page 142). (D'apr�s une photographie.)          133

  Le canal de S�leucie est, par endroits, un tunnel (page 140).    133

  Vers le coude de l'Euphrate: la pens�e de relever les traces de
    vie antique a dict� l'itin�raire.                              134

  L'Antioche moderne: de l'ancienne Antioche il ne reste que
    l'enceinte, aux flancs du Silpios (page 137).                  135

  Les rues d'Antioche sont �troites et tortueuses; parfois, au
    milieu, se creuse en foss�. (D'apr�s une photographie.)        136

  Le tout-Antioche inonde les promenades. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 137

  Les cr�tes des collines sont couronn�es de chapelles ruin�es
    (page 142).                                                    138

  Alep est une ville militaire. (D'apr�s une photographie.)        139

  La citadelle d'Alep se d�tache des quartiers qui l'avoisinent
    (page 143). (D'apr�s une photographie.)                        139

  Les parois du canal de S�leucie s'�l�vent jusqu'� 40 m�tres.
    (D'apr�s une photographie.)                                    140

  Les tombeaux de S�leucie s'�tageaient sur le Kasios. (D'apr�s
    une photographie.)                                             141

  � Alep une seule mosqu�e peut presque passer pour une oeuvre
    d'art. (D'apr�s une photographie.)                             142

  Tout alentour d'Alep la campagne est d�serte. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 143

  Le Kasr-el-Benat, ancien couvent fortifi�.                       144

  Balkis �veille, de loin et de haut, l'id�e d'une taupini�re
    (page 147). (D'apr�s une photographie.)                        145

  St�le Hittite. L'artiste n'a ex�cut� qu'un premier ravalement
    (page 148).                                                    145

  �glise arm�nienne de Nisib; le plan en est masqu� au dehors.
    (D'apr�s une photographie.)                                    146

  Tell-Erfat est peupl� d'Yazides; on le reconna�t � la forme des
    habitations. (D'apr�s une photographie.)                       147

  La rive droite de l'Euphrate �tait couverte de stations romaines
    et byzantines. (D'apr�s une photographie.)                     148

  Biredjik vu de la citadelle: la plaine s'allonge ind�finiment
    (page 148). (D'apr�s une photographie.)                        149

  S�r�sat: village mixte d'Yazides et de B�douins (page 146).
    (D'apr�s une photographie.)                                    150

  Les Tcherkesses diff�rent des autres musulmans; sur leur personne,
    pas de haillons (page 152). (D'apr�s une photographie.)        151

  Ras-el-A�n. Deux jours se passent, m�lancoliques, en n�gociations
    (page 155). (D'apr�s une photographie.)                        152

  J'ai laiss� ma tente hors les murs devant Orfa. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 153

  Environs d'Orfa: les vignes, basses, courent sur le sol. (D'apr�s
    une photographie.)                                             154

  Vue g�n�rale d'Orfa. (D'apr�s une photographie.)                 155

  Porte arabe � Rakka (page 152). (D'apr�s une photographie.)      156

  Passage de l'Euphrate: les chevaux apeur�s sont port�s dans le
    bac � force de bras (page 159). (D'apr�s une photographie.)    157

  B�douin. (D'apr�s une photographie.)                             157

  Citadelle d'Orfa: deux puissantes colonnes sont rest�es debout.
    (D'apr�s une photographie.)                                    158

  Orfa: mosqu�e Ibrahim-Djami; les promeneurs fl�nent dans la cour
    et devant la piscine (page 157). (D'apr�s une photographie.)   159

  Pont byzantin et arabe (page 159). (D'apr�s une photographie.)   160

  Mausol�e d'Alif, orn� d'une frise de t�tes sculpt�es (page 160).
    (D'apr�s une photographie.)                                    161

  Mausol�e de Th�odoret, selon la l�gende, pr�s de Cyrrhus.
    (D'apr�s une photographie.)                                    162

  Kara-Moughara: au sommet se voit une grotte taill�e (page 165).
    (D'apr�s une photographie.)                                    163

  L'Euphrate en amont de Roum-Kaleh; sur la falaise campait un petit
    corps de l�gionnaires romains (page 160). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 163

  Trappe de Checkhl�: un grand �difice en pierres a remplac� les
    premi�res habitations (page 166).                              164

  Trappe de Checkhl�: la chapelle (page 166). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 165

  P�re Maronite (page 168). (D'apr�s une photographie.)            166

  Acb�s est situ� au fond d'un grand cirque montagneux (page 166).
    (D'apr�s une photographie.)                                    167

  Trappe de Checkhl�: premi�res habitations des trappistes
    (page 166). (D'apr�s une photographie.)                        168


LA FRANCE AUX NOUVELLES-H�BRIDES

Par _M. RAYMOND BEL_


  Indig�nes h�bridais de l'�le de Spiritu-Santo. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 169

  Le petit personnel d'un colon de Malli-Colo. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 169

  Le quai de Franceville ou Port-Vila, dans l'�le Vat�. (D'apr�s
    une photographie.)                                             170

  Une case de l'�le de Spiritu-Santo et ses habitants. (D'apr�s
    une photographie.)                                             171

  Le port de Franceville ou Port-Vila, dans l'�le Vat�, pr�sente
    une rade magnifique. (D'apr�s une photographie.)               172

  C'est � Port-Vila ou Franceville, dans l'�le Vat�, que la France
    a un r�sident. (D'apr�s une photographie.)                     173

  Dieux indig�nes ou Tabous. (D'apr�s une photographie.)           174

  Les indig�nes h�bridais de l'�le Mallicolo ont un costume et
    une physionomie moins sauvages que ceux de l'�le Pentec�te.
    (D'apr�s des photographies.)                                   175

  Pirogues de l'�le Vao. (D'apr�s une photographie.)               176

  Indig�nes employ�s au service d'un bateau. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 177

  Un sous-bois dans l'�le de Spiritu-Santo. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 178

  Un banquet de Fran�ais � Port-Vila (Franceville). (D'apr�s
    une photographie.)                                             179

  La colonie fran�aise de Port-Vila (Franceville). (D'apr�s
    une photographie.)                                             179

  La rivi�re de Luganville. (D'apr�s une photographie.)            180


LA RUSSIE, RACE COLONISATRICE

Par _M. ALBERT THOMAS_


  Les enfants russes, aux grosses joues pales, devant l'isba
    (page 182). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         181

  La reine des cloches �Tsar Kolokol� (page 180). (D'apr�s une
    photographie de M. Thi�beaux.)                                 181

  Les chariots de transport que l'on rencontre en longues files
    dans les rues de Moscou (page 183).                            182

  Les paysannes en p�lerinage arriv�es enfin � Moscou, la cit�
    sainte (page 182). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)  183

  Une chapelle o� les passants entrent adorer les ic�nes
    (page 183). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         184

  La porte du Sauveur que nul ne peut franchir sans se d�couvrir
    (page 185). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        185

  Une porte du Kreml (page 185). (D'apr�s une photographie de M.
    Thi�beaux.)                                                    186

  Les moines du couvent de Saint-Serge, un des couvents qui
    entourent la cit� sainte (page 185). (D'apr�s une photographie
    de M. J. Cahen.)                                               187

  Deux villes dans le Kreml: celle du XVe si�cle, celle d'Ivan,
    et la ville moderne, que symbolise ici le petit palais
    (page 190).                                                    188

  Le mur d'enceinte du Kreml, avec ses cr�neaux, ses tours aux
    toits aigus (page 183). (D'apr�s une photographie de M.
    Thi�beaux.)                                                    189

  Tout pr�s de l'Assomption, les deux �glises-soeurs se dressent:
    les Saints-Archanges et l'Annonciation (page 186). (D'apr�s une
    photographie de M. Thi�beaux.)                                 189

  � l'extr�mit� de la place Rouge, Saint-Basile dresse le fouillis
    de ses clochers (page 184). (D'apr�s une photographie de M.
    Thi�beaux.)                                                    190

  Du haut de l'Ivan V�liki, la ville immense se d�couvre (page 190).
    (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)                    191

  Un des isvotchiks qui nous m�nent grand train � travers les rues
    de Moscou (page 182).                                          192

  Il fait bon errer parmi la foule pittoresque des march�s moscovites,
    entre les petits marchands, artisans ou paysans qui apportent l�
    leurs produits (page 195). (D'apr�s une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        193

  L'isvotchik a rev�tu son long manteau bleu (page 194). (D'apr�s
    une photographie de M. J. Cahen.)                              193

  Itin�raire de Moscou � Tomsk.                                    194

  � c�t� d'une �picerie, une des petites boutiques o� l'on vend le
    kvass, le cidre russe (page 195). (D'apr�s une photographie de
    M. J. Cahen.)                                                  195

  Et des Tatars offraient des �toffes �tal�es sur leurs bras
    (page 195). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         196

  Patients, r�sign�s, les cochers attendent sous le soleil de midi
    (page 194). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         197

  Une cour du quartier ouvrier, avec l'ic�ne protectrice (page 196).
    (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)                     198

  Sur le flanc de la colline de Nijni, au pied de la route qui
    relie la vieille ville � la nouvelle, la citadelle au march�
    (page 204). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         199

  Le march� �tincelait dans son fouillis (page 195). (D'apr�s une
    photographie de M. J. Cahen.)                                  200

  D�j� la grande industrie p�n�tre: on rencontre � Moscou des
    ouvriers modernes (page 195). (D'apr�s une photographie.)      201

  Sur l'Oka, un large pont de bois barrait les eaux (page 204).
    (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)                    202

  Dans le quartier ouvrier, les familles s'entassent, � tous les
    �tages, autour de grandes cours (page 196). (D'apr�s une
    photographie de M. J. Cahen.)                                  203

  Le char fun�bre �tait blanc et dor� (page 194). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 204

  � Nijni, toutes les races se rencontrent, Grands-Russiens, Tatars,
    Tcherkesses (page 208). (D'apr�s une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        205

  Une femme tatare de Kazan dans l'enveloppement de son grand ch�le
    (page 214). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        205

  Nous avons travers� le grand pont qui m�ne � la foire (page 205).
    (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)                    206

  Au dehors, la vie de chaque jour s'�talait, p�le-m�le, �
    l'orientale (page 207). (D'apr�s une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        207

  Les galeries couvertes, devant les boutiques de Nijni (page 206).
    (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)                    208

  Dans les rues, les petits marchands �taient innombrables
    (page 207). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         209

  Dans une rue, c'�taient des coffres de toutes dimensions, peints
    de couleurs vives (page 206). (D'apr�s une photographie de M.
    J. Cahen.)                                                     210

  Pr�s de l'asile, nous sommes all�s au march� aux cloches
   (page 208). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)          211

  Plus loin, sous un abri, des balances gigantesques �taient pendues
    (page 206). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         211

  Dans une autre rue, les charrons avaient accumul� leurs roues
    (page 206). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)         212

  Paysannes russes, de celles qu'on rencontre aux petits march�s
    des d�barcad�res ou des stations (page 215). (D'apr�s une
    photographie de M. J. Cahen.)                                  213

  Le Kreml de Kazan. C'est l� que sont les �glises et les
    administrations (page 214). (D'apr�s une photographie de M.
    Thi�beaux.)                                                    214

  Sur la berge, des tarantass �taient rang�es (page 216). (D'apr�s
    une photographie de M. Thi�beaux.)                             215

  Partout sur la Volga d'immenses paquebots et des remorqueurs
    (page 213). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        216

  � presque toutes les gares il se forme spontan�ment un petit
    march� (page 222). (D'apr�s une photographie de M. J. Cahen.)  217

  Dans la plaine (page 221). (D'apr�s une photographie de M.
    Thi�beaux.)                                                    217

  Un petit fumoir, vitr� de tous c�t�s, termine le train
    (page 218). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        218

  Les �migrants �taient l�, p�le-m�le, parmi leurs mis�rables
    bagages (page 226). (D'apr�s une photographie de M. J.
    Cahen.)                                                        219

  Les petits gar�ons du wagon-restaurant s'approvisionnent
    (page 218). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        220

  �migrants prenant leur maigre repas pendant l'arr�t de leur train
    (page 228). (Photographie de M. A. N. de Koulomzine)           221

  L'ameublement du wagon-restaurant �tait simple, avec un bel air
    d'aisance (page 218). (Photographie de M. A. N. de Koulomzine) 222

  Les gendarmes qui assurent la police des gares du Transsib�rien.
    (Photographie de M. Thi�beaux.)                                223

  L'�glise, pr�s de la gare de Tch�liabinsk, ne diff�re des isbas
    neuves que par son clocheton (page 225). (Photographie extraite
    du �Guide du Transsib�rien�.)                                  224

  Un train de constructeurs �tait remis� l�, avec son wagon-chapelle
    (page 225). (Photographie de M. A. N. de Koulomzine.)          225

  Vue De Stretensk: la gare est sur la rive gauche, la ville sur
    la rive droite. (Photographie de M. A. N. de Koulomzine.)      226

  Un point d'�migration (page 228). (Photographie de M. A. N. de
    Koulomzine.)                                                   227

  Enfants d'�migrants (page 228). (D'apr�s une photographie de M.
    Thi�beaux.)                                                    228

  Un petit march� dans une gare du Transsib�rien. (Photographie de
    M. Legras.)                                                    229

  La cloche luisait, immobile, sous un petit toit isol� (page 230).
    (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)                    229

  Nous sommes pass�s pr�s d'une �glise � clochetons verts (page 230).
    (Photographie de M. Thi�beaux.)                                230

  Tomsk a group� dans la vall�e ses maisons grises et ses toits
    verts (page 230). (Photographie de M. Brocherel.)              231

  Apr�s la d�b�cle de la Tome, pr�s de Tomsk (page 230). (D'apr�s
    une photographie de M. Legras.)                                232

  Le chef de police demande quelques explications sur les passeports
    (page 232). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        233

  La cath�drale de la Trinit� � Tomsk (page 238). (Photographie
    extraite du �Guide du Transsib�rien�.)                         234

  Tomsk: en revenant de l'�glise (page 234). (D'apr�s une
    photographie de M. Thi�beaux.)                                 235

  Tomsk n'�tait encore qu'un campement, sur la route de l'�migration
    (page 231). (D'apr�s une photographie.)                        236

  Une rue de Tomsk, d�finie seulement par les maisons qui la bordent
    (page 231). (Photographie de M. Brocherel.)                    237

  Les cliniques de l'Universit� de Tomsk (page 238). (Photographie
    extraite du �Guide du Transsib�rien�.)                         238

  Les longs b�timents blancs o� s'abrite l'Universit� (page 237).
    (Photographie extraite du �Guide du Transsib�rien�.)           239

  La voiture de l'ic�ne stationnait parfois (page 230). (D'apr�s une
    photographie de M. Thi�beaux.)                                 240

  Fl�neurs � la gare de Petropavlosk (page 242). (D'apr�s une
    photographie de M. Legras.)                                    241

  Dans les vall�es de l'Oural, habitent encore des Bachkirs
    (page 245). (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)        241

  Un taillis de bouleaux entourait une petite mare. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 242

  Les rivi�res roulaient une eau claire (page 244). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 243

  La ligne suit la vall�e des rivi�res (page 243). (D'apr�s une
    photographie de M. Thi�beaux.)                                 244

  Comme toute l'activit� commerciale semble fr�le en face des eaux
    puissantes de la Volga! (page 248.) (D'apr�s une photographie
    de M. G. Cahen.)                                               245

  Bachkirs sculpteurs. (D'apr�s une photographie de M. Paul
    Labb�.)                                                        246

  � la gare de Tch�liabinsk, toujours des �migrants (page 242).
    (D'apr�s une photographie de M. J. Legras.)                    247

  Une bonne d'enfants, avec son costume traditionnel (page 251).
    (D'apr�s une photographie de M. G. Cahen.)                     248

  Joie na�ve de vivre, et m�lancolie.--un petit march� du sud
    (page 250). (D'apr�s une photographie de M. G. Cahen.)         249

  Un russe dans son v�tement d'hiver (page 249). (D'apr�s une
    photographie de M. G. Cahen.)                                  250

  Dans tous les villages russes, une activit� humble, pauvre de
    moyens.--Marchands de poteries (page 248). (D'apr�s une
    photographie de M. G. Cahen.)                                  251

  L�, au passage, un Kirghize sur son petit cheval (page 242).
    (D'apr�s une photographie de M. Thi�beaux.)         252


LUGANO, LA VILLE DES FRESQUES

Par _M. GERSPACH_


  Lugano: les quais offrent aux touristes une merveilleuse
    promenade. (Photographie Alinari.)                             253

  Porte de la cath�drale Saint-Laurent de Lugano (page 256).
    (Photographie Alinari.)                                        253

  Le lac de Lugano dont les deux bras enserrent le promontoire de
    San Salvatore. (D'apr�s une photographie.)                     254

  La ville de Lugano descend en amphith��tre jusqu'aux rives de son
    lac. (Photographie Alinari.)                                   255

  Lugano: faubourg de Castagnola. (D'apr�s une photographie.)      256

  La cath�drale de Saint-Laurent: sa fa�ade est d�cor�e de figures
    de proph�tes et de m�daillons d'ap�tres (page 256).
    (Photographie Alinari.)                                        257

  Saint-Roch: d�tail de la fresque de Luini � Sainte-Marie-des-Anges
    (Photographie Alinari.)                                        258

  La passion: fresque de Luini � l'�glise Sainte-Marie-des-Anges
    (page 260). (Photographie Alinari)                             259

  Saint S�bastien: d�tail de la grande fresque de Luini �
    Sainte-Marie-des-Anges. (Photographie Alinari.)                260

  La madone, l'enfant J�sus et Saint Jean, par Luini, �glise
    Sainte-Marie-des-Anges (page 260). (Photographie Alinari.)     261

  La Sc�ne: fresque de Luini � l'�glise Sainte-Marie-des-Anges
    (page 260).                                                    262

  Lugano: le quai et le faubourg Paradiso.
    (Photographie Alinari.)                                        263

  Lac de Lugano: viaduc du chemin de fer du Saint-Gothard.
    (D'apr�s une photographie.)                                    264


SHANGHA�, LA M�TROPOLE CHINOISE

Par _M. �MILE DESCHAMPS_


  Les quais sont anim�s par la population grouillante des Chinois
    (page 266). (D'apr�s une photographie.)                        265

  Acteurs du th��tre chinois. (D'apr�s une photographie.)          265

  Plan de Shangha�.                                                266

  Shangha� est sillonn�e de canaux qui, � mar�e basse, montrent
    une boue noire et mal odorante. (Photographie de Mlle H�l�ne
    de Harven.)                                                    267

  Panorama de Shangha�. (D'apr�s une photographie.)                268

  Dans la ville chinoise, les �camelots� sont nombreux, qui d�bitent
    en plein vent des marchandises ou des l�gendes extraordinaires.
    (D'apr�s une photographie.)                                    269

  Le poste de l'Ouest, un des quatre postes o� s'abrite la milice
    de la Concession fran�aise (page 272). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 270

  La population ordinaire qui grouille dans les rues de la ville
    chinoise de Shangha� (page 268).                               271

  Les coolies conducteurs de brouettes attendent nonchalamment
    l'arriv�e du client (page 266). (Photographies de Mlle H. de
    Harven.)                                                       271

  Une maison de th� dans la cit� chinoise. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 272

  Les brouettes, qui transportent marchandises ou indig�nes, ne
    peuvent circuler que dans les larges avenues des concessions
    (page 270). (D'apr�s une photographie.)                        273

  La prison de Shangha� se pr�sente sous l'aspect d'une grande cage,
    � forts barreaux de fer. (D'apr�s une photographie.)           274

  Le parvis des temples dans la cit� est toujours un lieu de
    r�union tr�s fr�quent�. (D'apr�s une photographie.)            275

  Les murs de la cit� chinoise, du c�t� de la Concession fran�aise.
    (D'apr�s une photographie.)                                    276

  La navigation des sampans sur le Ouang-P�. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 277

  Aiguille de la pagode de Long-Hoa. (D'apr�s une photographie.)   277

  Rickshaws et brouettes sillonnent les ponts du Yang King-Pang.
    (D'apr�s une photographie.)                                    278

  Dans Broadway, les boutiques alternent avec des magasins de belle
    apparence (page 282).                                          279

  Les jeunes Chinois fl�nent au soleil dans leur Cit�.
    (Photographies de Mlle H. de Harven.)                          279

  Sur les quais du Yang-King-Pang s'�l�vent des b�timents, banques
    ou clubs, qui n'ont rien de chinois. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 280

  Le quai de la Concession fran�aise pr�sente, � toute heure du
    jour, la plus grande animation. (D'apr�s une photographie.)    281

  Hong-Hoa: pavillon qui surmonte l'entr�e de la pagode. (D'apr�s
    une photographie.)                                             282

  �L'omnibus du pauvre� (wheel-barrow ou brouette) fait du deux �
    l'heure et co�te quelques centimes seulement. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 283

  Une station de brouettes sur le Yang-King-Pang. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 284

  Les barques s'entre-croisent et se choquent devant le quai
    chinois de Tou-Ka-Dou. (D'apr�s une photographie.)             285

  Chinoises de Shangha�. (D'apr�s une photographie.)               286

  Village chinois aux environs de Shangha�. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 287

  Le charnier des enfants trouv�s (page 280). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 288


L'�DUCATION DES N�GRES AUX �TATS-UNIS

Par _M. BARGY_


  L'�cole maternelle de Hampton accueille et occupe les n�grillons
    des deux sexes. (D'apr�s une photographie.)                    289

  Institut Hampton: cours de travail manuel. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 289

  Booker T. Washington, le leader de l'�ducation des n�gres aux
    �tats-Unis, fondateur de l'�cole de Tuskegee, en costume
    universitaire. (D'apr�s une photographie.)                     290

  Institut Hampton: le cours de ma�onnerie. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 291

  Institut Hampton: le cours de laiterie. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 292

  Institut Hampton: le cours d'�lectricit�. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 293

  Institut Hampton: le cours de menuiserie. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 294

  Le salut au drapeau ex�cut� par les n�grillons de l'Institut
    Hampton. (D'apr�s une photographie.)                           295

  Institut Hampton: le cours de chimie. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 296

  Le basket ball dans les jardins de l'Institut Hampton. (D'apr�s
    une photographie.)                                             297

  Institut Hampton: le cours de cosmographie. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 298

  Institut Hampton: le cours de botanique. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 299

  Institut Hampton: le cours de m�canique. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 300


� TRAVERS LA PERSE ORIENTALE

Par _le Major PERCY MOLESWORTH SYKES_

_Consul g�n�ral de S. M. Britannique au Khorassan._


  Une foule curieuse nous attendait sur les places de Mechhed.
    (D'apr�s une photographie.)                                    301

  Un poney persan et sa charge ordinaire. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 301

  Le plateau de l'Iran. Carte pour suivre le voyage de l'auteur,
    d'Astrabad � Kirman.                                           302

  Les femmes persanes s'enveloppent la t�te et le corps d'amples
    �toffes. (D'apr�s une photographie.)                           303

  Paysage du Khorassan: un sol rocailleux et ravag�, une rivi�re
    presque � sec; au fond, des constructions � l'aspect de fortins.
    (D'apr�s une photographie.)                                    304

  Le sanctuaire de Mechhed est parmi les plus riches et les plus
    visit�s de l'Asie. (D'apr�s une photographie.)                 305

  La cour principale du sanctuaire de Mechhed. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 306

  Enfants nomades de la Perse orientale. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 307

  Jeunes filles kurdes des bords de la mer Caspienne. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 308

  Les pr�paratifs d'un campement dans le d�sert de Lout. (D'apr�s
    une photographie.)                                             309

  Le d�sert de Lout n'est surpass�, en aridit�, par aucun autre de
    l'Asie. (D'apr�s une photographie.)                            310

  Avant d'arriver � Kirman, nous avions � traverser la cha�ne de
    Kouhpaia. (D'apr�s une photographie.)                          311

  Rien n'�gale la d�solation du d�sert de Lout. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 312

  La communaut� Zoroastrienne de Kirman vint, en chemin, nous
    souhaiter la bienvenue. (D'apr�s une photographie.)            313

  Un marchand de Kirman. (D'apr�s une photographie.)               313

  Le �d�me de Djabalia�, ruine des environs de Kirman, ancien
    sanctuaire ou ancien tombeau. (D'apr�s une photographie.)      314

  � Kirman: le jardin qui est lou� par le Consulat, se trouve � un
    mille au del� des remparts. (D'apr�s une photographie.)        315

  Une avenue dans la partie ouest de Kirman. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 316

  Les gardes indig�nes du Consulat anglais de Kirman. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 317

  La plus ancienne mosqu�e de Kirman est celle dite Masdjid-i-Malik.
   (D'apr�s une photographie.)                                     318

  Membres des cheikhis, secte qui en compte 7 000 dans la province
    de Kirman. (D'apr�s une photographie.)                         319

  La Masdjid Djami, construite en 1349, une des quatre-vingt-dix
    mosqu�es de Kirman. (D'apr�s une photographie.)                320

  Dans la partie ouest de Kirman se trouve le Bagh-i-Zirisf,
    terrain de plaisance occup� par des jardins. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 321

  Les environs de Kirman comptent quelques maisons de th�. (D'apr�s
    une photographie.)                                             322

  Une �tour de la mort�, o� les Zoroastriens exposent les cadavres.
    (D'apr�s une photographie.)                                    323

  Le fort dit Kala-i-Dukhtar ou fort de la Vierge, aux portes de
    Kirman. (D'apr�s une photographie.)                            324

  Le �Farma Farma�. (D'apr�s une photographie.)                    325

  Indig�nes du bourg d'Aptar, Baloutchistan. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 325

  Carte du Makran.                                                 326

  Baloutches de Pip, village de deux cents maisons group�es autour
    d'un fort. (D'apr�s une photographie.)                         327

  Des forts abandonn�s rappellent l'ancienne puissance du
    Baloutchistan. (D'apr�s une photographie.)                     328

  Chameliers brahmanes du Baloutchistan. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 329

  La passe de Fanoch, faisant communiquer la vall�e du m�me nom et
    la vall�e de Lachar. (D'apr�s une photographie.)               330

  Musiciens ambulants du Baloutchistan. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 331

  Une halte dans les montagnes du Makran. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 332

  Baloutches du district de Sarhad. (D'apr�s une photographie.)    333

  Un fortin sur les fronti�res du Baloutchistan. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 334

  Dans les montagnes du Makran: � des collines d'argile succ�dent
    de rugueuses cha�nes calcaires. (D'apr�s une photographie.)    335

  Bureau du t�l�graphe sur la c�te du Makran. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 336

  L'oasis de Djalsk, qui s'�tend sur 10 kilom�tres carr�s, est
    remplie de palmiers-dattiers, et compte huit villages.
    (D'apr�s une photographie.)                                    337

  Femme Parsi du Baloutchistan. (D'apr�s une photographie.)        337

  Carte pour suivre les d�limitations de la fronti�re
    perso-baloutche.                                               338

  Nous camp�mes � Fahradj, sur la route de Kouak, dans une
    palmeraie. (D'apr�s une photographie.)                         339

  C'est � Kouak que les commissaires anglais et persans s'�taient
    donn� rendez-vous. (D'apr�s une photographie.)                 340

  Le sanctuaire de Mahoun, notre premi�re �tape sur la route de
    Kouak. (D'apr�s une photographie.)                             341

  Cour int�rieure du sanctuaire de Mahoun. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 342

  Le khan de K�lat et sa cour. (D'apr�s une photographie.)         343

  Jardins du sanctuaire de Mahoun. (D'apr�s une photographie.)     344

  Dans la vall�e de Kalagan, pr�s de l'oasis de Djalsk. (D'apr�s
    une photographie.)                                             345

  Oasis de Djalsk: Des �difices en briques abritent les tombes
    d'une race de chefs disparue. (D'apr�s une photographie.)      346

  Indig�nes de l'oasis de Pandjgour, � l'est de Kouak. (D'apr�s
    une photographie.)                                             347

  Camp de la commission de d�limitation sur la fronti�re
    perso-baloutche. (D'apr�s une photographie.)                   348

  Campement de la commission des fronti�res perso-baloutches.
    (D'apr�s une photographie.)                                    349

  Parsi de Yezd. (D'apr�s une photographie.)                       349

  Une s�ance d'arpentage dans le Seistan. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 350

  Les commissaires persans de la d�limitation des fronti�res
    perso-baloutches. (D'apr�s une photographie.)                  351

  Le delta du Helmand.                                             352

  Sculptures sassanides de Pers�polis. (D'apr�s une photographie.) 352

  Un gouverneur persan et son �tat-major. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 353

  La passe de Buzi. (D'apr�s une photographie.)                    354

  Le Gypsies du sud-est persan.                                    355

  Sur la lagune du Helmand. (D'apr�s une photographie.)            356

  Couple baloutche. (D'apr�s une photographie.)                    357

  Vue de Yezd, par o� nous pass�mes pour rentrer � Kirman. (D'apr�s
    une photographie.)                                             358

  La colonne de Nadir s'�l�ve comme un phare dans le d�sert.
    (D'apr�s une photographie.)                                    359

  Mosqu�e de Yezd. (D'apr�s une photographie.)                     360


AUX RUINES D'ANGKOR

Par _M. le Vicomte De MIRAMON-FARGUES_


  Entre le sanctuaire et la seconde enceinte qui abrite sous ses
    vo�tes un peuple de divinit�s de pierre.... (D'apr�s une
    photographie.)                                                 361

  Embl�me d�coratif (art khmer). (D'apr�s une photographie.)       361

  Porte d'entr�e de la cit� royale d'Angkor-Tom, dans la for�t.
    (D'apr�s une photographie.)                                    362

  Ce grand village, c'est Siem-R�ap, capitale de la province.
    (D'apr�s une photographie)                                     363

  Une chauss�e de pierre s'avance au milieu des �tangs. (D'apr�s
    une photographie.)                                             364

  Par des escaliers invraisemblablement raides, on gravit la
    montagne sacr�e. (D'apr�s une photographie.)                   365

  Colonnades et galeries couvertes de bas-reliefs. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 366

  La plus grande des deux enceintes mesure 2 kilom�tres de tour;
    c'est un long clo�tre. (D'apr�s une photographie.)             367

  Trois d�mes h�rissent superbement la masse formidable du temple
    d'Angkor-Wat. (D'apr�s une photographie.)                      367

  Bas-relief du temple d'Angkor. (D'apr�s une photographie.)       368

  La for�t a envahi le second �tage d'un palais khmer. (D'apr�s
    une photographie.)                                             369

  Le gouverneur r�quisitionne pour nous des charrettes � boeufs.
    (D'apr�s une photographie.)                                    370

  La jonque du deuxi�me roi, qui a, l'an dernier, succ�d� � Norodom.
    (D'apr�s une photographie.)                                    371

  Le palais du roi, � Oudong-la-Superbe. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 371

  Sculptures de l'art khmer. (D'apr�s une photographie.)           372


EN ROUMANIE

Par _M. Th. HEBBELYNCK_


  La petite ville de Petrozeny n'est gu�re originale; elle a, de
    plus, un aspect malpropre. (D'apr�s une photographie.)         373

  Paysan des environs de Petrozeny et son fils. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 373

  Carte de Roumanie pour suivre l'itin�raire de l'auteur.          374

  Vendeuses au march� de Targu-Jiul. (D'apr�s une photographie.)   375

  La nouvelle route de Valachie traverse les Carpathes et aboutit
    � Targu-Jiul. (D'apr�s une photographie.)                      376

  C'est aux environs d'Arad que pour la premi�re fois nous voyons
    des buffles domestiques. (D'apr�s une photographie.)           377

  Montagnard roumain endimanch�. (Clich� Anerlich.)                378

  Derri�re une haie de bois blanc s'�l�ve l'habitation modeste.
    (D'apr�s une photographie.)                                    379

  Nous croisons des paysans roumains. (D'apr�s une photographie.)  379

  Costume national de gala, roumain. (Clich� Cavallar.)            380

  Dans les vicissitudes de leur triste existence, les tziganes ont
    conserv� leur type et leurs moeurs. (Photographie Anerlich.)   381

  Un rencontre pr�s de Padavag d'immenses troupeaux de boeufs.
    (D'apr�s une photographie.)                                    382

  Les femmes de Targu-Jiul ont des traits rudes et s�v�res, sous
    le linge blanc. (D'apr�s une photographie.)                    383

  En Roumanie, on ne voyage qu'en victoria. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 384

  Dans la vall�e de l'Olt, les �castrinza� des femmes sont
    d�cor�es de paillettes multicolores.                           385

  Dans le village de Slanic. (D'apr�s une photographie.)           385

  Roumaine du d�fil� de la Tour-Rouge. (D'apr�s une photographie.) 386

  La petite ville d'Horezu est charmante et anim�e. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 387

  La perle de Curtea, c'est cette superbe �glise blanche,
    scintillante sous ses coupoles dor�es. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 388

  Une ferme pr�s du monast�re de Bistritza. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 389

  Entr�e de l'�glise de Curtea. (D'apr�s une photographie.)        390

  Les religieuses du monast�re d'Horezu portent le m�me costume
    que les moines. (D'apr�s une photographie.)                    391

  Devant l'entr�e de l'�glise se dresse le baptist�re de Curtea.
    (D'apr�s une photographie.)                                    392

  Au march� de Campolung. (D'apr�s une photographie.)              393

  L'excursion du d�fil� de Dimboviciora est le compl�ment oblig�
    d'un s�jour � Campolung. (D'apr�s une photographie.)           394

  Dans le d�fil� de Dimboviciora. (D'apr�s des photographies.)     395

  Dans les jardins du monast�re de Curtea.                         396

  Sina�a: le ch�teau royal, Castel Pel�s, sur la montagne du m�me
    nom. (D'apr�s une photographie.)                               397

  Un enfant des Carpathes. (D'apr�s une photographie.)             397

  Une fabrique de ciment groupe autour d'elle le village de Campina.
    (D'apr�s une photographie.)                                    398

  Vue int�rieure des mines de sel de Slanic. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 399

  Entre Campina et Sina�a la route de voiture est des plus
    po�tiques. (D'apr�s une photographie.)                         400

  Un coin de Campina. (D'apr�s une photographie.)                  401

  Les villas de Sina�a. (D'apr�s une photographie.)                402

  Vues de Bucarest: le boulevard Coltei. -- L'�glise du Spiritou
    Nou. -- Les constructions nouvelles du boulevard Coltei. --
    L'�glise m�tropolitaine.--L'Universit�.--Le palais Stourdza.
    -- Un vieux couvent. -- (D'apr�s des photographies.)           403

  Le monast�re de Sina�a se dresse derri�re les villas et les
    h�tels de la ville. (D'apr�s une photographie.)                404

  Une des deux cours int�rieures du monast�re de Sina�a. (D'apr�s
    une photographie.)                                             405

  Une demeure princi�re de Sina�a. (D'apr�s une photographie.)     406

  Busteni (les villas, l'�glise), but d'excursion pour les habitants
    de Sina�a. (D'apr�s une photographie.)                         407

  Slanic: un wagon de sel. (D'apr�s une photographie.)             408


CROQUIS HOLLANDAIS

Par _M. Lud. GEORGES HAM�N_

_Photographies de l'auteur._


  � la kermesse.                                                   409

  Ces anciens, pour la plupart, ont une maigreur de bon aloi.      409

  Des �boerin� bien prises en leurs justins marchent en roulant,
    un joug sur les �paules.                                       410

  Par intervalles une femme sort avec des seaux; elle lave sa
    demeure de haut en bas.                                        410

  Emplettes familiales.                                            411

  Les m�nag�res sont l�, �galement calmes, lentes, avec leurs
    grosses jupes.                                                 411

  Jeune m�tay�re de Middelburg.                                    412

  Middelburg: le faubourg qui prend le chemin du march� conduit
    � un pont.                                                     412

  Une m�re, songeuse, promenait son petit gar�on.                  413

  Une famille hollandaise au march� de Middelburg.                 414

  Le march� de Middelburg: consid�rations sur la grosseur des
    betteraves.                                                    415

  Des groupes d'anciens en culottes courtes, chapeaux marmites.    416

  Un septuag�naire appuy� sur son petit-fils me sourit
    bonassement.                                                   417

  Roux en le d�cor roux, l'�clusier fumait sa pipe.                417

  Le village de Zoutelande.                                        418

  Les grandes voitures en forme de nacelle, recouvertes de b�ches
    blanches.                                                      419

  Aussi comme on l'aime, ce home.                                  420

  Les filles de l'h�telier de Wemeldingen.                         421

  Il se campe pr�s de son cheval.                                  421

  Je rencontre � l'or�e du village un couple minuscule.            422

  La campagne hollandaise.                                         423

  Environs de Westkapelle: deux femmes reviennent du �molen�.      423

  Par tous les sentiers, des marmots se juch�rent.                 424

  Le p�re Kick symbolisait les g�n�rations des N�erlandais
    d�funts.                                                       425

  Wemeldingen: un moulin colossal domine les digues.               426

  L'une entonna une chanson.                                       427

  Les moutons broutent avec ardeur le long des canaux.             428

  Famille hollandaise en voyage.                                   429

  Ah! les moulins; leur nombre d�route l'esprit.                   429

  Les chariots enfonc�s dans les champs mar�cageux sont enlev�s
    par de forts chevaux.                                          430

  La digue de Westkapelle.                                         431

  Les �cluses ouvertes.                                            432

  Les petits gar�ons r�dent par bandes, � grand bruit de sabots
    sonores....                                                    433

  Jeune m�re � Marken.                                             433

  Volendam, sur les bords du Zuiderzee, est le rendez-vous des
    peintres de tous les pays.                                     434

  Avec leurs figures rondes, �panouies de contentement, les petites
    filles de Volendam font plaisir � voir.                        435

  Aux jours de lessive, les linges multicolores flottent partout.  436

  Les jeunes filles de Volendam sont coiff�es du casque en dentelle,
    � forme de �salade� renvers�e.                                 437

  Deux p�cheurs accroupis au soleil, � Volendam.                   438

  Une lessive consciencieuse.                                      439

  Il y a des couples d'enfants ravissants, d'un type expressif.    440

  Les femmes de Volendam sont moins claquemur�es en leur logis.    441

  V�tu d'un pantalon d�mesur�, le p�cheur de Volendam a une allure
    personnelle.                                                   442

  Un commencement d'idylle � Marken.                               443

  Les petites filles sont charmantes.                              444


ABYDOS

dans les temps anciens et dans les temps modernes

Par _M. E. AMELINEAU_


  Le lac sacr� d'Osiris, situ� au sud-est de son temple, qui a �t�
    d�truit. (D'apr�s une photographie.)                           445

  S�ti Ier pr�sentant des offrandes de pain, l�gumes, etc. (D'apr�s
    une photographie.)                                             445

  Une rue d'Abydos. (D'apr�s une photographie.)                    446

  Maison d'Abydos habit�e par l'auteur, pendant les trois premi�res
    ann�es. (D'apr�s une photographie.)                            447

  Le pr�tre-roi rendant hommage � S�ti Ier (chambre annexe de la
    deuxi�me salle d'Osiris). (D'apr�s une photographie.)          448

  Thot pr�sentant le signe de la vie aux narines du roi S�ti Ier
    (chambre annexe de la deuxi�me salle d'Osiris). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 449

  Le dieu Thot purifiant le roi S�ti Ier (chambre annexe de la
    deuxi�me salle d'Osiris, mur sud). (D'apr�s une photographie.) 450

  Vue int�rieure du temple de Rams�s II. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 451

  Perspective de la seconde salle hypostyle du temple de S�ti Ier.
    (D'apr�s une photographie.)                                    451

  Temple de S�ti Ier, mur est, pris du mur nord. Salle due �
    Rams�s II. (D'apr�s une photographie.)                         452

  Temple de S�ti Ier, mur est, montrant des sc�nes diverses du
    culte. (D'apr�s une photographie.)                             453

  Table des rois S�ti Ier et Rams�s II, faisant des offrandes aux
    rois leurs pr�d�cesseurs. (D'apr�s une photographie.)          454

  Vue g�n�rale du temple de S�ti Ier, prise de l'entr�e. (D'apr�s
    une photographie.)                                             455

  Procession des victimes amen�es au sacrifice (temple de
    Rams�s II). (D'apr�s une photographie.)                        456


VOYAGE DU PRINCE SCIPION BORGH�SE AUX MONTS C�LESTES

Par _M. JULES BROCHEREL_


  Le bazar de Tackhent s'�tale dans un quartier vieux et f�tide.
    (D'apr�s une photographie.)                                    457

  Un Kozaque de Djarghess. (D'apr�s une photographie.)             457

  Itin�raire de Tachkent � Prjevalsk.                              458

  Les marchands de pain de Prjevalsk. (D'apr�s une photographie.)  459

  Un des trente-deux quartiers du bazar de Tachkent. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 460

  Un contrefort montagneux borde la rive droite du �tchou�.
    (D'apr�s une photographie.)                                    461

  Le bazar de Prjevalsk, principale �tape des caravaniers de
    Viernyi et de Kachgar. (D'apr�s une photographie.)             462

  Couple russe de Prjevalsk. (D'apr�s une photographie.)           463

  Arriv�e d'une caravane � Prjevalsk. (D'apr�s une photographie.)  464

  Le chef des Kirghizes et sa petite famille. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 465

  Notre djighite, sorte de garde et de policier. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 466

  Le monument de Prjevalsky, � Prjevalsk. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 467

  Des t�tes humaines, grossi�rement sculpt�es, monuments fun�raires
    des Nestoriens... (D'apr�s une photographie.)                  467

  Enfants kozaques sur des boeufs. (D'apr�s une photographie.)     468

  Un de nos campements dans la montagne. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 469

  Mont�e du col de Tomghent. (D'apr�s une photographie.)           469

  Dans la vall�e de Kizil-Tao. (D'apr�s une photographie.)         470

  Itin�raire du voyage aux Monts C�lestes.                         470

  La carabine de Zurbriggen intriguait fort les indig�nes. (D'apr�s
    une photographie.)                                             471

  Au sud du col s'�levait une blanche pyramide de glace. (D'apr�s
    une photographie.)                                             472

  La vall�e de Kizil-Tao. (D'apr�s une photographie.)              473

  Le col de Karaguer, vall�e de Tomghent. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 474

  Sur le col de Tomghent. (D'apr�s une photographie.)              475

  J'�tais enchant� des aptitudes alpinistes de nos coursiers.
    (D'apr�s une photographie.)                                    475

  Le plateau de Saridjass, peu tourment�, est pourvu d'une herbe
    suffisante pour les chevaux. (D'apr�s une photographie.)       476

  Nous passons � gu� le Kizil-Sou. (D'apr�s des photographies.)    477

  Panorama du massif du Khan-Tengri. (D'apr�s une photographie.)   478

  Entr�e de la vall�e de Kachkateur. (D'apr�s une photographie.)   479

  Nous baptis�mes Kachkateur-Tao, la pointe de 4 250 m�tres que
    nous avions escalad�e. (D'apr�s une photographie.)             479

  La vall�e de Tomghent. (D'apr�s une photographie.)               480

  Des Kirghizes d'Oustchiar �taient venus � notre rencontre.
    (D'apr�s une photographie.)                                    481

  Kirghize joueur de fl�te. (D'apr�s une photographie.)            481

  Le massif du Kizil-Tao. (D'apr�s une photographie.)              482

  R�gion des Monts C�lestes.                                       482

  Les Kirghizes m�nent au village une vie peu occup�e. (D'apr�s
    une photographie.)                                             483

  Notre petite troupe s'aventure audacieusement sur la pente
    glac�e. (D'apr�s une photographie.)                            484

  Vall�e sup�rieure d'Inghiltchik. (D'apr�s une photographie.)     485

  Vall�e de Kaende: l'eau d'un lac s'�coulait au milieu d'une
    prairie �maill�e de fleurs. (D'apr�s une photographie.)        486

  Les femmes kirghizes d'Oustchiar se rang�rent, avec leurs
    enfants, sur notre passage. (D'apr�s une photographie.)        487

  Le chirta� de Kaende. (D'apr�s une photographie.)                488

  Nous salu�mes la vall�e de Kaende comme un coin de la terre des
    Alpes. (D'apr�s une photographie.)                             489

  Femmes mari�es de la vall�e de Kaende, avec leur prog�niture.
    (D'apr�s une photographie.)                                    490

  L'�l�ment m�le de la colonie vint tout l'apr�s-midi voisiner
    dans notre campement. (D'apr�s une photographie.)              491

  Un �aoul� kirghize.                                              492

  Yeux brid�s, pommettes saillantes, nez �pat�, les femmes de
    Kaende sont de vilaines Kirghizes. (D'apr�s une photographie.) 493

  Enfant kirghize. (D'apr�s une photographie.)                     493

  Kirghize dressant un aigle. (D'apr�s une photographie.)          494

  Itin�raire du voyage aux Monts C�lestes.                         494

  Nous rencontr�mes sur la route d'Oustchiar un berger et son
    troupeau. (D'apr�s une photographie.)                          495

  Je photographiai les Kirghizes de Kaende, qui s'�taient, pour
    nous recevoir, assembl�s sur une �minence. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 496

  Le glacier de Kaende. (D'apr�s une photographie.)                497

  L'aiguille d'Oustchiar vue de Kaende.                            498

  Notre cabane au pied de l'aiguille d'Oustchiar. (D'apr�s des
    photographies.)                                                498

  Kirghizes de Kaende. (D'apr�s une photographie.)                 499

  Le pic de Kaende s'�l�ve � 6 000 m�tres. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 500

  La fille du chirta� (chef) de Kaende, fianc�e au kaltch� de la
    vall�e d'Irtach. (D'apr�s une photographie.)                   501

  Le kaltch� (chef) de la vall�e d'Irtach, l'heureux fianc� de
    la fille du chirta� de Kaende. (D'apr�s une photographie.)     502

  Le glacier de Kaende.                                            503

  Cheval kirghize au repos sur les flancs du Kaende. (D'apr�s
    des photographies.)                                            503

  Retour des champs. (D'apr�s une photographie.)                   504

  Femmes kirghizes de la vall�e d'Irtach. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 505

  Un chef de district dans la vall�e d'Irtach. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 505

  Le pic du Kara-tach, vu d'Irtach, prend vaguement l'aspect d'une
    pyramide. (D'apr�s une photographie.)                          506

  Les caravaniers passent leur vie dans les Monts C�lestes,
    emmenant leur famille avec leurs marchandises. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 507

  La vall�e de Zououka, par o� transitent les caravaniers de Viernyi
    � Kachgar. (D'apr�s une photographie.)                         508

  Le massif du Djoukoutchiak; au pied, le dangereux col du m�me nom,
    fr�quent� par les nomades qui se rendent � Prjevalsk. (D'apr�s
    une photographie.)                                             509

  Le chaos des pics dans le Kara-Tao. (D'apr�s une photographie.)  510

  �talon kirghize de la vall�e d'Irtach et son cavalier. (D'apr�s
    une photographie.)                                             511

  V�hicule kirghize employ� dans la vall�e d'Irtach. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 511

  Les roches pliss�es des environs de Slifkina, sur la route de
    Prjevalsk. (D'apr�s une photographie.)                         512

  Campement kirghize, pr�s de Slifkina. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 513

  Femme kirghize tannant une peau. (D'apr�s une photographie.)     514

  Les glaciers du Djoukoutchiak-Tao. (D'apr�s une photographie.)   515

  Tombeau kirghize. (D'apr�s une photographie.)                    516


L'ARCHIPEL DES FERO�

Par _Mlle ANNA SEE_


  �L'espoir des Fero� se rendant � l'�cole. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 517

  Les enfants transportent la tourbe dans des hottes en bois.
    (D'apr�s une photographie.)                                    517

  Thorshavn apparut, construite en amphith��tre au fond d'un petit
    golfe.                                                         518

  Les fermiers de Kirkeboe en habits de f�te. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 519

  Les poneys fero�ens et leurs caisses � transporter la tourbe.
    (D'apr�s une photographie.)                                    520

  Les d�nicheurs d'oiseaux se suspendent � des cordes arm�es d'un
    crampon. (D'apr�s une photographie.)                           521

  Des �lots isol�s, des falaises de basalte ruin�es par le heurt
    des vagues. (D'apr�s des photographies.)                       522

  On pousse vers la plage les cadavres des dauphins, qui ont
    environ 6 m�tres. (D'apr�s une photographie.)                  523

  Les femmes fero�ennes pr�parent la laine.... (D'apr�s une
    photographie.)                                                 524

  On sale les morues. (D'apr�s une photographie.)                  525

  Fero�en en costume de travail. (D'apr�s une photographie.)       526

  Les femmes portent une robe en flanelle tiss�e avec la laine
    qu'elles ont card�e et fil�e. (D'apr�s une photographie.)      527

  D�j� m�lancolique!... (D'apr�s une photographie.)                528


PONDICH�RY

chef-lieu de l'Inde fran�aise

Par _M. G. VERSCHUUR_


  Groupe de Brahmanes �lecteurs fran�ais. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 529

  Musicien indien de Pondich�ry. (D'apr�s une photographie.)       529

  Les enfants ont une bonne petite figure et un costume peu
    compliqu�. (D'apr�s une photographie.)                         530

  La visite du march� est toujours une distraction utile pour le
    voyageur. (D'apr�s une photographie.)                          531

  Indienne en costume de f�te. (D'apr�s une photographie.)         532

  Groupe de Brahmanes fran�ais. (D'apr�s une photographie.)        533

  La pagode de Villenour, � quelques kilom�tres de Pondich�ry.
    (D'apr�s une photographie.)                                    534

  Int�rieur de la pagode de Villenour. (D'apr�s une photographie.) 535

  La Fontaine aux Bayad�res. (D'apr�s une photographie.)           536

  Plusieurs rues de Pondich�ry sont larges et bien b�ties.
    (D'apr�s une photographie.)                                    537

  �tang de la pagode de Villenour. (D'apr�s une photographie.)     538

  Brahmanes fran�ais attendant la client�le dans un bazar.
    (D'apr�s une photographie.)                                    539

  La statue de Dupleix � Pondich�ry. (D'apr�s une photographie.)   540


UNE PEUPLADE MALGACHE

LES TANALA DE L'IKONGO

Par _M. le Lieutenant ARDANT DU PICQ_


  Les populations souhaitent la bienvenue � l'�tranger. (D'apr�s
    une photographie.)                                             541

  Femme d'Ankarimbelo. (D'apr�s une photographie.)                 541

  Carte du pays des Tanala.                                        542

  Les femmes tanala sont sveltes, �lanc�es. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 543

  Panorama de Fort-Carnot. (D'apr�s une photographie.)             544

  Groupe de Tanala dans la campagne de Milakisihy. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 545

  Un partisan tanala tirant � la cible � Fort-Carnot. (D'apr�s
    une photographie.)                                             546

  Enfants tanala. (D'apr�s une photographie.)                      547

  Les hommes, tous arm�s de la hache. (D'apr�s une photographie.)  548

  Les cercueils sont faits d'un tronc d'arbre creus�, et recouverts
    d'un drap. (D'apr�s une photographie.)                         549

  Le battage du riz. (D'apr�s une photographie.)                   550

  Une halte de partisans dans la for�t. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 551

  Femmes des environs de Fort-Carnot. (D'apr�s une photographie.)  552

  Les Tanala au repos perdent toute leur �l�gance naturelle.
    (D'apr�s une photographie.)                                    553

  Une jeune beaut� tanala. (D'apr�s une photographie.)             553

  Le Tanala, maniant une sagaie, a le geste �l�gant et souple.
    (D'apr�s une photographie.)                                    554

  Le chant du �e manenina�, � Iaborano. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 555

  La rue principale � Sahasinaka. (D'apr�s une photographie.)      556

  La danse est ex�cut�e par des hommes, quelquefois par des femmes.
    (D'apr�s une photographie.)                                    557

  Un danseur botomaro. (D'apr�s une photographie.)                 558

  La danse, chez les Tanala, est expressive au plus haut degr�.
    (D'apr�s des photographies.)                                   559

  Tapant � coups redoubl�s sur un long bambou, les Tanala en tirent
    une musique �trange. (D'apr�s une photographie.)               560

  Femmes tanala tissant un lamba. (D'apr�s une photographie.)      561

  Le village et le fort de Sahasinaka s'�l�vent sur les hauteurs
    qui bordent le Faraony. (D'apr�s une photographie.)            562

  Un d�tachement d'infanterie coloniale traverse le Rienana.
    (D'apr�s une photographie.)                                    563

  Profil et face de femmes tanala. (D'apr�s une photographie.)     564


LA R�GION DU BOU HEDMA

(sud tunisien)

Par _M. Ch. MAUMEN�_


  Les murailles de Sfax, v�ritable d�cor d'op�ra.... (D'apr�s une
    photographie.)                                                 565

  Salem, le domestique arabe de l'auteur. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 565

  Carte de la r�gion du Bou Hedma (sud tunisien).                  566

  Les sources chaudes de l'oued Hadedj sont sulfureuses. (D'apr�s
    une photographie.)                                             567

  L'oued Hadedj, d'aspect si charmant, est un bourbier qui sue la
    fi�vre. (D'apr�s une photographie.)                            568

  Le cirque du Bou Hedma. (D'apr�s une photographie.)              569

  L'oued Hadedj sort d'une �troite crevasse de la montagne.
    (D'apr�s une photographie.)                                    570

  Manoubia est une petite paysanne d'une douzaine d'ann�es.
    (D'apr�s une photographie.)                                    571

  Un puits dans le d�fil� de Touninn. (D'apr�s une photographie.)  571

  Le ksar de Sakket abrite les Ouled bou Saad S�dentaires, qui
    cultivent oliviers et figuiers. (D'apr�s une photographie.)    572

  De temps en temps la for�t de gommiers se r�v�le par un arbre.
    (D'apr�s une photographie.)                                    573

  Le village de Mech; dans l'arri�re-plan, le Bou Hedma. (D'apr�s
    une photographie.)                                             574

  Le Khrangat Touninn (d�file de Touninn), que traverse le chemin
    de Bir Saad � Sakket. (D'apr�s une photographie.)              575

  Le puits de Bordj Saad. (D'apr�s une photographie.)              576


DE TOL�DE � GRENADE

Par _Mme JANE DIEULAFOY_


  Apr�s avoir crois� des boeufs superbes.... (D'apr�s une
    photographie.)                                                 577

  Femme castillane. (D'apr�s une photographie.)                    577

  On chemine � travers l'inextricable r�seau des ruelles
    silencieuses. (D apr�s une photographie.)                      578

  La rue du Commerce, � Tol�de. (D'apr�s une photographie.)        579

  Un repr�sentant de la foule innombrable des mendiants de Tol�de.
    (D'apr�s une photographie.)                                    580

  Dans des rues tortueuses s'ouvrent les entr�es monumentales
    d'anciens palais, tel que celui de la Sainte Hermandad.
    (Photographie Lacoste, � Madrid.)                              581

  Porte du vieux palais de Tol�de. (D'apr�s une photographie.)     582

  Fi�re et isol�e comme un arc de triomphe, s'�l�ve la merveilleuse
    Puerta del Sol. (Photographie Lacoste, � Madrid.)              583

  D�tail de sculpture mudejar dans le Transito. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 584

  Ancienne sinagogue connue sous le nom de Santa Maria la Blanca.
    (Photographie Lacoste, � Madrid.)                              585

  Madril�ne. (D'apr�s une photographie.)                           586

  La porte de Visagra, construction massive remontant � l'�poque
    de Charles Quint. (Photographie Lacoste, � Madrid.)            587

  Tympan mudejar. (D'apr�s une photographie.)                      588

  Des familles d'ouvriers ont �tabli leurs demeures pr�s de
    murailles solides. (D'apr�s une photographie.)                 589

  Castillane et S�villane. (D'apr�s une photographie.)             589

  Isabelle de Portugal, par le Titien (Mus�e du Prado).
    (Photographie Lacoste, � Madrid.)                              590

  Le palais de Pierre le Cruel. (D'apr�s une photographie.)        591

  Statue polychrome du proph�te �lie, dans l'�glise de Santo Tom�
    (auteur inconnu). (D'apr�s une photographie.)                  592

  Porte du palais de Pierre le Cruel. (D'apr�s une photographie.)  593

  Portrait d'homme, par le Greco. (Photographie Hauser y Menet,
    � Madrid.)                                                     594

  La cath�drale de Tol�de.                                         595

  Enterrement du comte d'Orgaz, par le Greco (�glise Santo Tom�).
    (D'apr�s une photographie.)                                    596

  Le couvent de Santo Tom� conserve une tour en forme de minaret.
    (D'apr�s une photographie.)                                    597

  Les �v�ques Mendoza et Xim�n�s. (D'apr�s une photographie.)      598

  Salon de la prieure, au couvent de San Juan de la Penitencia.
    (D'apr�s une photographie.)                                    599

  Prise de Melilla (cath�drale de Tol�de). (D'apr�s une
    photographie.)                                                 600

  C'est dans cette pauvre demeure que v�cut Cervant�s pendant son
    s�jour � Tol�de. (D'apr�s une photographie.)                   601

  Saint Fran�ois d'Assise, par Alonzo Cano, cath�drale de Tol�de.  601

  Porte des Lions. (Photographie Lacoste, � Madrid.)               602

  Le clo�tre de San Juan de los Reyes appara�t comme le morceau le
    plus pr�cieux et le plus fleuri de l'architecture gothique
    espagnole. (Photographie Lacoste, � Madrid.)                   603

  Ornements d'�glise, � Madrid. (D'apr�s une photographie.)        604

  Porte due au ciseau de Berruguete, dans le clo�tre de la
    cath�drale de Tol�de. (Photographie Lacoste, � Madrid.)        605

  Une torea. (D'apr�s une photographie.)                           606

  Vue int�rieure de l'�glise de San Juan de Los Reyes.
    (Photographie Lacoste, � Madrid.)                              607

  Une rue de Tol�de. (D'apr�s une photographie.)                   608

  Porte de l'h�pital de Santa Cruz. (Photographie Lacoste,
    � Madrid.)                                                     609

  Sur les bords du Tage. (Photographie Lacoste, � Madrid.)         610

  Escalier de l'h�pital de Santa Cruz. (D'apr�s une photographie.) 611

  D�tail du plafond de la cath�drale. (D'apr�s une photographie)   612

  Pont Saint-Martin � Tol�de. (D'apr�s une photographie.)          613

  Guitariste castillane. (D'apr�s une photographie.)               613

  La �Casa consistorial�, h�tel de ville. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 614

  Le �patio� des Templiers. (D'apr�s une photographie.)            615

  Jeune femme de Cordoue avec la mantille en chenille l�g�re.
    (D'apr�s une photographie.)                                    616

  Un coin de la Mosqu�e de Cordoue. (Photographie Lacoste,
    � Madrid.)                                                     617

  Chapelle de San Fernando, de style mudejar, �lev�e au
    centre de la Mosqu�e de Cordoue. (D'apr�s une photographie.)   618

  La mosqu�e qui fait la c�l�brit� de Cordoue, avec ses dix-neuf
    galeries hypostyles, orient�es vers la Mecque. (Photographie
    Lacoste, � Madrid.)                                            619

  D�tail de la chapelle de San Fernando. (D'apr�s une
    photographie.)                                                 620

  Vue ext�rieure de la Mosqu�e de Cordoue, avec l'�glise
    catholique �lev�e en 1523, malgr� les protestations des
    Cordouans. (D'apr�s une photographie.)                         621

  Statue de Gonzalve de Cordoue. (D'apr�s une photographie.)       622

  Statue de do�a Maria Manrique, femme de Gonzalve de Cordoue.
    (D'apr�s une photographie.)                                    623

  D�tail d'une porte de la mosqu�e. (D'apr�s une photographie.)    624





End of Project Gutenberg's Le Tour du Monde; Mont C�leste, by Various

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Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
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Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
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business@pglaf.org.  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     gbnewby@pglaf.org


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
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